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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
{T 0/2} 
 
1B_446/2015  
   
   
 
 
 
Arrêt du 19 janvier 2016  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Fonjallaz, Président, 
Karlen et Eusebio. 
Greffière : Mme Arn. 
 
Participants à la procédure 
 A.________, représenté par Me Ludovic Tirelli, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
Ministère public central du canton de Vaud, 
Division affaires spéciales, contrôle et mineurs, avenue de Longemalle 1, 1020 Renens. 
 
Objet 
Détention provisoire, 
 
recours contre l'arrêt de la Chambre des recours 
pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 17 novembre 2015. 
 
 
Faits :  
 
A.   
Le Ministère public de l'arrondissement de l'Est vaudois a ouvert une instruction pénale contre A.________ pour pornographie, la police ayant trouvé une quantité importante de fichiers de type pédopornographique dans son ordinateur (plus de sept cents) lors de deux perquisitions effectuées à son domicile les 12 août 2014 et 22 juin 2015. Il lui est notamment reproché d'avoir entretenu, par l'intermédiaire de forums sur des sites Internet, des conversations avec des individus à plusieurs reprises entre 2013 et mai 2015, au cours desquelles il aurait fait état de ses fantasmes impliquant des abus sexuels sur des fillettes; des fichiers photo et vidéo à caractère pédopornographique auraient également été échangés. Le prévenu aurait en outre échangé via Internet des messages, à caractère tendancieux, avec des jeunes filles âgées de dix à treize ans, rencontrées au manège dans lequel il faisait de l'équitation. 
Le casier judiciaire de A.________ fait état de deux condamnations pour pornographie. Il a ainsi été condamné le 12 novembre 2007 à une peine pécuniaire de 180 jours-amende avec sursis et à une amende de 1'000 fr. (art. 197 ch. 3bis aCP), puis le 14 novembre 2012 à une peine privative de liberté de douze mois assortie d'un traitement psychothérapeutique ambulatoire (art. 197 ch. 1 et 3 aCP); le prévenu a bénéficié de la libération conditionnelle le 25 mai 2014 avec un délai d'épreuve d'un an. Il ressort du rapport d'expertise psychiatrique du mois de juillet 2011, établi dans le cadre de cette dernière procédure, que le prévenu souffrait de pédophilie, qu'il présentait un risque de récidive très important et qu'il devait se soumettre à un traitement psychothérapeutique ambulatoire. 
 
B.   
A.________ a été arrêté lors de la seconde perquisition et placé en détention pour une durée de trois mois par ordonnance du 24 juin 2015 du Tribunal des mesures de contrainte du canton de Vaud (Tmc); puis, le 16 septembre 2015, le Tmc a prolongé cette mesure pour une durée de trois mois, soit jusqu'au 22 décembre 2015, toujours en raison des risques de réitération et de passage à l'acte. 
 
C.   
Un rapport d'expertise psychiatrique daté du 30 septembre 2015 a été déposé dans cette nouvelle procédure. L'expert a posé les diagnostics de pédophilie et de trouble de la personnalité immature. Selon lui, le risque de récidive d'actes analogues (téléchargement de dossiers illicites) était important. Il a par ailleurs précisé qu'une progression des activités illicites vers des infractions contre l'intégrité d'enfants étaient possible si aucune mesure n'était prise pour l'empêcher. 
 
D.   
Par ordonnance du 2 novembre 2015, le Tmc a rejeté la demande de libération présentée par A.________. La Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal vaudois a confirmé cette décision au terme d'un arrêt rendu le 17 novembre 2015. En substance, elle a retenu l'existence des risques de réitération et de passage à l'acte qu'aucune mesure de substitution n'était à même de prévenir. 
 
E.   
Par acte du 24 décembre 2015, A.________ forme un recours en matière pénale par lequel il demande au Tribunal fédéral de réformer l'arrêt entrepris en ce sens que sa libération immédiate est ordonnée moyennant le prononcé de diverses mesures de substitution. 
Le Ministère public conclut au rejet du recours, tandis que la Chambre des recours pénale se réfère aux considérants de sa décision. Le recourant réplique. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
Le recours en matière pénale (art. 78 al. 1 LTF) est en principe ouvert contre les décisions relatives à la détention provisoire ou pour des motifs de sûreté au sens des art. 212 ss CPP. Formé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) contre une décision prise en dernière instance cantonale (art. 80 LTF) et qui touche le recourant dans ses intérêts juridiquement protégés (art. 81 al. 1 let. a et b ch. 1 LTF), le recours en matière pénale est par conséquent recevable dans l'ensemble de ses conclusions (art. 107 al. 2 LTF). 
 
2.   
Le recourant estime que l'instance précédente a violé l'art. 221 al. 2 CPP en considérant qu'il présentait un risque de passage à l'acte. 
 
2.1. Aux termes de l'art. 221 al. 1 let. c CPP, la détention provisoire peut être ordonnée lorsqu'il y a sérieusement lieu de craindre que le prévenu "compromette sérieusement la sécurité d'autrui par des crimes ou des délits graves après avoir déjà commis des infractions du même genre".  
Selon la jurisprudence, il convient de faire preuve de retenue dans l'appréciation du risque de récidive: le maintien en détention ne peut se justifier pour ce motif que si le pronostic est très défavorable et si les délits dont l'autorité redoute la réitération sont graves (ATF 137 IV 13 consid. 4.5 p. 21; 135 I 71 consid. 2.3 p. 73; 133 I 270 consid. 2.2 p. 276 et les arrêts cités). Bien qu'une application littérale de l'art. 221 al. 1 let. c CPP suppose l'existence d'antécédents, le risque de réitération peut être également admis dans des cas particuliers alors qu'il n'existe qu'un antécédent, voire aucun dans les cas les plus graves. La prévention du risque de récidive doit en effet permettre de faire prévaloir l'intérêt à la sécurité publique sur la liberté personnelle du prévenu (ATF 137 IV 13 consid. 3-4 p. 18 ss; cf. arrêt 1B_133/2011 du 12 avril 2011 consid. 4.7). Le risque de récidive peut également se fonder sur les infractions faisant l'objet de la procédure pénale en cours, si le prévenu est fortement soupçonné - avec une probabilité confinant à la certitude - de les avoir commises (ATF 137 IV 84 consid. 3.2 p. 86). 
Enfin, l'art. 221 al. 2 CPP permet d'ordonner la détention lorsqu'il y a lieu de craindre un passage à l'acte, même en l'absence de toute infraction préalable. Il doit s'agir d'un crime grave et non seulement d'un délit (ATF 137 IV 122 consid. 5 p. 129). Il convient de faire preuve de retenue dans l'admission de ce risque et ne l'admettre que lorsque le pronostic est très défavorable. Il n'est toutefois pas nécessaire que la personne soupçonnée ait déjà pris des dispositions concrètes pour passer à l'exécution des faits redoutés. Il suffit que le passage à l'acte apparaissent comme hautement vraisemblable sur la base d'une appréciation globale de la situation personnelle de l'intéressé et des circonstances. En particulier en cas de menace d'infractions violentes, on doit prendre en considération l'état psychique de la personne soupçonnée, son imprévisibilité ou son agressivité (ATF 140 IV 19 consid. 2.1.1 p. 21 s.; 137 IV 122 consid. 5 p. 129 et les réf. cit.). Plus l'infraction redoutée est grave, plus la mise en détention se justifie lorsque les éléments disponibles ne permettent pas une évaluation précise de ce risque (ATF 140 IV 19 consid. 2.1.1 p. 22) 
 
2.2. En l'espèce, pour justifier le maintien en détention du recourant, l'instance précédente a retenu un risque de réitération s'agissant du téléchargement de fichiers de type pédopornographique. Elle s'est fondée notamment sur les conclusions de l'expertise psychiatrique et les précédentes condamnations du prévenu pour des faits similaires. L'expert a en effet expressément indiqué que le recourant - qui souffrait de pédophilie, associée à un trouble de la personnalité immature - présentait un risque de récidive très important s'agissant d'actes de même nature que ceux qui lui étaient reprochés; l'expert a notamment souligné l'incapacité du recourant à réprimer ses pulsions et fantasmes violents, malgré le traitement médical ambulatoire auquel il était soumis et ses précédentes condamnations. Le recourant a d'ailleurs récidivé non seulement pendant le délai d'épreuve assortissant sa libération conditionnelle, mais également durant la présente enquête après la première perquisition menée à son domicile. Par ailleurs, les faits reprochés sont graves et de nature à compromettre sérieusement la sécurité d'autrui dès lors que le contenu pédopornographique de ces fichiers - que le recourant a de surcroît échangé avec d'autres internautes à l'occasion de chat évoquant des fantasmes pédophiles avec actes de violence et quelques fois mise à mort de l'enfant - peut agir sur le spectateur en le corrompant, à savoir en favorisant notamment sa disposition à imiter le comportement observé; de plus, la consommation de tels fichiers impliquant des enfants entraîne la fabrication de ceux-ci et donc l'exploitation sexuelle, la violence et les traitement humiliants ou indignes sur des enfants (cf. ATF 128 IV 25 consid. 3a p. 28; 124 IV 106 consid. 3c/aa p. 111 s.). Quoi qu'en pense le recourant, il n'est pas déterminant qu'il n'ait pas lui-même porté directement atteinte à l'intégrité sexuelle d'un mineur.  
Par conséquent, compte tenu des troubles psychologiques diagnostiqués, du risque de récidive constaté par l'expert, de ses antécédents, de l'ampleur des téléchargements et des échanges de messages et de fichiers à caractère pédopornographique avec d'autres internautes, l'instance précédente n'a pas violé l'art. 221 al. 1 let. c CPP en retenant l'existence d'un risque de récidive justifiant le maintien en détention. 
 
2.3. L'instance précédente a également justifié la détention de l'intéressé par l'existence d'un risque de passage à l'acte en se basant notamment sur le fait que celui-ci avait eu des conversations très tendancieuses, pouvant aisément être interprétées comme ayant un caractère sexuel, avec les jeunes filles rencontrées au manège équestre et que l'expert psychiatre - qui avait posé le diagnostic de pédophilie - avait affirmé qu'un passage à l'acte ne pouvait pas être exclu.  
Pour nier le risque de passage à l'acte, le recourant se prévaut du fait qu'il n'a jamais commis d'acte sexuel à l'encontre d'un mineur, que les messages échangés avec des fillettes qu'il fréquentait au manège équestre s'étaient limités à 7 jours de discussion sur une période s'étalant de septembre 2012 à juillet 2013 et que les propos pouvant être qualifiés d'ambigus résultaient uniquement de trois messages envoyés trois ans auparavant. 
Les messages ambigus - dans lesquels le recourant demande à l'une des jeunes filles ce qu'elle porte sous son pyjama et à une autre si elle avait des déguisements chez elle - ne mettent effectivement pas en évidence d'actes répréhensibles de la part du recourant; ils sont toutefois, comme relevé par le Tmc, clairement en lien avec les fantasmes pédophiles du prévenu. S'il convient certes de faire une distinction entre la verbalisation d'un fantasme avec un internaute inconnu et une concrétisation de ce fantasme par un passage à l'acte impliquant des jeunes filles dans la réalité, l'expert psychiatre a néanmoins expliqué que le début de discussions à caractère sexuel avec les trois filles du manège constituait un dérapage dans la réalité. Selon l'expert, on pouvait y voir une progression dans l'exécution de fantasmes ou une brèche dans les mécanismes de défense contenant les fantasmes sexuels du prévenu (cf. rapport d'expertise p. 14). Il a à cet égard précisé que si aucune mesure n'était prise pour empêcher l'intéressé de récidiver, une progression des activités illicites vers des infractions contre l'intégrité sexuelle d'enfant était possible. L'expert a par ailleurs indiqué que la connotation violente, l'envie de faire souffrir, le désir de domination et le dé sir de soumettre ne montrait pas une évolution favorable de la problématique chez l'expertisé en psychothérapie depuis 2010 (cf. rapport d'expertise p. 4). I l soulignait également l'incapacité du recourant à réprimer ses pulsions et fantasmes violents, malgré le traitement médical ambulatoire auquel il était soumis (cf. rapport d'expertise p. 16). 
Compte tenu des éléments précités, en particulier des graves troubles dont souffre l'intéressé et des considérations de l'expert psychiatre, l'instance précédente pouvait, sans violer le droit fédéral, admettre également l'existence d'un risque de passage à l'acte au sens de l'art. 221 al. 2 CPP. En particulier, le seuil d'acceptation du risque de passage à l'acte pouvait, conformément à la jurisprudence précitée (cf. supra consid. 2.1) être moins élevé s'agissant d'actes d'ordre sexuel sur des enfants; il n'est en effet pas admissible de mettre la victime potentielle face à un risque inacceptable (ATF 137 IV 339 consid. 2.2 non publié; 123 I 268 consid. 2e p. 271). Le fait que ce dérapage remonte à quelques années ne constitue pas à lui seul une garantie suffisante dès lors que le recourant n'a jamais cessé son activité illicite. 
 
3.   
Le recourant se plaint également d'une violation du principe de la proportionnalité (art. 237 al. 1 CPP et 36 al. 3 Cst.). 
 
3.1. Conformément au principe de la proportionnalité (art. 36 al. 3 Cst.), il convient d'examiner les possibilités de mettre en oeuvre d'autres solutions moins dommageables que la détention (règle de la nécessité). Cette exigence est concrétisée par l'art. 237 al. 1 CPP, qui prévoit que le tribunal compétent ordonne une ou plusieurs mesures moins sévères en lieu et place de la détention provisoire ou de la détention pour des motifs de sûreté si ces mesures permettent d'atteindre le même but que la détention. Selon l'art. 237 al. 2 let. f CPP, fait notamment partie des mesures de substitution l'obligation de se soumettre à un traitement médical ou à des contrôles.  
 
3.2. Le recourant soutient que le risque de réitération peut être maîtrisé par le prononcé de diverses mesures de substitution (interdiction de détenir à son domicile tout appareil électronique susceptible de se connecter à Internet; interdiction de détenir ou utiliser tout outil informatique portable connecté; interdiction d'utiliser un poste de travail chez son employeur connecté à Internet ou non correctement paramétré; interdiction d'utiliser au domicile de ses parents un appareil non correctement paramétré; vérification par la Police de sûreté du respect de ces mesures; ordre de se soumettre à un suivi psychiatrique; ordonner toute autre mesure de substitution jugée utile). Le recourant affirme en outre que la détention provisoire subie aurait provoqué une très forte prise de conscience chez lui et il entend tirer argument du fait que, dans le rapport d'expertise psychiatrique, l'expert a, à une reprise, indiqué que "ce traitement ne doit pas nécessairement être suivi en institution".  
En l'occurrence, les mesures de substitution préconisées par le recourant pour parer aux risques de récidive et de passage à l'acte apparaissent clairement insuffisantes. Comme relevé par l'instance précédente, les possibilités d'accès à Internet sont multiples puisqu'il suffit de posséder un smartphone, une tablette ou un ordinateur et que Internet est disponible dans de nombreux lieux publics. Il paraît ainsi très compliqué, pour des raisons technique et de moyen, de surveiller tous les supports informatiques pouvant être utilisés par le recourant. L'instance précédente pouvait également à juste titre retenir que l'intéressé - qui est ingénieur et exerce dans le domaine de l'informatique - pouvait exploiter ses connaissances en la matière pour contrecarrer les mesures de substitution proposées et ainsi accéder à des sites pédophiles. Il ressort de plus de l'expertise psychiatrique que l'intéressé a lui-même émis des doutes quant à sa capacité à résister à un écran d'ordinateur s'il avait la possibilité de se connecter (cf. rapport d'expertise p. 15). Le fait que le téléchargement des fichiers illégaux n'a été effectué, selon les dires du recourant, qu'au moyen de son ordinateur dans le cadre privé de son domicile n'apparaît pas décisif. 
De surcroît, l'expert psychiatre a préconisé un traitement institutionnel qui lui seul permet de fournir un cadre strict nécessaire pour garantir que le traitement s'inscrive dans un cadre cohérent et conséquent. Quoi qu'en dise le recourant, l'expert a clairement indiqué à plusieurs reprises qu'un traitement ambulatoire n'était pas suffisant pour diminuer le risque de récidive (cf. rapport d'expertise p. 17 et 20). Celui-ci a d'ailleurs corrigé dans son rapport complémentaire la réponse contradictoire donnée sur ce point dans son rapport d'expertise; le recourant ne saurait dès lors tirer argument de cette erreur de l'expert. 
Dans ces conditions, l'instance précédente n'a pas violé le droit fédéral en considérant que les mesures de substitution proposées par l'intéressé n'étaient pas propres à limiter de façon déterminante les risques retenus. 
 
4.   
Il s'ensuit que le recours est rejeté. Le recourant, qui succombe, doit supporter les frais judiciaires (art. 65 et 66 al. 1 LTF). 
 
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est rejeté. 
 
2.   
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 francs, sont mis à la charge du recourant. 
 
3.   
Le présent arrêt est communiqué au mandataire du recourant, au Ministère public central du canton de Vaud, Division affaires spéciales, contrôle et mineurs, et à Chambre des recours pénale au Tribunal cantonal du canton de Vaud. 
 
 
Lausanne, le 19 janvier 2016 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Fonjallaz 
 
La Greffière : Arn