Wichtiger Hinweis:
Diese Website wird in älteren Versionen von Netscape ohne graphische Elemente dargestellt. Die Funktionalität der Website ist aber trotzdem gewährleistet. Wenn Sie diese Website regelmässig benutzen, empfehlen wir Ihnen, auf Ihrem Computer einen aktuellen Browser zu installieren.
Zurück zur Einstiegsseite Drucken
Grössere Schrift
 
 
Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
                 
 
 
6B_944/2020  
 
 
Arrêt du 19 janvier 2021  
 
Cour de droit pénal  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux, 
Jacquemoud-Rossari, Présidente, 
Denys et Hurni. 
Greffière : Mme Kistler Vianin. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par Me Raphaël Mahaim, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
1. Ministère public central du canton de Vaud, 
Avenue de Longemalle 1, 1020 Renens VD, 
2. B.________, 
intimés. 
 
Objet 
Abus de confiance, principe de l'autorité de l'arrêt de renvoi, 
 
recours contre le jugement de la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 2 juin 2020 
(n° 105 PE12.012994/HNI/ACP). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Par jugement du 17 décembre 2018, le Tribunal correctionnel de l'arrondissement de l'Est vaudois a libéré B.________ des chefs d'accusation d'escroquerie, gestion déloyale, tentative d'obtention frauduleuse d'un concordat judiciaire et faux dans les certificats, l'a condamné pour abus de confiance, banqueroute frauduleuse et fraude dans la saisie, gestion fautive et faux dans les titres à une peine privative de liberté de quinze mois, dont six mois ferme et neuf mois avec sursis pendant cinq ans, peine entièrement complémentaire à celle prononcée le 21 avril 2016 par le Tribunal correctionnel de l'arrondissement de l'Est vaudois. Sur le plan civil, il a dit que B.________ était le débiteur de A.________ de USD 120'470.40 avec intérêts à 5 % l'an dès le 1er janvier 2010 et de 35'525 fr. 56 avec intérêts à 5 % l'an dès le 1er janvier 2009, et a donné acte à A.________ de ses réserves civiles pour le surplus. 
 
B.  
 
B.a. Par jugement du 16 mai 2019, la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal vaudois a admis partiellement l'appel de B.________ et rejeté celui de A.________. Elle a réformé le jugement attaqué en ce sens que B.________ était libéré du chef d'accusation d'abus de confiance dans les cas n° s 1 et 2 de l'acte d'accusation, en sus de ceux déjà retenus par les premiers juges, qu'il s'était rendu coupable de banqueroute frauduleuse et fraude dans la saisie, gestion fautive et faux dans les titres, qu'il était condamné à une peine privative de liberté de six mois avec sursis pendant trois ans, peine entièrement complémentaire à celle prononcée le 21 avril 2016 par le Tribunal correctionnel de l'arrondissement de l'Est vaudois et que A.________ était renvoyé à agir par la voie civile.  
 
B.b. Par arrêt du 28 novembre 2019 (6B_918/2019), le Tribunal fédéral a partiellement admis le recours formé par A.________ contre le jugement du 16 mai 2019 de la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal vaudois. Il a constaté que la cour cantonale ne s'était pas prononcée, s'agissant du cas n° 1 de l'acte d'accusation, sur l'élément subjectif de l'infraction d'abus de confiance, notamment sur le dessein d'enrichissement illégitime de B.________. Il a donc annulé le jugement cantonal et renvoyé la cause à l'autorité cantonale pour nouveau jugement.  
 
C.  
Par jugement du 2 juin 2020, rendu à la suite de l'arrêt de renvoi du 28 novembre 2019, la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal vaudois a maintenu le dispositif rendu dans son précédent jugement. Elle a ainsi partiellement admis l'appel de B.________ et rejeté celui de A.________. 
En résumé, elle a retenu les faits suivants en relation avec le cas n° 1 de l'acte d'accusation: 
B.________, de nationalité suisse, est né le 14 février 1954. En 1999, il a fondé la société C.________ SA, active dans le domaine du négoce de matières premières, dont il était l'administrateur unique. Il a développé des relations commerciales avec A.________ dès le début de l'activité de la société. A partir de 2003, les deux hommes ont décidé de collaborer plus étroitement, maintenant leur partenariat professionnel jusqu'en 2010. Ce dernier était basé sur la confiance, de sorte que les différentes affaires gérées par les deux associés découlaient d'un accord oral et ne faisaient généralement pas l'objet d'un contrat écrit entre eux. 
En septembre 2006, B.________ et A.________ ont convenu d'acheminer du lait en poudre de U.________ à V.________, où A.________ devait le revendre. Comme C.________ SA ne disposait pas des fonds nécessaires pour l'achat initial de la marchandise, A.________ a réuni l'argent nécessaire, notamment auprès d'une connaissance en W.________, et a versé USD 120'470.40 sur le compte de la société, laquelle a désintéressé l'entreprise à U.________. Dès lors que la livraison à V.________ n'avait pas été effectuée, C.________ SA a intenté et gagné en 2009 une action en justice, récupérant ainsi la somme de USD 120'470.40. B.________ a ensuite utilisé l'intégralité de cette somme pour rembourser les créanciers de C.________ SA. 
 
D.  
Contre ce dernier jugement cantonal, A.________ dépose un recours en matière pénale devant le Tribunal fédéral. En substance, il conclut, principalement, à la réforme du jugement attaqué en ce sens que le jugement de première instance est confirmé, exception faite du cas n° 2 de l'acte d'accusation du 7 septembre 2018, pour lequel B.________ est libéré de toute infraction. A titre subsidiaire, il demande l'annulation du jugement attaqué et le renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouveau jugement. En outre, il sollicite l'assistance judiciaire. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
 
1.1. Aux termes de l'art. 81 al. 1 let. a et b ch. 5 LTF, la partie plaignante qui a participé à la procédure de dernière instance cantonale est habilitée à recourir au Tribunal fédéral, si la décision attaquée peut avoir des effets sur le jugement de ses prétentions civiles. Constituent des prétentions civiles celles qui sont fondées sur le droit civil et doivent en conséquence être déduites ordinairement devant les tribunaux civils. Il s'agit principalement des prétentions en réparation du dommage et du tort moral au sens des art. 41 ss CO (ATF 141 IV 1 consid. 1.1 p. 4).  
Lorsque, comme en l'espèce, la cause fait l'objet d'une procédure au fond, la partie plaignante doit avoir expressément pris des conclusions civiles. Le cas échéant, s'il ne lui est juridiquement et raisonnablement pas possible de prendre des conclusions civiles, il lui incombe d'expliquer quelles prétentions elle entend faire valoir, dans quelle mesure la décision attaquée a une incidence sur elles et pourquoi elle n'a pas été en mesure d'agir dans le cadre de la procédure pénale (ATF 127 IV 185 consid. 1a p. 188; arrêt 6B_741/2020 du 11 novembre 2020 consid. 2.1). 
 
1.2. Le recourant a conclu à l'allocation d'un montant de USD 120'470.40 en relation avec le cas n° 1 de l'acte d'accusation du 7 septembre 2018. Le tribunal de première instance, qui avait condamné l'intimé pour abus de confiance, lui avait alloué l'intégralité de ses prétentions. Sur appel de l'intimé, la cour cantonale a libéré celui-ci des chefs d'accusation d'abus de confiance et a donné acte au recourant de ses réserves civiles à l'encontre de l'intimé. Dans son recours au Tribunal fédéral, le recourant répète les conclusions civiles prises à l'encontre de l'intimé devant le juge de première instance. Il a en conséquence la qualité pour recourir en matière pénale conformément à l'art. 81 al. 1 let. b ch. 5 LTF.  
 
2.  
Le recourant soutient que la cour cantonale s'est écartée de l'arrêt de renvoi du Tribunal fédéral, en déclarant que le courriel du 10 mai 2006 " précisait de manière suffisante que, dans le cadre de leurs relations d'affaires, A.________ reconnaît devoir à B.________ la somme totale de USD 186'163 " (jugement attaqué p. 12). 
 
2.1. Le principe de l'autorité de l'arrêt de renvoi découle du droit fédéral non écrit (ATF 143 IV 214 consid. 5.3.3 p. 222). Conformément à ce principe, l'autorité cantonale à laquelle la cause est renvoyée par le Tribunal fédéral est tenue de fonder sa nouvelle décision sur les considérants de droit de l'arrêt du Tribunal fédéral. Elle est ainsi liée par ce qui a déjà été définitivement tranché par le Tribunal fédéral et par les constatations de fait qui n'ont pas été attaquées devant lui ou l'ont été sans succès (ATF 143 IV 214 consid. 5.2.1 p. 220; 131 III 91 consid. 5.2 p. 94). La motivation de l'arrêt de renvoi détermine dans quelle mesure l'autorité précédente est liée à la première décision et fixe aussi bien le cadre du nouvel état de fait que celui de la nouvelle motivation juridique (ATF 135 III 334 consid. 2 p. 335).  
 
2.2. Dans l'arrêt 6B_918/2019 du 28 novembre 2019, le Tribunal fédéral a indiqué que la cour cantonale ne s'était pas prononcée sur l'élément subjectif de l'infraction d'abus de confiance, notamment sur le dessein d'enrichissement illégitime. Il a précisé à cet égard qu'il n'y avait pas de dessein d'enrichissement illégitime chez celui qui s'appropriait une chose pour se payer ou pour tenter de se payer lui-même, s'il avait une créance d'un montant au moins égal à la valeur de la chose qu'il s'était appropriée et s'il avait vraiment agi en vue de se payer. Il a rappelé que, selon la jurisprudence, ce qui excluait le dessein d'enrichissement illégitime, ce n'était pas la circonstance objective de l'existence d'une créance de l'auteur contre le lésé, mais sa volonté de se faire payer (ATF 105 IV 29 consid. 3a p. 35).  
 
2.3. La cour cantonale a retenu que la volonté de compenser de l'intimé était bien établie et a exclu tout dessein d'enrichissement. Elle s'est fondée à cet égard sur quatre éléments. Elle s'est d'abord référée au message du 10 mai 2006, qui, selon elle, " précise, de manière suffisante (en anglais) que, dans le cadre de leurs relations d'affaires, A.________ reconnaît devoir à B.________ la somme totale de USD 186'163 ". En outre, elle a relevé que, dans un premier temps, en 2006, l'intimé avait rétrocédé le montant de USD 120'470.40 au recourant. Elle a également noté qu'en cours de son audition par la police du 31 janvier 2014, l'intimé avait déclaré qu'il ne s'était pas enrichi, car le recourant devait une somme beaucoup plus élevée à C.________ SA. Enfin, elle a constaté que les courriels auxquels le recourant faisait référence, par renvoi à son mémoire du 16 août 2019 au Tribunal fédéral, concernaient d'autres affaires que celle du lait en poudre et le fait que B.________ ne fasse pas formellement valoir la compensation dans ces courriels ne signifiait pas qu'il n'avait pas la volonté de compenser lorsqu'il a obtenu la restitution des USD 120'470.40 en 2009.  
 
2.4. Par cette argumentation, la cour cantonale n'est pas sortie du cadre légal fixé par l'arrêt de renvoi. Suivant cet arrêt, elle s'est prononcée sur le dessein d'enrichissement illégitime de l'intimé. Elle a conclu que celui-ci avait la volonté de compenser et, partant, n'avait pas de dessein d'enrichissement illégitime, sur la base de divers éléments, et notamment du message du 10 mai 2019. Si ce dernier message ne permet pas d'établir que l'intimé avait une créance de USD 186'163 à l'encontre du recourant, il peut constituer un indice de la volonté de compenser de l'intimé. La cour cantonale ne s'est en revanche pas formellement prononcée sur la matérialité de la créance, puisqu'elle a donné acte au recourant de ses réserves civiles et l'a renvoyé à agir par la voie civile. Le grief tiré de la violation du principe de l'autorité de l'arrêt de renvoi doit donc être rejeté.  
 
3.  
Le recourant reproche à la cour cantonale d'avoir violé l'art. 138 CP (abus de confiance) en excluant tout dessein d'enrichissement illégitime de la part de l'intimé. 
 
3.1. Du point de vue subjectif, l'auteur d'un abus de confiance doit agir intentionnellement et dans un dessein d'enrichissement illégitime. Déterminer ce qu'une personne a su, voulu, envisagé ou accepté relève du contenu de la pensée, à savoir de faits   " internes   " qui, en tant que tels, lient le Tribunal fédéral (cf. art. 105 al. 1 LTF), à moins qu'ils aient été retenus de manière arbitraire (ATF 142 IV 137 consid. 12 p. 152; 141 IV 369 consid. 6.3 p. 375). Est en revanche une question de droit celle de savoir si l'autorité cantonale s'est fondée sur une juste conception de la notion d'intention et si elle l'a correctement appliquée sur la base des faits retenus et des éléments à prendre en considération (ATF 137 IV 1 consid. 4.2.3 p. 5; 135 IV 152 consid. 2.3.2 p. 156; 133 IV 9 consid. 4.1 p. 16 s.) On ne peut toutefois méconnaître que dans ce domaine, les questions de fait et de droit interfèrent étroitement, sur certains points. Il incombe ainsi à l'autorité cantonale d'établir de manière aussi complète que possible les circonstances extérieures susceptibles d'établir la volonté interne de l'accusé. Le Tribunal fédéral peut revoir, dans une certaine mesure, l'appréciation de ces circonstances au regard de la notion juridique de dol éventuel (ATF 133 IV 9 consid. 4.1 p. 17; 125 IV 242 consid. 3c p. 252; arrêt 6B_148/2020 du 2 juillet 2020 consid. 5.1.2 et les références citées).  
 
3.2. En l'espèce, la cour cantonale s'est fondée sur quatre éléments pour conclure que l'intimé n'avait pas de dessein d'enrichissement illégitime (cf. consid. 2.3).  
Comme vu ci-dessus, le message électronique du 10 mai 2006 - s'il ne peut établir la matérialité d'une créance de l'intimé à l'encontre du recourant - peut constituer un indice de la volonté de compenser de la part de l'intimé. La première rétrocession au recourant, en 2006, du montant de USD 120'470.40 atteste d'un comportement régulier de l'intimé et parle en faveur d'une volonté de compenser de sa part. En déclarant, lors de son audition devant la police le 31 janvier 2014, qu'il ne s'était pas enrichi car le recourant lui devait une somme d'argent beaucoup plus élevée, l'intimé témoigne également de sa volonté de compenser. Enfin, selon la jurisprudence, la volonté de compenser ne suppose pas nécessairement une déclaration de compensation (ATF 105 IV 29 consid. 3a p. 35). En définitive, au vu des circonstances précitées, la cour cantonale n'a pas violé le droit fédéral, ni versé dans l'arbitraire en retenant que la condition subjective du dessein d'enrichissement illégitime n'était pas réalisée et en libérant l'intimé de l'infraction d'abus de confiance pour le cas n° 1 de l'acte d'accusation. 
 
4.  
Le recours doit être rejeté. 
Comme ses conclusions étaient vouées à l'échec, l'assistance judiciaire ne peut être accordée (art. 64 al. 1 LTF). Le recourant devra donc supporter les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF), dont le montant sera toutefois fixé en tenant compte de sa situation financière. 
Il n'y a pas lieu d'allouer d'indemnité à l'intimé qui n'a pas été invité à déposer des observations dans la procédure devant le Tribunal fédéral. 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté. 
 
2.  
La demande d'assistance judiciaire est rejetée. 
 
3.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'200 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud. 
 
 
Lausanne, le 19 janvier 2021 
 
Au nom de la Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Jacquemoud-Rossari 
 
La Greffière : Kistler Vianin