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Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
1A.98/2004 /svc 
 
Arrêt du 15 juin 2004 
Ire Cour de droit public 
 
Composition 
MM. les Juges Aemisegger, Président de la Cour 
et Président du Tribunal fédéral, Reeb et Féraud. 
Greffier: M. Zimmermann. 
Parties 
 
P.________, 
recourant, représenté par Me A.________, avocat, 
 
contre 
 
Juge d'instruction du canton de Genève, 
case postale 3344, 1211 Genève 3, 
Cour de justice du canton de Genève, 
Chambre d'accusation, place du Bourg-de-Four 1, case postale 3108, 1211 Genève 3. 
 
Objet 
Entraide judiciaire internationale en matière pénale 
avec l'Espagne - B 98843/04, 
 
recours de droit administratif contre l'ordonnance 
de la Cour de justice du canton de Genève, 
Chambre d'accusation, du 10 mars 2004. 
 
Faits: 
A. 
Le 14 août 2002, le Ministère de la justice du Royaume d'Espagne a transmis à l'Office fédéral de la justice (ci-après: l'Office fédéral) une demande d'entraide établie le 14 mars 2002 par Elisabet Castelo Fontova, Juge d'instruction n°33 de Barcelone. Fondée sur la Convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale (CEEJ; RS 0.351.1), la demande était présentée pour les besoins de la procédure pénale ouverte des chefs de prévarication, faux en documents, association illicite, trafic d'influence, omission du devoir d'enquête, négociations interdites aux fonctionnaires, révélation de secret, usage d'informations privilégiées, banqueroute frauduleuse et blanchiment de capitaux, notamment contre P.________, inspecteur du Trésor public, et dix-neuf autres personnes. Cette demande faisait suite aux enquêtes conduites en relation avec la gestion du groupe O.________, pour lesquelles la Suisse a déjà accordé l'entraide (cf. à ce propos les arrêts 1A.100/1998 du 7 juillet 1998, et 1A.38/2002 du 28 mars 2002). 
 
R.________ aurait détourné des fonds dans la gestion du groupe O.________ qu'il dirigeait. Etait né dans ce contexte le soupçon que des fonctionnaires auraient été corrompus: P.________aurait reçu des pots-de-vin en échange de sa complaisance dans l'inspection de la situation fiscale de certains contribuables. Il aurait créé des sociétés pour la gestion et le blanchiment du produit de ces délits, parmi lesquelles la société M.________ S.A. (ci-après: M.________). Une partie des fonds aurait été acheminée sur des comptes ouverts auprès de la banque B.________ & Cie (ci-après: la Banque), à Genève. La demande tendait à la remise de la documentation relative à ces comptes (cf. à ce propos l'arrêt 1A.220/2003 (M.________) du 12 décembre 2003). 
 
Le 30 septembre 2002, l'Office fédéral a délégué l'exécution de la demande au Juge d'instruction du canton de Genève. 
 
Le 19 novembre 2002, A.________, avocat à Genève, s'est constitué par P.________ comme partie à la procédure. Le Juge d'instruction en a pris note, en indiquant qu'il ne manquerait pas de notifier à Me A.________ les décisions concernant son client. 
Le 15 avril 2003, la Banque a transmis au Juge d'instruction la documentation relative au compte n°xxx, dont P.________ est le titulaire. 
Le 4 juin 2003, le Juge d'instruction a rendu une décision d'entrée en matière et de clôture partielle de la procédure, portant notamment sur la transmission de la documentation relative au compte de P.________. Cette décision n'a pas été notifiée au mandataire de celui-ci. 
 
Le 5 novembre 2003, le Juge d'instruction a ordonné la remise à l'Etat requérant de ces documents, rassemblés sur un support informatique (CD-Rom). 
 
Le 17 novembre 2003, le mandataire de P.________ s'est enquis auprès du Juge d'instruction des motifs de cette transmission, alors qu'aucune décision de clôture ne lui avait été notifiée. 
 
Le 18 novembre 2003, le Juge d'instruction lui a indiqué avoir omis erronément de lui notifier la décision du 4 juin 2003, dont il a joint une copie. 
 
Parallèlement, le Juge d'instruction a invité le Juge Fontova à lui retourner la disquette transmise le 5 novembre 2003, sans en établir de copie. Il lui a communiqué une nouvelle disquette, expurgée des documents relatifs au compte n°xxx. 
 
Le 12 décembre 2003, le Juge d'instruction a rendu une décision d'admissibilité et de clôture de la procédure, portant sur la transmission de la documentation relative au compte n°xxx. Il l'a notifiée au mandataire de P.________. 
 
Celui-ci a recouru auprès de la Chambre d'accusation du canton de Genève, qui l'a débouté, le 10 mars 2004. 
B. 
Agissant par la voie du recours de droit administratif, P.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler la décision du 10 mars 2004, de déclarer la demande d'entraide irrecevable et d'ordonner la restitution de la documentation saisie. Il se plaint de la constatation inexacte des faits, ainsi que de la violation du principe de la proportionnalité et de son droit d'être entendu. 
La Chambre d'accusation se réfère à sa décision. Le Juge d'instruction et l'Office fédéral proposent le rejet du recours. 
 
Le Tribunal fédéral considère en droit: 
1. 
1.1 La Confédération suisse et le Royaume d'Espagne sont tous deux parties à la CEEJ, entrée en vigueur le 20 mars 1967 pour la Suisse et le 16 novembre 1982 pour l'Espagne. Les dispositions de ce traité l'emportent sur le droit autonome qui régit la matière, soit la loi fédérale sur l'entraide internationale en matière pénale, du 20 mars 1981 (EIMP; RS 351.1) et son ordonnance d'exécution (OEIMP; RS 351.11), qui sont applicables aux questions non réglées, explicitement ou implicitement, par le droit conventionnel, et lorsque le droit interne est plus favorable à l'entraide que le traité (ATF 123 II 134 consid. 1a p. 136; 122 II 140 consid. 2 p. 142, et les arrêts cités). Est réservé le respect des droits fondamentaux (ATF 123 II 595 consid. 7c p. 617). 
1.2 La voie du recours de droit administratif est ouverte contre la décision confirmant la transmission de la documentation bancaire à l'Etat requérant (cf. art. 25 al. 1 EIMP). 
1.3 Le recourant a qualité pour agir, au regard de l'art. 80h let. b EIMP, mis en relation avec l'art. 9a let. a OEIMP, contre la transmission de la documentation relative au compte bancaire dont il est le titulaire (ATF 127 II 198 consid 2d p. 205; 126 II 258 consid. 2d/aa p. 260; 125 II 356 consid. 3b/bb p. 362, et les arrêts cités). 
1.4 Les conclusions qui vont au-delà de l'annulation de la décision sont recevables (art. 25 al. 6 EIMP; art. 114 OJ; ATF 122 II 373 consid. 1c p. 375; 118 Ib 269 consid. 2e p. 275; 117 Ib 51 consid. 1b p. 56, et les arrêts cités). Le Tribunal fédéral examine librement si les conditions pour accorder l'entraide sont remplies et dans quelle mesure la coopération internationale doit être prêtée (ATF 123 II 134 consid. 1d p. 136/137; 118 Ib 269 consid. 2e p. 275). Il statue avec une cognition libre sur les griefs soulevés sans être toutefois tenu, comme le serait une autorité de surveillance, de vérifier d'office la conformité de la décision attaquée à l'ensemble des dispositions applicables en la matière (ATF 123 II 134 consid. 1d p. 136/137; 119 Ib 56 consid. 1d p. 59). 
2. 
Le recourant se plaint de la violation du principe de la proportionnalité. 
2.1 Ne sont admissibles, au regard des art. 3 CEEJ et 64 EIMP, que les mesures de contrainte conformes au principe de la proportionnalité. L'entraide ne peut être accordée que dans la mesure nécessaire à la découverte de la vérité recherchée par les autorités pénales de l'Etat requérant. La question de savoir si les renseignements demandés sont nécessaires ou simplement utiles à la procédure pénale instruite dans l'Etat requérant est en principe laissée à l'appréciation des autorités de poursuite. L'Etat requis ne disposant généralement pas des moyens lui permettant de se prononcer sur l'opportunité de l'administration des preuves déterminées au cours de l'instruction menée à l'étranger, il ne saurait sur ce point substituer sa propre appréciation à celle du magistrat chargé de l'instruction. La coopération internationale ne peut être refusée que si les actes requis sont sans rapport avec l'infraction poursuivie et manifestement impropres à faire progresser l'enquête, de sorte que la demande apparaît comme le prétexte à une recherche indéterminée de moyens de preuve (ATF 122 II 367 consid. 2c p. 371; 121 II 241 consid. 3a p. 242/243; 120 Ib 251 consid. 5c p. 255). Le principe de la proportionnalité empêche aussi l'autorité suisse d'aller au-delà des requêtes qui lui sont adressées et d'accorder à l'Etat requérant plus qu'il n'a demandé (ATF 121 II 241 consid. 3a p. 243; 118 Ib 111 consid. 6 p. 125; 117 Ib 64 consid. 5c p. 68, et les arrêts cités). Au besoin, il lui appartient d'interpréter la demande selon le sens que l'on peut raisonnablement lui donner; rien ne s'oppose à une interprétation large de la requête s'il est établi que toutes les conditions à l'octroi de l'entraide sont remplies; ce mode de procéder évite aussi une éventuelle demande complémentaire (ATF 121 II 241 consid, 3a p. 243). Sur cette base, peuvent aussi être transmis des renseignements et des documents non mentionnés dans la demande (arrêt 1A.215/1998 du 7 décembre 1998, consid. 5). Il incombe à la personne touchée de démontrer, de manière claire et précise, en quoi les documents et informations à transmettre excéderaient le cadre de la demande ou ne présenteraient aucun intérêt pour la procédure étrangère (ATF 126 II 258 consid. 9b/aa p. 260; 122 II 367 consid. 2c p. 371/372). 
2.2 Dans un premier moyen, le recourant allègue que la demande tendrait à une recherche indéterminée de preuves. Il expose que les autorités requérantes n'avaient pas indiqué qu'il était le détenteur d'un compte dans une banque suisse. Il se prévaut à cet égard du courrier adressé le 10 janvier 2003 par le Juge Tappolet au Juge Fontova, dans lequel l'autorité d'exécution a invité l'Etat requérant à compléter la demande dans le sens de préciser le lien entre les banques suisses et plusieurs personnes, dont le recourant. Le 13 février 2003, le Juge Fontova a répondu qu'en l'état de sa procédure, il ne disposait pas d'autres informations que celles évoquées dans la demande d'entraide. Il a rappelé que la mission impartie consistait, pour ce qui concernait le recourant, à identifier les comptes ouverts auprès de la Banque à son nom ou à celui de M.________, et dont il serait le titulaire, l'ayant droit ou le bénéficiaire économique. 
 
Sur la base de cette réponse, le Juge Tappolet savait exactement ce que recherchaient les autorités de poursuite espagnoles. En particulier, il était désormais clair pour lui que la remise de la documentation relative au compte n°xxx entrait effectivement dans le cercle des mesures réclamées par l'Etat requérant. A cela s'ajoute que le complément d'information demandé le 10 janvier 2003 ne lui était pas indispensable. En effet, au regard du critère dit de l'« utilité potentielle », la saisie du compte du recourant s'imposait de toute manière. 
2.3 Dans un deuxième moyen, le recourant reproche au Juge d'instruction de ne pas lui avoir donné l'occasion de participer au tri des pièces. Il prétend n'avoir pas eu accès à la documentation bancaire dans la procédure cantonale: le Juge d'instruction ne lui en aurait pas remis de copies, et la Chambre d'accusation lui aurait refusé l'accès au dossier. Le recourant se prévaut sous ce rapport à l'arrêt P., du 22 décembre 2003, selon lequel l'autorité d'exécution doit dans tous les cas procéder au tri des pièces, qu'il lui est interdit de transmettre en vrac à l'Etat requérant (ATF 130 II 14 consid. 4.3; 122 II 367 consid. 2c p. 371; 115 Ib 186 consid. 4 p. 192/193). Dans cette opération, l'autorité d'exécution doit impartir au détenteur un délai (qui peut être bref) pour se déterminer sur le sort des documents dont elle envisage la transmission. Pour le recourant, ces principes n'ont pas été respectés. 
 
On peut se demander si la jurisprudence précitée était applicable en l'occurrence, puisqu'elle n'était pas connue du Juge d'instruction au moment où il a rendu sa décision de clôture, le 12 décembre 2003. Cette question souffre de rester indécise, car la Chambre d'accusation a statué après le prononcé de l'arrêt en question, qu'elle connaissait. 
 
En annexe à sa décision du 4 juin 2003, le Juge d'instruction a indiqué les pièces dont il a ordonné la transmission. Il s'agit des documents d'ouverture du compte n°xxx et des relevés pour 1993. Cette décision n'a toutefois pas été notifiée au recourant. Pour réparer cette erreur, le Juge d'instruction a procédé à une nouvelle notification, le 12 décembre 2003, en mentionnant les mêmes annexes. Pour la Chambre d'accusation, le recourant aurait eu ainsi connaissance des pièces et l'occasion de se déterminer en conséquence, ce qu'il aurait omis de faire. Le recourant le conteste. Il indique toutefois que la Banque lui a remis une copie des documents litigieux, peu avant l'expiration du délai pour recourir auprès de la Chambre d'accusation, devant laquelle il a produit ces pièces. Ce nonobstant, le recourant estime que le tri des pièces ne pouvait se faire que de la manière prescrite par l'ATF 130 II 14, et qu'après la consultation du dossier complet de la procédure d'entraide. 
 
Cet avis ne peut être partagé. Sans doute la procédure suivie en l'espèce n'a pas été menée d'une manière conforme aux exigences de la jurisprudence récente. Il conviendrait qu'à l'avenir de tels défauts soient immédiatement corrigés par l'autorité d'exécution. Dans les circonstances spéciales de la cause, le recourant n'en a toutefois subi aucun dommage. En effet, avant que la Chambre d'accusation ne statue, il disposait des pièces, dont le nombre n'était pas si considérable pour que même dans un bref délai, il puisse en faire l'analyse. Pour le surplus, le recourant ne saurait prétendre avoir accès à l'intégralité du dossier de la procédure; ce droit ne lui est reconnu qu'en rapport avec les documents qui le concernent soit, en l'occurrence, la demande d'entraide. Or, le recourant connaissait aussi ce document, joint au recours cantonal. 
 
On ne saurait, pour le surplus, interpréter l'ATF 130 II 14 dans le sens de dispenser désormais le détenteur du devoir de coopérer au tri des pièces. Cet arrêt rappelle expressément les principes développés dans l'arrêt Forus (ATF 126 II 258), qu'il confirme (ATF 130 II 14 consid. 4.3 p. 16/17). En aucun cas l'arrêt P. ne doit être compris comme une modification de la jurisprudence rappelée ci-dessus (consid. 2.1). 
En conclusion, nonobstant le déroulement imparfait de la procédure cantonale, le recourant était en mesure de faire valoir, de manière concrète et effective, les motifs commandant, selon lui, de ne pas transmettre telle ou telle pièce visée dans la décision de clôture. En omettant de le faire, il a pris un risque procédural qu'il lui incombe d'assumer. 
3. 
Tels qu'ils sont formulés, les griefs de constatation manifestement inexacte des faits et de violation du droit d'être entendu recoupent celui tiré du principe de la proportionnalité. Il suffit de renvoyer sur ces points le recourant au considérant 2 ci-dessus. 
4. 
Le recours doit ainsi être rejeté. Les frais en sont mis à la charge du recourant (art. 156 OJ). Il n'y a pas lieu d'allouer des dépens (art. 159 OJ). 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
1. 
Le recours est rejeté. 
2. 
Un émolument de 5000 fr. est mis à la charge du recourant. 
3. 
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant, au Juge d'instruction et à la Cour de justice du canton de Genève, Chambre d'accusation, ainsi qu'à l'Office fédéral de la justice, Division des affaires internationales, Section de l'entraide judiciaire internationale (B 98843/04). 
Lausanne, le 15 juin 2004 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
Le président: Le greffier: