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Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
6B_176/2007 /rod 
 
Arrêt du 16 novembre 2007 
Cour de droit pénal 
 
Composition 
MM. les Juges Schneider, Président, 
Ferrari, Favre, Zünd et Mathys. 
Greffier: M. Oulevey. 
 
Parties 
X.________, 
recourante, représentée par Me Yves Nicole, avocat, 
 
contre 
 
Ministère public du canton de Vaud, 
case postale, 1014 Lausanne. 
 
Objet 
Infraction à la LSEE, 
 
recours en matière pénale contre le jugement du Tribunal de police de l'arrondissement de la Broye et du Nord vaudois du 3 avril 2007. 
 
Faits : 
A. 
X.________ est employée par Y.________ Sàrl, société contrôlée par son mari, comme gérante du Bar Z.________, à Yverdon-les-Bains. Cet établissement est fréquenté en permanence par des prostituées brésiliennes, qui en racolent les clients. X.________ admet ces professionnelles en toute connaissance de cause dans son bar. Elle surveille leur conduite, s'opposant en particulier à ce que des couples entretiennent des relations sexuelles dans son établissement, à ce que des gestes obscènes y soient accomplis et à ce que la tenue des filles devienne vulgaire. Le Bar Z.________ doit son succès commercial à la présence de ces prostituées. 
B. 
Le 23 mars 2006, un contrôle de police a révélé que six des prostituées brésiliennes qui racolaient ce jour-là au Bar Z.________ ne disposaient pas d'autorisation de séjour. X.________ a été dénoncée. Par prononcé du 22 août 2006, le Préfet du district d'Yverdon l'a condamnée pour occupation d'étrangers non autorisés à travailler en Suisse (art. 23 al. 4 de la loi fédérale sur le séjour et l'établissement des étrangers; LSEE; RS 142.20) et contravention à la loi vaudoise sur l'exercice de la prostitution (RS/VD 943.05) à 1'100 fr. d'amende. 
 
Statuant le 3 avril 2007 sur appel de la condamnée, le Tribunal de police de l'arrondissement de la Broye et du Nord vaudois a réformé ce prononcé en ce sens que X.________ était libérée de l'accusation de contravention à la loi vaudoise sur l'exercice de la prostitution mais condamnée, pour facilitation du séjour illégal d'étrangers au sens de l'art. 23 al. 1 5ème phrase LSEE et occupation d'étrangers non autorisés à travailler en Suisse au sens de l'art. 23 al. 4 LSEE, à 12'000 fr. d'amende. 
C. 
X.________ recourt au Tribunal fédéral contre ce dernier jugement, dont elle demande principalement la réforme en ce sens qu'elle est acquittée, subsidiairement l'annulation avec renvoi de la cause au juge d'appel. Elle se plaint de fausse application de l'art. 23 al. 1 5ème phrase et al. 4 LSEE , ainsi que de constatation arbitraire de certains faits. 
 
Se référant aux motifs du jugement attaqué, le Ministère public du canton de Vaud conclut au rejet du recours. 
 
Le Tribunal fédéral considère en droit: 
1. 
Lorsqu'il statue sur un appel interjeté contre un prononcé préfectoral rendu en application de la loi vaudoise sur les contraventions (LContr.; RS/VD 312.11), le jugement d'un tribunal de police vaudois ne peut faire l'objet d'aucun recours cantonal si, comme en l'espèce, la contravention ou le délit litigieux est réprimé par une loi fédérale (cf. art. 80a LContr.). Comme les cantons disposent d'un délai échéant à l'entrée en vigueur d'un code de procédure pénale suisse pour mettre leur organisation judiciaire en conformité avec l'art. 80 al. 2 LTF (cf. art. 130 al. 1 LTF), le tribunal de police qui rend un tel jugement constitue valablement l'autorité de dernière instance cantonale au sens de l'art. 80 al. 1 LTF. Dès lors, interjeté dans les formes et le délai prescrits par la loi (art. 42 al. 1 et 2, 46 al. 1 let. a et 100 al. 1 LTF), par une accusée qui a succombé dans ses conclusions (art. 81 al. 1 let. b LTF), contre un jugement final (art. 90 LTF) rendu en matière pénale (art. 78 al. 1 LTF) par une autorité de dernière instance cantonale (art. 80 al. 1 LTF), le présent recours est recevable. 
2. 
Le recours n'est ouvert au Tribunal fédéral que pour les violations du droit prévues aux art. 95 et 96 LTF
2.1 Conformément à l'art. 42 al. 1 et 2 LTF, le mémoire de recours doit, sous peine d'irrecevabilité (art. 108 al. 1 let. b LTF), exposer succinctement en quoi l'acte attaqué viole le droit, au sens des art. 95 et 96 LTF. Aussi le Tribunal fédéral n'examine-t-il en principe que les griefs soulevés par le recourant; il n'est pas tenu de traiter, comme le ferait une autorité de première instance, toutes les questions juridiques qui se posent, si celles-ci ne sont plus discutées devant lui. 
2.2 Dans le cadre du litige ainsi défini et sous réserve de la violation des droits constitutionnels et des questions relevant du droit cantonal ou intercantonal, qu'il ne peut examiner que si le grief a été invoqué et motivé de manière précise par la partie recourante (art. 106 al. 2 LTF), le Tribunal fédéral examine d'office l'application du droit (art. 106 al. 1 LTF). Il n'est limité ni par les arguments soulevés dans le mémoire de recours ni par le raisonnement de l'autorité précédente; il peut admettre le recours pour d'autres motifs que ceux avancés par le recourant ou, au contraire, le rejeter en adoptant une argumentation différente de celle retenue par l'autorité précédente (cf. ATF 130 III 136 consid. 1.4 p. 140). Il conduit son raisonnement sur la base des faits retenus par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en écarter que si ceux-ci ont été établis en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF ou de façon manifestement inexacte (art. 105 al. 2 LTF), c'est-à-dire arbitraire (cf. Message du Conseil fédéral concernant la révision totale de l'organisation judiciaire fédérale, du 28 février 2001, FF 2001 4135). Le recourant qui entend s'écarter des faits constatés par l'autorité précédente doit expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions d'une exception prévue par l'art. 105 al. 2 LTF seraient remplies; à défaut de ces précisions, il n'est pas possible de tenir compte d'un état de fait qui diverge de celui de la décision attaquée (cf. ATF 130 III 136 consid. 1.4 p. 140). 
3. 
L'art. 23 al. 4 LSEE punit le fait d'occuper, intentionnellement ou par négligence, un étranger non autorisé à travailler en Suisse. 
3.1 Dans son premier moyen, la recourante conteste avoir occupé, au sens de cette disposition légale, les six prostituées brésiliennes dépourvues d'autorisation de séjour qui racolaient dans son établissement le 23 mars 2006. Elle fait valoir qu'aucun contrat ne liait la société à responsabilité limitée de son mari à ces professionnelles, venues chercher de la clientèle dans son bar pour leurs propres affaires, et que, même si l'on considérait la société de son mari comme employeuse de ces prostituées au sens de la LSEE, ce n'est alors pas elle, en sa qualité de simple tenancière du bar, qui en porterait la responsabilité, puisque son contrat de travail dispose que l'associé gérant est seul compétent pour l'engagement du personnel. 
3.2 Introduit dans la loi par une novelle du 9 octobre 1987, l'art. 23 al. 4 LSEE a pour but de lutter contre le travail au noir. Même si les débats parlementaires montrent qu'en adoptant cette disposition le législateur a principalement entendu viser les employeurs d'étrangers en situation irrégulière, l'art. 23 al. 4 LSEE ne réprime pas seulement la conclusion et l'exécution, avec un étranger non autorisé à exercer une activité lucrative en Suisse, d'un contrat de travail au sens des art. 319 ss CO. Le champ d'application de l'art. 23 al. 4 LSEE doit être compris d'une manière large, conforme au but de la disposition et au sens des termes dans lesquelles celle-ci est formulée. Pour l'application de l'art. 23 al. 4 LSEE, "occuper" signifie "faire exercer une activité lucrative à quelqu'un" (jemanden eine Erwerbstätigkeit ausüben [...] lassen; ATF 128 IV 170 consid. 4.1 p. 175; Valentin Roschacher, Die Strafbestimmungen des Bundesgesetzes über Aufenthalt und Niederlassung der Ausländer, th. Zurich 1991, p. 122), quelle que soit la nature juridique du rapport entre l'auteur et la personne occupée. Une simple permission ou tolérance ne suffit pas. Pour que la disposition soit applicable, il faut qu'une personne chargée de pourvoir à l'accomplissement de certaines tâches au sein d'un ménage, d'une entreprise ou d'un service public (par exemple le service des cimetières et jardins publics d'une commune, cf. ATF 99 IV 110 consid. 1-3), confie activement l'exécution rémunérée de ces tâches à des étrangers qui ne sont pas autorisés à travailler dans notre pays. Il n'est pas nécessaire que l'auteur ait la compétence de donner des instructions à ces travailleurs étrangers. Il suffit qu'il entre dans ses attributions de décider qui peut, ou ne peut pas, participer à l'exécution de la tâche et qu'ainsi, sa décision conditionne l'activité lucrative des intéressés (cf. ATF 128 IV 170 consid. 4.2 p. 176). 
3.3 L'établissement géré par la recourante est un bar spécialisé, fréquenté principalement par des amateurs de prostituées. Cependant, les professionnelles qui veulent exercer dans ce bar n'ont pas besoin de l'agrément préalable de la recourante ou de son mari. Certes, la recourante pose et fait respecter des conditions relatives au comportement et à la tenue des filles. Mais toute cliente, prostituée ou non, qui respecte ces conditions est admise dans l'établissement. Il n'existe ainsi, entre les prostituées et la société du mari de la recourante, qu'un contrat de restauration. Dans ces conditions et quel que soit l'impact de la présence des prostituées sur le chiffre d'affaires du bar, on ne saurait retenir que la recourante ait confié un travail, au sein de son entreprise, aux prostituées en situation irrégulière trouvées dans son établissement le 23 mars 2006. Le moyen pris d'une fausse application de l'art. 23 al. 4 LSEE se révèle ainsi bien fondé. Le recours doit dès lors être admis sur ce point. 
4. 
L'art. 23 al. 1 5ème phrase LSEE punit le fait de faciliter ou d'aider à préparer une entrée, une sortie ou un séjour illégal dans notre pays. 
4.1 Le juge d'appel a considéré que la recourante avait facilité le séjour illégal des six prostituées dépourvues d'autorisation de séjour qui racolaient dans son établissement le 23 mars 2006, parce qu'elle les avait laissées exercer leur activité lucrative dans un lieu soustrait à la vue du public, où elles pouvaient en outre tenter de justifier leur présence, en cas de contrôle de police, en affirmant qu'elles se trouvaient là pour prendre une consommation et non pour se livrer à la prostitution. 
 
La recourante conteste ce point de vue. Elle soutient que le juge d'appel a interprété le texte légal de manière trop extensive en considérant qu'il suffirait de laisser utiliser un espace de travail discret à un étranger en situation irrégulière pour "faciliter" le séjour illégal de celui-ci au sens de l'art. 23 al. 1 5ème phrase LSEE. Elle en déduit que cette dernière disposition lui a été appliquée à tort. 
4.2 Le délit réprimé par l'art. 23 al. 1 5ème phrase LSEE est difficile à circonscrire. L'étranger qui séjourne illégalement dans notre pays noue, par la force des choses, de nombreuses relations avec des tiers, par exemple en prenant un moyen de transport, en achetant de la nourriture, en occupant un logement, en allant à l'école, en fréquentant un lieu de culte, en mangeant au restaurant ou en répondant à une invitation chez des particuliers. Toute relation qui rend plus agréable le séjour de cet étranger ne saurait constituer une facilitation visée par l'art. 23 al. 1 5ème phrase LSEE. Sinon, le champ d'application de cette disposition serait illimité (cf. Minh Son Nguyen, Droit public des étrangers, Berne 2003, p. 676). Pour qu'il tombe sous le coup de l'art. 23 al. 1 5ème phrase LSEE, le comportement de l'auteur doit rendre plus difficile le prononcé ou l'exécution d'une décision de renvoi, par exemple en restreignant les possibilités d'arrêter l'intéressé. Le comportement de l'auteur doit donc contribuer à soustraire l'étranger en situation irrégulière au pouvoir d'intervention de l'autorité (ATF 130 IV 77 consid. 2.3.3 p. 81; Nguyen, op. cit., p. 677). Le délit est réalisé, par exemple, lorsque l'auteur héberge chez lui un étranger en situation irrégulière à l'insu des autorités (ATF 130 IV 77 consid. 2.3.2 p. 80 et les arrêts cités), mais non s'il se borne à occuper cet étranger, au sens de l'art. 23 al. 4 LSEE, sans lui fournir d'autres prestations (ATF 128 IV 170 consid. 4.1 p. 174; 118 IV 262 consid. 3-4 p. 364 ss). 
4.3 Le juge d'appel a retenu que les risques de contrôle et, partant, d'interpellation et de renvoi étaient plus élevés pour les prostituées en situation irrégulière qui racolent dans la rue que pour celles qui recherchent de la clientèle dans des lieux soustraits à la vue du public, tel un bar spécialisé. Cette constatation n'implique cependant pas que l'admission de prostituées étrangères en situation irrégulière dans des bars spécialisés constitue une facilitation de leur séjour, au sens de l'art. 23 al. 1 5ème phrase LSEE. En effet, à moins qu'il ne s'agisse de bars clandestins, l'existence des établissements de ce type est connue des pouvoirs publics, qui ont toute latitude pour les surveiller. Dès lors, on ne saurait considérer que les possibilités d'intervention des autorités soient moindres à l'endroit des prostituées actives dans un bar spécialisé qu'à l'endroit de celles qui exercent dans la rue. Si - comme l'a retenu le juge d'appel - la probabilité d'être contrôlées et renvoyées dans un certain délai est plus faible pour les prostituées étrangères en situation irrégulière qui pratiquent dans un bar spécialisé que pour celles qui pratiquent dans la rue, c'est la conséquence d'un choix des autorités compétentes, qui se fixent pour priorité de maintenir l'ordre dans la rue, et non le résultat de l'impossibilité, ou de difficultés significativement plus grandes, qu'il y aurait à réaliser des contrôles dans un établissement public (auberge, bar, etc.). Que les prostituées présentes puissent prétendre s'y trouver pour prendre une consommation n'y change rien, puisque, contrôlées dans la rue, elles pourraient tout aussi bien prétendre se trouver sur le trottoir pour prendre l'air ou se promener; dans un cas comme dans l'autre, les forces de l'ordre doivent d'abord procéder à une certaine surveillance des intéressées, pour constater leur racolage, avant de pouvoir utilement les interpeller. Les professionnelles du sexe actives dans un bar spécialisé sont donc tout autant soumises au pouvoir d'intervention des autorités que celles qui racolent dans la rue, même si les autorités exercent peut-être moins ce pouvoir à l'égard des premières qu'à l'égard des secondes. En admettant des prostituées brésiliennes dépourvues d'autorisation de séjour dans son bar, qui est bien connu, la recourante n'a dès lors pas contribué à soustraire ces personnes au pouvoir d'intervention des autorités. 
 
Il ne ressort pas des constatations de fait du juge d'appel que la recourante rende d'autres services aux prostituées que celui de les laisser entrer dans son bar pour y rechercher de la clientèle. Aussi le moyen pris de la fausse application de l'art. 23 al. 1 5ème phrase LSEE est-il fondé. Le recours doit également être admis sur ce point. 
5. 
Lorsqu'il admet le recours, le Tribunal fédéral annule la décision attaquée. En vertu de l'art. 107 al. 2 LTF, il a alors le choix, soit de statuer lui-même sur le fond, soit de renvoyer la cause à l'autorité précédente, voire à celle de première instance, pour nouvelle décision. 
 
Dans le cas présent, où toutes les accusations encore litigieuses doivent être écartées, il convient d'admettre le chef de conclusions principal de la recourante et, partant, de réformer le jugement entrepris en ce sens qu'elle est immédiatement acquittée (cf. Felix Bänziger, Der Beschwerdegang in Strafsachen, in Bernhard Ehrenzeller/Rainer J. Schweizer [éd.], Die Reorganisation der Bundesrechtspflege - Neuerungen und Auswirkungen in der Praxis, St-Gall 2006, p. 81 ss, spéc. p. 100 ss; Felix Bommer, Ausgewählte Fragen der Strafrechtspflege nach Bundesgerichtsgesetz, in Neue Bundesrechtspflege, in BTJP 2006 p. 153 ss, spéc. p. 184 s.). En revanche, la cause sera renvoyée au juge d'appel pour nouvelle décision sur les frais et dépens de la procédure cantonale, dès lors que cette question, encore litigieuse, relève du droit cantonal (cf. Bommer, op. cit., p. 185). 
6. 
Comme l'accusateur public succombe, il n'y a pas lieu de prélever un émolument judiciaire (art. 66 al. 4 LTF). 
 
Obtenant gain de cause, la recourante a droit à des dépens (art. 68 al. 1 et 2 LTF) pour ses procédés devant le Tribunal fédéral. 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
1. 
Le recours est admis et le jugement entrepris annulé; la recourante est acquittée. 
2. 
Il n'est pas perçu d'émolument judiciaire. 
3. 
Le canton de Vaud versera une indemnité de 2'000 fr. à la recourante à titre de dépens. 
4. 
La cause est renvoyée au Tribunal de police de l'arrondissement de la Broye et du Nord vaudois pour nouvelle décision sur les frais et dépens de la procédure cantonale. 
5. 
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire de la recourante, au Ministère public du canton de Vaud et au Tribunal de police de l'arrondissement de la Broye et du Nord vaudois. 
Lausanne, le 16 novembre 2007 
Au nom de la Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
Le président: Le greffier: