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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
6B_367/2016  
   
   
 
 
 
Arrêt du 13 avril 2017  
 
Cour de droit pénal  
 
Composition 
MM. et Mmes les Juges fédéraux Denys, Président, Jacquemoud-Rossari, Oberholzer, Rüedi et Jametti. 
Greffière : Mme Musy. 
 
Participants à la procédure 
X.________, représentée par 
Me Romain Jordan, avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
Ministère public de la République et canton de Genève, 
intimé. 
 
Objet 
Ordonnance sur opposition, 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale de recours, du 8 mars 2016. 
 
 
Faits :  
 
A.  
Par ordonnance pénale du 30 octobre 2014, X.________ a été reconnue coupable de faux dans les certificats et a été condamnée à une peine pécuniaire de 30 jours-amende à 30 fr. le jour avec sursis pendant trois ans. Par l'entremise de son conseil d'alors, X.________ a formé opposition à l'encontre de cette ordonnance. Par courrier du 28 novembre 2014, son avocat a indiqué qu'il cessait d'occuper avec effet immédiat. 
L'audience de comparution de la prévenue pour statuer sur opposition a été reportée par le Ministère public de la République et canton de Genève à la demande de l'intéressée à deux reprises. Dûment convoquée à une nouvelle audience fixée le 14 janvier 2015, X.________ ne s'est pas présentée. 
 
B.  
Par ordonnance sur opposition du 14 janvier 2015, le Ministère public a relevé le défaut de X.________ à l'audience du 14 janvier 2015 et constaté que son opposition à l'ordonnance pénale du 30 octobre 2014 était réputée retirée (art. 355 al. 2 CPP). 
 
C.  
Par lettre du 20 janvier 2015, rédigée en anglais, X.________ a contesté cette décision auprès de la Chambre pénale de recours de la Cour de justice genevoise. Par pli du 26 janvier 2015, la direction de la procédure de la Chambre pénale l'a invitée à procéder en langue française d'ici au 9 février 2015, faute de quoi il ne serait pas entré en matière sur le recours. Cet envoi a été notifié le lendemain à l'adresse qui avait été indiquée par l'intéressée au verso de l'enveloppe de son courrier du 20 janvier 2015. X.________ n'y a pas donné suite dans le délai imparti. 
Par courrier du 29 février 2016, l'avocat, que X.________ a constitué dans l'intervalle, s'est enquis de la suite de la procédure. 
 
D.  
Par arrêt du 8 mars 2016, la Chambre pénale de recours a déclaré qu'elle n'entrait pas en matière sur le recours de X.________, faute pour celui-ci d'avoir été motivé dans la langue de la procédure ouverte contre la recourante (art. 385 al. 2 CPP), après qu'un délai lui eut été expressément accordé à ces fins. 
 
E.  
X.________ interjette un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre cet arrêt. Elle conclut, avec suite de frais et dépens, à son annulation et au renvoi de la cause à la cour cantonale afin que celle-ci lui impartisse un nouveau délai pour compléter l'acte de recours cantonal. 
Le Ministère public a conclu au rejet du recours. X.________ a persisté dans ses conclusions. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
L'objet du litige est circonscrit par l'arrêt attaqué à l'irrecevabilité de l'écriture cantonale (art. 80 al. 1 LTF; ATF 142 I 155 consid. 4.4.2 et réf. citée.), de sorte que la recourante n'est pas légitimée à contester l'application de l'art. 355 al. 2 CPP qui a fondé l'ordonnance querellée. 
 
2.  
 
2.1. L'art. 67 CPP énonce que la Confédération et les cantons déterminent les langues dans lesquelles leurs autorités pénales conduisent les procédures. Selon l'art. 13 de la loi d'application genevoise du code pénal suisse et d'autres lois fédérales en matière pénale du 27 août 2009 [LaCP GE; RS GE E 4 10], à Genève la langue de procédure est le français.  
La liberté de la langue garantie par l'art. 18 Cst. n'est pas absolue. D'après la jurisprudence, le justiciable n'a en principe aucun droit de communiquer avec les autorités d'un canton dans une autre langue que la langue officielle de ce canton (arrêts 6B_587/2013 du 22 décembre 2014 consid. 5.1; 1B_17/2012 du 14 février 2012 consid. 3 publié in SJ 2012 I 343; ATF 136 I 149 consid. 4.3 p. 153; 127 V 219 consid. 2b/aa p. 225; 122 I 236 consid. 2c p. 239). Pour éviter tout formalisme excessif, l'autorité judiciaire qui reçoit dans le délai légal un acte rédigé dans une autre langue que la langue officielle de la procédure doit, si elle n'entend pas se contenter de ce document ou le traduire elle-même, impartir à son auteur un délai supplémentaire pour en produire la traduction (ATF 106 Ia 299 consid. 2b/cc p. 306; 102 Ia 35 consid. 1 p. 37). 
 
 
2.2. La Chambre pénale de recours n'avait donc aucune obligation d'accepter l'écriture du 20 janvier 2015 rédigée en anglais, qui n'est pas la langue officielle dans le canton de Genève. En requérant une version française de cette lettre, elle s'est correctement conformée à la loi et à la jurisprudence. La recourante ne critique pas la cause sous cet angle.  
 
3.  
La recourante invoque la violation du droit fédéral dans l'application de l'art. 68 al. 2 CPP. Elle reproche à la direction de la procédure de ne pas avoir traduit en anglais l'injonction qui lui était faite de procéder en langue française, sous peine d'irrecevabilité de son acte de recours. Elle y voit une violation de son droit à un procès équitable et de son droit d'être entendue (art. 3 et 68 CPP, 29 al. 1 et 32 al. 2 phr. 2 Cst. ainsi que l'art. 6 par. 3 CEDH). 
 
3.1. L'art. 68 CPP prévoit que la direction de la procédure fait appel à un traducteur ou un interprète lorsqu'une personne participant à la procédure ne comprend pas la langue de la procédure ou n'est pas en mesure de s'exprimer suffisamment bien dans cette langue (al. 1 1ère phrase). Le contenu essentiel des actes de procédure les plus importants est porté à la connaissance du prévenu oralement ou par écrit dans une langue qu'il comprend, même si celui-ci est assisté d'un défenseur. Nul ne peut se prévaloir d'un droit à la traduction intégrale de tous les actes de procédure et des pièces du dossier (al. 2).  
L'art. 68 al. 2 CPP renvoie aux droits particuliers du prévenu, droits qui découlent pour l'essentiel des art. 32 al. 2 Cst., 6 par. 3 let. a et e CEDH, 14 par. 3 let. a et f PIDCP ainsi que de la pratique fondée sur ces dispositions. Ces dispositions garantissent à l'accusé le droit d'obtenir gratuitement la traduction de toutes les pièces et déclarations qu'il lui faut comprendre pour assurer efficacement sa défense et bénéficier d'un procès équitable. L'étendue de l'assistance qu'il convient d'accorder à un prévenu dont la langue maternelle n'est pas celle de la procédure doit être appréciée non pas de manière abstraite, mais en fonction des besoins effectifs de l'accusé et des circonstances concrètes du cas (arrêts 6B_397/2015 du 26 novembre 2015 consid. 1.1; 6B_587/2013 du 22 décembre 2014 consid. 5.2 et réf. citées, en particulier à l'ATF 118 Ia 462 consid. 2a p. 464 s.). 
 
3.2. Le principe de la bonne foi, concrétisé à l'art. 3 al. 2 let. a CPP, ne concerne en procédure pénale pas seulement les autorités pénales mais le cas échéant les différentes parties, y compris le prévenu. On déduit en particulier de ce principe l'interdiction des comportements contradictoires (cf. arrêts 6B_397/2015 du 26 novembre 2015 consid. 1.3; 6B_1122/2013 du 6 mai 2014 consid. 1.3; ATF 137 V 394 consid. 7.1 p. 403; 136 I 254 consid. 5.2 p. 261).  
 
3.2.1. La recourante affirme ne pas maîtriser le français, ce qui devait conduire, selon elle, la Chambre pénale de recours à traduire sa lettre comminatoire. Cette affirmation ne ressort pas de la décision attaquée et la recourante n'expose pas sur quels éléments, que la cour cantonale aurait arbitrairement ignorés, elle se fonde pour l'établir. Faute d'avoir établi sa méconnaissance du français, on ne saurait considérer que la cour cantonale a violé l'art. 68 al. 1 CPP en ne recourant pas à un traducteur.  
 
3.2.2. En outre, il y a lieu de relever, qu'hormis lors de ses auditions au cours desquelles la recourante était assistée d'un interprète, elle n'a pas requis la traduction d'actes de procédure, en particulier pas les ordonnances émanant du ministère public. La recourante ne prétend du reste pas ne pas avoir compris la teneur et la portée de l'ordonnance sur opposition du ministère public rédigée en français contre laquelle elle a protesté par son écrit du 20 janvier 2015. Elle ne s'est pas non plus plainte de ne pas en avoir obtenu une traduction. Il ressort aussi de la procédure que les convocations lui ont toujours été notifiées en français sans qu'elle ne proteste au motif qu'elle ne serait pas en mesure de les comprendre. Elle a du reste requis elle-même les reports d'audience alors qu'elle n'était plus assistée d'un avocat. Enfin, il ressort des pièces qu'elle a produites à l'appui de son opposition à l'ordonnance pénale qu'elle a échangé plusieurs courriels avec le secrétariat des étudiants début avril 2013 en langue française. Au vu de ces éléments, la requête de la recourante apparaît également abusive.  
 
3.2.3. La critique est infondée autant que recevable. Cela suffit à sceller le sort de la cause sans qu'il soit besoin d'examiner si l'avis de la Chambre pénale de recours fait partie des actes de procédure qui entrent dans le champ d'application de l'art. 68 al. 2 CPP. Cela rend superflu l'examen des griefs tirés d'une violation du droit d'être entendu sous l'angle du droit à un procès équitable qui n'accorde pas une garantie plus étendue que celle conférée par l'art. 68 CPP.  
 
4.  
Le recours doit être rejeté dans la mesure de sa recevabilité. La recourante, qui succombe, supporte les frais de la procédure. 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.   
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.   
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale de recours. 
 
 
Lausanne, le 13 avril 2017 
 
Au nom de la Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Denys 
 
La Greffière : Musy