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Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
6S.20/2004 /rod 
 
Séance du 18 mars 2004 
Cour de cassation pénale 
 
Composition 
MM. les Juges Schneider, Président, 
Wiprächtiger, Kolly, Karlen et Zünd. 
Greffière: Mme Bendani. 
 
Parties 
X.________, 
recourante, représentée par Me Mauro Poggia, avocat, 
 
contre 
 
Y.________, intimée, représentée par 
Me François de Rougemont, avocat, 
 
Z.________, intimé, représenté par Me Baptiste Rusconi, avocat, 
Juge d'instruction du canton de Vaud, 
rue du Valentin 34, 1014 Lausanne, 
Ministère public du canton de Vaud, 
rue de l'Université 24, case postale, 1014 Lausanne. 
 
Objet 
Ordonnance de non-lieu (homicide par négligence), 
 
pourvoi en nullité contre l'arrêt du Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 9 octobre 2003. 
 
Faits: 
A. 
Le 5 janvier 2000, X.________ a été admise à la clinique D.________. En raison des vacances de la gynécologue de cette patiente, le Dr Z.________, médecin de garde pour la période du 1er au 9 janvier 2000, a été désigné en qualité de remplaçant. Y.________, sage-femme, a été chargée d'assurer le suivi de l'accouchement de X.________. Aucun gynécologue n'était présent à la clinique durant la journée du 6 janvier 2000. L'établissement privé dispose cependant d'un système de médecins de garde atteignables par téléphone ou pager à leur domicile ou cabinet. 
 
L'accouchement de X.________, provoqué le 6 janvier 2000 au matin par l'administration d'ocytocime par voie intraveineuse en raison d'une suspicion d'infection, en définitive non avérée, s'est déroulé normalement jusqu'à 18 h. 45, aucun signe ne laissant présager des complications survenues par la suite. 
 
A 18 h. 50, le personnel médical a constaté une bradycardie foetale sévère, à savoir une chute des battements cardiaques de l'enfant, probablement due à l'enroulement du cordon ombilical autour du cou du foetus ou à un décollement du placenta. Y.________ a alors tenté de joindre le Dr Z.________, sans succès, puis l'a fait rappeler d'urgence par une infirmière, elle-même devant rester auprès de la patiente. A 18 h. 55, la sage-femme a relevé que la bradycardie foetale persistait, ce qui commandait l'accouchement de toute urgence, et que la dilatation du col de l'utérus était complète. Elle a transféré X.________ en salle d'accouchement et tenté de la faire pousser pour faire naître l'enfant. Ce procédé n'a malheureusement pas abouti, les efforts expulsifs étant inefficaces et la patiente étant épuisée. Le Dr Z.________, contacté entre 18 h. 50 et 19 h., a pris un taxi. Il est arrivé à D.________, depuis son cabinet peu avant 19 h. 30. Il a procédé à une épisiotomie avant d'extraire le foetus à l'aide de forceps. A sa naissance, à 19 h. 32, l'enfant ne respirait pas et se trouvait dans un état de mort apparente, ce qui a nécessité sa réanimation et son transport héliporté au CHUV, où il est décédé le 7 janvier 2000, après décision d'arrêter les soins. 
 
Suite à ces événements, X.________ a déposé plainte contre le Dr Z.________ et les dirigeants de la clinique D.________, pour homicide par négligence, et, subsidiairement, exposition. 
B. 
Par ordonnance du 26 août 2003, le Juge d'instruction du canton de Vaud a prononcé un non-lieu. 
 
Le 9 octobre 2003, le Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal vaudois a rejeté le recours de X.________ et confirmé la décision précitée. Il a jugé, en bref, que la prise en charge de la patiente s'était effectuée dans les règles de l'art. Aucune négligence fautive ne pouvait être reprochée au Dr Z.________, à Y.________ et aux dirigeants de la clinique D.________. 
C. 
X.________ dépose un pourvoi en nullité au Tribunal fédéral. Elle invoque une violation de l'art. 117 CP et conclut à l'annulation de l'arrêt cantonal. 
 
Le Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal vaudois a renoncé à se déterminer, se référant aux considérants de son arrêt. 
 
Le Tribunal fédéral considère en droit: 
1. 
En vertu de l'art. 270 let. e ch. 1 PPF, le lésé qui est une victime d'une infraction au sens de l'art. 2 LAVI peut exercer un pourvoi en nullité s'il était déjà partie à la procédure et dans la mesure où la sentence touche ses prétentions civiles ou peut avoir des incidences sur le jugement de celles-ci. 
 
En tant que mère de l'enfant décédé, la recourante est assimilée à une victime au sens de l'art. 2 al. 2 LAVI. Elle a déjà participé à la procédure, dès lors qu'elle a déposé une plainte pénale et provoqué, par son recours, la décision attaquée. On ne peut lui reprocher de ne pas avoir pris de conclusions civiles sur le fond, puisque la procédure n'a pas été menée jusqu'à un stade qui aurait permis de le faire. Elle expose, dans son mémoire, qu'elle entend faire valoir des prétentions civiles à l'encontre des dirigeants et du personnel de la clinique et du Dr Z.________. En conséquence, il y a lieu d'admettre qu'elle a qualité pour recourir en application de l'art. 270 let. e ch. 1 PPF. 
2. 
La recourante invoque une violation de l'art. 117 CP
2.1 Aux termes de cette disposition, celui qui, par négligence, aura causé la mort d'une personne sera puni de l'emprisonnement ou de l'amende. Cette infraction suppose la réunion de trois conditions: le décès d'une personne, une négligence et un lien de causalité entre la négligence et la mort. 
2.1.1 Pour qu'il y ait négligence, il faut d'une part, d'un point de vue objectif, que l'auteur ait violé les règles de prudence que les circonstances lui imposaient pour ne pas excéder les limites du risque admissible et, d'autre part, d'un point de vue subjectif, qu'il n'ait pas déployé l'attention et les efforts que l'on pouvait attendre de lui pour se conformer à son devoir. 
 
Pour déterminer plus précisément quels étaient les devoirs imposés par la prudence, on peut se référer à des normes édictées par l'ordre juridique pour assurer la sécurité et éviter des accidents. A défaut de dispositions légales ou réglementaires, on peut se référer à des règles analogues qui émanent d'associations privées ou semi-publiques lorsqu'elles sont généralement reconnues. La violation des devoirs de la prudence peut aussi être déduite des principes généraux, si aucune règle spéciale de sécurité n'a été violée (ATF 126 IV 13 consid. 7a/bb p. 16 s. et les arrêts cités). Le juge peut recourir à l'expertise afin de déterminer de quelle manière une personne ayant la formation de l'auteur se serait comportée en pareilles circonstances (Corboz, Les infractions en droit suisse, vol. I, Berne 2002, p. 69, n. 18). 
2.1.2 Il ne suffit pas d'établir une violation fautive du devoir de diligence, il faut encore que celle-ci soit en relation de causalité naturelle et adéquate avec le résultat. Dans le cas d'un délit d'omission improprement dit, la question de la causalité ne se présente pas de la même manière que si l'infraction de résultat était réalisée par commission. Il faut plutôt procéder par hypothèse et se demander si l'accomplissement de l'action omise aurait, selon le cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, évité la survenance du résultat qui s'est produit (ATF 118 IV 130 consid. 6a p. 141; 116 IV 182 consid. 4 p. 185). 
 
L'autorité cantonale doit tout d'abord constater l'existence d'un rapport de causalité naturelle et examiner si l'accomplissement de l'acte omis aurait empêché la survenance du résultat. Il s'agit d'une question de fait soustraite au contrôle de la Cour de cassation. Il y a toutefois violation de la loi si l'autorité cantonale méconnaît le concept même de la causalité naturelle ou perd de vue que l'art. 117 CP exige la causalité. On doit ensuite se demander si l'acte qui a été omis aurait évité le résultat selon un enchaînement normal et prévisible des événements. Cela constitue une question de droit que la Cour de cassation peut revoir librement (ATF 126 IV 13 consid. 7bb p. 17; 117 IV 130 consid. 2a p. 133 s.). 
2.2 La recourante reproche à Y.________, sage-femme, de ne pas s'être assurée constamment que le médecin de garde ne fût atteignable et de ne pas avoir pratiqué d'épisiotomie. 
2.2.1 Selon les constatations cantonales, Y.________ a cherché, en vain, à atteindre le médecin dès la survenance de la bradycardie foetale. Elle l'a ensuite fait rappeler par une infirmière, elle-même devant rester auprès de la recourante qu'elle a transférée en salle d'accouchement où elle a tenté de la faire pousser pour faire naître l'enfant. Elle n'a, en revanche, pas rappelé le Dr Z.________, malgré la persistance de la bradycardie foetale. Toutefois, il ressort de l'arrêt attaqué que le gynécologue ne serait malheureusement pas arrivé plus rapidement si la sage-femme l'avait rappelé elle-même. En effet, d'une part, celle-ci était persuadée que le Dr Z.________ avait conscience de l'urgence et qu'il était en chemin. D'autre part, l'anesthésiste, présent au moment où la recourante a été transférée en salle d'accouchement, a également tenté de joindre l'ensemble des gynécologues accrédités auprès de la clinique, y compris le Dr Z.________, mais n'a réussi à joindre que la Dresse C.________, qui est arrivée peu après la naissance de l'enfant. Au vu de ces éléments, Y.________ n'a pas manqué à ses devoirs de prudence en ne rappelant pas le médecin en question, tout en s'assurant qu'il soit contacté par une infirmière. 
2.2.2 Selon les constatations basées sur l'expertise, une bradycardie foetale sévère entraînant l'asphyxie du foetus commande un accouchement de toute urgence, par césarienne ou par forceps. Y.________, en qualité de sage-femme et en l'absence d'un obstétricien, ne pouvait exécuter de telles opérations. D'après les experts, elle aurait en revanche pu pratiquer une épisiotomie pour faciliter l'accouchement. Toutefois, concernant cette mesure, les experts ont estimé qu'il n'était pas possible de savoir si elle aurait permis de changer l'évolution défavorable de l'accouchement. Ils ont admis que la prise en charge de la recourante et du nouveau-né par le service gynécologie-obstétrique de la clinique était conforme aux règles de l'art. Sur la base de ces éléments, on ne peut conclure que l'acte omis aurait, selon un enchaînement normal et prévisible des événements, favorisé l'accouchement et permis d'éviter le décès du nouveau-né. Dans ces conditions, on ne peut retenir l'existence d'un lien de causalité adéquate entre l'omission de la sage-femme et le résultat intervenu. Partant, le non-lieu prononcé en faveur de cette dernière ne viole pas le droit fédéral. 
2.3 La recourante reproche au Dr Z.________, gynécologue-obstétricien, de ne pas avoir été joignable et de ne pas s'être rendu immédiatement à la clinique, alors qu'une situation d'urgence pouvait se déclarer dans un délai extrêmement bref. 
 
Selon les constatations de fait, le Dr Z.________ a été chargé de s'occuper de la recourante en cas d'urgence. Il était en outre de garde le soir de l'accouchement. Averti le 5 janvier 2000, vers 21 h. 45, de l'admission de X.________ à la clinique D.________, il a donné des instructions au personnel soignant pour la prise en charge de cette patiente. Il l'a examinée le 6 janvier 2000, aux environs de 5 heures du matin, et, suspectant une infection en raison d'une leucorrhée malodorante, a demandé un examen microbiologique qui n'a rien révélé. Il a ordonné la provocation de l'accouchement par administration d'ocytocine. Il est ensuite retourné à son cabinet. A 18 h. 50, les battements cardiaques de l'enfant ayant anormalement chuté, Y.________ a cherché, en vain, à atteindre le Dr Z.________, puis l'a fait appeler par une infirmière. Le médecin, contacté entre 18 h. 50 et 19 h. 00, est arrivé peu avant 19 h. 30 à la clinique. Il a procédé à une épisiotomie avant d'extraire le foetus à l'aide de forceps, la naissance intervenant à 19 h. 32. 
 
Il ne ressort toutefois pas de l'arrêt attaqué pour quels motifs l'obstétricien n'a pu être joint immédiatement par téléphone, ni si on a essayé de l'avertir sur son pager, ni par quel moyen on a finalement pu l'atteindre et s'il a alors bien pris conscience du caractère urgent de la situation. Certes, les experts de l'institut universitaire de médecine légale ont estimé, qu'en considérant le délai entre la première tentative d'appel du gynécologue et son arrivée à la clinique, ce dernier s'était rendu sur place dans un délai correspondant à ce qui pouvait être exigé de la part d'un médecin de garde. Cependant, dans le cas particulier, on ignore si, une fois averti, le médecin concerné s'est rapidement préparé et rendu à l'hôpital. On ne sait pas combien de temps il a mis pour terminer ses activités, appeler un taxi, se préparer et ensuite joindre l'hôpital. On ne connaît pas davantage la distance entre son cabinet et la clinique et aucun élément ne permet par conséquent de définir combien de temps il aurait dû concrètement mettre, en faisant preuve de diligence, pour atteindre la clinique. Il n'est pas davantage constaté en fait que ces éléments ne pouvaient être établis. En laissant ces questions ouvertes, il n'est pas possible d'examiner si le médecin gynécologue a violé ses devoirs de prudence et si le droit fédéral a été correctement appliqué. En conséquence, le pourvoi doit être admis sur ce point et la cause doit être retournée en instance cantonale en application de l'art. 277 PPF pour compléter l'état de fait (ATF 123 IV 211 consid. 4b p. 211; 119 IV 284 consid. 5b p. 287). 
2.4 La recourante reproche au directeur de la clinique de ne pas avoir prévu de gynécologue-obstétricien sur place et d'avoir confié la garde à un médecin qui devait, de surcroît, assurer le remplacement d'un gynécologue absent. 
 
En l'espèce, une négligence de la direction de la clinique pourrait être admise si son organisation et son infrastructure ne correspondaient pas aux exigences nécessaires pour le fonctionnement d'une maternité ou si, le jour de l'accident, elle n'a pas veillé à ce que son système soit opérationnel. 
 
D'après les constatations cantonales fondées sur l'expertise, la pratique de l'obstétrie contemporaine requiert la présence d'un obstétricien 24 h. sur 24, ce qui est d'ailleurs le cas dans un hôpital public universitaire, où cette situation est rendue nécessaire par l'importance numérique de l'activité et la gravité des cas, comme les accouchements prématurés et les grossesses à risque, qui y sont traités. En revanche, la présence permanente d'un obstétricien, dans les établissements privés accueillant des accouchements, n'est actuellement pas la règle en Suisse, ni plus particulièrement dans les cantons de Vaud et de Genève. La clinique D.________ pratique ainsi un système de médecins de garde atteignables par téléphone ou pager. De nombreux autres établissements privés fonctionnent de manière similaire, en ce sens que le médecin obstétricien de la patiente est appelé et, en cas d'absence de ce dernier, un médecin remplaçant ou de garde. 
 
Il ne ressort toutefois pas du dossier quels sont, selon les connaissances médicales, les risques typiques liés aux accouchements et quelle doit être la rapidité d'intervention d'un gynécologue obstétricien en cas de complication. On ne connaît pas non plus les exigences minimales posées par les responsables de la clinique en cas d'urgence et d'appel des spécialistes dans de telles circonstances. On ignore si la clinique prévoit que ses médecins de garde soient en tout temps et immédiatement atteignables et quels laps de temps elle tolère pour leur arrivée en cas de besoin. On ignore quelles sont les règles spécifiques d'organisation mises sur pied par la clinique et si celle-ci a effectivement veillé à leur respect le jour de l'accouchement de la recourante. Enfin, on ne sait pas s'il existe des règles minimales posées en général et en particulier par les autorités cantonales compétentes en cas d'urgence. Dans ces conditions, il n'est pas possible de savoir si la clinique est organisée de manière à pouvoir répondre aux urgences obstétriques, si sa direction a fautivement violé ses devoirs de prudence et si le droit fédéral a donc été correctement appliqué. En conséquence, le pourvoi doit également être admis sur ce point et la cause doit être retournée en instance cantonale en application de l'art. 277 PPF pour compléter l'état de fait (ATF 123 IV 211 consid. 4b p. 211; 119 IV 284 consid. 5b p. 287). 
3. 
En conclusion, le pourvoi doit être partiellement admis en application de l'art. 277 PPF, l'arrêt attaqué annulé et la cause renvoyée à l'autorité cantonale pour nouvelle décision. Il n'y a pas lieu de mettre des frais judiciaires à la charge de la recourante et une indemnité sera allouée à son mandataire pour la procédure devant le Tribunal fédéral (art. 278 al. 3 PPF). 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
1. 
Le pourvoi est partiellement admis, l'arrêt attaqué est annulé au sens de l'art. 277 PPF et la cause est renvoyée au Tribunal d'accusation pour nouvelle décision. 
2. 
Il n'est pas perçu de frais judiciaires. 
3. 
La caisse du Tribunal fédéral versera au mandataire de la recourante une indemnité de 3'000 francs à titre de dépens. 
4. 
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties, au Juge d'instruction du canton de Vaud, au Ministère public du canton de Vaud et au Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal du canton de Vaud. 
Lausanne, le 18 mars 2004 
Au nom de la Cour de cassation pénale 
du Tribunal fédéral suisse 
Le président: La greffière: