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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
2C_278/2017  
   
   
 
 
 
Arrêt du 17 août 2017  
 
IIe Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Seiler, Président, 
Donzallaz et Haag. 
Greffière : Mme Jolidon. 
 
Participants à la procédure 
1. A.A.________, 
2. B.A.________, 
tous les deux représentés par Me Pierre Gabus, avocat, 
recourants, 
 
contre  
 
Commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients du canton de Genève, rue Adrien-Lachenal 8, 1207 Genève, 
intimée. 
 
Objet 
Surveillance d'une personne psychotique en milieu hospitalier, 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre administrative, du 31 janvier 2017. 
 
 
Faits :  
 
A.   
Le 4 août 2014, feu C.A.________, née en 1992, a été hospitalisée à l'Unité d'accueil et d'urgences psychiatriques de l'Hôpital D.________. Elle avait eu une crise clastique; elle s'était montrée agitée et avait fait preuve d'une grande agressivité envers sa famille et elle-même. 
 
Le 5 août 2014, feu C.A.________ a été transférée dans l'Unité d'intervention et de thérapie brève de l'Hôpital D.________ qui accueille des patients en situation de crise psychiatrique. Dans la matinée du 6 août 2014, elle a profité de l'ouverture de la porte de service pour s'échapper. Elle s'est rendue dans la cage d'escaliers d'où elle s'est défenestrée. La chute sur la voie publique lui a été fatale. Une procédure pénale a été ouverte. 
 
Le 14 juillet 2015, les parents de feu C.A.________, A.A.________ et B.A.________, ont déposé plainte contre l'Hôpital D.________ auprès de la Commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients du canton de Genève (ci-après : la Commission de surveillance). Le Bureau de la Commission de surveillance a décidé, en date du 10 août 2015, d'ouvrir une procédure administrative dont l'instruction a été confiée à une sous-commission (art. 105 al. 2 LTF). 
 
Par décision incidente du 24 mars 2016, ladite commission a estimé que les époux A.________ ne bénéficiaient pas de la qualité de parties à la procédure. Ils étaient dénonciateurs; lors de son hospitalisation, sous réserve du soir de son arrivée aux urgences, feu C.A.________ était capable de discernement et en mesure de prendre toute décision à caractère médical la concernant; les parents ne pouvaient dès lors prétendre avoir été ses représentants thérapeutiques, ce qui les privait de la qualité de partie. 
 
B.   
Par arrêt du 31 janvier 2017, la Cour de justice de la République et canton de Genève (ci-après: la Cour de justice) a rejeté le recours des époux A.________. Elle a notamment jugé que lesdits époux n'avaient pas la qualité de partie à la procédure et que la Commission de surveillance était valablement composée lors de la séance du 24 mars 2016: la Dresse E.________, qui avait produit plusieurs écritures pour le compte de l'Hôpital D.________ dans le cadre de la présente affaire, s'était récusée. 
 
C.   
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.A.________ et B.A.________ demandent au Tribunal fédéral, sous suite de frais et dépens, d'annuler l'arrêt du 31 janvier 2017 de la Cour de justice et la décision du 24 mars 2016 de la Commission de surveillance, de leur octroyer la qualité de partie dans le cadre de la procédure initiée par leur plainte du 14 juillet 2015 auprès de la Commission de surveillance; subsidiairement, d'annuler les deux décisions susmentionnées et de renvoyer la cause à la Cour de justice afin qu'elle statue dans le sens des considérants et qu'elle invite les parties à se déterminer sur le motif juridique nouveau invoqué aux termes de l'arrêt attaqué; plus subsidiairement encore, d'annuler les deux décisions susmentionnées et de renvoyer la cause à la Commission de surveillance afin qu'elle statue dans une composition régulière. 
 
La Commission de surveillance s'en rapporte à justice. La Cour de justice persiste dans les considérants et le dispositif de son arrêt. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
 
1.1. L'arrêt attaqué a été rendu en dernière instance cantonale par un tribunal supérieur (art. 86 al. 1 let. d et al. 2 LTF) dans une cause relevant du droit public (art. 82 let. a LTF), qui ne tombe pas sous le coup des exceptions de l'art. 83 LTF. Il revêt pour les recourants un caractère final, puisqu'il les exclut de la procédure administrative en matière de surveillance. Le recours en matière de droit public, déposé en temps utile (art. 100 LTF) et en la forme prévue (art. 42 LTF) par les intéressés qui ont la qualité pour recourir (art. 89 al. 1 LTF), est ainsi recevable.  
 
1.2. Toutefois, la conclusion tendant à l'annulation de la décision du 24 mars 2016 de la Commission de surveillance est irrecevable, en raison de l'effet dévolutif complet du recours auprès de la Cour de justice, l'arrêt de cette autorité se substituant aux prononcés antérieurs (ATF 136 II 539 consid. 1.2 p. 543).  
 
2.   
Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF); il ne peut s'en écarter que si ces faits ont été constatés de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF), et si la correction du vice est susceptible d'influencer le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF). 
 
3.   
Dans un premier grief d'ordre formel, les recourants invoquent une violation de l'art. 29 Cst. et une application arbitraire de différentes dispositions de droit cantonal. Selon eux, la Commission de surveillance n'aurait pas statué dans une composition correcte: la Dresse E.________, qui s'était prononcée au nom et pour le compte de l'Hôpital D.________ dans la présente procédure devant ladite commission, s'était récusée; elle aurait dès lors dû être remplacée lors de la séance de la Commission de surveillance. Ce remplacement était d'autant plus important qu'elle était la seule et unique psychiatre membre de ladite commission. 
 
3.1. Sous l'angle de l'art. 29 al. 1 Cst., la récusation doit être demandée sans délai, dès que la partie a connaissance du motif de récusation, sous peine de déchéance (ATF 138 I 1 consid. 2.2 p. 4). Il est en effet contraire aux règles de la bonne foi de garder ce moyen en réserve pour ne l'invoquer qu'en cas d'issue défavorable ou lorsque l'intéressé se serait rendu compte que l'instruction ne suivait pas le cours désiré (ATF 139 III 120 consid. 3.2.1 p. 124).  
 
En l'espèce, les recourants ont agi diligemment: il ressort du dossier qu'ils ont pris connaissance des motifs à la base des griefs tirés de l'art. 29 al. 1 Cst. et du droit cantonal à compter du 23 septembre 2016 lorsqu'ils ont reçu, conformément à leur demande lors d'une audience devant la Cour de justice, une lettre de la Commission de surveillance leur communiquant la liste de ses membres; ils se sont alors aperçu que la doctoresse, qui avait pris position pour l'Hôpital D.________, faisait partie des membres de ladite commission. S'en suivirent différents échanges de courriers, entre le 5 et le 24 octobre 2016, destinés à déterminer si la Dresse E.________ était ou non présente durant les délibérations relatives au présent cas; sans preuve quant à la récusation effective de la médecin en cause et avec des doutes quant à la composition correcte (suppléance) de la Commission de surveillance, les intéressés ont complété leur recours pendant devant la Cour de justice par écriture du 31 octobre 2016. 
 
3.2. L'art. 29 al. 1 Cst. prévoit que toute personne a droit, dans une procédure judiciaire ou administrative, à ce que sa cause soit traitée équitablement et jugée dans un délai raisonnable. La jurisprudence a tiré de cette disposition un droit à ce que l'autorité administrative qui statue, le fasse dans une composition correcte et impartiale (ATF 142 I 172 consid. 3.2 p. 173 ss et les références citées).  
 
La composition de l'autorité est définie selon les règles du droit de procédure ou d'organisation. Celui-ci prévoit généralement des quorum afin d'assurer le fonctionnement des autorités collégiales. L'autorité est ainsi valablement constituée lorsqu'elle siège dans une composition qui correspond à ce que le droit d'organisation ou de procédure dispose. En ce qui concerne les autorités administratives, il n'existe néanmoins pas un principe général qui consisterait à prévoir des membres suppléants dans l'éventualité où un des membres de l'autorité appelée à statuer doit se récuser ou ne peut, pour une autre raison, prendre part à la décision (cf., par ex., art. 19 de la loi du 21 mars 1997 sur l'organisation du gouvernement et de l'administration [LOGA]; RS 172.010; cf. également ATF 137 I 340 consid. 2.2.3 p. 344). Si l'autorité statue alors qu'elle n'est pas valablement constituée, elle commet un déni de justice formel. Lorsque la composition de l'autorité est prévue par le droit cantonal, le Tribunal fédéral ne revoit l'interprétation et l'application de celui-ci que sous l'angle restreint de l'arbitraire. Sous réserve de motivation suffisante (cf. art. 106 al. 2 LTF), il examine en revanche avec une pleine cognition le point de savoir si la composition correcte de l'autorité administrative, telle que prévue, par le droit cantonal remplit les conditions de l'art. 29 al. 1 Cst. Cela signifie que, dans un premier temps, le Tribunal fédéral examinera si l'interprétation et l'application du droit cantonal par le Tribunal cantonal sont ou non arbitraires. Dans une seconde phase, le Tribunal fédéral contrôlera avec une pleine cognition si l'interprétation et l'application du droit cantonal, reconnues non arbitraires, sont compatibles avec la garantie de l'art. 29 al. 1 Cst. (ATF 142 I 172 consid. 3.2 p. 173 ss et les références citées). 
 
Le droit constitutionnel à une composition correcte de l'autorité décisionnelle est de nature formelle. Sa violation, quelles que soient les chances de succès du recours sur le fond, conduit à l'annulation de l'arrêt entrepris. Il est en outre exclu d'admettre la réparation d'un tel vice. Cela conduirait en effet à permettre à une autorité décisionnelle de se passer systématiquement de statuer dans une composition conforme au droit (ATF 142 I 172 consid. 3.2 p. 173 ss et les références citées). 
 
3.3. L'arrêt attaqué est succinct quant à la question de la récusation, puisqu'il relève uniquement que la décision litigieuse a été prononcée par une autorité valablement constituée, la Dresse E.________ s'étant récusée; il ajoute que " le seul médecin psychiatre membre de la Commission de surveillance s'étant récusé, il ne pouvait être reproché à l'intimée d'avoir statué dans une composition non conforme à la loi ".  
 
3.4. L'art. 3 al. 3 de la loi genevoise du 7 avril 2006 sur la commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients (LComPS; RS/GE K 3 03) énumère les membres titulaires de la Commission de surveillance ayant le droit de vote (deux médecins spécialistes en médecine générale ou interne, un médecin pratiquant des interventions de type chirurgical ou diagnostique, un médecin spécialiste en psychiatrie, deux infirmiers, un avocat, un pharmacien, etc.). En cas d'empêchement durable ou de récusation, les membres titulaires de la Commission de surveillance sont remplacés par un suppléant (art. 5 LComPS). Selon l'art. 18 LComPS, la Commission de surveillance ne peut délibérer valablement en séance plénière qu'en présence de cinq membres ayant le droit de vote, comprenant au moins un homme et une femme (al. 1); parmi ces membres doivent figurer nécessairement le président ou le vice-président, un membre non professionnel de la santé et deux médecins dont l'un choisi hors des établissements publics médicaux; pour les cas où l'affaire concerne une profession non représentée dans les membres visés à l'al. 2, il doit également être fait appel à son représentant (al. 3).  
 
Le règlement genevois du 22 août 2006concernant la constitution et le fonctionnement de la commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients (RComPS; RS/GE K 3 03.01) prévoit à son art. 2F que, sous réserve de la séance constitutive de la commission de surveillance, un membre suppléant ne peut pas siéger en séance plénière, à l'exception du membre suppléant qui a remplacé un membre titulaire lors de l'instruction d'un dossier par une sous-commission; dans un tel cas, le membre titulaire ne siège pas pour cette affaire en séance plénière et ne prend pas part au vote. En outre, lorsque le membre titulaire et le suppléant ont été récusés, il est fait appel à un représentant de la branche concernée, sur proposition de son association (art. 4 al. 2 RComPS). 
 
3.5. En l'espèce, pas plus l'arrêt attaqué que la décision du 24 mars 2016 de la Commission de surveillance ne mentionnent la composition dans laquelle cette autorité a statué dans la présente affaire; cet arrêt et la décision du 24 mars 2016 ne font pas non plus état du nombre de membres ayant participé à la prise de décision. La Cour de justice a néanmoins constaté que la Dresse E.________ s'était récusée lorsque la Commission de surveillance a statué sur la présente cause et elle en a conclu que cette autorité administrative était alors valablement composée. Bien qu'un des membres de ladite commission s'était récusé, les juges précédents n'ont toutefois pas examiné si les dispositions de droit cantonal sur la suppléance susmentionnées, au demeurant peu claires, s'appliquaient et si, le cas échéant, elles avaient été respectées. Une telle omission ne permet pas au Tribunal fédéral de juger si ces dispositions ont été appliquées de façon arbitraire, comme le prétendent les recourants.  
 
En outre, selon les intéressés, la Dresse E.________ serait la seule psychiatre membre de la Commission de surveillance. Or, dès lors que celle-ci s'était récusée et que ladite commission s'est attachée à déterminer si la fille des recourants possédait ou non la capacité de discernement lors de son hospitalisation, il apparaît prima facie, d'après l'art. 18 al. 3 LComPS, qu'un psychiatre aurait dû faire partie de la Commission de surveillance. Les juges précédents ayant plein pouvoir de cognition, sous réserve de l'opportunité (art. 61 al. 2 de la loi genevoise du 12 septembre 1985 sur la procédure administrative [LPA; RS/GE E 5 10]), ils auraient à tout le moins dû analyser si cette disposition trouvait application, ce qu'ils n'ont pas fait. 
 
4.   
Partant, le recours doit être admis pour ce motif déjà et indépendamment des chances de succès sur le fond (cf. supra consid. 3.1); il n'y a donc pas à examiner les autres griefs soulevés par le recourant. 
 
L'arrêt attaqué est annulé et la cause est renvoyée à la Cour de justice, afin qu'elle détermine si la Commission de surveillance était valablement constituée lorsqu'elle a statué dans la présente cause. Si tel ne devait pas être le cas, ladite commission devra à nouveau se prononcer. Dans l'hypothèse inverse, les recourants pourront toujours procéder sur le fond devant le Tribunal fédéral. 
 
Il n'y a pas lieu de prélever des frais judiciaires (art. 66 al. 1 et 4 LTF). Ayant obtenu gain de cause avec l'aide d'un avocat, les recourants ont droit à des dépens, qu'il convient de mettre à la charge du canton de Genève (art. 68 al. 1 et 2 LTF). 
 
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est admis dans la mesure où il est recevable et l'arrêt du 31 janvier 2017 de la Cour de justice est annulé. La cause est renvoyée à cette autorité, afin qu'elle rende une nouvelle décision dans le sens des considérants. 
 
2.   
Il n'est pas perçu de frais judiciaires. 
 
3.   
Une indemnité de 2'500 fr., à payer aux recourants à titre de dépens, est mise à la charge du canton de Genève. 
 
4.   
Le présent arrêt est communiqué au mandataire des recourants, à la Commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients, ainsi qu'à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre administrative. 
 
 
Lausanne, le 17 août 2017 
 
Au nom de la IIe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Seiler 
 
La Greffière : Jolidon