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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
                 
 
 
1B_554/2017  
 
 
Arrêt du 19 avril 2018  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Merkli, Président, 
Fonjallaz et Eusebio. 
Greffier : M. Kurz. 
 
Participants à la procédure 
 A.________ SA, représentée par Maîtres Benjamin Borsodi et Clara Poglia, avocats, 
recourante, 
 
contre  
 
Département fédéral des finances, Service juridique, Bernerhof, Bundesgasse 3, 3003 Berne, 
 
Objet 
droit pénal administratif, séquestre, 
 
recours contre la décision du Tribunal pénal fédéral, Cour des plaintes, du 17 novembre 2017 (BV.2017.33). 
 
 
Faits :  
 
A.   
Le 31 août 2015, l'Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (ci-après: FINMA) a déposé une dénonciation pénale auprès du Département fédéral des finances (ci-après: DFF) à l'encontre des personnes responsables de A.________ SA, société sise à Lausanne, pour soupçons d'activité d'intermédiaire financier exercée sans autorisation (art. 44 de la loi sur la FINMA - LFINMA; RS 956.1 - et art. 14 de la loi sur le blanchiment d'argent - LBA; RS 955.0). Il lui est reproché d'avoir procédé en tant qu'intermédiaire professionnel à des activités de négoce de sucre blanc, de 2012 à 2014, sans disposer d'autorisation d'exercer et sans être affiliée à un organisme d'autorégulation. Le DFF a ouvert une procédure de droit pénal administratif le 9 janvier 2017 et a prononcé, le 13 avril 2017, le séquestre des valeurs patrimoniales déposées sur deux comptes ouverts au nom de A.________ SA dans les livres B.________ SA, pour près de 3 millions de francs. Le 11 mai 2017, A.________ SA a demandé au DFF la levée partielle du séquestre, à hauteur 1'000'000 fr., afin de garantir sa survie ainsi que la poursuite de ses activités. Le DFF a rejeté cette demande le 30 mai 2017, considérant que le séquestre était justifié et que le montant séquestré ne couvrait qu'une partie des montants qui devraient faire l'objet d'une confiscation ou d'une créance compensatrice. 
 
B.   
Par décision du 17 novembre 2017, la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral a rejeté la plainte formée par A.________ SA. Le négoce de sucre pour des tiers pouvait constituer une activité d'intermédiaire financier au sens de l'art. 2 al. 3 LBA, portant sur des matières premières avec un degré de standardisation élevé. Faute d'autorisation, il s'agissait d'une activité illicite. La totalité du bénéfice de la société en 2012 et 2013 (et 60% en 2014) provenait de cette activité. Il y avait un lien de causalité entre l'absence d'autorisation et les profits réalisés, de sorte qu'une confiscation était possible. Au regard des bénéfices retirés, le montant du séquestre était proportionné. 
 
C.   
Agissant par la voie du recours en matière pénale, A.________ SA demande au Tribunal fédéral d'annuler la décision de la Cour des plaintes et de lever le séquestre, subsidiairement de lever le séquestre à concurrence de 1'000'000 fr., plus subsidiairement de renvoyer la cause à l'instance précédente pour nouvelle décision au sens des considérants. 
La Cour des plaintes persiste dans les termes de sa décision, sans observations. Le DFF conclut au rejet du recours dans la mesure où il est recevable. Dans ses dernières observations, la recourante persiste dans ses conclusions. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
Selon l'art. 78 al. 1 LTF, le recours est recevable contre les décisions rendues en matière pénale, notamment par la Cour des plaintes du TPF si elle porte sur une mesure de contrainte (art. 79 LTF). Tel est le cas d'une décision de séquestre fondée sur l'art. 46 de la loi fédérale sur le droit pénal administratif (DPA, RS 313.0; ATF 137 IV 145 consid. 1 p. 147; arrêt 1B_785/2012 du 16 octobre 2013 consid. 2). La recourante, dont les deux comptes sont frappés de séquestre, a qualité pour agir au sens de l'art. 81 al. 1 LTF
 
1.1. La décision concernant un séquestre fondé sur le droit pénal administratif constitue une décision incidente (ATF 128 I 129 consid. 1 p. 131; 126 I 97 consid. 1b p. 100 et les références). Selon la jurisprudence, le séquestre de valeurs patrimoniales cause en principe un dommage irréparable au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF, car le détenteur se trouve privé temporairement de la libre disposition des biens saisis (ATF 126 I 97 consid. 1b p. 101; voir également ATF 133 IV 139 consid. 4 p. 141; 128 I 129 consid. 1 p. 131).  
 
1.2. Selon l'art. 99 al. 2 LTF, toute conclusion nouvelle est irrecevable. Dans sa requête initiale au DFF, la recourante demandait la levée partielle du séquestre à hauteur de 1'000'000 fr. afin de pouvoir assumer des dépenses courantes. Elle invoquait uniquement le principe de la proportionnalité, sans contester que les conditions de base pour le prononcé d'une telle mesure étaient réunies. La décision du DFF du 30 mai 2017 porte uniquement sur cette demande de levée partielle, mais précise que le bien-fondé du séquestre dans son ensemble doit être réexaminé par ce biais. Dans sa plainte, la recourante demandait principalement la levée du séquestre, subsidiairement une levée partielle telle que requise au DFF. La Cour des plaintes rappelle, cela étant, que l'objet du litige est la décision du 30 mai 2017 rejetant la demande de levée partielle. Il n'y a donc pas eu élargissement de l'objet du litige devant l'instance précédente. Par conséquent, la recourante ne peut présenter de conclusions allant au-delà de sa requête initiale. La conclusion tendant à la levée intégrale du séquestre est ainsi irrecevable. Cette limitation des conclusions ne dispense toutefois pas d'examiner sur le fond l'admissibilité du séquestre dans son principe, comme l'ont fait les instances précédentes. Le fait que la recourante n'a pas recouru contre la décision initiale de séquestre ne l'empêche pas de remettre en cause le bien-fondé de cette mesure à l'occasion de recours ultérieurs.  
Il y a donc lieu d'entrer en matière, dans la mesure précisée ci-dessus. 
 
2.   
La recourante soutient qu'une confiscation des fonds séquestrés ou une créance compensatrice seraient d'emblée exclues, faute de lien de causalité entre l'infraction reprochée et les valeurs saisies. L'infraction consisterait non pas dans l'exercice de l'activité d'intermédiaire financier, en soi licite, mais dans le défaut d'autorisation ou d'affiliation à un organisme d'autorégulation, irrégularité sans lien direct et immédiat avec les profits obtenus. Soumise à des conditions formelles destinées à la contrôler, l'activité déployée par la recourante ne serait pas en soi illicite; les exemples cités dans l'arrêt attaqué se rapporteraient à des comportements en soi illicites (corruption, violation de l'art. 305ter CP). 
 
2.1. Selon l'art. 46 DPA, l'enquêteur met sous séquestre, notamment, les objets ou valeurs qui seront vraisemblablement confisqués (let. b) ainsi que les dons et autres avantages qui seront dévolus à l'Etat. A l'instar de toute mesure provisionnelle (cf. en matière de procédure pénale l'art. 263 CPP), le séquestre prévu par cette disposition est fondé sur la vraisemblance et doit être maintenu aussi longtemps que subsiste une possibilité de confiscation. Compte tenu du caractère encore incertain des prétentions en cause et de la rapidité avec laquelle l'autorité d'enquête doit agir, celle-ci n'a pas à résoudre des questions juridiques complexes ni à attendre d'être renseignée de manière exacte et complète sur les faits, puisque ce n'est que dans le cadre du jugement au fond que le sort des avoirs séquestrés sera définitivement fixé (ATF 140 IV 57 consid. 4.1 p. 61).  
 
2.2. La loi autorise le juge à prononcer la confiscation de valeurs patrimoniales qui sont notamment le résultat d'une infraction, si elles ne doivent pas être restituées au lésé en rétablissement de ses droits (art. 59 ch. 1 al. 1 aCP; 70 al. 1 CP). Inspirée de l'adage selon lequel "le crime ne paie pas", cette mesure a pour but d'éviter qu'une personne puisse tirer avantage d'une infraction (ATF 141 IV 155 consid. 4.1 p. 162; 140 IV 57 consid. 4.1.1 p. 62; 139 IV 209 consid. 5.3 p. 211 s.; 137 IV 305 consid. 3.1 p. 307). La confiscation suppose un comportement qui réunisse les éléments objectifs et subjectifs d'une infraction et qui soit illicite. Il doit par ailleurs exister un lien de causalité tel que l'obtention des valeurs patrimoniales apparaisse comme la conséquence directe et immédiate de l'infraction (ATF 141 IV 305 consid. 6.3.2 p. 313 s.; 141 IV 155 consid. 4.1 p. 162; 140 IV 57 consid. 4.1.1 p. 62; 137 IV 79 consid. 3.2 p. 80 s.). Les valeurs patrimoniales confiscables se rapportent ainsi à tous les avantages économiques illicites obtenus au moyen d'une infraction, qui peuvent être déterminés de façon comptable en prenant la forme d'une augmentation de l'actif, d'une diminution du passif, d'une non-diminution de l'actif ou d'une non-augmentation du passif (ATF 125 IV 4 consid. 2a/bb p. 7).  
 
2.3. L'exercice d'une activité d'intermédiaire financier sans autorisation ou sans affiliation à un organisme d'autorégulation, comme l'exige l'art. 14 al. 1 LBA, constitue objectivement une infraction à l'art. 44 al.1 LFINMA. Le fait que l'activité en question puisse, en soi, être autorisée n'enlève rien au caractère illicite des agissements concrètement reprochés à la recourante. Quant aux fonds séquestrés, ils sont soupçonnés provenir directement de l'activité en question. La jurisprudence admet la confiscation des honoraires d'un intermédiaire financier en cas de défaut de vigilance au sens de l'art. 305ter CP, quand bien même les transferts de fonds ne sont pas en soi illicites et ne proviennent pas de la simple absence de vérification (ATF 129 IV 338 consid. 8 p. 343). Il n'est pas exclu (même si la jurisprudence ne s'est pas encore prononcée sur cette question) qu'il puisse en aller de même pour le produit d'une activité non autorisée d'intermédiaire financier. Au stade du séquestre, une simple probabilité de confiscation est suffisante. La question de savoir si la recourante aurait réalisé le même bénéfice après avoir obtenu une autorisation d'exercer peut dès lors demeurer indécise.  
 
2.4. Pour le surplus, la recourante ne fait plus valoir, comme elle l'invoquait dans sa requête initiale au DFF, que la mesure de séquestre, respectivement le refus d'une levée partielle, mettrait en péril son activité ou son existence même. La question n'a pas à être examinée d'office.  
 
3.   
Sur le vu de ce qui précède, le recours est rejeté, dans la mesure où il est recevable. La recourante, qui succombe, doit supporter les frais de la présente procédure (art. 66 al. 1 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est rejeté, dans la mesure où il est recevable. 
 
2.   
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.   
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires de la recourante, au Département fédéral des finances et au Tribunal pénal fédéral, Cour des plaintes. 
 
 
Lausanne, le 19 avril 2018 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Merkli 
 
Le Greffier : Kurz