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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
                 
 
 
4A_373/2018  
 
 
Arrêt du 13 mars 2019  
 
Ire Cour de droit civil  
 
Composition 
Mmes les Juges fédérales 
Kiss, Présidente, Hohl et May Canellas. 
Greffière : Mme Schmidt. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par Me David Aubert, 
recourant, 
 
contre  
 
B.________ AG, 
représentée par Me Manuel Isler, 
intimée. 
 
Objet 
recours dirigé contre une autre personne morale, 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice du canton de Genève, Chambre des prud'hommes, du 9 mai 2018 (C/282/2016-4 CAPH/70/2018). 
 
 
Faits :  
 
A.   
Par contrat de travail du 10 août 2012, A.________ (ci-après: l'employé ou le demandeur) a été engagé par " B.________ AG " (ci-après: l'employeuse ou la défenderesse) en qualité de " Relationship Manager HNWI ", à compter du 1er novembre 2012, pour un salaire annuel brut de 140'000 fr. et une indemnité forfaitaire pour les frais de 8'400 fr. Son contrat prévoyait le versement d'un bonus discrétionnaire conformément à la réglementation édictée par l'employeuse; il précisait que les collaborateurs n'avaient aucun droit à cet égard, même si des paiements avaient été effectués à ce titre durant les années précédentes. 
Par courrier du 23 avril 2015, la banque a informé l'employé qu'elle avait clos l'enquête relative à la violation des règles transfrontalières qu'elle lui reprochait et avait pris la décision de mettre un terme aux rapports de travail pour le plus prochain terme légal. L'incapacité de travail de l'employé prenant fin le 31 mai 2015, la banque l'a libéré de son obligation de travailler à compter du 1er juin 2015. Le 10 juin 2015, elle a résilié le contrat de travail avec effet au 30 septembre 2015, avec libération de l'obligation de travailler jusqu'à cette date. 
 
B.   
Par requête de conciliation du 8 janvier 2016, puis par demande du 23 mars 2016, l'employé a ouvert action en paiement contre B1.________ SA, concluant à la condamnation de celle-ci à lui verser le montant de 95'000 fr., soit 60'000 fr. brut avec intérêts à 5% l'an dès le 1er janvier 2015 (à titre de bonus pour l'année 2014) et 35'000 fr. net avec intérêts à 5% l'an dès le 1er octobre 2015 (à titre d'indemnité pour licenciement abusif). 
L'employeuse a conclu au rejet de la demande. 
Par jugement du 20 juin 2017, le Tribunal des prud'hommes a condamné la banque à payer à l'employé le montant de 20'000 fr. avec intérêts à 5% l'an dès le 1er janvier 2015 (à titre de bonus pour l'année 2014), la partie qui en a la charge étant chargée d'opérer les déductions sociales et légales. 
Statuant sur appel de la banque et appel joint de l'employé le 9 mai 2018, la Chambre des prud'hommes de la Cour de justice de Genève a réformé l'arrêt attaqué et rejeté la demande de l'employé. Elle a considéré que la suppression du bonus pour l'année 2014 ne paraissait pas résulter d'une décision subjective et arbitraire de la banque et devoir être assimilée à une inégalité de traitement entre l'employé et les autres membres de l'équipe à laquelle il appartenait. Quant au licenciement, elle a considéré que le demandeur avait échoué à apporter la preuve que la résiliation des rapports de travail équivaudrait à un congé de représailles. 
 
C.   
Le 25 juin 2018, l'employé a interjeté un recours en matière civile contre " la société B2.________ (Suisse) SA ", concluant à la condamnation de celle-ci à lui payer les montants de 20'000 fr. avec intérêts à 5% l'an dès le 1er janvier 2015 (à titre de bonus pour l'année 2014) et de 35'000 fr. avec intérêts à 5% l'an dès le 1er octobre 2015 (à titre d'indemnité pour licenciement abusif); subsidiairement, il conclut au renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants. Il se plaint de constatation manifestement incomplète des faits, de la violation des art. 8 CC et 152 al. 1 CPC et 229 CPC, ainsi que de l'appréciation arbitraire des preuves, de la violation des art. 322 et 322d et 9 Cst. et de l'art. 336 CO
La banque conclut à l'irrecevabilité du recours, subsidiairement à son rejet. 
Chacune des parties a encore déposé des observations. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
 
1.1. Interjeté en temps utile (art. 100 al. 1 et 45 al. 1 LTF) par la partie demanderesse qui a succombé dans ses conclusions en paiement et qui a donc qualité pour recourir (art. 76 al. 1 LTF), dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) rendue en matière de contrat de travail (art. 72 al. 1 LTF) par un tribunal supérieur statuant sur recours (art. 75 LTF) dans une affaire pécuniaire dont la valeur litigieuse atteint le seuil de 15'000 fr. (art. 74 al. 1 let. a LTF), le recours en matière civile est recevable au regard de ces dispositions.  
 
1.2. Dans le rubrum du présent arrêt est indiqué comme intimée le nom de la partie défenderesse à l'action tel que retenu dans l'arrêt cantonal, sans préjudice du grief soulevé par l'intimée et traité ci-après.  
 
2.   
L'intimée soutient que le recourant a procédé à une substitution de partie sans son accord et qu'il en résulte que le recours doit être déclaré irrecevable. 
 
2.1. Par demande du 23 mars 2016, le demandeur a ouvert action contre la " société B1.________ SA " et a produit un extrait du registre du commerce de la défenderesse (N° CHE-xxx) indiquant comme raison sociale " B.________ AG " et son contrat de travail indiquant comme employeur " B.________ AG ". C'est cette dénomination, soit la raison sociale inscrite au registre du commerce et figurant sur le contrat de travail que tant le Tribunal des prud'hommes que la Cour de justice ont indiqué dans le rubrum de leurs jugement et arrêt des 20 juin 2017 et 9 mai 2018.  
Dans son recours en matière civile au Tribunal fédéral, le demandeur recourant déclare recourir contre la décision de la Chambre des prud'hommes du 9 mai 2018 dans la procédure l'ayant opposé à " la société B2.________ (Suisse) SA ". 
La défenderesse intimée fait valoir que le mémoire de recours est ainsi dirigé à l'encontre d'une filiale du groupe, à savoir " B2.________ (Suisse) SA ". Elle considère que ce changement de désignation équivaut à une substitution de partie, avec modification du lien d'instance, ce qui nécessite l'accord de la partie adverse, qu'en l'occurrence elle n'a pas donné son accord à cette substitution, de sorte que le recours doit être déclaré irrecevable. 
Dans sa réplique, le demandeur et recourant estime avoir visé la même entité depuis le départ, soit celle qui a participé à chaque étape de la procédure, que l'intimée s'est reconnue sans qu'aucun doute ne survienne et qu'affirmer aujourd'hui le contraire relève de la mauvaise foi. 
 
2.2. Selon la jurisprudence, il ne faut pas confondre les notions de désignation inexacte d'une partie, de qualité pour défendre de la partie défenderesse, respectivement de qualité de partie intimée au recours, et de substitution de partie.  
 
2.2.1. La désignation inexacte d'une partie - que ce soit de son nom, de son domicile ou de son siège - ne vise que l'inexactitude purement formelle qui affecte sa capacité d'être partie. Elle peut être rectifiée lorsqu'il n'existe dans l'esprit du juge et des parties aucun doute raisonnable sur l'identité de la partie, notamment lorsque son identité résulte de l'objet du litige (en procédure civile, cf. arrêts 4A_635/2016 du 22 janvier 2018 consid. 3.1.1 non publié in ATF 144 III 93; 4A_560/2015 du 20 mai 2016 consid. 4.2; 4A_116/2015 du 9 novembre 2015 consid. 3.5.1, non publié in ATF 141 III 539; ATF 131 I 57 consid. 2.2; 114 II 335 consid. 3; en matière de poursuite pour dettes, cf. ATF 120 III 11 consid. 1b; 114 III 62 consid. 1a). Si le défaut ne peut être réparé, la demande doit être déclarée irrecevable.  
Si la capacité d'être partie fait défaut à l'une ou à l'autre des parties, le juge ne peut pas entrer en matière et statuer au fond, à moins que le défaut ne puisse être réparé (arrêt 4A_635/2016 précité consid. 3.1.1; sur le défaut de capacité d'être partie dans la procédure de recours en matière civile au Tribunal fédéral, cf. arrêt 4A_43/2017 du 7 mars 2017 consid. 1.1). 
 
2.2.2. La qualité pour défendre, comme la qualité pour agir, est une condition de fond du droit exercé (ATF 126 III 59 consid. 1a; 114 II 345 consid. 3a). L'action doit être ouverte contre celui qui est l'obligé du droit appartenant au demandeur (ATF 114 II 345 consid. 3a; 125 III 82 consid. 1a). Il n'est pas possible de rectifier une erreur touchant à la qualité pour défendre (arrêts 4A_635/2016 précité consid. 3.1.2; 4A_560/2015 précité consid. 4.1; pour la partie demanderesse, cf. ATF 142 III 782 consid. 3.1.3).  
Lorsque, par erreur, le demandeur ouvre action non pas contre celui auquel il est ou était lié contractuellement, mais contre un tiers, l'action doit être rejetée. La date décisive pour trancher la question de la qualité pour défendre est celle du dépôt de la requête de conciliation lorsque la procédure au fond doit être précédée d'une tentative de conciliation, respectivement celle du dépôt de la demande lorsque la conciliation est exclue. Le fait que, au cours de la procédure, toute personne puisse comprendre que le demandeur entendait en réalité s'en prendre à son cocontractant n'est pas déterminant (arrêt 4A_560/2015 précité consid. 4.1 et 4.3). 
Il en va de même en cas d'erreur dans l'indication de la qualité de partie intimée à l'appel ou au recours (arrêt 4A_635/2016 précité consid. 3.1.2 in fine). 
 
2.3. Les conclusions doivent exprimer clairement la prétention réclamée et la nature de l'action. Les conclusions d'une action condamnatoire doivent tendre à la condamnation du défendeur, soit de l'obligé du droit (qualité pour défendre). Il en va de même des conclusions du recours qui tendent à la réforme de l'arrêt attaqué et par suite à la condamnation du défendeur.  
Le juge est lié par les conclusions des parties: il ne peut accorder à une partie ni plus ni autre chose que ce qu'elle demande, ni moins que ce que l'autre partie reconnaît lui devoir: c'est la conséquence du principe de disposition (art. 58 al. 1 CPC). Aux conditions strictes de l'art. 56 CPC, le juge peut interpeller les parties lorsque leurs conclusions sont par exemple imprécises, contradictoires ou manifestement incomplètes. 
Il en va de même des conclusions des recours, sous réserve de l'interdiction du formalisme excessif. En vertu de ce principe, le tribunal doit entrer en matière même sur des conclusions formellement insuffisantes lorsqu'il résulte clairement des motifs du mémoire d'appel en relation avec la décision attaquée quelles sont exactement les conclusions prises et donc les modifications du jugement demandées ou, en cas de créances portant sur des sommes d'argent, quel montant est réclamé. Les modifications demandées dans les conclusions stricto sensu du mémoire d'appel doivent être interprétées à la lumière des motifs de celui-ci (ATF 137 III 617 consid. 6.2; arrêt 4A_42/2014 du 17 octobre 2014 consid. 4.2). Les mêmes principes sont applicables au recours en matière civile. 
Le Tribunal fédéral s'est ainsi tenu strictement aux conclusions prises par le demandeur et a refusé d'ordonner l'inscription d'une servitude d'empiètement (pour un balcon) sur l'immeuble entier parce que les conclusions tendaient à une inscription sur la part d'étage qui bénéficiait de ce balcon, ce qui n'était pas possible s'agissant d'une partie commune de l'immeuble (arrêt 5A_332/2007 du 15 novembre 2007 consid. 6.3.). Il a aussi refusé d'ordonner l'inscription d'un transfert de propriété parce que les conclusions formulées ne tendaient qu'à obtenir du défendeur une manifestation de volonté et non à ce que le jugement tienne lieu de déclaration de volonté (arrêt 5P.19/2005 du 25 mai 2005 consid. 2.3 et 3.3). Il a en revanche admis que le juge cantonal ne s'était pas écarté des conclusions des parties en condamnant la défenderesse à mettre en oeuvre le transfert de la demanderesse dans l'assurance d'hospitalisation d'une compagnie d'assurance appartenant au même groupe qu'elle, car il s'agissait d'un minus (arrêt 4A_627/2015 du 9 juin 2016 consid. 5). 
 
2.4. En l'espèce, sous couvert de substitution de partie, sans son accord, l'intimée fait en réalité valoir que le recours est dirigé contre une de ses filiales et qu'il en résulte que ce recours mal dirigé est irrecevable.  
Il résulte des inscriptions au registre du commerce - faits notoires - qu'il existe une société B.________ AG (n° CHE-xxx) au capital de plus de 4 milliards de fr. et une société B2.________ (Schweiz) AG (B2.________ (Suisse) SA) (B2.________ (Svizzera) SA) (B2.________ (Switzerland) Ltd.) (n° CHE-zzz) au capital de 100 millions de fr., ainsi que d'autres sociétés ayant le nom B.________ dans leurs raisons sociales. 
Selon son rubrum, le recours n'est pas dirigé contre l'employeuse, mais contre une autre société du groupe, qui ne peut avoir ni la qualité pour défendre, ni celle d'intimée au recours (n'ayant pas participé non plus à la procédure cantonale). Les conclusions prises par le recourant tendent à la condamnation de la " société B1.________ SA " à lui payer 20'000 fr., de la société B2.________ (Suisse) SA à lui payer 35'000 fr. et au déboutement de la société B2.________ (Suisse) SA de toutes autres ou contraires conclusions. Dans sa réplique, le recourant déclare certes avoir voulu viser la même entité depuis le départ, que l'intimée s'est reconnue sans qu'aucun doute ne survienne et qu'affirmer aujourd'hui le contraire relève de la mauvaise foi. Il ne modifie toutefois ni le rubrum, ni les conclusions de son recours, modification dont il n'y a pas lieu d'examiner si elle serait recevable au vu de ce qui suit. 
Bien que l'on puisse comprendre que le recourant ait voulu s'en prendre à son employeuse, ce n'est pourtant pas ce qu'il a fait puisqu'il existe plusieurs personnes morales différentes au sein du groupe B.________. Non seulement, de par l'intitulé de son recours, il n'a pas attrait devant le Tribunal fédéral la banque employeuse, mais encore il a pris des conclusions dirigées contre une autre entité du groupe B.________, commettant de surcroît une erreur d'écriture, que la Cour de céans ne pourrait pas condamner, puisqu'elle n'est pas son employeuse. Il s'ensuit que le présent recours ne peut qu'être déclaré irrecevable. 
 
3.   
Le recours étant irrecevable, les frais et les dépens de la procédure fédérale seront mis à la charge du recourant qui succombe (art. 66 al. 1 et 68 al. 1 LTF). 
 
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est irrecevable. 
 
2.   
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'500 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
3.   
Le recourant est condamné à verser à l'intimée une indemnité de 3'000 fr. à titre de dépens. 
 
4.   
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice du canton de Genève, Chambre des prud'hommes. 
 
 
Lausanne, le 13 mars 2019 
 
Au nom de la Ire Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Kiss 
 
La Greffière : Schmidt