Wichtiger Hinweis:
Diese Website wird in älteren Versionen von Netscape ohne graphische Elemente dargestellt. Die Funktionalität der Website ist aber trotzdem gewährleistet. Wenn Sie diese Website regelmässig benutzen, empfehlen wir Ihnen, auf Ihrem Computer einen aktuellen Browser zu installieren.
Zurück zur Einstiegsseite Drucken
Grössere Schrift
 
 
Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
{T 0/2} 
 
6B_595/2014  
   
   
 
 
 
Arrêt du 13 mai 2015  
 
Cour de droit pénal  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Denys, Président, 
Oberholzer et Rüedi. 
Greffière : Mme Paquier-Boinay. 
 
Participants à la procédure 
X.________ SA, représentée par Me Benjamin Borsodi, avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
Ministère public central du canton de Vaud, avenue de Longemalle 1, 1020 Renens VD, 
intimé. 
 
Objet 
Confiscation, 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Chambre des recours pénale, du 17 janvier 2014. 
 
 
Faits :  
 
A.   
En date du 14 juin 2004, la Banque Y.________ a déposé une plainte pénale auprès du Juge d'instruction du canton de Vaud, expliquant que le compte d'un client de sa succursale de Curaçao avait été frauduleusement débité de 3 montants, pour un total supérieur à 1 million de USD, qui a été transféré illicitement sur un compte bancaire au Portugal. Par la suite, une somme totale de 660'000 USD a été versée en trois fois sur un compte de la société uruguayenne X.________ SA auprès de la Compagnie Bancaire Z.________ SA, à Lausanne. 
 
B. Par ordonnances des 14 et 16 juin 2004, le juge d'instruction a bloqué ce dernier compte, à concurrence de 660'000 USD. Il a également ouvert une enquête pénale contre inconnu pour blanchiment d'argent.  
 
B.a. Après avoir rejeté deux demandes de levée du blocage, en juillet 2005 puis en septembre 2006, le juge d'instruction a levé le séquestre le 4 juin 2008 et ordonné la restitution de 660'000 USD à Y.________. Cette décision, confirmée par le Tribunal d'accusation vaudois, a été annulée par arrêt du Tribunal fédéral du 11 mai 2009 (6B_1035/2008), qui a considéré qu'une restitution au lésé par l'autorité d'instruction ne pouvait avoir lieu que sur la base d'une situation juridique claire, alors qu'on ignorait en l'occurrence si le compte avait été débité en raison d'un comportement astucieux, si la banque avait engagé sa responsabilité en exécutant un ordre falsifié et si elle revêtait la qualité de lésé direct. Les prétentions de X.________, qui disait être de bonne foi et avoir fourni une contre-prestation adéquate, n'avaient pas non plus été examinées. Le séquestre des valeurs devait donc être maintenu.  
 
B.b. Le 20 novembre 2009, le juge d'instruction a refusé de lever le séquestre et a confirmé le blocage. Par ordonnance du 7 mai 2010, en revanche, il a levé le séquestre et autorisé X.________ à disposer de la somme de 660'000 USD. En substance, il a estimé que les autorités étrangères concernées semblaient se désintéresser de l'affaire et que, faute de collaboration avec celles-ci, il n'était pas possible d'établir la mauvaise foi de X.________, qui prétendait avoir reçu les fonds dans le cadre d'une opération de compensation. Cette décision a été réformée par le Tribunal d'accusation vaudois qui a maintenu le séquestre. Le recours de X.________ contre cette décision a été rejeté par arrêt du Tribunal fédéral du 8 décembre 2010 (1B_312/2010).  
 
B.c. Répondant à une requête de X.________ du 22 mai 2012, le Ministère public central du canton de Vaud a, par décision du 1er juin 2012, dit que Y.________ avait la qualité de partie plaignante et refusé de lever le séquestre, confirmant ainsi le blocage de la somme de 660'000 USD. Le recours interjeté par X.________ auprès de la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal vaudois a été rejeté par arrêt du 29 juin 2012. Le Tribunal fédéral a également rejeté, par arrêt du 22 novembre 2012 (1B_458/2012), le recours formé par X.________ contre l'arrêt de la Chambre des recours pénale.  
 
B.d. Par ordonnance du 11 octobre 2013, le Ministère public central a classé la procédure dirigée contre X.________ depuis le 28 août 2013 pour blanchiment d'argent. Il a ordonné la restitution à Y.________ du montant de 660'000 USD bloqué sur le compte de X.________ auprès de Z.________.  
 
 Par arrêt du 17 janvier 2014, la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal vaudois a admis partiellement le recours formé par X.________ contre cette ordonnance qu'elle a réformée en ce sens que les frais de procédure ont été laissés à la charge de l'Etat et confirmée pour le surplus. 
 
C.   
X.________ forme un recours en matière pénale contre cet arrêt. Elle conclut, avec suite de frais et dépens, principalement à l'annulation de l'arrêt attaqué et au prononcé d'un nouvel arrêt par lequel la mesure de confiscation est mise à néant, la recourante est libre de disposer du montant de 660'000 USD, les tiers concernés sont avisés, le canton de Vaud est condamné à verser à la recourante la somme de 57'809 fr. 40 pour ses frais de défense dans le cadre de la procédure devant le Ministère public central, l'Etat de Vaud est condamné à lui verser la somme de 5'027 fr. 80 à titre d'indemnité équitable pour la participation à ses frais d'avocat dans le cadre de la procédure de recours devant la Chambre des recours pénale et tous les frais de l'arrêt de cette dernière autorité, qui se montent à 1'870 fr., sont mis à la charge de l'Etat de Vaud. A titre subsidiaire, elle conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi de la cause à la cour cantonale pour qu'elle statue à nouveau. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
La décision attaquée a été rendue en matière pénale et la recourante dispose de la qualité pour recourir (cf. arrêt 6B_1035/2008 du 11 mai 2009 consid. 1.1 et 1.4). Le recours en matière pénale est ainsi ouvert. 
 
 En vertu de l'art. 42 al. 1 LTF, les mémoires de recours doivent être motivés. Conformément à l'art. 42 al. 2 LTF, les motifs doivent exposer succinctement en quoi l'acte attaqué viole le droit. Pour satisfaire à cette exigence, il appartient à la recourante de discuter au moins brièvement les considérants de la décision litigieuse (ATF 134 II 244 consid. 2.1 p. 245). En outre, si elle entend se plaindre de la violation de ses droits fondamentaux, la recourante doit respecter le principe d'allégation et indiquer précisément quelle disposition constitutionnelle a été violée en démontrant par une argumentation précise en quoi consiste la violation (art. 106 al. 2 LTF; ATF 138 V 67 consid. 2.2 p. 69). 
 
2.  
 
2.1. La recourante soutient que la cour cantonale n'a pas établi qu'un crime préalable aurait été commis à l'étranger. Elle y voit d'une part une violation de l'interdiction de l'arbitraire dans l'établissement des faits et d'autre part une violation des art. 305 biset 70 CP.  
 
2.2. La prévention de blanchiment d'argent au sens de l'art. 305 bis CP ayant été abandonnée, seule demeure litigieuse la question de la confiscation en application de l'art. 70 CP. C'est donc uniquement au regard de cette disposition que doit être examiné le grief de la recourante.  
L'art. 70 al. 1 CP permet notamment au juge de confisquer des valeurs patrimoniales qui sont le résultat d'une infraction. 
 
2.3. Il ressort de l'arrêt attaqué qu'en juillet 2003, A.________ a eu un entretien avec son gestionnaire de compte à l'agence de Curaçao de Y.________. A cette occasion, il a informé que, ne parlant ni ne comprenant l'anglais, il souhaitait recevoir la correspondance en espagnol et ne voulait par ailleurs pas de contact par téléphone.  
 
 Entre le 24 février 2004 et fin avril de la même année, la banque a reçu plusieurs ordres de virement émanant en apparence de A.________. Le premier, portant sur un montant de 397'000 USD, n'a pas été exécuté d'une part parce que la signature ne correspondait pas à celle du titulaire du compte telle qu'elle était connue de la banque et d'autre part parce que le solde n'était pas suffisant. A la fin février 2004, un homme prétendant être A.________ s'est entretenu par téléphone, en espagnol puis en anglais, avec un gestionnaire de compte. Celui-ci, après avoir demandé le solde du compte à son interlocuteur, qui a cité les quatre premiers chiffres, lui a indiqué la marche à suivre pour clore le compte à terme avant échéance. Quelques jours plus tard, la banque a reçu un nouvel ordre de virement de 397'000 USD. A nouveau, la signature ne correspondait pas à celle du client et le solde était insuffisant, de sorte que l'employé de la banque a appelé le numéro de téléphone indiqué dans l'ordre de virement. Il a signalé à la personne qui lui a répondu que la signature figurant sur son message ne correspondait pas au modèle en possession de la banque, ce que l'interlocuteur a expliqué par le fait que celui-ci était fort ancien. Il a alors été convenu que le prétendu titulaire du compte irait faire authentifier son identité et sa signature auprès d'un notaire. Le 4 mars 2004, la banque a reçu un message télécopié auquel étaient jointes des pièces authentifiant la signature de A.________. L'original a suivi par courrier en date du 8 mars 2004. Estimant que l'identité du client était ainsi établie, la banque a exécuté l'ordre. Dans les semaines suivantes, deux ordres de débit de 475'000 USD, respectivement 207'000 USD, ont été exécutés, après les contrôles d'usage, la signature ayant été identifiée récemment. 
 
 Le 28 avril 2004, A.________ s'est présenté personnellement à l'agence de Curaçao de Y.________. Il a expliqué n'avoir donné aucun de ces ordres. Les recherches auxquelles la banque a alors procédé ont révélé que l'acte notarié était un faux. Le notaire censé l'avoir instrumenté a déclaré ne rien savoir à ce propos; il a relevé qu'avaient été apposés sur l'acte d'anciens cachets de l'étude et que par ailleurs l'acte n'avait pas été repris dans les registres publics comme il aurait dû l'être. Enfin, les pièces d'identité qui avaient été présentées, savoir un passeport américain et une carte d'identité vénézuélienne au nom de A.________, étaient également des faux. 
 
2.4. La recourante soutient que c'est de manière arbitraire que la cour cantonale a admis qu'un crime aurait été commis à l'étranger et que l'arrêt attaqué passe sous silence le fait que les seuls éléments sur lesquels elle se fonde sont les pièces et déclarations fournies par Y.________.  
 
 La recourante ne montre toutefois pas, par une argumentation satisfaisant aux exigences de motivation de l'art. 106 al. 2 LTF, que c'est de manière arbitraire que la cour cantonale a constaté que les transferts de fonds litigieux ont été effectués après que le prétendu titulaire du compte a produit un acte notarié falsifié en vue d'établir son identité et qu'il a produit des pièces d'identité également falsifiées. Il y a donc lieu de considérer que les sommes confisquées ont été débitées du compte de A.________ à la suite de l'utilisation de titres falsifiés, permettant ainsi de générer un avantage illicite. Sur cette base, la cour cantonale pouvait admettre la commission d'une infraction à l'étranger. C'est sans violer le droit fédéral qu'elle a retenu que les virements en cause avaient été déterminés par des procédés frauduleux qui, en Suisse, tomberaient sous le coup du faux dans les titres. Il a par ailleurs déjà été jugé que lorsque les valeurs patrimoniales obtenues constituent, comme en l'espèce, un avantage direct découlant de l'usage du faux le lien de causalité entre l'infraction et lesdites valeurs exigé par l'art. 70 CP pour qu'une confiscation puisse être ordonnée est donné (voir arrêt 6S. 819/1998 du 4 mai 1999 consid. 2a, in SJ 1999 I p. 419 s.). Il n'est dès lors pas nécessaire d'examiner s'il est établi que les conditions de l'escroquerie sont également réalisées. 
 
2.5. La recourante soutient que la cour cantonale a renversé le fardeau de la preuve en admettant, malgré ses explications, qu'elle n'avait pas fourni de contre-prestation adéquate.  
 
 Conformément à l'art. 70 al. 2 CP, la confiscation ne sera pas prononcée lorsqu'un tiers a acquis les valeurs dans l'ignorance des faits qui l'auraient justifiée, et cela dans la mesure où il a fourni une contre-prestation adéquate ou si la confiscation se révèle d'une rigueur excessive. La cour cantonale n'a pas méconnu que la preuve de la contre-prestation adéquate au sens de cette disposition incombe en principe à l'accusation mais que le tiers qui se prévaut d'une telle contre-prestation doit collaborer à l'établissement des faits sur ce point et, en particulier, fournir les explications nécessaires, faute de quoi il peut être amené à subir les conséquences de l'absence d'éléments probants ( HIRSIG-VOUILLOZ, Commentaire romand, Code pénal I, n° 38 ad art. 70 CP; PONCET/MACALUSO, Confiscation, restitution et allocation de valeurs patrimoniales: quelques considérations de procédure pénale, in SJ 2001 II pp. 221 ss, 233). 
 
 Dans l'arrêt 1B_312/2010, rendu le 8 décembre 2010 dans la présente cause, le Tribunal fédéral a déjà relevé que la recourante prétendait avoir versé, en reals brésiliens, dans le cadre d'opérations de change, une somme correspondant aux versements parvenus sur son compte, mais qu'elle se limitait toutefois à de simples affirmations, à l'appui desquelles elle ne produisait aucun document, se contentant d'expliquer avoir agi à des fins fiscales, sur une base de confiance mutuelle. Il s'étonnait qu'il n'existe pas la moindre trace, à tout le moins sous la forme d'un document comptable, susceptible d'attester une opération portant sur un transfert à l'étranger d'un montant total équivalant à 660'000 USD. Le Tribunal fédéral en a conclu que la recourante ne pouvait prétendre avoir suffisamment collaboré à l'établissement des faits sur ce point et que c'était à juste titre que la cour cantonale avait estimé que la preuve d'une contre-prestation adéquate n'avait pas été rapportée. 
 
 La recourante soutient avoir fourni les explications qui pouvaient légitimement être attendues d'elle. Elle persiste toutefois à se prévaloir d'affirmations de son représentant légal et de courriers explicatifs de son mandataire, sans les étayer par aucun document propre à établir l'existence de la contre-prestation prétendument fournie, de sorte que les considérations du Tribunal fédéral à l'appui de son arrêt 1B_312/2010 du 8 décembre 2010 demeurent tout à fait pertinentes. C'est donc à nouveau sans arbitraire que la cour cantonale n'a pas admis que la recourante aurait fourni une contre-prestation adéquate. 
 
3.   
La recourante soutient par ailleurs que le droit de confisquer serait prescrit. Elle qualifie d'arbitraire l'interprétation faite par la cour cantonale du courriel du 4 juin 2013 du ministère public de Curaçao, à l'issue de laquelle elle a considéré que l'infraction préalable commise à l'étranger n'était pas prescrite selon le droit applicable au lieu de commission. 
 
3.1. En vertu de l'art. 70 al. 3 CP, le droit d'ordonner la confiscation de valeurs se prescrit par sept ans, à moins que la poursuite de l'infraction en cause ne soit soumise à une prescription d'une durée plus longue; celle-ci est alors applicable. Lorsque les valeurs patrimoniales sujettes à confiscation résultent d'infractions principales commises à l'étranger, la prescription du droit de confisquer se détermine selon le droit du pays où l'infraction principale a été commise (ATF 126 IV 255 consid. 3b/bb et 4c).  
 
 
3.2. Le recours en matière pénale ne peut être formé, au sens de l'art. 95 LTF, que pour violation du droit suisse à l'exclusion du droit étranger (arrêts 6B_834/2011 du 11 janvier 2013 consid. 2.4; 6B_901/2009 du 3 novembre 2010 consid. 2.3.1). L'art. 96 LTF prévoit des exceptions où le droit étranger peut faire l'objet d'un recours. Celles-ci n'ont cependant aucune portée en matière pénale (arrêt 6B_235/2013 du 22 juillet 2013 consid. 1.2). Dans le cadre d'un recours en matière pénale, la cour de céans ne revoit ainsi pas librement l'application du droit étranger. La recourante peut uniquement se plaindre d'arbitraire dans l'application de ce droit, grief qui doit être invoqué et motivé de manière précise (art. 106 al. 2 LTF). Les critiques de nature appellatoire sont irrecevables (ATF 140 III 264 consid. 2.3 p. 266).  
 
3.3. La recourante ne démontre pas dans son mémoire une application arbitraire du droit étranger mais se limite à des affirmations appellatoires, partant irrecevables. La cour cantonale a relevé que les infractions d'escroquerie et de faux dans les titres n'étaient pas prescrites selon le droit suisse. Elle a déduit du courriel du 4 juin 2013 par lequel le ministère public de Curaçao indiquait à quelles conditions d'autres actes d'enquête pourraient être menés que l'action pénale n'était pas prescrite à Curaçao, car sinon l'extinction de l'action publique à raison de l'écoulement du temps aurait fait l'objet d'une communication expresse (cf. arrêt attaqué, p. 15). La déduction de la cour cantonale n'est pas manifestement insoutenable.  
 
4.   
Le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable et la recourante, qui succombe, supportera les frais de justice (art. 64 al. 1 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.   
Les frais judiciaires, arrêtés à 2000 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.   
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal vaudois. 
 
 
Lausanne, le 13 mai 2015 
 
Au nom de la Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Denys 
 
La Greffière : Paquier-Boinay