Wichtiger Hinweis:
Diese Website wird in älteren Versionen von Netscape ohne graphische Elemente dargestellt. Die Funktionalität der Website ist aber trotzdem gewährleistet. Wenn Sie diese Website regelmässig benutzen, empfehlen wir Ihnen, auf Ihrem Computer einen aktuellen Browser zu installieren.
Zurück zur Einstiegsseite Drucken
Grössere Schrift
 
 
Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
{T 0/2} 
 
1C_427/2016  
   
   
 
 
 
Arrêt du 19 mai 2017  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Karlen, Juge présidant, 
Fonjallaz et Chaix. 
Greffier : M. Kurz. 
 
Participants à la procédure 
 A.________ SA, représentée par Me Hubert Theurillat, avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
Office de l'environnement de la République et canton du Jura, chemin du Bel'Oiseau 12, case postale 69, 2882 St-Ursanne. 
 
Objet 
protection de l'environnement; prise en charge des frais d'investigation et d'assainissement d'un site pollué, 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal de la République et canton du Jura, Cour administrative, 
du 20 juillet 2016. 
 
 
Faits :  
 
A.   
La parcelle n° 803 de la commune de Bassecourt (Haute-Sorne) abrite l'ancienne usine Piquerez où étaient fabriquées des pièces de montres jusqu'en 2003. Le 17 novembre 2004, la propriétaire de l'époque a été informée que la parcelle serait inscrite au cadastre des sites pollués en tant que site pollué pour lequel on ne s'attend à aucune atteinte nuisible ou incommodante. A.________ SA, société sise à Glovelier et active dans le domaine de la promotion immobilière, a acquis la parcelle en novembre 2005 lors d'une enchère publique de l'Office des poursuites et des faillites de Delémont, pour un prix de 820'000 fr. 
Dans le cadre d'une procédure d'autorisation de construire, A.________ SA a effectué en 2006 des travaux d'investigation et d'assainissement. Elle a requis en vain de la part de l'Office de l'environnement du canton du Jura (ci-après: l'office) une prise en charge d'une partie de ces frais. 
 
B.   
Les investigations ont démontré l'existence d'une pollution par des solvants chlorés sous l'ancienne fosse d'eaux résiduaires. De nouvelles investigations étaient nécessaires afin de déterminer l'impact de cette pollution sur les eaux souterraines et de statuer sur le besoin d'assainissement. Par décision du 13 mai 2013, l'office a réparti les coûts d'investigation et d'assainissement à raison de 80% pour les précédents occupants du site (perturbateurs par comportement), à charge du canton, et de 20% pour A.________ SA (perturbateur par situation). Cette décision a été confirmée le 3 décembre 2015 sur opposition; même si l'Office des faillites ne l'avait pas renseignée sur l'existence d'une pollution, A.________ SA connaissait le passé industriel du site et pouvait se douter qu'il existait un risque. Elle allait aussi bénéficier des mesures d'investigation qui permettraient une mise en valeur, de sorte que la mise à sa charge d'une partie des frais d'investigation était justifiée. 
 
C.   
Par arrêt du 20 juillet 2016, la Cour administrative du Tribunal cantonal jurassien a rejeté le recours formé par A.________ SA. Les conditions de vente de l'Office des poursuites et des faillites mentionnaient que le site était considéré comme pollué. La problématique des sites pollués était largement médiatisée et la recourante, active dans le domaine immobilier, connaissait l'affectation précédente du site. Elle ne pouvait ignorer que celui-ci était pollué. L'immeuble avait été acheté pour 820'000 fr. alors que sa valeur vénale était estimée à 2'370'000 fr. La part des frais d'assainissement mise à la charge de la recourante se situait entre 20'000 et 100'000 fr. Un assainissement permettrait de vendre à des conditions favorables. 
 
D.   
A.________ SA forme un recours en matière de droit public contre ce dernier arrêt; elle en demande l'annulation ainsi que le renvoi de la cause à l'instance précédente. Subsidiairement, elle demande que sa participation aux coûts d'assainissement soit ramenée à 10%. 
La cour cantonale conclut au rejet du recours, sans formuler d'observations. L'office conclut au rejet du recours dans la mesure où il est recevable. Invité à se déterminer, l'Office fédéral de l'environnement (OFEV) s'est prononcé dans le sens du rejet du recours. Dans ses dernières observations, la recourante persiste en substance dans ses conclusions. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
Le recours est formé contre une décision finale (art. 90 LTF) prise en dernière instance cantonale (art. 86 al. 1 let. d LTF) dans une cause relevant du droit de la protection de l'environnement (art. 82 let. a LTF). Il est en principe recevable comme recours en matière de droit public, aucune des exceptions prévues à l'art. 83 LTF n'étant réalisée. 
La recourante, qui a pris part à la procédure devant l'instance cantonale, est particulièrement atteinte par l'arrêt attaqué et dispose d'un intérêt digne de protection à sa modification, celui-ci confirmant la mise à sa charge d'une partie des frais d'investigation et d'assainissement. Elle a ainsi qualité pour recourir au sens de l'art. 89 al. 1 LTF
 
2.   
Invoquant son droit d'être entendue - grief d'ordre formel qu'il convient d'examiner en premier -, la recourante estime que la cour cantonale n'aurait nullement expliqué en quoi un taux de participation de 20% se justifierait alors que la jurisprudence du Tribunal fédéral considère un taux de 10% excessif à l'égard d'un perturbateur par situation, en l'absence de circonstances particulières. 
La jurisprudence a déduit du droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst.) un devoir minimum pour l'autorité d'examiner et de traiter les questions pertinentes; ce devoir est violé lorsque le juge ne prend pas en considération des allégués, arguments, preuves et offres de preuve présentés par l'une des parties et importants pour la décision à rendre. L'autorité n'est pas tenue de prendre position sur tous les arguments des parties; elle doit statuer sur les griefs soulevés mais, dans ce cadre, elle peut se limiter aux questions décisives. Il suffit en somme que les parties puissent se rendre compte de la portée de la décision prise à leur égard et, le cas échéant, recourir contre elle en connaissance de cause (ATF 129 I 232 consid. 3.2 p. 236; 126 I 15 consid. 2a/aa p. 17, 97 consid. 2b p. 102; 124 II 146 consid. 2a p. 149 et les arrêts cités). 
L'arrêt attaqué rappelle la jurisprudence selon laquelle, en l'absence de circonstances particulières, il est excessif d'exiger une participation de plus de 10% de la part du détenteur du site qui n'a pas causé la pollution (ATF 139 II 106). Peut notamment constituer une telle circonstance le fait que le détenteur retire un avantage économique de la pollution et/ou de l'assainissement. La cour cantonale a ainsi recherché si la recourante avait retiré un tel avantage, consacrant le considérant 4 de son arrêt à cette question. Une telle motivation est suffisante du point de vue formel et la recourante se trouve à même de la contester en toute connaissance de cause. Il n'y a dès lors pas de violation de l'obligation de motiver. 
 
3.   
Sur le fond, la recourante renonce à contester qu'elle avait connaissance de la pollution lors de l'acquisition du bien-fonds. Elle estime en revanche que le taux de participation aux frais d'investigation et d'assainissement violerait l'art. 32d al. 1 LPE. Elle prétend ne retirer aucun bénéfice économique de l'assainissement. Le prix d'achat ne s'expliquerait nullement par l'existence d'une pollution (l'expert ayant établi la valeur vénale avait affirmé l'inexistence d'un risque écologique), mais par le fait que les prix pratiqués lors d'enchères publiques dans le cadre d'une exécution forcée sont systématiquement inférieurs aux prix du marché. Le calcul effectué par la Cour administrative serait également arbitraire. La recourante relève qu'elle a investi 7'000'000 fr. pour rénover l'immeuble, montant qui, additionné au prix d'achat, serait déjà supérieur à la valeur incendie. La simple allégation selon laquelle la valeur de l'immeuble sera supérieure après assainissement ne reposerait sur aucune preuve. Le fait de pouvoir aliéner l'immeuble aux conditions de l'art. 32d bis al. 3 LPE ne constituerait pas non plus un avantage. 
 
3.1. L'art. 32d LPE a la teneur suivante:  
Art. 32d        Prise en charge des frais 
1 Celui qui est à l'origine des mesures nécessaires assume les frais d'investigation, de surveillance et d'assainissement du site pollué. 
2 Si plusieurs personnes sont impliquées, elles assument les frais de l'assainissement proportionnellement à leur part de responsabilité. Assume en premier lieu les frais celle qui a rendu nécessaires les mesures par son comportement. Celle qui n'est impliquée qu'en tant que détenteur du site n'assume pas de frais si, même en appliquant le devoir de diligence, elle n'a pas pu avoir connaissance de la pollution. 
3 La collectivité publique compétente prend à sa charge la part de frais due par les personnes à l'origine des mesures, qui ne peuvent être identifiées ou qui sont insolvables. 
4 L'autorité prend une décision sur la répartition des coûts lorsqu'une personne concernée l'exige ou qu'une autorité prend les mesures elle-même. 
(...) 
 
L'art. 32d al. 2 3ème phrase vient confirmer que le détenteur d'un site déjà pollué peut se voir imputer une partie des frais d'investigation en tant que perturbateur par situation (ATF 139 II 106 consid. 3 p. 109 ss). L'autorité chargée d'établir la répartition des frais dispose d'un large pouvoir d'appréciation et doit tenir compte de l'ensemble des circonstances pertinentes. S'agissant du perturbateur par situation, il s'agit notamment de rechercher si celui-ci peut assumer une part de responsabilité (reprise de ses prédécesseurs ou découlant de sa propre attitude) et s'il tire ou non un avantage économique de la pollution, respectivement de l'assainissement (ATF 139 II 106 consid. 5.5.2 et 5.6 p. 118). De ce point de vue, il peut suffire que les opérations d'assainissement (ou d'investigation et de surveillance) ait pour effet de permettre un aménagement du bien-fonds conforme à l'affectation prévue (arrêt 1C_524/2014 du 24 février 2016 consid. 7). L'ampleur de l'avantage économique et le caractère supportable des frais mis à charge doivent également être pris en compte. 
 
3.2. L'arrêt attaqué retient que la recourante ne pouvait ignorer l'existence d'une pollution du site; elle connaissait son affectation industrielle durant plusieurs décennies, alors que la problématique des sites pollués était déjà largement connue à l'époque, et était active "dans le cadre industriel et horloger". En outre, les conditions de vente font également mention d'un site pollué. La recourante a expressément renoncé à contester ces considérations de fait, compte tenu du pouvoir d'examen du Tribunal fédéral à ce propos. Elle ne saurait dès lors prétendre avoir ignoré l'existence d'un risque de pollution lors de l'achat de la parcelle. La cour cantonale pouvait dès lors retenir que si la recourante avait acquis la parcelle à un prix inférieur de 65,4% à la valeur vénale, cela était dû, tout au moins dans une certaine mesure, au risque de pollution que pouvait présenter le bien-fonds. La recourante ne conteste d'ailleurs pas que le prix d'achat apparaissait particulièrement avantageux. Un tel avantage ne saurait résulter du seul fait qu'il s'agit d'une acquisition aux enchères publiques dans le cadre d'une réalisation forcée. Il est certes malaisé d'évaluer précisément dans quelle mesure le risque de pollution a pu influer sur le prix. Toutefois, compte tenu d'une part de la différence entre le prix payé et la valeur vénale estimée par l'expert (près de trois fois supérieure), et d'autre part du montant de la participation aux frais (entre 20'000 et 100'000 fr.), la fixation de la participation à 20% ne procède pas d'un abus du pouvoir d'appréciation, ni d'une violation du droit fédéral. Le fait que la recourante a, de son propre chef, consenti à d'importants investissements pour mettre en valeur son bien, ne change rien à l'avantage qu'elle a pu retirer du prix initialement payé pour l'acquisition.  
 
4.   
Sur le vu de ce qui précède, le recours est rejeté. Conformément à l'art. 66 al. 1 LTF, les frais judiciaires sont mis à la charge de la recourante qui succombe. 
 
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est rejeté. 
 
2.   
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.   
Le présent arrêt est communiqué au mandataire de la recourante, à l'Office de l'environnement de la République et canton du Jura, au Tribunal cantonal de la République et canton du Jura, Cour administrative, et à l'Office fédéral de l'environnement. 
 
 
Lausanne, le 19 mai 2017 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Juge présidant : Karlen 
 
Le Greffier : Kurz