Wichtiger Hinweis:
Diese Website wird in älteren Versionen von Netscape ohne graphische Elemente dargestellt. Die Funktionalität der Website ist aber trotzdem gewährleistet. Wenn Sie diese Website regelmässig benutzen, empfehlen wir Ihnen, auf Ihrem Computer einen aktuellen Browser zu installieren.
Zurück zur Einstiegsseite Drucken
Grössere Schrift
 
 
Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
{T 0/2} 
 
1C_441/2014  
   
   
 
 
 
Arrêt du 15 décembre 2014  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Fonjallaz, Président, 
Aemisegger et Chaix. 
Greffier : M. Alvarez. 
 
Participants à la procédure 
A.________, représenté par Me Jacques Emery, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
Office fédéral des migrations, Quellenweg 6, 3003 Berne.  
 
Objet 
Annulation de la naturalisation facilitée, 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal administratif fédéral, Cour III, du 18 juillet 2014. 
 
 
Faits :  
 
A.   
A.________, ressortissant camerounais, est entré en Suisse le 25 octobre 2001 au bénéfice d'un visa d'études. Le 12 décembre 2003, il a épousé B.________, ressortissante suisse. 
 
 Le 13 décembre 2006, A.________ a déposé une demande de naturalisation facilitée. Dans le cadre de l'instruction de cette demande, les époux ont signé, le 27 octobre 2007, une déclaration écrite aux termes de laquelle ils confirmaient vivre en communauté conjugale effective et stable, résider à la même adresse et n'envisager ni séparation ni divorce. Leur attention a été attirée sur le fait que la naturalisation facilitée ne pouvait pas être octroyée lorsque, avant ou pendant la procédure de naturalisation, l'un des époux demandait le divorce ou la séparation, ou lorsque la communauté conjugale effective n'existait plus. 
 
 Par décision du 7 janvier 2008, l'Office fédéral des migrations (ci-après: l'ODM) a accordé la naturalisation facilitée à l'intéressé. 
 
B.   
Le 25 mars 2008, les époux se sont séparés et A.________ a quitté le domicile conjugal. Le 23 mai 2008, ils ont déposé une requête commune en divorce. Celui-ci a été prononcé en date du 3 octobre 2008. 
 
 Informé de ce divorce, l'ODM a signifié à A.________ qu'il se voyait contraint d'examiner s'il y avait lieu d'annuler la naturalisation facilitée et l'a invité à se déterminer. Par courriers des 26 janvier et 2 février 2011, l'intéressé a fait valoir que des problèmes financiers survenus après la décision de naturalisation, matérialisés notamment par la fin de son droit aux prestations de l'assurance-chômage au 31 janvier 2008, avaient généré "malaise au sein du couple, crise financière, incapacité de joindre les deux bouts, frustrations et tensions", conduisant son épouse à solliciter une séparation de fait. Il a aussi précisé que, lors de la signature de la déclaration d'octobre 2007, les époux avaient encore la ferme intention de poursuivre la vie commune. 
 
 Auditionnée le 3 août 2011, B.________ a déclaré que les difficultés rencontrées par le couple avaient débuté en mars ou avril 2008 en raison du fait que A.________ n'avait plus de travail et plus le droit aux allocations de chômage. Elle a précisé que la question de la séparation s'était posée au moment où les problèmes financiers ont "pris le dessus sur [leur] amour". Par ailleurs, à la question de savoir si la communauté conjugale qu'elle formait avec l'intéressé était effective et stable lors de la signature de la déclaration du 27 octobre 2007, B.________ a répondu par l'affirmative. A.________ ne s'est pas déterminé sur ces déclarations. 
 
C.   
Par décision du 26 janvier 2012, l'ODM a prononcé, après avoir recueilli l'assentiment des Services de l'état civil et des naturalisations des cantons de Berne et de Fribourg, l'annulation de la naturalisation facilitée. En substance, il a retenu que la perte de revenus alléguée par A.________ n'était, en l'espèce, pas constitutive d'un événement extraordinaire propre à mettre brutalement et définitivement un terme à l'union conjugale. Il a en outre estimé qu'il n'était pas concevable que la seule existence de difficultés financières passagères conduise à la rupture définitive d'une communauté effective et stable dans laquelle les époux se doivent notamment assistance. 
 
 Le Tribunal administratif fédéral a confirmé cette décision dans un arrêt rendu le 18 juillet 2014. Il a considéré, en particulier, que l'enchaînement rapide des événements fondait la présomption que la communauté conjugale formée par les intéressés n'était pas stable au moment de la signature de la déclaration commune, respectivement lors du prononcé de la décision de naturalisation, et que les éléments avancés par A.________ n'étaient pas susceptibles de la renverser. 
 
D.   
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du Tribunal administratif fédéral ainsi que la décision de l'ODM du 26 janvier 2012. 
 
 Invités à se déterminer, le Tribunal administratif fédéral a renoncé à prendre position, alors que l'ODM a observé que le recours ne contenait pas d'élément démontrant une violation du droit fédéral ou l'établissement inexact des faits. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
Dirigé contre la décision du Tribunal administratif fédéral qui confirme l'annulation de la naturalisation facilitée accordée au recourant, le recours est recevable comme recours en matière de droit public (art. 82 al. 1 let. a et 86 al. 1 let. a LTF). Le motif d'exclusion de l'art. 83 let. b LTF n'entre pas en ligne de compte, dès lors qu'il s'agit en l'espèce de naturalisation facilitée et non pas de naturalisation ordinaire. Pour le surplus, le recourant a la qualité pour recourir au sens de l'art. 89 al. 1 LTF et les conditions formelles de recevabilité sont remplies, de sorte qu'il y a lieu d'entrer en matière. 
 
2.   
Dans un unique grief, le recourant conteste avoir obtenu la naturalisation par des déclarations mensongères. Il reproche au Tribunal administratif fédéral de s'être livré à une appréciation arbitraire des faits et, ce faisant, d'avoir rendu une décision contraire à l'art. 41 de la loi fédérale sur l'acquisition et la perte de la nationalité suisse du 29 septembre 1952 (LN; RS 141.0). 
 
2.1. En matière d'appréciation des preuves et d'établissement des faits, il y a arbitraire lorsque l'autorité n'a manifestement pas compris le sens et la portée d'un moyen de preuve, si elle ne prend pas en compte, sans raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision ou lorsqu'elle tire des constatations insoutenables des éléments recueillis, ce qu'il appartient au recourant de démontrer par une argumentation répondant aux exigences de l'art. 42 al. 2 LTF, respectivement de l'art. 106 al. 2 LTF (ATF 137 I 58 consid. 4.1.2 p. 62).  
 
2.2. Conformément à l'art. 41 al. 1 LN, l'ODM peut, avec l'assentiment de l'autorité du canton d'origine, annuler la naturalisation ou la réintégration obtenue par des déclarations mensongères ou la dissimulation de faits essentiels.  
 
2.2.1. Pour qu'une naturalisation facilitée soit annulée, il ne suffit pas qu'elle ait été accordée alors que l'une ou l'autre de ses conditions n'était pas remplie; il faut qu'elle ait été acquise grâce à un comportement déloyal et trompeur. S'il n'est point besoin que ce comportement soit constitutif d'une escroquerie au sens du droit pénal, il est nécessaire que l'intéressé ait donné sciemment de fausses informations à l'autorité ou qu'il l'ait délibérément laissée dans l'erreur sur des faits qu'il savait essentiels (ATF 135 II 161 consid. 2 p. 165; 132 II 113 consid. 3.1 p. 115 et les arrêts cités). Tel est notamment le cas si le requérant déclare vivre en communauté stable avec son conjoint alors qu'il envisage de se séparer une fois obtenue la naturalisation facilitée; peu importe que son mariage se soit ou non déroulé jusqu'ici de manière harmonieuse (arrêts 1C_256/2012 du 22 novembre 2012 consid. 3.2.1; 1C_406/2009 du 28 octobre 2009 consid. 3.1.1 et l'arrêt cité).  
 
 La nature potestative de l'art. 41 al. 1 LN confère une certaine liberté d'appréciation à l'autorité compétente, qui doit toutefois s'abstenir de tout abus dans l'exercice de celle-ci. Commet un abus de son pouvoir d'appréciation l'autorité qui se fonde sur des critères inappropriés, ne tient pas compte de circonstances pertinentes ou rend une décision arbitraire, contraire au but de la loi ou au principe de la proportionnalité (ATF 129 III 400 consid. 3.1 p. 403; 128 II 97 consid. 4a p. 101 et les arrêts cités). 
 
2.2.2. La notion de communauté conjugale suppose non seulement l'existence formelle d'un mariage, mais encore une véritable communauté de vie des conjoints; tel est le cas s'il existe une volonté commune et intacte de ceux-ci de maintenir une union conjugale stable; une séparation survenue peu après l'octroi de la naturalisation constitue un indice de l'absence de cette volonté lors de l'obtention de la citoyenneté suisse (ATF 135 II 161 consid. 2 p. 165; 130 II 482 consid. 2 p. 484; 128 II 97 consid. 3a p. 98).  
 
 La procédure administrative fédérale est régie par le principe de la libre appréciation des preuves (art. 40 de la loi fédérale de procédure civile fédérale du 4 décembre 1947 [PCF; RS 273], applicable par renvoi de l'art. 19 PA [RS 172.021]). Ce principe vaut également devant le Tribunal administratif fédéral (art. 37 LTAF [RS 173.32]). L'administration supporte le fardeau de la preuve lorsque la décision intervient, comme en l'espèce, au détriment de l'administré. Cela étant, la jurisprudence admet dans certaines circonstances que l'autorité puisse se fonder sur une présomption. C'est notamment le cas pour établir que le conjoint naturalisé a menti lorsqu'il a déclaré former une union stable, dans la mesure où il s'agit d'un fait psychique lié à des éléments relevant de la sphère intime, souvent inconnus de l'administration et difficiles à prouver (ATF 135 II 161 consid. 3 p. 166; 130 II 482 consid. 3.2 p. 485). Partant, si l'enchaînement rapide des événements fonde la présomption de fait que la naturalisation a été obtenue frauduleusement, il incombe alors à l'administré de renverser cette présomption en raison, non seulement de son devoir de collaborer à l'établissement des faits (art. 13 al. 1 let. a PA; cf. ATF 135 II 161 consid. 3 p. 166; 132 II 113 consid. 3.2 p. 115 s.), mais encore de son propre intérêt (ATF 130 II 482 consid. 3.2 p. 485 s.). 
 
 S'agissant d'une présomption de fait, qui ressortit à l'appréciation des preuves et ne modifie pas le fardeau de la preuve (cf. ATF 135 II 161 consid. 3 p. 166), l'administré n'a pas besoin, pour la renverser, de rapporter la preuve contraire du fait présumé, à savoir faire acquérir à l'autorité la certitude qu'il n'a pas menti; il suffit qu'il parvienne à faire admettre l'existence d'une possibilité raisonnable qu'il n'ait pas menti en déclarant former une communauté stable avec son conjoint. Il peut le faire en rendant vraisemblable, soit la survenance d'un événement extraordinaire susceptible d'expliquer une détérioration rapide du lien conjugal, soit l'absence de conscience de la gravité de ses problèmes de couple et, ainsi, l'existence d'une véritable volonté de maintenir une union stable avec son conjoint lorsqu'il a signé la déclaration (ATF 135 II 161 consid. 3 p. 165 s. et les arrêts cités). 
 
2.3. En l'espèce, le Tribunal administratif fédéral a considéré que le laps de temps réduit entre l'octroi de la naturalisation facilitée (7 janvier 2008), la séparation de fait (25 mars 2008) et le dépôt de la demande commune en divorce (23 mai 2008) est de nature à fonder la présomption de fait que l'union n'était plus stable ni effective au moment de la déclaration commune du 27 octobre 2007, voire au plus tard lors du prononcé de la naturalisation facilitée. La séparation de fait, respectivement l'ouverture de la procédure de divorce n'étant séparées de ce prononcé que de quelques mois, le Tribunal administratif fédéral pouvait conformément à la pratique présumer que la communauté conjugale n'était alors pas stable (cf. notamment arrêts 1C_674/2013 du 12 décembre 2013 consid. 3.3; 1C_172/2012 du 11 mai 2012 consid. 2.2; 1C_472/2011 du 22 décembre 2011 consid. 2.1.3). Cette présomption n'est pas en tant que telle discutée par le recourant. Il s'agit dès lors uniquement de déterminer si ce dernier est parvenu à la renverser.  
 
2.4. Le recourant soutient que la détérioration rapide du lien conjugal serait due à l'apparition soudaine et imprévisible de problèmes financiers consécutifs à la perte de son emploi et à la fin de son droit aux indemnités de chômage. Dans ce cadre, il reproche à l'instance précédente d'avoir ignoré qu'il avait réalisé un revenu de 54'000 fr. durant l'année 2007. On comprend de sa critique - dont il est douteux qu'elle réponde aux exigences de motivation des art. 42 al. 2 et 106 al. 2 LTF - qu'à l'aune de ce dernier élément le Tribunal administratif fédéral aurait dû reconnaître que sa situation financière était stable et, par voie de conséquence, admettre le caractère inattendu des difficultés alléguées. L'ex-épouse a toutefois expliqué que le recourant "vivait de petits boulots et de petits salaires", ce que le faible avoir de prévoyance qu'il a accumulé entre mai 2002 et juin 2008 - à savoir moins de 2'400 fr.- tend à confirmer. Par ailleurs, le recourant a perçu, en 2007, des indemnités de chômage à hauteur de 13'142 fr. Ces dernières témoignent, par définition, d'une situation professionnelle incertaine. Par ailleurs, le recourant devait être conscient que le versement, limité dans le temps (cf. art. 27 de la fédérale sur l'assurance chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité dans sa teneur du 13 juin 2006 [LACI; RS 837.0]), de ses prestations sociales allait prendre fin. Dans ces conditions, l'instance précédente pouvait à juste titre retenir que les difficultés financières avancées par le recourant étaient prévisibles et qu'elles ne constituaient pas un événement extraordinaire susceptible d'expliquer la dégradation rapide de la situation conjugale.  
 
 La présomption de fait fondée sur l'enchaînement rapide des événements se trouve également confirmée par plusieurs autres éléments du dossier. En premier lieu, le Tribunal administratif fédéral a souligné la célérité avec laquelle le recourant a déposé sa demande de naturalisation, à savoir le lendemain de l'échéance du délai de trois ans de mariage avec une ressortissante suisse prévu par l'art. 27 al. 1 let. c LN. A cela s'ajoute que la demande en divorce avec accord complet n'a été précédée d'aucune procédure de mesures protectrices de l'union conjugale ou de tentative de conciliation. Sur ce point, le recourant affirme, sans autre forme de motivation, que le fait que l'ex-épouse ait opté pour le divorce, sans passer par une telle procédure provisionnelle, ne serait pas pertinent. Il soutient, à cet égard, que les époux n'étaient alors pas assistés par un conseil et que ce choix avait été dicté par la volonté de l'ex-épouse de se prémunir, de la façon la plus "expédiente", contre les dettes futures du recourant. On ne saurait le suivre dans cette voie. En effet, tant au regard de la conception du mariage définie par le législateur, laquelle sous-entend notamment un devoir d'assistance entre époux (cf. art. 159 al. 2 et 3 CC; ATF 124 III 52 consid. 2a/aa p 54), que de l'expérience générale de la vie (cf. arrêts 1C_228/2009 du 31 août 2009 consid. 3; 5A.11/2006 du 27 juin 2006 consid. 4), il n'est pas concevable que l'apparition soudaine de problèmes financiers passagers - telle qu'alléguée par le recourant - conduise à la rupture définitive d'une union conjugale prétendument effective et stable en l'espace de quelques semaines seulement. Le Tribunal administratif fédéral pouvait ainsi, sans que cela n'apparaisse critiquable, se fonder sur la présomption de fait définie par la jurisprudence pour nier le caractère stable et effectif de cette union. 
 
2.5. Dès lors c'est sans violer le droit fédéral que le Tribunal administratif fédéral a confirmé l'annulation de la naturalisation facilitée qui avait été octroyée au recourant.  
 
3.   
Les considérants qui précèdent conduisent au rejet du recours dans la mesure de sa recevabilité, aux frais du recourant qui succombe (art. 65, 66 al. 1 et 5 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.   
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
3.   
Le présent arrêt est communiqué au mandataire du recourant, à l'Office fédéral des migrations et au Tribunal administratif fédéral, Cour III. 
 
 
Lausanne, le 15 décembre 2014 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Fonjallaz 
 
Le Greffier : Alvarez