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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
4A_712/2011 
 
Arrêt du 13 février 2012 
Ire Cour de droit civil 
 
Composition 
Mmes et M. les Juges Klett, présidente, Kolly et Kiss. 
Greffier: M. Carruzzo. 
 
Participants à la procédure 
X.________ SA, représentée par Me Fabio Spirgi, 
recourante, 
 
contre 
 
1. A.________ SA, 
2. B.________ SA, 
3. C.________ SA, 
4. D.________, 
les quatre représentées par Me Philippe Reymond, 
intimées. 
 
Objet 
requête de preuve à futur, 
 
recours en matière civile contre l'arrêt rendu le 
13 octobre 2011 par la Cour d'appel civile du 
Tribunal cantonal du canton de Vaud. 
 
Faits: 
 
A. 
Un différend portant notamment sur la gestion de fonds de placement oppose les sociétés de droit luxembourgeois A.________ SA, B.________ SA et C.________ SA, ainsi que la société de droit tchèque D.________, d'une part, à la société de droit suisse X.________ SA, d'autre part. 
 
Le 6 mai 2011, les quatre premières sociétés citées ont déposé une requête de preuve à futur, au sens de l'art. 158 CPC, à l'encontre de la société suisse aux fins d'obtenir la désignation d'un expert hors procès pour qu'il réponde aux 19 questions formulées dans cette écriture. 
 
L'intimée à la requête a conclu à l'irrecevabilité de celle-ci. 
 
Par ordonnance du 22 septembre 2011, le Juge de paix du district de Nyon, admettant la requête, a désigné un expert et l'a invité à répondre aux questions posées par les requérantes. 
 
B. 
X.________ SA a interjeté appel contre cette ordonnance. Par arrêt du 13 octobre 2011, la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal vaudois a déclaré l'appel irrecevable. Elle a jugé qu'il devrait en aller de même si l'on traitait l'appel comme un recours strico sensu, l'admission de la preuve à futur n'entraînant aucun préjudice irréparable. 
 
C. 
X.________ SA a formé un recours en matière civile en vue d'obtenir l'annulation de l'arrêt cantonal et le renvoi de la cause à la Cour d'appel pour nouvelle décision. 
 
Les intimées concluent principalement à l'irrecevabilité du recours et, subsidiairement, au rejet de celui-ci. 
 
L'effet suspensif a été accordé au recours par ordonnances présidentielles des 20 décembre 2011 et 3 janvier 2012. 
 
Considérant en droit: 
 
1. 
Interjeté par la partie qui a succombé devant la cour cantonale, et qui a donc qualité pour recourir (art. 76 al. 1 LTF), et dirigé contre une décision prise en matière civile (art. 72 al. 1 LTF) dans une affaire pécuniaire dont la valeur atteint le seuil fixé à l'art. 74 al. 1 let. b LTF pour la recevabilité du recours en matière civile, le présent recours, qui a été déposé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) et dans la forme prescrite (art. 42 al. 1 LTF), est recevable sous ces différents aspects. 
 
2. 
2.1 L'arrêt déféré, même s'il met un terme à la procédure de recours cantonale, n'est pas une décision finale, au sens de l'art. 90 LTF, de ce seul fait. Il participe, bien plutôt, de la nature (incidente ou finale) de la décision de première instance (cf. arrêt 5A_276/2010 du 10 août 2010 consid. 1.2 et les précédents cités), en l'occurrence l'ordonnance rendue par le Juge de paix. 
 
Les décisions portant sur l'administration de preuves à futur sont des mesures provisionnelles visées par la loi sur le Tribunal fédéral (cf. art. 98 LTF; ATF 133 III 638 consid. 2 p. 639). Une mesure provisionnelle donne lieu à une décision finale (art. 90 LTF) lorsqu'elle est prononcée dans une procédure indépendante d'une procédure principale et qu'elle y met un terme (ATF 134 I 83 consid. 3.1 p. 86; 133 III 589 consid. 1 p. 590; cf. également ATF 137 III 324 consid. 1.1 p. 327). 
 
La décision rejetant une requête de preuve à futur dans le cadre d'une procédure indépendante met fin à cette procédure; il s'agit d'une décision finale tombant sous le coup de l'art. 90 LTF (arrêt 4A_532/2011 du 31 janvier 2012 consid. 1.2). En revanche, la décision admettant une requête d'expertise dans le cadre d'une procédure indépendante n'est pas une décision finale, mais une décision incidente au sens de l'art. 93 al. 1 LTF, c'est-à-dire une décision incidente notifiée séparément qui ne porte ni sur la compétence ni sur une demande de récusation (arrêt 4A_635/2011 du 10 janvier 2012, destiné à la publication, consid. 1.1). 
 
En l'espèce, l'ordonnance par laquelle le Juge de paix a commis un expert hors procès pour répondre aux questions des requérantes constituait donc une décision incidente. Il en va de même de l'arrêt cantonal, présentement attaqué, qui en partage la nature. 
 
2.2 En vertu de l'art. 93 al. 1 LTF, le recours immédiat contre une décision incidente n'est possible que si cette décision peut causer un préjudice irréparable (let. a) ou si l'admission du recours peut conduire immédiatement à une décision finale permettant d'éviter une procédure probatoire longue et coûteuse (let. b). Le préjudice irréparable dont il est question à l'art. 93 al. 1 let. a LTF doit être de nature juridique et ne pas pouvoir être réparé ultérieurement par une décision finale favorable au recourant. Il appartient au recourant d'expliquer en quoi la décision entreprise remplit les conditions de l'art. 93 LTF, sauf si ce point découle manifestement de la décision attaquée ou de la nature de la cause (ATF 137 III 522 consid. 1.3 et les arrêts cités). 
2.2.1 La Cour d'appel a rendu un arrêt d'irrecevabilité et ne s'est pas prononcée sur le bien-fondé de la décision de première instance. Si le recours pendant était admis par le Tribunal fédéral, il y aurait lieu de renvoyer la cause à la cour cantonale afin qu'elle examine les moyens soulevés dans le mémoire d'appel (cf. arrêt 4A_635/2011, précité, consid. 1.2 et les références). Aussi l'admission du recours ne pourrait-elle pas conduire immédiatement à une décision finale, si bien que l'une des deux conditions cumulatives posées à l'art. 93 al. 1 let. b LTF n'est pas remplie dans le cas particulier. 
2.2.2 Les décisions relatives à l'administration des preuves ne sont, en principe, pas de nature à causer aux intéressés un dommage irréparable; en effet, la partie qui conteste une décision rendue en ce domaine dans un procès qui la concerne pourra attaquer, le cas échéant, cette décision incidente en même temps que la décision finale. La règle comporte toutefois des exceptions. Est ainsi susceptible de léser irrémédiablement les intérêts juridiques de la partie concernée la divulgation forcée de secrets d'affaires, en tant qu'elle implique une atteinte définitive à la sphère privée de ladite partie (arrêt 4P.117/1998 du 26 octobre 1998, consid. 1b/bb/aaa, reproduit in SJ 1999 I 186). Il ne suffit cependant pas que la partie requise de produire une pièce affirme que celle-ci contient un secret d'affaires pour que le risque d'un dommage irréparable en cas de production de ladite pièce doive être automatiquement admis (arrêt 4A_70/2009 du 1er mai 2009 consid. 1.1). 
 
En l'occurrence, la recourante, partant sans doute de l'idée que l'arrêt attaqué est une décision finale, ne mentionne pas l'art. 93 LTF dans son acte de recours. Cependant, à un autre titre, soit à l'appui de sa demande d'effet suspensif, elle affirme que les informations que les intimées tentent d'obtenir par le biais de la requête de preuve à futur contestée relèvent de sa sphère privée et du secret des affaires entre elle-même et une société tierce, qui n'est pas partie à la procédure de mesures provisionnelles. Elle ajoute que la divulgation des informations requises entraînerait une violation grave de ses propres obligations contractuelles envers ladite société et constitue, dès lors, un préjudice difficilement réparable. 
 
Il n'y a pas lieu d'examiner plus avant si les allégations de la recourante pourraient être retenues sous l'angle de l'art. 93 al. 1 let. a LTF, bien qu'elles aient été formulées dans un autre contexte, ni, dans l'affirmative, si l'intéressée a suffisamment établi le risque allégué par elle, ce que les intimées contestent. En effet, comme on le démontrera ci-après, le recours doit de toute façon être rejeté. 
 
3. 
Dirigé contre une décision portant sur des mesures provisionnelles (cf. consid. 2.1 par. 2 ci-dessus), le recours ne peut être formé que pour violation des droits constitutionnels (art. 98 LTF). 
 
Le Tribunal fédéral ne peut examiner que les droits constitutionnels qui ont été invoqués et dont la violation a été expliquée de manière précise par la partie recourante (art. 106 al. 2 LTF; arrêt 4A_478/2011 du 30 novembre 2011 consid. 1.4). 
 
4. 
4.1 La recourante renvoie le Tribunal fédéral "à l'état de faits retenu par la Cour d'appel civile du canton de Vaud" (mémoire, p. 4 ch. IV.). Pareil renvoi est inopérant dès lors que l'arrêt attaqué, rédigé sous la forme d'attendus, ne comporte aucun état de fait. 
 
4.2 Pour tout grief, la recourante, invoquant l'art. 29 al. 1 Cst., reproche aux juges précédents d'avoir commis un déni de justice en la privant de son droit d'obtenir une décision par une interprétation contra legem de l'art. 308 CPC
 
Le moyen tombe manifestement à faux. Aussi bien, la recourante n'a pas été privée de son droit d'obtenir une décision puisque la cour cantonale a statué sur l'appel qu'elle lui avait soumis. Les juges cantonaux, interprétant les dispositions pertinentes du code de procédure civile, sont toutefois arrivés à la conclusion que la voie de l'appel n'était pas ouverte contre le type de décision en cause et que celle du recours (art. 319 ss CPC) ne l'était pas en l'espèce, faute d'un préjudice irréparable. En rendant une décision d'irrecevabilité, la Cour d'appel n'a donc pas commis de déni de justice au sens de l'art. 29 al. 1 Cst. En juger autrement reviendrait à autoriser une partie à soumettre au libre examen du Tribunal fédéral l'application de règles de droit même dans les cas, tel celui visé par l'art. 98 LTF, où sa cognition est limitée à l'arbitraire. 
 
Pour le surplus, la recourante, qui ne cite pas l'art. 9 Cst. dans son mémoire, ne fait pas valoir que la cour cantonale aurait interprété arbitrairement l'art. 308 CPC. Elle ne soutient pas non plus que les juges précédents auraient violé ses droits constitutionnels en ne prenant pas en considération les arguments qu'elle leur aurait présentés, en particulier quant à l'existence d'un préjudice irréparable consécutif à l'admission de la requête de preuve à futur. La Cour de céans ne peut donc pas examiné ces questions (art. 106 al. 2 LTF). 
 
5. 
Cela étant, le recours ne peut qu'être rejeté. Par conséquent, les frais de la procédure fédérale ainsi qu'une indemnité à titre de dépens à verser aux intimées, créancières solidaires, seront mis à la charge de la recourante (art. 66 al. 1 et 68 al. 1 et 2 LTF). 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
 
1. 
Le recours est rejeté. 
 
2. 
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'500 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3. 
La recourante versera aux intimées, créancières solidaires, une indemnité de 3'000 fr. à titre de dépens. 
 
4. 
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud. 
 
Lausanne, le 13 février 2012 
 
Au nom de la Ire Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente: Klett 
 
Le Greffier: Carruzzo