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[AZA 0/2] 
 
4P.14/2002 
 
Ie COUR CIVILE 
************************** 
 
15 avril 2002 
 
Composition de la Cour: M. Walter, président, M. Corboz et 
M. Favre, juges. Greffière: Mme Michellod. 
 
__________ 
 
Statuant sur le recours de droit public 
formé par 
A.________, représenté par Me Laurent Didisheim, avocat à Genève, 
 
contre 
l'arrêt rendu le 19 octobre 2001 par la Cour d'appel de la juridiction des prud'hommes du canton de Genève dans la cause qui oppose le recourant à Mme B.________, représentée par Me Pascal Maurer, avocat à Genève; 
 
(art. 9 Cst. , appréciation des preuves) 
Vu les pièces du dossier d'où ressortent 
les faits suivants: 
 
A.- Par arrêt du 19 octobre 2001, la Cour d'appel de la juridiction des prud'hommes du canton de Genève a condamné A.________ à verser à Mme B.________ les sommes de: 
- 17'000 francs avec intérêts à 5% l'an dès le 01.08.99,- 17'000 francs avec intérêts à 5% l'an dès le 01.09.99, - 17'000 francs avec intérêts à 5% l'an dès le 01.10.99,- 17'000 francs avec intérêts à 5% l'an dès le 01.11.99, 
sous imputation de 39'904, 40 francs et sous imputation des charges sociales et légales usuelles. 
 
B.- Cet arrêt retient notamment les faits suivants: 
 
a) En octobre 1998, A.________ a fait des démarches pour créer une Fondation A.________ (ci-après: la Fondation), avec siège à K.________, en faveur notamment de la paix et du progrès social dans le monde, avec la construction et la gestion d'un monument. Il était prévu que l'intimée serait présidente du comité exécutif et son époux vice-président du conseil de fondation. L'intimée vivait à Genève auprès de son mari au bénéfice d'une autorisation de séjour sans activité. 
 
Le 22 octobre 1998, Mme B.________ a signé un contrat de travail pour une durée indéterminée avec A.________ pour un salaire brut mensuel de 17'000 francs en qualité de présidente du comité exécutif de la Fondation A.________ en cours de constitution, "sous condition suspensive de la délivrance du permis d'activité", mots écrits sous la plume de A.________. 
 
Le permis de travail n'a pas été obtenu; la Cour d'appel a considéré que A.________ n'avait pas prouvé avoir fait des démarches pour que l'intimée obtienne un tel permis. 
Cependant, il n'était pas établi que les parties aient renoncé à la condition suspensive prévue dans le contrat. 
 
La Cour d'appel a estimé que l'intimée avait prouvé avoir effectué des prestations pour A.________ contre un salaire qui était dû, même sans autorisation de travail. 
L'intimée était chargée de mettre en place les activités de la Fondation; elle donnait des instructions pour la correspondance, s'occupait des finances et recevait les instructions de A.________; en une année, il y avait eu 44 classeurs fédéraux de travail pour la Fondation. De plus, l'intimée avait touché, entre novembre 1998 et juin 1999, un salaire mensuel brut de 21'888, 05 francs. 
 
Le 15 septembre 1999, le conseil de A.________ a résilié le "contrat de travail du 20 octobre 1998" pour le 31 octobre 1999, dès le moment où la Fondation n'avait pas été constituée. 
 
b) Le 19 octobre 1999, Mme B.________ a déposé une demande en paiement contre A.________ devant la juridiction des prud'hommes du canton de Genève. Elle lui réclamait le paiement 60'000 francs (soit 4 x 15'000 francs) plus intérêts, à titre de salaire pour les mois de juillet à octobre 1999, sous imputation des charges sociales et de prévoyance. 
 
Les parties ont décidé par convention du 19 novembre 1999 de porter le litige directement devant la Cour d'appel. Le 14 janvier 2000, l'intimée a en outre réclamé à A.________ la somme de 45'000 francs à titre de dommages-intérêts et de tort moral, fondés sur l'art. 337c CO appliqué par analogie. 
 
c) A.________ a soulevé une exception d'incompétence ratione materiae, considérant qu'il n'était pas lié à l'intimée par un contrat de travail; il a en outre sollicité la suspension de la cause comme dépendant du pénal étant donné la plainte pénale qu'il avait déposée contre le mari de l'intimée pour abus de confiance, à la suite de retraits d'argent pour une rémunération non autorisée. 
 
Par arrêt du 24 juillet 2000, la Cour d'appel a admis l'existence d'un contrat de travail entre les parties et s'est déclarée compétente pour statuer sur la demande; elle a par ailleurs refusé de suspendre la cause comme dépendant du pénal. Cet arrêt n'a pas fait l'objet d'un recours au Tribunal fédéral. 
 
d) Par arrêt du 19 octobre 2001, la Cour d'appel de la juridiction des prud'hommes du canton de Genève a condamné A.________ à verser à Mme B.________ les sommes indiquées ci-dessus sous lettre A et a débouté la demanderesse de ses autres conclusions. 
 
C.- A.________ a déposé un recours en réforme et un recours de droit public contre l'arrêt du 19 octobre 2001; dans son recours de droit public, il conclut à l'annulation de l'arrêt cantonal. 
 
Invitée à se déterminer, l'intimée a conclu à l'irrecevabilité du recours de droit public et, subsidiairement, au déboutement du recourant et à la confirmation de l'arrêt attaqué. La Cour d'appel s'est référée à son arrêt. 
Considérant en droit : 
 
1.- L'intimée soutient que le recours serait irrecevable car l'arrêt attaqué n'est entaché d'aucun arbitraire. 
La question du bien-fondé du grief d'arbitraire n'est cependant pas pertinente au stade de la recevabilité. 
 
2.- Le recourant invoque le grief d'arbitraire dans l'appréciation des preuves. Il considère qu'il était arbitraire de retenir qu'il n'avait rien entrepris pour que l'intimée obtienne un permis de travail. 
 
a) Lorsqu'il invoque l'arbitraire dans l'appréciation des preuves et l'établissement des faits, le recourant doit, en partant de la décision attaquée et en se référant avec précision à des moyens de preuve indiscutables, montrer en quoi consiste l'arbitraire. Il y a arbitraire dans ce domaine lorsque l'autorité ne prend pas en compte, sans aucune raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'elle se trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou encore, lorsque, en se fondant sur les éléments recueillis, elle en tire des constatations insoutenables. Il ne suffit pas, pour taxer sa décision d'arbitraire, que le juge du fait apprécie telle preuve ou tel indice d'une autre manière que l'une des parties ou qu'il tire de son appréciation des conclusions qui auraient pu être différentes et tout aussi défendables (cf. ATF 124 I 170 consid. 4 p. 175; 122 IV 49 consid. 1c p. 51). 
 
b) A l'appui de son grief, le recourant cite les dépositions de Mes X.________ et Y.________ et les déclarations de l'intimée elle-même. 
 
Me X.________, ancien conseil du recourant, a déclaré s'être occupé du permis de séjour des époux B.________ lors de leur installation à Genève. Il n'a pas rédigé le contrat de travail entre les parties mais a été consulté sur la possibilité d'obtenir un permis de travail pour l'intimée. Il a déclaré que le mari de l'intimée savait, au moment où le contrat de son épouse a été finalisé, que cette dernière ne pourrait certainement pas obtenir un permis de travail. Selon le témoin, le recourant n'a pas mandaté quelqu'un directement pour traiter la question du permis de travail mais a dit au mari de l'intimée "allez voir l'avocat pour cette question de permis". 
 
Me Y.________, ancien conseil du recourant a rédigé un projet de contrat de travail entre les parties. Il a déclaré ne pas avoir fait de démarches pour l'obtention d'un permis de travail pour l'intimée, ne s'occupant pas de cette question dans l'étude d'avocat. Pour lui, il était évident que la question du permis de travail devait être réglée avant que le contrat n'entre en vigueur. Il lui semble avoir mis en garde oralement le mari de l'intimée sur le danger de commencer une activité lucrative sans permis. A son avis, le recourant a mis une réserve au contrat concernant le permis car il savait que l'intimée n'avait pas le droit de travailler en Suisse. 
 
L'intimée a déclaré à la Cour d'appel que le cabinet Z.________ s'était chargé de l'obtention de son permis de travail et qu'elle ignorait pourquoi elle ne l'avait pas obtenu. 
 
Le recourant cite encore un fax de Me X.________ à Me Didisheim du 25 juin 2001, dans lequel celui-là indique avoir expliqué au mari de l'intimée que son épouse bénéficiait d'un permis de séjour sans activité lucrative obtenu au titre de regroupement familial et qu'il lui paraissait impossible de modifier son statut, compte tenu du manque d'unités disponibles dans le canton de Genève pour une prise d'emploi. 
Me X.________ ajoutait que compte tenu des indications qu'il avait données au mari de l'intimée, l'Etude Z.________ n'avait pas été mandatée pour solliciter un permis de travail en faveur de l'intimée (pièce 21 défendeur). 
 
c) A la lecture de ces pièces et témoignages, il apparaît que les avocats du recourant ont certes examiné quelles étaient les chances d'obtenir un permis de travail pour l'intimée mais qu'ils n'ont pas été mandatés pour solliciter un tel permis auprès des autorités genevoises compétentes. 
Par conséquent, c'est sans arbitraire que la Cour d'appel a retenu que le recourant n'avait pas prouvé avoir fait des démarches pour que l'intimée obtienne un permis de travail. 
 
3.- a) Le recourant soutient par ailleurs que l'intimée a agi à son insu et contre sa volonté. Il en veut pour preuve le témoignage de Me Y.________ selon lequel l'intimée et son époux savaient, lors de la rédaction du contrat de travail, qu'un permis de travail était indispensable pour travailler à Genève. Le recourant déduit aussi de ce témoignage qu'il était clair entre les parties que la question du permis devait être réglée avant que le contrat n'entre en vigueur; l'intimée ne devait donc pas travailler sans permis. 
Il soutient que c'est à son insu que l'intimée a déployé une activité et s'est versé un salaire de 15'000 francs par mois grâce à des ordres de paiement signés par elle-même et son époux au débit du compte bancaire de la Fondation. Il allègue avoir tout ignoré de cette situation puisque, malgré sa demande, il ne recevait aucun document comptable ni justificatif concernant la Fondation. Le recourant affirme que l'intimée et son époux maîtrisaient la situation, décidaient de l'information qui lui était transmise et le maintenaient sciemment dans l'ignorance de ce qui se passait. Le témoin Y.________ aurait d'ailleurs expliqué avoir été court-circuité par l'époux de l'intimée qui aurait géré seul le dossier de la Fondation. Le recourant invoque en outre les pièces 16 à 20 défendeur et les pièces 67 et 68 demanderesse. 
 
b) La Cour d'appel a retenu que l'intimée avait effectué des prestations pour le recourant. Elle n'a pas constaté, en revanche, que l'intimée avait travaillé à son insu et contre sa volonté. Il n'a pas non plus été retenu que l'intimée et son époux avaient tenu volontairement le recourant dans l'ignorance de leurs activités et des comptes de la Fondation. 
 
Le témoignage de Me Y.________ n'est, à cet égard, pas déterminant. En effet, il n'a pas déclaré qu'il était évident pour les parties que le permis devait être délivré avant toute activité mais: 
 
"Je ne m'occupe pas des questions de permis de travail 
à l'étude. J'en ai discuté avec mon associé Me 
X.________. Il est évident que la question du permis 
de travail devait être réglée avant que le contrat de 
travail n'entre en vigueur". (...) 
 
"Vraisemblablement, j'avais mis en garde oralement M. 
B.________ sur le danger de commencer une activité 
lucrative sans permis de travail. Je ne pouvais pas 
conseiller à M. A.________ d'employer quelqu'un qui 
n'avais pas de permis de travail en Suisse. (...)" 
 
"J'ai travaillé pour la constitution de la Fondation. 
Ensuite, j'ai été court-circuité car je n'étais pas 
assez docile et M. B.________ a géré la chose lui-même". 
 
Les pièces 16 à 20 défendeur sont des demandes de chèques et des ordres de paiement signés par l'intimée et son époux au débit du compte de la Fondation auprès de la Banque D.________ à Genève. Les pièces 16 (01. 99), 17 (02. 99) et 18 (04. 99) concernent l'émission de chèques de 15'000 francs à l'ordre de l'intimée, les pièces 19 (04. 99) et 20 (05. 99), des virements bancaires de 15'000 francs en faveur de l'intimée. 
 
Quant à la pièce 67 demanderesse, il s'agit d'un fax du 26 août 1999 que le recourant a adressé à l'époux de l'intimée, lui demandant notamment de lui faire parvenir les éléments comptables de la Fondation et ses justificatifs depuis sa création pour les besoins de ses services financiers. 
Dans sa réponse (pièce 68), l'époux de l'intimée informe le recourant de l'avancement des autorisations de construction du monument et lui explique que les comptes de la Fondation sont tenus par E.________ à Genève dont les employés sont à disposition pour répondre à ses questions. 
 
c) Ces différentes pièces et témoignages n'établissent pas que l'intimée et son époux auraient tenu volontairement le recourant dans l'ignorance des activités de la Fondation. En outre, la mise à l'écart de Me Y.________ ne signifie pas nécessairement que l'époux de l'intimée a filtré l'information parvenant au recourant. De même, le fax de fin août 1999 par lequel le recourant demande les comptes de la Fondation ne démontre pas qu'il a tenu à les connaître déjà auparavant et qu'il s'est heurté à un refus de l'époux de l'intimée. Certes, les pièces 16 à 20 établissent que l'intimée a reçu des montants mensuels de 15'000 francs de janvier à avril 1999 au débit du compte de la Fondation. Il apparaît également que les ordres de paiement étaient signés par l'intimée elle-même et son époux. Ces pièces ne permettent toutefois pas de retenir que le recourant n'était pas au courant de l'activité de la demanderesse pour la Fondation. 
 
Le recourant n'expose pas quel autre moyen de preuve à disposition pourrait permettre de retenir ses allégations. C'est donc sans arbitraire que la Cour d'appel n'a pas retenu que l'intimée avait travaillé à l'insu et contre la volonté du recourant et qu'avec son époux, elle l'avait tenu dans l'ignorance des comptes de la Fondation. 
 
4.- Le recours doit être rejeté. Il appartiendra au recourant, qui succombe, d'assumer les frais judiciaires et les dépens de la procédure fédérale (art. 156 al. 1 et 159 al. 1 OJ). 
 
Par ces motifs 
 
le Tribunal fédéral : 
 
1. Rejette le recours; 
 
2. Met un émolument judiciaire de 3'000 francs à la charge du recourant; 
 
3. Dit que le recourant versera à l'intimée une indemnité de 4'000 francs à titre de dépens; 
 
4. Communique le présent arrêt en copie aux mandataires des parties et à la Cour d'appel de la juridiction des prud'hommes du canton de Genève. 
 
____________ 
Lausanne, le 15 avril 2002 ECH 
 
Au nom de la Ie Cour civile 
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE: 
Le Président, 
 
La Greffière,