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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
4A_631/2020  
 
 
Arrêt du 15 juin 2021  
 
Ire Cour de droit civil  
 
Composition 
Mmes et M. les Juges fédéraux 
Hohl, présidente, Rüedi et May Canellas. 
Greffière: Monti. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par Me Enrico Moretti et 
Me Maria Ingold, 
recourant, 
 
contre  
 
Z.________ SA, 
représentée par Me Jérôme Guex, 
intimée. 
 
Objet 
société anonyme; institution d'un contrôle spécial, 
 
recours en matière civile contre le jugement rendu 
le 17 septembre 2020 par la Cour civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud (n° 21/2020; CS20.009969). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. Les trois frères A.________, B.________ et C.________ sont les ayants droit économiques du groupe de sociétés portant leur patronyme. Mondialement connu, le groupe Z.________ est actif notamment dans la fabrication et la distribution de machines....  
Le groupe est chapeauté par une holding vaudoise dénommée Z.________ SA (ci-après: la holding, ou la holding Z.________), dont chaque frère possède un tiers des actions. Cette entité a elle-même 40% du capital-actions de la sous-holding Y.________ SA (ci-après: la sous-holding, ou la sous-holding Z.________); le solde de 60% est directement en mains des trois frères à raison de 20% chacun. Cette sous-holding détient les filiales opérationnelles du groupe. 
B.________ et C.________ sont les deux seuls administrateurs de la holding. Avec leurs épouses respectives, ils forment le conseil d'administration de la sous-holding. 
Un conflit intense oppose A.________ à ses deux frères. 
 
A.b. En février 2010, le prénommé a été mis en cause dans le rapport d'une fiduciaire consacré au conseil d'administration de la sous-holding. Ce document précisait que A.________ avait perdu tous ses mandats d'administrateur en septembre 2009, dont celui afférent à la sous-holding. Il lui était reproché d'avoir intercalé des sociétés intermédiaires, d'avoir imputé des coûts trop élevés et d'avoir détourné des gains, en bref, d'avoir porté atteinte à la substance du groupe en percevant indûment des prestations sujettes à restitution selon l'art. 678 CO, voire en obtenant le remboursement de ses versements en violation de l'art. 680 CO.  
 
A.c. Le 10 septembre 2014, l' Obergericht du canton de Zoug a fait droit à la requête de A.________ en instituant un contrôle spécial tel que voté lors de l'assemblée générale de la holding. Le contrôleur a rendu son rapport définitif le 24 mars 2016. Il y constatait notamment que la sous-holding avait octroyé plusieurs avances à la société N.________ Ltd au cours de l'exercice 2012/2013. Il donnait en outre des informations sur les relations d'affaires entre le groupe Z.________ et la société O.________ AG, mais s'était heurté pour le surplus au secret des affaires opposé par la holding.  
En se fondant sur ce document, A.________ a déposé en mai 2016 une plainte pénale complémentaire contre ses deux frères, qui étaient déjà poursuivis pour vol et faux dans les titres; l'instruction a été étendue à l'infraction de gestion déloyale. Depuis février 2017, il est lui-même poursuivi pour escroquerie et gestion déloyale, aux côtés d'un co-prévenu qui avait aussi été attaqué dans le rapport de février 2010 concernant le conseil d'administration de la sous-holding (let. A.b supra).  
 
A.d. Le 6 décembre 2019 s'est tenue l'assemblée générale ordinaire de la holding. A.________ a posé une série de questions relatives à l'exercice 2018/2019, dont celles énoncées ci-dessous (let. B.a). Les réponses obtenues ne l'ayant pas satisfait, il a demandé l'institution d'un contrôle spécial. L'assemblée générale a rejeté sa proposition.  
 
B.  
 
B.a. Le 4 mars 2020, A.________ a assigné Z.________ SA devant la Cour civile du Tribunal cantonal vaudois en requérant la mise en oeuvre d'un contrôle spécial aux fins d'élucider les cinq questions suivantes:  
 
"[2]a. Est-ce que des indemnités ont été versées directement ou indirectement aux entreprises suivantes (impliquées dans l'instruction pénale contre B.________ et C.________) au courant de l'exercice 2018/2019, et, le cas échéant, sur la base de quelle disposition: 
i. M.________ LLC? 
ii. N.________ Ltd? 
iii. O.________ AG? 
iv. P.________ AG? 
v. D.________ SA? 
vi. Q.________ Ltd? 
vii. R.________ A/S? 
viii. E.________ SA?" 
Lors de l'assemblée générale, le conseil d'administration avait donné cette réponse: 
 
"Cela concerne des transactions qui sont soumises au secret des affaires; ces transactions ont été réalisées aux conditions usuelles du marché et dans l'intérêt de la société." 
"[2]b. Quelles entreprises mentionnées à la question 2a sont à entendre comme i) des tiers, ii) des parties liées, iii) des actionnaires?" 
La réponse du conseil d'administration avait été la suivante: 
 
"Ces informations sont soumises au secret des affaires, mais nous nous référons à l'annexe aux comptes consolidés au 31 mars 2019, page 5, et nous relevons que ces transactions ont été réalisées aux conditions usuelles du marché et dans l'intérêt de la société." 
"[2]c. Quelles transactions ont été effectuées avec des parties liées au courant de la période sous rapport? Veuillez indiquer l'ensemble des transactions en précisant les créances et dettes qui en découlent." 
Le conseil d'administration avait fait le commentaire suivant: 
 
"Ces transactions sont soumises au secret des affaires; ces transactions ont été réalisées aux conditions usuelles du marché et dans l'intérêt de la société." 
"[2]d. Quelles indemnités et autres prestations du groupe ont été versées directement ou indirectement à B.________ et C.________ et à des personnes qui leur sont proches au courant de l'exercice 2018/2019? Sur la base de quelle disposition ces indemnités et autres prestations ont été versées et quels sont les montants?" 
Le conseil d'administration s'était déterminé comme il suit: 
 
"Les rémunérations correspondent à celles du marché et se basent sur les contrats de travail y relatifs et les décisions du Conseil d'administration. Les rémunérations ont été versées pour les prestations de travail fournies. Toutes les rémunérations ont été vérifiées dans le cadre de la révision des comptes annuels par l'organe de révision et n'ont pas été remises en question. Les montants correspondants sont inchangés et correspondent aux montants des cinq dernières années. On se réfère au procès-verbal de l'Assemblée générale ordinaire de l'exercice 2014/15 tenue le 1er juillet 2016." 
"[2]e. Est-ce que des dépenses équivalentes aux dividendes tels des bonus ou autres avantages ont été effectuées au courant de l'exercice 2018/2019, et, le cas échéant: 
i. A qui? 
ii. Sur la base de quelle disposition? 
iii. De quel montant s'agit-il? 
iv. Pour quels motifs de tels paiements ne sont mentionnés ou/et indiqués ni dans l'annexe aux comptes annuels ni dans l'annexe aux comptes consolidés?" 
Le conseil d'administration avait répondu "non". 
A l'appui de sa requête, A.________ a exposé que la holding intimée ne versait aucun dividende malgré une situation bénéficiaire depuis 2005. Ses deux frères abusaient de leur position dominante pour vider systématiquement le groupe de sa substance et s'enrichir. En 2012, ils avaient institué une structure de distribution parallèle au groupe, chapeautée par leur propre holding (E.________ SA). Ils avaient fait en sorte de détourner vers celle-ci les revenus provenant des ventes des produits Z.________, qui profitaient auparavant à la holding du groupe. Aux dépens de cette dernière, ils s'étaient aussi approprié le marché des services de gestion, que fournissait désormais leur société D.________ SA. Le requérant soupçonnait des sorties injustifiées de fonds, des distributions assimilables à des dividendes, des prélèvements anticipés de bénéfices et des actes de concurrence, donnant vraisemblablement matière à une action en responsabilité (art. 754 CO) ou en restitution de prestations (art. 678 CO). 
 
B.b. En lien avec cette thèse et les sociétés énoncées dans la question 2a de la requête, la Juge déléguée de la Cour civile vaudoise a notamment retenu les faits suivants:  
 
- Le 14 mai 2012 a été inscrite au registre du commerce la société E.________ SA, appartenant à B.________ et C.________. 
- Le 30 juin 2012, cette entité a racheté à la sous-holding Z.________ une filiale hongroise surendettée (S.________). A.________ a déposé ultérieurement une requête de preuve à futur concernant la valeur de l'entreprise vendue. La procédure a été clôturée faute d'objet, motif pris de la résolution du contrat de vente. Le prénommé a alors dénoncé ses frères pour faux dans les titres. 
- Ce même 30 juin 2012, la holding des deux frères a racheté à la holding Z.________ sa participation dans une société américaine surendettée (T.________ USA) au prix d'un franc symbolique, qui était la valeur figurant dans les livres de comptes de la holding Z.________. La société achetée détient 60% de l'entreprise chargée de distribuer les produits Z.________ pour toute l'Amérique du Nord (soit M.________ LLC). 
 
- En juin 2014, la holding des deux frères a acheté la société britannique Q.________ Ltd. Selon A.________, il s'agirait du plus grand distributeur des produits Z.________ au Royaume-Uni. 
- En octobre 2015, E.________ SA est devenue actionnaire d'une société danoise commercialisant les produits Z.________ au Danemark et en Suède (R.________ A/S, anciennement... A/S). La créance de prêt qu'elle détenait envers cette entité a été convertie en actions à l'occasion d'une augmentation de capital. Depuis novembre 2016, la sous-holding Z.________ détient 85% du capital de cette entité danoise. 
- P.________ AG a été inscrite au registre du commerce le 14 juin 2012. Son siège zougois est à l'adresse de son administrateur..., avocat qui est aussi administrateur de la holding des deux frères. P.________ AG détient 100% de N.________ Ltd, laquelle participe à la distribution des produits Z.________ en Russie notamment, sous le même logo que le groupe. 
- O.________ AG a pris naissance le 2 juillet 2012. Celle-ci comptait jadis comme fondés de procuration deux personnes qui étaient respectivement employé et fondé de procuration de... SA, filiale du groupe. Cette dernière, au cours de l'exercice 2012/2013, a vendu des biens et services à O.________ AG qui les a ensuite revendus sur le marché "CEI" (Communauté des Etats indépendants, composée d'anciennes républiques soviétiques, réd.). 
- Enfin, le 30 juillet 2012 a été enregistrée la société D.________ SA, que B.________ et C.________ détiennent économiquement. Ceux-ci ont informé leur frère A.________ que cette entité avait la même mission que la holding Z.________ "précédemment". Elle a fourni des services de gestion et d'administration à plusieurs sociétés du groupe. Cette société a été qualifiée de "société apparentée" dans les livres de comptes de la sous-holding Z.________. 
 
B.c. Par jugement du 17 septembre 2020, la Juge déléguée de la Cour civile vaudoise a rejeté la demande de contrôle spécial pour des motifs qui seront exposés ultérieurement (consid. 3.2).  
 
C.  
A.________ a saisi le Tribunal fédéral d'un recours en matière civile rédigé en allemand, visant à faire annuler la décision vaudoise et à ordonner l'institution d'un contrôle spécial. 
L'autorité précédente a produit le dossier de la cause sans se déterminer. 
La holding intimée a conclu au rejet du recours. 
Le recourant n'a pas répliqué. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
 
1.1. Lors même que le mémoire de recours est en allemand, le présent arrêt est rédigé en français, conformément à la règle générale prescrivant d'adopter la langue officielle de la décision attaquée (cf. art. 54 al. 1 LTF).  
 
1.2. La voie du recours en matière civile est ouverte sur le principe. Le recourant a agi en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) contre une décision finale (art. 90 LTF) rendue dans une cause civile (art. 72 al. 1 LTF) par une autorité statuant en instance cantonale unique (art. 75 al. 2 let. a LTF, art. 5 al. 1 let. g CPC), constellation qui échappe à l'exigence d'une valeur litigieuse minimale (art. 74 al. 2 let. b LTF; cf. par ex. arrêts 4A_385/2020 du 8 septembre 2020 consid. 1.1; 4A_107/2018 du 29 octobre 2018 consid. 1).  
 
2.  
Le recourant reproche à l'autorité précédente d'avoir violé le droit fédéral à divers égards en refusant d'instituer un contrôle spécial. Il soulève des moyens de fait et de droit. 
Il sied au préalable de rappeler les principes régissant ce domaine (consid. 3.1), puis d'exposer les motifs ayant conduit l'autorité précédente à rejeter la requête (consid. 3.2). 
 
3.  
 
3.1.  
 
3.1.1. En droit de la société anonyme, tout actionnaire peut proposer à l'assemblée générale l'institution d'un contrôle spécial afin d'élucider des faits déterminés, si cela est nécessaire à l'exercice de ses droits et s'il a déjà usé de son droit à être renseigné ou à consulter les pièces (art. 697a al. 1 CO).  
Lorsque l'assemblée générale refuse d'y donner suite, des actionnaires réunissant un certain quorum peuvent se tourner vers le juge pour obtenir une telle mesure (cf. art. 697b al. 1 CO). Ils doivent rendre vraisemblable que des fondateurs ou des organes ont violé la loi ou les statuts et qu'ils ont ainsi causé un préjudice à la société ou aux actionnaires (art. 697b al. 2 CO). 
 
3.1.2. Le contrôle spécial doit avoir pour objet des faits, et ceux-ci doivent être déterminés.  
Il s'agira par exemple d'établir le contenu de contrats ou l'existence de relations de "parenté", de préciser si des fonds ont été retirés, ou encore de constater les salaires des organes, sans se prononcer sur leur légitimité. L'expert indépendant ne saurait résoudre des questions juridiques telles que l'illicéité d'un comportement, ni porter des jugements de valeur sur la gestion ou d'autres décisions d'appréciation (ATF 138 III 252 consid. 3.1 p. 257; BIANCA PAULI PEDRAZZINI, in Commentaire romand, 2e éd. 2017, nos 8-10 ad art. 697a CO; ROLF WEBER, in Basler Kommentar, 5e éd. 2016, nos 16-17 ad art. 697a CO; Message du 23 février 1983 concernant la révision du droit des sociétés anonymes, FF 1983 II 855 ch. 213.42). 
Le contrôle spécial ne doit pas revêtir la forme d'une enquête généralisée. Il peut cependant porter sur des faits nombreux, pour autant que le type d'événements à examiner soit clairement défini (par exemple, un certain type de transactions), tout comme la période visée (arrêt 4A_215/2010 du 27 juillet 2010 consid. 3.1.4). 
 
3.1.3. Le requérant doit justifier d'un intérêt actuel digne de protection : l'information requise doit lui permettre d'exercer ses droits d'actionnaire en connaissance de cause.  
Ces droits comprennent en particulier l'action en responsabilité (art. 754 CO) et l'action en restitution (art. 678 CO). Cette dernière vise notamment les prestations de la société qui sont en disproportion évidente avec leur contre-prestation et la situation économique de la société (art. 678 al. 2 CO), soit les distributions dissimulées de bénéfices (ATF 140 III 602 consid. 4 i.f.) : la société attribue à l'actionnaire, l'administrateur ou leurs proches une prestation appréciable en argent sans contre-prestation équivalente, qu'elle n'aurait pas consentie à des tiers dans les mêmes circonstances (arrêt 6B_310/2014 du 23 novembre 2015 consid. 3.9.4.1, en lien avec l'art. 678 CO; en droit fiscal, cf. ATF 131 II 593 consid. 5.1; arrêt 2C_209/2013 du 16 janvier 2014 c. 3.1). La prestation n'est pas effectuée de façon ouverte dans une des formes de distribution prévues par la loi. Ce phénomène est fréquent dans les groupes de sociétés, où la direction unique cherchera à faire ressortir le bénéfice dans des pays fiscalement avantageux, ou à le rediriger vers des sociétés contrôlées à 100% pour éviter de partager les gains avec les actionnaires minoritaires (cf. NINA SAUERWEIN, La responsabilité de la société mère, 2006, p. 144, 146 et sous-note 629; CHENAUX/GACHET, in Commentaire romand, 2e éd. 2017, nos 38 et 46 i.f. ad art. 678 CO). Sous l'angle du droit de la société anonyme, ces distributions dissimulées contreviennent aux règles sur la protection du capital et aux conditions strictes régissant la distribution de dividendes. Elles peuvent en outre porter atteinte à l'égalité des actionnaires si ceux-ci ne sont pas tous favorisés de la même façon (cf. entre autres FORSTMOSER ET ALII, Schweizerisches Aktienrecht, 1996, § 40 n. 87 ss; PETER BÖCKLI, Schweizer Aktienrecht, 4e éd. 2009, § 12 n. 553 s.; pour une casuistique des distributions dissimulées, cf. CHENAUX/GACHET, op. cit., n° 46 ad art. 678 CO).  
L'intérêt digne de protection peut faire défaut en particulier lorsque les droits de l'actionnaire sont prescrits ou périmés, ou lorsque les informations sollicitées ont déjà été obtenues. Il existe en revanche lorsque l'actionnaire peut raisonnablement douter de l'exactitude ou de l'exhaustivité des renseignements obtenus, respectivement de la légitimité du motif de refus opposé (ATF 138 III 252 consid. 3.1 p. 257; 123 III 261 consid. 3b p. 266 et consid. 4a p. 268; Message précité, FF 1983 II 855 ch. 213.42 §1; PAULI PEDRAZZINI, op. cit., n° 15 ad art. 697a CO; WEBER, op. cit., nos 25-26 ad art. 697a CO). 
 
3.1.4. Aux termes de la loi, le requérant doit rendre vraisemblable que des organes ou fondateurs ont violé la loi ou les statuts et qu'il en est résulté un préjudice. Cette exigence de plausibilité est la pierre angulaire du droit au contrôle spécial (ATF 120 II 393 consid. 4c p. 397). D'un côté, le législateur a renoncé à exiger une preuve stricte pour ne pas priver ce droit de toute effectivité: il s'agit d'améliorer l'information des actionnaires, de sorte qu'on ne saurait exiger d'eux des preuves qu'il appartient précisément au contrôleur de réunir (ATF 120 II 393 consid. 4c p. 397 s.; 140 III 610 consid. 4.3.3 p. 614; 138 III 252 consid. 3.1 p. 257; cf. aussi Message précité, FF 1983 II 936). D'un autre côté, le droit au contrôle ne doit pas être accordé trop facilement (ATF 120 II 393 consid. 4c p. 397; 138 III 252 consid. 3.1 p. 257). Il faut empêcher les démarches abusives ou quérulantes, les prospections tous azimuts ou autres "fishing expeditions"en quête d'éventuelles irrégularités qui ne sont étayées par aucun indice (arrêt 4A_312/2020 du 15 octobre 2020 consid. 4.3; arrêt 4C.190/2005 du 6 septembre 2006 consid. 3.4.2; FORSTMOSER ET ALII, op. cit., § 35 n. 48-49).  
Il n'est pas nécessaire de convaincre pleinement le juge de l'existence des faits allégués, mais celui-ci ne saurait se contenter non plus de simples affirmations. Une certaine probabilité suffit, même s'il reste possible que les faits ne soient pas avérés. Le juge doit s'interroger sur la plausibilité des soupçons émis en pondérant les intérêts en présence (arrêt précité 4A_312/2020 consid. 4.1; ATF 120 II 393 consid. 4c p. 397 s.; arrêt 4C.64/2003 du 18 juillet 2003 consid. 5.3). Le risque abstrait d'un conflit d'intérêts est insuffisant pour justifier un contrôle spécial (cf. arrêt 4A_260/2013 du 6 août 2013 consid. 4.3 et 4.4.2). 
 
3.1.5. Le droit au contrôle spécial est soumis à l' interdiction générale de l'abus de droit (art. 2 al. 2 CC). Il ne doit pas être utilisé à des fins étrangères à son essence, par exemple pour assouvir le besoin d'informations de la concurrence, exercer un chantage ou nuire de toute autre façon à la société (cf. arrêt précité 4A_312/2020 consid. 5.2; arrêt 4C.165/2004 du 30 juillet 2004 consid. 5.3; Message précité, FF 1983 II 855 ch. 213.43).  
 
3.1.6. En pratique, l'institution d'un contrôle spécial est chose rare. Fort de ce constat, le Conseil fédéral a proposé des remèdes consistant à abaisser le quorum requis pour demander au juge un contrôle spécial et à supprimer l'exigence d'un préjudice effectif (Message du 23 novembre 2016 concernant la modification du code des obligations [Droit de la société anonyme], FF 2017 491-492; projet FF 2017 650 s. [art. 697d]). La résistance opposée par le Conseil National a finalement pu être vaincue et le projet d'article a été voté le 19 juin 2020. Il suffira à l'avenir de rendre vraisemblable que la "violation est de nature à porter préjudice à la société ou aux actionnaires". Une minorité d'actionnaires doit pouvoir agir à titre préventif (art. 697d al. 3 nCO, RO 2020 4031; pour l'historique, cf. BO 2018 CN 1133 [Mazzone], 1138 [Leutenegger Oberholzer], 1139 [CF Sommaruga], 1140 [Markwalder], 1142-1143; BO 2019 CE 506, CN 2391 s.; BO 2020 CE 32, 623, CN 591, 1177). L'entrée en vigueur de cette novelle n'a pas encore été fixée (RO 2020 4063), mais serait prévue pour 2023.  
 
3.2. Dans le cas concret, l'autorité précédente a constaté que la requête satisfaisait aux exigences formelles de l'art. 697b al. 1 CO (sur l'abaissement du quorum selon la novelle du 19 juin 2020, cf. art. 697d al. 1 nCO, RO 2020 4031). En revanche, elle a jugé que les autres conditions légales à la mise en oeuvre d'un contrôle spécial faisaient défaut, pour des motifs qui peuvent se résumer ainsi:  
 
- La requête était abusive et ne répondait à aucun intérêt digne de protection. L'actionnaire la renouvelait après l'obtention d'un premier contrôle spécial qui n'avait pas confirmé ses accusations. Le tribunal zougois avait jugé que les transactions avec les sociétés tierces relevaient du secret des affaires; or, rien n'indiquait que ce secret aurait cessé de couvrir les informations présentement sollicitées. En outre, l'actionnaire n'avait pas intenté d'action judiciaire après ce premier contrôle et n'établissait aucun changement de circonstances. Les procédures pénales étaient toujours en cours d'instruction. La requête était fondée sur des faits concernant des exercices comptables antérieurs. 
- Il n'était pas vraisemblable que les organes de la holding aient violé leur devoir de diligence, et notamment qu'ils aient vidé celle-ci de sa substance au profit d'une autre société. Les résultats de la holding Z.________ et du groupe étaient positifs. Le dossier révélait bien plutôt un conflit intense entre les parties et, potentiellement, une démarche exploratoire de l'actionnaire ou une volonté de nuire. 
- Certains termes de la requête étaient trop imprécis (questions 2a, 2c et 2e). 
- Dans la mesure où la requête visait des échanges de prestations disproportionnés ou des rémunérations perçues par les administrateurs ou des personnes proches (questions 2a et 2d), elle se heurtait au fait que le contrôleur spécial ne pouvait pas se prononcer sur la stratégie de gestion de la société, ni émettre des appréciations ou autres jugements de valeur. 
- Enfin, sur certains points, l'actionnaire disposait de documents comptables suffisants, qui avaient été soumis à l'organe de révision auquel le contrôle spécial ne pouvait se substituer (questions 2b, 2c, 2d et 2e). Cette mesure ne pouvait poursuivre des fins exploratoires dans l'espoir de découvrir d'éventuelles irrégularités. 
 
4.  
Le recourant décoche trois moyens de fait qui se révèlent infondés. 
Tout d'abord, l'autorité précédente a effectivement relevé dans un considérant juridique que le recourant n'avait "pas intenté d'action judiciaire" après le premier contrôle spécial. A l'évidence, elle envisageait ici uniquement une action civile et n'a pas méconnu la situation factuelle. En effet, dans un autre passage, l'arrêt attaqué précise clairement que le rapport du contrôleur spécial a conduit le recourant à déposer une plainte complémentaire pour gestion déloyale, mais n'a pas donné lieu à une action en restitution (art. 678 CO) ou en responsabilité (art. 754 CO) contre les deux frères. 
Il est ensuite fait grief à l'instance cantonale d'avoir violé la maxime de disposition en retenant sans allégations que les résultats de la holding intimée et du groupe Z.________ étaient positifs. Le recourant oublie apparemment que dans sa requête, il a soutenu que l'intimée ne versait aucun dividende ordinaire "malgré sa situation bénéficiaire depuis 2005", puis a répété que "malgré son gain, l'intimée ne vers[ait] aucun dividende depuis des années". 
Le recourant dénonce enfin une lacune dans l'état de fait, en ce sens que les moyens de preuve produits à l'appui de ses allégations établiraient que P.________ AG est une filiale de E.________ SA. 
L'administrateur unique de la première entité citée, avocat de profession, est aussi l'un des administrateurs de la seconde, avec signature individuelle. Selon le recourant, cette dernière aurait obtenu de la holding Z.________ deux prêts totalisant 200'000 fr., qui auraient permis de libérer le capital-actions de P.________ AG et de fournir un financement. Force est de constater qu'on ne lit rien de tel dans le rapport de 2016 afférent au premier contrôle spécial: au passage pointé par le recourant, l'expert précisait simplement n'avoir reçu aucun renseignement ni aucun document concernant les sociétés en question; il mentionnait tout au plus des avances sous forme de prêts concédées par la sous-holding à N.________ Ltd. C'est le lieu d'examiner l'analyse juridique sous-tendant la décision attaquée, à l'aune des critiques soulevées par le recourant. 
 
5.  
 
5.1. L'autorité précédente a lu dans les allégations du recourant des soupçons quant à de potentielles distributions dissimulées de bénéfices.  
De fait, le recourant est en conflit aigu avec ses deux frères, qui détiennent deux tiers de la holding et de la sous-holding (directement et indirectement), entités dont ils sont les administrateurs, seuls (holding) ou avec leurs épouses (sous-holding). La holding n'a distribué aucun dividende au 31 mars 2018 ni au 31 mars 2019, alors que les résultats de la holding et du groupe étaient positifs. 
En 2012, ses deux frères ont mis en place deux sociétés dont ils sont les propriétaires ou les ayants droit économiques, qui gravitent autour du groupe: 
 
- leur holding E.________ SA a des participations dans des sociétés chargées de distribuer les produits du groupe Z.________. Elle a racheté des parts à la holding Z.________. 
- leur société D.________ SA a fourni des services de gestion et d'administration à plusieurs sociétés du groupe Z.________. 
Le conflit familial intense, la position de force dont jouissent les deux frères, le non-versement de dividendes sur deux années consécutives au moins nonobstant des résultats positifs, les liens entre leurs sociétés et le groupe forment une constellation propice aux distributions dissimulées de bénéfices. On peut notamment concevoir que la société de management touche des rémunérations disproportionnées pour ses prestations de service. Quant à la holding des deux frères, elle a jadis racheté des actifs à la holding et à la sous-holding; il arrive dans ces situations que le prix pratiqué soit un prix de faveur. La vente conclue avec la sous-holding a du reste été résolue après que le recourant eut initié une procédure de preuve à futur sur la valeur de celle-ci, et l'autre vente a été effectuée à un prix symbolique. Le recourant soupçonne par ailleurs le groupe Z.________ de vendre ses produits à un prix trop bas aux sociétés de distribution, lesquelles les revendraient avec une marge conséquente qui échapperait au groupe. 
Ces schémas offrent bel et bien des possibilités sérieuses de distributions dissimulées de bénéfices. 
L'autorité précédente a toutefois rejeté la requête de contrôle spécial en émettant diverses objections que le recourant s'est attelé à contrer conformément aux exigences prévalant dans ce cas de figure (ATF 142 III 364 consid. 2.4 p. 368). Il sied de les passer en revue. 
 
5.2.  
 
5.2.1. La magistrate vaudoise a reproché à l'actionnaire d'invoquer essentiellement des événements antérieurs à l'exercice comptable visé par la requête.  
Le contrôle demandé concerne l'exercice comptable 2018/2019 et les questions posées se rapportent à des opérations effectuées au cours dudit exercice. Il est vrai que dans sa requête, le recourant a dénoncé de potentielles irrégularités antérieures à cette époque, en pointant notamment le prix de rachat des parts dans les sociétés T.________ USA et S.________ en 2012, ou encore l'achat prétendument déloyal de la société Q.________ Ltd en 2014. Des événements passés peuvent toutefois être le lit de contraventions ultérieures au droit de la société anonyme, respectivement faire suspecter la commission de nouvelles violations; ils n'excluent pas en soi de retenir de telles violations. Seule importe la vraisemblance des violations alléguées, respectivement du préjudice subi. 
 
5.2.2. L'autorité précédente a jugé qu'au vu des résultats de la holding intimée, la vraisemblance que ses organes aient violé leur devoir de diligence, par exemple en vidant cette entité de sa substance, n'était pas établie.  
Cette analyse n'est pas critiquable en tant qu'elle nie la vraisemblance d'un appauvrissement substantiel du groupe; elle ne fait d'ailleurs l'objet d'aucune attaque circonstanciée. Elle ne liquide pas pour autant la question d'actes contraires au droit de la société anonyme et préjudiciables à celle-ci et/ou aux actionnaires. Des distributions dissimulées de bénéfices peuvent en effet entraîner un préjudice sans nécessairement "vider la société anonyme de sa substance", comme l'a soutenu peut-être outrancièrement le recourant. Or, il faut admettre que les éléments mis en exergue ci-dessus (consid. 5.1) font suspecter avec une vraisemblance suffisante des échanges de prestations dans un rapport disproportionné (cf. art. 678 CO), voire des comportements contraires au devoir de fidélité et de loyauté des administrateurs. 
On ne saurait se montrer trop exigeant quant à la vraisemblance requise, sauf à réduire le contrôle spécial à un droit théorique. Il faut garder à l'esprit que les actionnaires doivent pouvoir être renseignés sur des éléments dont ils n'ont pas de preuves, afin précisément de réunir le substrat nécessaire pour faire valoir leurs droits. Le juge doit apprécier la plausibilité des soupçons émis en pondérant les intérêts en présence. En l'occurrence, la partie intimée s'est retranchée derrière le secret d'affaires en affirmant que le recourant était à la tête d'une société qui lui livrerait une concurrence féroce. Elle a également plaidé que E.________ SA avait été constituée pour procurer au groupe Z.________ un financement qu'il ne parvenait pas à obtenir auprès des actionnaires ou des banques en raison des manigances du recourant. Or, les faits constatés dans l'arrêt attaqué n'offrent aucune assise sérieuse à ces thèses. Un reproche de concurrence semble émerger en filigrane du rapport de 2010 (let. A.b supra); cependant, il est tout au plus avéré que le recourant a administré jusqu'en juillet 2014 une société... SA active dans le même domaine que le groupe Z.________; on ne discerne aucuns actes concrets de concurrence, si ce n'est qu'en 2009, un Etat étranger semble avoir étudié une offre émanant de la société précitée. Quant aux explications censées justifier la constitution de la holding des deux frères, elles n'ont pas été retenues, sans qu'on trouve dans la réponse de l'intimée des griefs relatifs à l'état de fait, présenté ici sous une forme résumée.  
 
5.2.3. La Juge déléguée a également argué du fait que le contrôle spécial ordonné en 2014 n'avait rien révélé, non plus que les procédures pénales, toujours en cours.  
Une des procédures pénales ciblait un point précis, soit un prétendu faux dans les titres en lien avec la vente de S.________, qui a ensuite été résolue. Une autre procédure a trait à l'infraction de gestion déloyale, en lien avec le contrôle spécial ordonné par le tribunal zougois. On ignore toutefois quelles questions ont été posées à cette occasion et quels éléments précis ce contrôle a mis en exergue, si ce n'est des avances fournies par la sous-holding Z.________ à la société N.________ Ltd, respectivement des renseignements sur les relations d'affaires entre le groupe Z.________ et la société O.________ AG. Les deux frères ont opposé le secret d'affaires pour le surplus. On ne saurait en tirer argument pour rejeter la présente requête. La première procédure de contrôle spécial n'a suscité aucun recours au Tribunal fédéral et, encore une fois, l'arrêt attaqué n'en livre pas les détails. On rappellera au passage que la société visée par le contrôle doit renseigner l'expert indépendant institué par le juge et le laisser consulter les documents utiles sans égard à la protection du secret des affaires, dans la mesure où ils concernent des faits importants. En cas de litige, le juge tranche; le contrôleur est soumis à un devoir de discrétion (art. 697d al. 2 et 4 CO; PAULI PEDRAZZINI, op. cit., nos 8-9 et 13 ad art. 697d CO et n° 7 ad art. 697e CO; WEBER, op. cit., nos 10-11 ad art. 697d CO; BÖCKLI, op. cit., § 16 n. 61 s.). Le juge procède ensuite à l'épuration du rapport du contrôleur et précise si des éléments doivent être soustraits à la consultation des actionnaires requérants en raison du secret des affaires (art. 697e al. 2 CO; PAULI PEDRAZZINI, op. cit., n° 7 ad art. 697e CO; WEBER, op. cit., nos 6-7 ad art. 697e CO; BÖCKLI, op. cit., § 16 n. 69). 
En définitive, dans une situation aussi nébuleuse, on ne peut rien déduire du premier contrôle spécial institué, ni de la litispendance des procédures pénales. A tout le moins cette situation n'exclut-elle pas la vraisemblance de distributions dissimulées de bénéfices, lesquelles n'impliquent pas nécessairement des infractions pénales. 
 
5.2.4. L'autorité précédente dénonce également à tort une démarche abusive du recourant. L'abus de droit doit être manifeste (art. 2 al. 2 CC), ce qu'il incombait à l'intimée d'établir. Il est vrai que la requête s'inscrit dans un contexte de discorde familiale aiguë et que le recourant a lui aussi été la cible de reproches semblables à ceux qu'il émet contre ses frères, notamment dans le rapport de février 2010 (let. A.b supra). Toutefois, les circonstances relatives à l'établissement de ce document sont inconnues, comme le bien-fondé des accusations qui y sont émises. Aucun élément ne permet de suspecter une activité de concurrence récente. On ne trouve pas non plus d'éléments permettant d'imputer au recourant une volonté de nuire; la juge vaudoise n'a fait qu'émettre une possibilité à cet égard, comme le montre l'utilisation de l'adverbe "potentiellement". On ne peut ignorer que le recourant a connu un certain succès dans ses démarches judiciaires. Il a obtenu en particulier la production de rapports de gestion et l'annulation de décisions visant à augmenter le capital des holding et sous-holding Z.________. La procédure de preuve à futur qu'il avait initiée en lien avec la valeur de l'entreprise vendue (S.________) a curieusement été clôturée motif pris de la résolution de la vente. Il faut également garder à l'esprit que le recourant est actionnaire minoritaire par rapport à ses deux frères et, au contraire de ceux-ci, n'exerce plus de mandat d'administrateur dans la holding et la sous-holding.  
En bref, à la lumière des faits retenus dans l'arrêt attaqué, rien ne s'oppose en réalité à l'institution d'un contrôle spécial, que ce soit sous l'angle de la vraisemblance requise, de l'intérêt digne de protection ou de l'abus de droit. 
 
5.2.5. La Juge déléguée a aussi émis des objections spécifiques aux questions posées.  
C'est ainsi qu'elle a jugé imprécis ou peu clairs certains termes utilisés. Elle a cependant relevé à juste titre qu'il faut se référer aux allégations sous-tendant la requête. Selon son interprétation, l'actionnaire visait des prestations disproportionnées au regard des contre-prestations obtenues (question 2a), respectivement des éventuelles distributions dissimulées de bénéfices (question 2e); selon ses propres explications, il visait des prestations appréciables en argent (question 2d). Tel est bien, à la lumière des allégations de la requête, le type d'opérations ciblées par les questions 2a, 2d et 2e: l'actionnaire/recourant cherche à savoir si le groupe Z.________ (holding intimée ou filiales, selon la précision apportée dans sa requête) a fourni à ses deux frères, à des sociétés qui leur sont proches ou à d'autres personnes proches, des prestations manifestement disproportionnées avec les contre-prestations obtenues. 
L'autorité précédente a émis deux objections: 
 
- ce type d'opérations ressortissait à la stratégie de gestion de la société intimée, impliquait des jugements de valeur non susceptibles de donner lieu à un contrôle spécial. 
- l'organe de révision avait déjà examiné la question des indemnités et rémunérations versées aux deux frères et à leurs proches (ad question 2e), et l'expert chargé du contrôle spécial ne pouvait se substituer à celui-ci pour effectuer un examen complet des comptes. 
Les deux arguments se révèlent infondés. 
S'agissant du premier, l'analyse doit être nuancée, comme le souligne le recourant. Constater une disproportion manifeste dans un échange de prestations, respectivement des distributions de bénéfices sujettes à restitution selon l'art. 678 al. 2 CO, est une question de droit qui ne saurait être l'objet d'un contrôle spécial. En revanche, un expert indépendant peut être amené à préciser quelles prestations une société a fournies à des actionnaires, à des administrateurs ou à des personnes qui leur sont proches, à quelles conditions et sur quel fondement. Il s'agit de pures constatations de faits déterminésentrant dans le champ du contrôle. Les "prestations appréciables en argent" ne doivent pas être prises ici dans leur sens large, synonyme des "distributions dissimulées de bénéfices". Elles doivent s'entendre stricto sensu, comme des prestations dotées d'une valeur pécuniaire, telles que l'octroi d'un prêt, la mise à disposition d'actifs sociaux ou le versement de rémunérations, pour ne citer que quelques exemples. On pourrait notamment envisager le paiement d'honoraires pour des services rendus par la société de management des deux frères, ou encore la vente de produits du groupe aux sociétés de distribution dans lesquelles la holding des deux frères détient des participations.  
Pour le surplus, l'action en restitution de prestations perçues indûment (art. 678 CO), qui vise notamment les distributions dissimulées de bénéfices, est le cas de figure typique justifiant un contrôle spécial. Exclure celui-ci au motif qu'il incomberait à l'organe de révision de déceler de telles opérations priverait de portée une institution qui entend précisément aider l'actionnaire minoritaire. 
 
5.2.6. Ainsi interprétées, les questions 2a et 2d se recoupent quant aux types d'opérations visées. Il s'agit en substance de déterminer quelles prestations appréciables en argent ( stricto sensu) ont été faites directement ou indirectement au profit des deux frères B.________ et C.________, de personnes qui leur sont proches, et des sociétés énoncées à la question 2a, sur quelle base et pour quels montants.  
Il sied à ce stade de passer en revue la liste des sociétés énoncées sous question 2a. Les deux frères contrôlent entièrement E.________ SA et D.________ SA. Il se justifie d'examiner les échanges de prestations entre ces entités et la holding Z.________, respectivement ses filiales. Il en est de même de la société Q.________ Ltd, dont l'arrêt attaqué précise qu'elle a été "acquis[e]" par les deux frères, ce qui signifie qu'elle est au moins détenue économiquement par ceux-ci. Il appert par ailleurs que la holding des deux frères détient des participations dans des sociétés actives dans la distribution des produits Z.________ en Amérique du Nord et en Scandinavie, ce qui autorise à recenser les éventuelles prestations fournies par le groupe aux entités concernées (M.________ LLC et R.________ A/S). 
P.________ AG est administrée par un avocat ayant aussi administré la holding des deux frères; l'adresse de celui-ci constitue le siège de la prénommée, laquelle détient 100% de N.________ Ltd, active dans la distribution de produits Z.________ en Russie. Au niveau du contrôle spécial, il faut admettre qu'un lien suffisant avec les deux frères a été rendu vraisemblable pour justifier d'étendre cette mesure à ces entités. 
En revanche, le recourant n'est pas parvenu à établir des indices de liens entre ses deux frères et O.________ AG. Sous réserve du cas où cette société serait considérée comme une partie liée (cf. infra consid. 5.2.8 ad question 2b), le contrôle spécial ne saurait s'étendre aux prestations qui lui ont éventuellement été fournies.  
 
5.2.7. L'autorité précédente a considéré que la question 2d avait dûment été traitée par le conseil d'administration. Celui-ci a affirmé que les rémunérations des deux frères correspondaient aux montants versés les cinq dernières années, renvoyant l'actionnaire à des documents qu'il possédait. Comme le relève l'intéressé, une telle réponse peut susciter quelques doutes, en tant qu'elle exclut toute modification pendant cinq ans. Ou, si elle devait se révéler exacte, elle alimenterait le soupçon que des prestations dissimulées ont pu être fournies sous une autre forme. Le recourant est en droit d'obtenir un contrôle spécial non seulement sur la rémunération touchée par les deux frères B.________ et C.________ au cours de l'exercice concerné, mais aussi sur les éventuelles prestations appréciables en argent qui ont pu leur être fournies, directement, via les sociétés énoncées sous question 2a (avec la réserve exprimée ci-dessus à propos de O.________ AG), ou via d'autres personnes proches.  
La magistrate vaudoise a objecté que la question 2e, visant des distributions dissimulées de bénéfices, n'était qu'un moyen supplémentaire d'obtenir des renseignements sur les indemnités et rémunérations versées aux deux frères du recourant et à des personnes proches. Force est d'admettre que la question fait double emploi avec la question 2d, en tant qu'elle concerne les deux frères du recourant ou des personnes qui leur sont proches. Les éventuels bonus qu'auraient perçus ces personnes entrent dans les prestations appréhendées par la question 2d, et la requête est insuffisamment déterminée lorsqu'elle évoque d'autres avantages qui équivaudraient à des dividendes. Au surplus, en tant qu'elle élargit le champ des investigations à des personnes autres que les deux frères ou des personnes qui leur sont proches, la requête revêt des traits exploratoires qui ne sont pas admissibles. Enfin, le recourant n'explique pas quel intérêt il pourrait avoir à obtenir des explications sur le fait que ces paiements ne sont pas mentionnés dans des annexes. Il n'y a donc pas à donner suite à la requête en tant qu'elle porte sur la question 2e. 
 
5.2.8. Il reste encore à examiner les questions 2b et 2c.  
La première porte sur le statut des sociétés listées sous question 2a (tiers, personnes liées ou actionnaires). L'autorité précédente a expliqué que les documents comptables en possession du recourant résolvent déjà cette question. 
Le recourant fait observer à juste titre que le rapport de l'organe de révision comprend des postes globaux distinguant entre "tiers", "personnes liées" et "actionnaires", sans détailler les personnes concernées. On ne saurait parler d'informations suffisantes. Le recourant est en droit de savoir de quelle manière les entités listées dans la question 2a sont appréhendées dans les livres de comptes. La question 2b peut ainsi être soumise à l'expert indépendant. 
La question 2c concerne les "transactions" effectuées avec des parties liées au cours de l'exercice comptable 2018/2019. Aux yeux de l'autorité précédente, cette question serait formulée de façon imprécise et l'intéressé pourrait obtenir les informations en consultant les bilans consolidés au 31 mars 2018 et 31 mars 2019. 
La problématique est la même que pour la question 2b: le rapport sur les comptes indiquent une somme globale des prêts, créances et dettes concernant des "parties liées". Le recourant entend savoir quelles personnes, non connues de lui, et donc autres que les entités déjà identifiées, sont "des parties liées" au sens de cette comptabilité, et quelles sont pour chacune d'elles les transactions effectuées, présentées dans les comptes sous des rubriques globales. Il n'est pas question ici d'une démarche purement exploratoire, mais d'une demande de précisions par rapport à la présentation globale des comptes, qui se justifie dans la mesure où l'intéressé a rendu suffisamment vraisemblables de potentielles prestations sujettes à restitution. 
 
5.2.9. Le recourant a précisé dans sa requête qu'il visait les prestations émanant de la holding intimée ou de ses filiales.  
La personne morale qui contrôle une ou plusieurs entreprises astreintes à tenir des comptes doit elle-même établir des comptes consolidés (cf. art. 963 CO). Partant, elle a le droit d'accéder à toutes informations concernant les filiales en tant qu'elles sont nécessaires à l'établissement desdits comptes. Le contrôleur spécial chargé d'enquêter sur la société mère doit logiquement avoir accès aux mêmes informations (BÖCKLI, op. cit., § 16 n. 10). Compte tenu de cet élément, les relations financières des filiales du groupe peuvent en principe être l'objet d'un contrôle spécial (arrêt 4A_180/2017 du 31 octobre 2017 consid. 4.1; ATF 132 III 71 consid. 1.2), lequel peut viser des transactions commerciales spécifiques (ATF 132 III 71 consid. 1.3.3 p. 79; arrêt 4C.234/2002 du 4 juin 2003 consid. 4.1). La jurisprudence conçoit que dans certaines circonstances, la société mère puisse être amenée à produire des documents de la filiale qu'elle ne détient pas, mais qui sont exigibles pour le contrôle spécial. Encore faut-il que les opérations à éclaircir au niveau de la filiale puissent influer sur la situation financière de la société mère (arrêt précité 4A_180/2017 consid. 4.1). L'actionnaire doit en outre démontrer que l'information requise est nécessaire à l'exercice de ses droits, exigence qui, selon la doctrine, peut être difficile à réaliser dans le cas d'un groupe d'entreprises (arrêt précité 4A_180/2017 consid. 4.4; cf. ATF 132 III 71 consid. 1.3.1 et 1.3.3 p. 78; PAULI PEDRAZZINI, op. cit., n° 10a i.f. ad art. 697a CO). D'aucuns en concluent que l'actionnaire de la société mère doit essentiellement compter sur la comptabilité consolidée pour obtenir des renseignements (PETER KUNZ, Grundlagen zum Konzernrecht der Schweiz, 2016, n. 685).  
En l'occurrence, la holding intimée a tenu des comptes consolidés, auxquels l'arrêt attaqué se réfère. Sur le principe, il est admissible de poser la question de prestations effectuées par la holding intimée ou par ses filiales. Il faut cependant garder à l'esprit que les renseignements requis pourront se heurter aux limites évoquées par la jurisprudence. 
 
5.3. En définitive, l'autorité précédente a rejeté à tort la requête de contrôle spécial déposée par l'actionnaire minoritaire. Aussi la cause doit-elle lui être renvoyée pour qu'elle institue un tel contrôle en tenant compte des remarques apportées dans les considérants qui précèdent.  
 
6.  
Pour les motifs qui viennent d'être exposés, le recours doit être admis. L'arrêt attaqué est annulé et la cause retournée à l'autorité précédente pour qu'elle rende une nouvelle décision dans le sens des considérants. 
Le recourant obtient gain de cause, de sorte que l'intimée supportera les frais de la présente procédure (art. 66 al. 1 LTF) et lui versera une indemnité pour ses frais d'avocat (art. 68 al. 1 et 2 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est admis. L'arrêt attaqué est annulé et la cause est renvoyée à l'autorité précédente pour qu'elle rende une nouvelle décision dans le sens des considérants. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 10'000 fr., sont mis à la charge de l'intimée. 
 
3.  
L'intimée versera au recourant une indemnité de 12'000 fr. à titre de dépens. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties ainsi qu'au Tribunal cantonal du canton de Vaud. 
 
 
Lausanne, le 15 juin 2021 
 
Au nom de la Ire Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Hohl 
 
La Greffière : Monti