Wichtiger Hinweis:
Diese Website wird in älteren Versionen von Netscape ohne graphische Elemente dargestellt. Die Funktionalität der Website ist aber trotzdem gewährleistet. Wenn Sie diese Website regelmässig benutzen, empfehlen wir Ihnen, auf Ihrem Computer einen aktuellen Browser zu installieren.
Zurück zur Einstiegsseite Drucken
Grössere Schrift
 
Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
4A_451/2008/ech 
 
Arrêt du 18 novembre 2008 
Ire Cour de droit civil 
 
Composition 
MM. et Mme les Juges Corboz, président, Kolly et Kiss. 
Greffière: Mme Cornaz. 
 
Parties 
X.________, 
recourante, représentée par Me Katia Elkaim, 
 
contre 
 
Y.________, 
intimé, représenté par Me Nicole Wiebach, 
Z.________, 
intimé. 
 
Objet 
contrat de vente; société, 
 
recours contre le jugement de la Cour civile du Tribunal cantonal vaudois du 14 novembre 2007. 
 
Faits: 
 
A. 
Par convention du 24 novembre 1997, X.________ et Z.________ ont acheté à Y.________ le fonds de commerce du café-restaurant ..., pour le prix de 240'000 fr. Le 27 novembre 1997, elles ont constitué la société à responsabilité limitée "Café-Restaurant A.________ Sàrl", qui devait reprendre le matériel de commerce de l'établissement. X.________ a souscrit au quart du capital social et Z.________ aux trois quarts. 
 
Pour cause de mésentente ultérieure, les deux sociétaires sont convenues, par convention de vente du 26 décembre 1997, que X.________ céderait sa part dans la société à Z.________ pour le 31 décembre 1997. Y.________ a signé les deux pages de la convention sous la mention "témoin" . La cession de la part a été formellement constatée par acte authentique du 20 janvier 1998. 
 
Le 23 avril 1998, Y.________ a fait notifier à X.________ un commandement de payer portant sur la somme de 140'500 fr., représentant le solde impayé du prix de vente. Le 11 juin 1999, il a obtenu la mainlevée provisoire de l'opposition formée par la poursuivie audit commandement de payer. 
 
B. 
Le 7 septembre 1999, X.________ a saisi la Cour civile du Tribunal cantonal vaudois d'une demande tendant à ce que cette autorité prononce qu'elle n'est pas la débitrice de 140'500 fr. envers Y.________, subsidiairement à ce que Z.________ soit tenue de la relever de tous montants qui seraient mis à sa charge en faveur de celui-là. Y.________ a conclu au rejet et, reconventionnellement, à ce que X.________ soit condamnée à lui verser 140'500 fr. avec intérêt, ainsi qu'au prononcé de la mainlevée définitive. Z.________ n'a pas procédé. 
 
Par jugement du 7 décembre 2007, la Cour civile a rejeté l'action en libération de dette ouverte par X.________ contre Y.________, dit que celle-là devait payer à celui-ci 140'000 fr. avec intérêt à 5% l'an dès le 1er décembre 1997 et définitivement levé l'opposition formée par la poursuivie au commandement de payer. En outre, les juges cantonaux ont dit que Z.________ devait relever X.________ à concurrence du montant payé par celle-ci au-delà de la moitié de la somme allouée de 140'000 fr. plus intérêt. 
 
Un autre procès portant sur la même prétention en paiement du solde du prix d'achat a divisé Y.________ de Z.________. Par jugement du 16 juin 2003, la Cour civile a condamné celle-ci à payer à celui-là 140'000 fr. avec intérêt à 5% l'an dès le 22 avril 1998. 
 
C. 
X.________ (la recourante) a interjeté un recours en matière civile au Tribunal fédéral contre le jugement du 7 décembre 2007, concluant principalement à ce que la décision querellée soit réformée en ce sens que son action en libération de dette est admise et qu'il est dit qu'elle ne doit pas 140'000 fr. plus intérêt à Y.________, subsidiairement à ce que Z.________ soit tenue de la relever de tous montants mis à sa charge en faveur de Y.________, avec suite de dépens; elle a également requis l'effet suspensif, qui a été refusé par ordonnance présidentielle du 27 octobre 2007. Y.________ (l'intimé) a proposé le rejet du recours, sous suite de frais et dépens; il a en outre sollicité l'octroi de l'assistance judiciaire. Z.________ (l'intimée) ne s'est pas déterminée dans le délai qui lui avait été imparti à cette fin. 
 
Considérant en droit: 
 
1. 
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 134 III 235 consid. 1). 
 
Le recours en matière civile est recevable contre les décisions prises par les autorités cantonales de dernière instance (art. 75 al. 1 LTF). Si, pour certains griefs, la décision d'un tribunal cantonal supérieur peut être déférée à une autre autorité judiciaire cantonale, cette décision n'est pas de dernière instance pour ce qui concerne les questions susceptibles de ce recours cantonal; faute d'épuisement des voies de recours cantonales, elles ne peuvent pas être soulevées dans le cadre du recours en matière civile interjeté contre la décision du tribunal cantonal supérieur. Elles doivent d'abord faire l'objet du recours cantonal avant de pouvoir être soumises, le cas échéant, au Tribunal fédéral (cf. art. 100 al. 6 LTF). 
 
En procédure civile vaudoise, le jugement rendu par la Cour civile du Tribunal cantonal peut faire l'objet d'un recours en nullité auprès de la Chambre des recours du Tribunal cantonal - voie de recours d'ailleurs indiquée au bas du jugement querellé -, en particulier pour violation des règles essentielles de la procédure (art. 444 al. 1 ch. 3 du code de procédure civile du canton de Vaud du 14 décembre 1966 [CPC/VD; RSV 270.11]). A teneur de l'art. 444 al. 2 CPC/VD, le recours est toutefois irrecevable pour les griefs qui peuvent faire l'objet d'un recours en réforme au Tribunal fédéral. La jurisprudence cantonale en a déduit que dès lors que le grief d'arbitraire dans l'appréciation des preuves ne pouvait pas être soulevé dans un recours en réforme (art. 43 aOJ), il pouvait l'être dans le recours en nullité cantonal (JT 2001 III 128). 
 
La loi fédérale sur le Tribunal fédéral, entrée en vigueur le 1er janvier 2007, a remplacé le recours en réforme par le recours en matière civile (cf. art. 72 ss LTF); dans le cadre de ce nouveau recours, le grief de la violation de l'interdiction constitutionnelle de l'arbitraire est recevable (art. 95 LTF; ATF 134 III 379 consid. 1.2). L'art. 444 al. 2 CPC/VD n'a toutefois pas été adapté à la modification des voies de recours fédérales; il continue de prévoir uniquement l'exclusion des griefs susceptibles de recours en réforme. 
 
Il en découle que le grief d'arbitraire dans l'appréciation des preuves continue d'être recevable dans le cadre du recours en nullité cantonal. Supprimer la possibilité de soulever ce grief irait au demeurant à l'encontre de l'art. 75 al. 2 LTF, qui impose aux cantons d'instituer la possibilité de recourir à un tribunal supérieur du canton; même si cette disposition n'est pas encore en vigueur (cf. art. 130 al. 2 LTF), il serait pour le moins paradoxal de prendre prétexte de l'entrée en vigueur de la LTF pour supprimer une possibilité de recours cantonal répondant pour partie à une exigence que la LTF formule (cf. ATF 124 I 101 consid. 3 et 4). 
 
Il s'ensuit que le présent recours est irrecevable dans la mesure où la recourante se plaint d'arbitraire dans l'établissement des faits, respectivement de faits établis de façon manifestement inexacte. Les autres griefs seront examinés sur la base des faits retenus dans le jugement attaqué (art. 105 al. 1 LTF). 
 
2. 
La recourante se plaint d'une violation de l'art. 783 al. 3 aCO, disposition à laquelle correspond aujourd'hui l'art. 779a al. 2 CO, en vigueur depuis le 1er janvier 2008. 
 
2.1 Selon l'art. 783 al. 2 aCO, les actes faits au nom de la société à responsabilité limitée avant son inscription au registre du commerce entraînent la responsabilité personnelle et solidaire de leurs auteurs; à teneur de l'art. 783 al. 3 aCO, toutefois, lorsque des obligations expressément contractées au nom de la future société ont été assumées par elle dans les trois mois à dater de son inscription, les personnes qui les ont contractées en sont libérées, et la société demeure seule engagée. La même règle se trouve à l'art. 645 CO pour les sociétés anonymes et à l'art. 838 CO pour les sociétés coopératives. 
 
La libération intervient indépendamment du consentement du créancier à la reprise de dette par la société, lors même qu'elle ne serait pas en mesure de faire face à ses engagements. L'une des conditions à la libération des auteurs de leurs engagements personnels est dès lors qu'ils aient agi "expressément", c'est-à-dire de manière clairement reconnaissable, au nom de la société à constituer. Le créancier doit pouvoir se rendre compte, au moment où il conclut, que la société à constituer sera son futur partenaire contractuel et qu'il accepte donc de manière anticipée un changement de partie (cf. ATF 128 III 137 consid. 4 et 4c; Böckli, Schweizer Aktienrecht, 3e éd., Zurich 2004, § 1, n. 260; Reymond, La coopérative, Traité de droit privé suisse, vol. VIII, tome III/1, Bâle 1996, p. 35). 
 
2.2 En l'espèce, la cour cantonale a constaté souverainement qu'il ne ressortait pas de la convention écrite du 24 novembre 1997 que la recourante et l'intimée agissaient au nom d'une future société à créer; elle a en outre constaté que les deux femmes n'en avaient pas informé oralement l'intimé et que celui-ci savait uniquement qu'elles avaient l'intention d'exploiter ensemble le café-restaurant. 
 
La recourante invoque d'abord l'acte authentique du 27 novembre 1997, par lequel l'intimée et elle ont fondé la société à responsabilité limitée, qui stipule que la société reprendra le matériel de commerce pour le prix de 240'000 fr., soit le prix convenu avec l'intimé. Cependant, comme l'autorité cantonale l'a relevé à bon escient, cet acte est postérieur de trois jours à la convention que la recourante et l'intimée ont passée avec l'intimé. L'acte authentique peut certes être un indice pour retenir que lors de la conclusion de la convention du 24 novembre 1997 avec l'intimé, la recourante et l'intimée avaient déjà l'intention d'acquérir le fond de commerce pour la société à constituer; on ne saurait toutefois en déduire quoi que ce soit quant au point de savoir si elles ont communiqué cette intention à l'intimé de manière clairement reconnaissable lors de conclusion de la convention. 
 
La recourante insiste ensuite sur le fait que les deux acomptes sur le prix de vente, de 50'000 fr. chacun, ont été versés depuis le compte bancaire de la société; ces versements étant intervenus les 2 décembre 1997 et 8 janvier 1998, on ne peut d'emblée rien en déduire au sujet des informations dont disposait l'intimé lors de la conclusion de la convention du 24 novembre 1997. 
 
Il en découle que c'est sans violer le droit fédéral que la cour cantonale a écarté l'application de l'art. 783 al. 3 aCO. En outre, un consentement de l'intimé à une éventuelle reprise de la dette par la société selon l'acte authentique du 27 novembre 1997 fait défaut. Il s'ensuit que la recourante et l'intimée n'ont pas été libérées. 
 
3. 
A titre subsidiaire, la recourante se plaint d'une violation des art. 175 et 176 CO. Elle soutient que l'intimé aurait donné son consentement à la reprise ultérieure de la dette par l'intimée, cela en signant comme témoin la convention passée le 26 décembre 1997 entre elle et l'intimée, puis en acceptant le 8 janvier 1998 un acompte versé par celle-ci. 
 
Par le contrat du 24 novembre 1997, la recourante et l'intimée sont devenues codébitrices solidaires envers l'intimé; le 26 décembre 1997, l'intimée était donc déjà débitrice de l'entier de la dette envers l'intimé et ne pouvait en conséquence pas prendre à sa charge ce qui l'était déjà. La recourante ne se prévaut en réalité pas d'une reprise de dette, c'est-à-dire d'un remplacement du débiteur par un tiers avec l'accord du créancier, mais d'une remise de la dette par le créancier à l'égard de l'un des débiteurs solidaires. 
 
Selon les constatations souveraines de la cour cantonale, la convention du 26 décembre 1997, à laquelle l'intimé n'était pas partie, mais qu'il a signée expressément comme témoin, règle uniquement les modalités de sortie de la recourante de la société à responsabilité limitée et le rachat de sa part par l'intimée, et elle ne contient pas de clause relative à la dette envers l'intimé, respectivement à un accord de celui-ci à une libération de la recourante de la dette à son égard. Il ne s'y trouve ainsi pas trace d'une déclaration de volonté explicite de l'intimé de remettre sa dette à la recourante. 
 
La recourante relève que l'intimée s'est engagée le 26 décembre 1997 à lui verser 50'800 fr. pour sa part de la société, sans invoquer la compensation, et que cela ne pouvait que signifier que les parties à l'acte considéraient qu'elle n'avait plus de dette vis-à-vis de l'intimé. Savoir ce que quelqu'un a pensé est une question de fait; or, dans le jugement attaqué, il n'y a pas de constatation dans le sens allégué. En outre, si la recourante et l'intimée avaient pensé que la recourante n'avait plus de dette, cela pouvait simplement découler de l'opinion erronée, défendue par la recourante, que la société à responsabilité avait repris la dette à décharge de la recourante et de l'intimée. Quoi qu'il en soit, le seul élément déterminant serait une offre, explicite ou implicite, de l'intimé à la recourante de lui remettre sa dette; or, rien de tel ne peut être déduit des faits retenus. 
 
La recourante soutient aussi que le versement, par l'intimée, d'une avance de 50'000 fr. le 8 janvier 1998 confirmait l'accord intervenu. Or, le fait pour l'intimé d'accepter sans réserve un acompte de la part de l'un de ses débiteurs solidaires ne signifie pas qu'il a remis l'entier de la dette à l'autre débiteur; au demeurant, le versement ne provenait pas de l'intimée, mais de la société à responsabilité limitée. 
 
4. 
La recourante se plaint de ce que l'intimée n'a pas été astreinte à la relever de l'entier du montant qu'elle verserait à l'intimé. Elle estime que par la convention du 26 décembre 1997 et l'acte authentique du 20 janvier 1998, il y a eu reprise de dette interne entre elle et l'intimée. 
 
Force est de constater que ces documents ne contiennent aucune clause expresse dans ce sens; ils ne règlent que les modalités de sortie de la recourante de la société à responsabilité limitée et le rachat de sa part par l'intimée. Rien ne permet en outre de retenir un accord implicite. En effet, la recourante a toujours soutenu la thèse selon laquelle la dette envers l'intimé avait été reprise par la société à responsabilité limitée dès sa fondation le 27 novembre 1992, et donc qu'elle et l'intimée n'en étaient plus les débitrices depuis ce moment-là; rien ne permet de retenir qu'un mois plus tard, les deux soient parties de l'idée qu'elles étaient toujours débitrices de l'intimé et que la question d'une éventuelle libération de la recourante se posait. 
 
5. 
La recourante critique enfin sa condamnation à payer 140'000 fr. pour des motifs de procédure; elle semble soutenir que la demande reconventionnelle par laquelle l'intimé demande à ce qu'elle soit condamnée à lui payer ce montant n'était pas licite au regard du droit cantonal, dès lors que ce même montant faisait l'objet de la conclusion principale de son action en libération de dette. Quoi qu'il en soit, un tel grief pouvait faire l'objet d'un recours en nullité cantonal; il est irrecevable faute d'épuisement des voies de recours cantonales. 
 
6. 
Il résulte des considérants qui précèdent que le recours doit être rejeté dans la mesure de sa recevabilité. 
 
7. 
Compte tenu de l'issue du litige, les frais judiciaires et dépens de l'intimé - étant précisé qu'il n'y a pas lieu d'en allouer à l'intimée, qui ne s'est pas déterminée - sont mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 66 al. 1 ainsi qu'art. 68 al. 1 et 2 LTF). 
 
Dès lors que, sur la base des pièces produites, l'intimé ne dispose pas des ressources suffisantes (cf. art. 64 al. 1 LTF), sa demande d'assistance judiciaire doit être admise dans la mesure où elle n'a pas perdu son objet (cf. ATF 131 II 72 consid. 4), étant donné qu'il subsiste le risque que l'intéressé ne puisse recouvrer les dépens auxquels il a droit. Me Nicole Wiebach est désignée comme avocate d'office et la Caisse du Tribunal fédéral lui versera une indemnité à titre d'honoraires d'avocate d'office au cas où les dépens alloués à l'intimé ne pourraient pas être recouvrés (art. 64 al. 2 in fine LTF). 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
 
1. 
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2. 
Les frais judiciaires, arrêtés à 5'500 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3. 
Une indemnité de 6'500 fr., à payer à l'intimé à titre de dépens, est mise à la charge de la recourante. 
 
4. 
La demande d'assistance judiciaire de l'intimé est admise dans la mesure où elle n'est pas sans objet et Me Nicole Wiebach est désignée comme avocate d'office. 
 
5. 
Au cas où les dépens ne pourraient être recouvrés, la Caisse du Tribunal fédéral versera à Me Nicole Wiebach une indemnité de 6'500 fr. à titre d'honoraires d'avocate d'office. 
 
6. 
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à la Cour civile du Tribunal cantonal vaudois. 
 
Lausanne, le 18 novembre 2008 
 
Au nom de la Ire Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
Le Président: La Greffière: 
 
Corboz Cornaz