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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
4A_269/2009 
 
Arrêt du 19 août 2009 
Ire Cour de droit civil 
 
Composition 
Mmes et M. les Juges Klett, présidente, 
Rottenberg Liatowitsch et Kolly. 
Greffière: Mme Cornaz. 
 
Parties 
SA X.________, représentée par Me Lucien Lazzarotto, 
recourante, 
 
contre 
 
Y.________ SA, représentée par Me Pierre de Preux, 
intimée. 
 
Objet 
contrat de bail à loyer; rénovation, 
 
recours contre l'arrêt de la Chambre d'appel en matière de baux et loyers du canton de Genève du 20 avril 2009. 
 
Faits: 
 
A. 
Dès 1994, SA X.________ (ci-après: la bailleresse) a entrepris des démarches en vue de faire procéder à des travaux de rénovation d'un groupe d'immeubles formant un complexe commercial et administratif dont elle est propriétaire. Une autorisation de construire a été délivrée en 1997, mais la bailleresse n'a pas engagé immédiatement les travaux. 
 
C'est dans ce contexte que Y.________ SA (ci-après: la locataire) s'est intéressée à déplacer son activité dans le complexe susmentionné. En 1999, elle a mandaté l'architecte A.________ pour qu'il examine si l'immeuble se prêtait à l'aménagement et à l'exploitation de sa permanence médicale; ce mandataire, qui avait reçu copie du dossier d'autorisation de construire de 1997, était averti de la nécessité de monter une paroi intérieure de protection lors du changement des éléments de façade, ce d'autant qu'il s'agissait d'un procédé usuel dans ce cas. Il en a informé sa mandante, soit pour elle son administrateur B.________, qui était du reste en mesure de s'en rendre compte par lui-même, car bien que médecin de formation, il avait étudié l'architecture pendant plusieurs semestres et animait depuis 1995 une société C.________ SA qui avait notamment pour but l'achat et la vente d'immeubles. A.________ et B.________ ont eu l'occasion de visiter les locaux à louer en 1999, avant de conclure des baux. 
 
Entre le 4 octobre 1999 et le 1er juillet 2001, les parties ont signé six baux portant sur différents locaux, pour un loyer annuel hors charges total de 422'724 fr. Les contrats nos 1 et 2 prévoyaient que le bailleur avait fixé le loyer en tenant compte des travaux que la locataire allait entreprendre pour aménager les locaux en vue de l'exploitation de sa permanence médicale (art. 38); ils disposaient également que "le locataire est informé que d'importants travaux de rénovation vont être probablement entrepris, notamment concernant la façade, le chauffage et la ventilation. Les parties conviennent qu'en cas de réalisation de ces travaux, ceux-ci n'entraîneront pas de répercussion sur les loyers" (art. 35); ils prévoyaient par ailleurs que "le locataire déclare connaître les locaux et les accepter en l'état, sous réserve d'acceptation de l'état des lieux d'entrée. A titre de participation aux travaux de rénovation effectués par le locataire, il est accordé à ce dernier une gratuité du loyer du 1er novembre 1999 au 29 février 2000" (art. 39). Quant aux baux nos 3, 4 et 5, ils disposaient que "le locataire est informé que d'importants travaux de rénovation vont être probablement entrepris, notamment concernant la façade, le chauffage et la ventilation. Le propriétaire se réserve le droit d'adapter le loyer en cours de bail, dès l'achèvement des travaux, moyennant un préavis de 3 mois pour la fin d'un mois, ceci en conformité avec les art. 14 al. 3 OBLF et 269a let. b CO. Le locataire en cas de travaux s'engage à ne pas demander au bailleur une quelconque indemnité pour perte de jouissance résultant de ces travaux et déclare les accepter" (art. 37); ils prévoyaient en outre que "le locataire déclare connaître les lieux et les accepter en l'état, sous réserve d'acceptation de l'état des lieux d'entrée. A titre de participation aux travaux de rénovation effectués par le locataire, il est accordé à ce dernier une gratuité du loyer du 1er avril au 30 juin 2000 (pour le bail n° 3, respectivement du 1er mai au 31 juillet 2000 pour le bail n° 4 et du 1er juin au 31 octobre 2000 pour le bail n° 5)" (art. 38); il était encore précisé que le bailleur avait tenu compte du montant des travaux dans la fixation du loyer (art. 39). 
 
Le détail des travaux envisagés - dont l'exécution a été retardée du fait que l'immeuble faisait l'objet d'une procédure de classement - a été précisé par un courrier du 9 avril 2003 de l'entreprise générale mandatée par la bailleresse; aucune explication quant au déroulement du chantier, ni aucun planning n'ont été communiqués à cette occasion. Le 27 février 2004, les locataires ont en substance été avisés que les travaux devaient commencer le 8 mars 2004; il n'a été fait aucune mention de la durée des travaux, ni du planning des interventions. Le 8 mars 2004, il y a été indiqué que les travaux devraient durer huit mois et que les locaux de la locataire, qui s'étendaient sur toutes les façades, seraient affectés ici et là, pendant toute cette période. A fin mars 2004, puis par courrier du 19 avril 2004 de la régie, ont été communiquées les dates prévues pour la pose des parois de protection dans une première phase des travaux, dates s'échelonnant du 5 avril au 18 juin 2004, ainsi que les plans permettant de déterminer les locaux concernés. Par la suite, la locataire a été avisée, le plus souvent oralement, des plannings ultérieurs et de leurs modifications. Le 19 janvier 2005, la bailleresse a communiqué à la locataire un planning comportant le détail des interventions planifiées, qui s'étalaient jusqu'à fin février 2005. 
 
Par lettre du 19 avril 2005, la mandataire de la bailleresse a informé la locataire que tous les travaux relatifs à ses locaux seraient en principe terminés le 29 avril 2005. Il est avéré que le chantier a accusé globalement un retard d'environ trois mois par rapport au planning initial de huit mois. Pendant toute la durée du chantier, soit de mars 2004 à mars 2005, la locataire a été en mesure de poursuivre son activité, mais au prix de nombreux désagréments, tels que privation de certains locaux, diminution de la surface due à l'édification de la paroi intérieure, baisse de température, bruit, poussières incompatibles avec l'hygiène requise dans un établissement médical, déménagements successifs des meubles et du matériel, dégâts d'eau dans un local. 
 
B. 
Le 29 août 2003, la locataire a saisi la Commission de conciliation en matière de baux et loyers du canton de Genève d'une requête dans laquelle elle concluait notamment au paiement de la somme de 306'166 fr. à titre de réduction de loyer de 20 % dès la conclusion des baux. Ladite Commission ayant rejeté la requête, la locataire a porté l'affaire devant le Tribunal des baux et loyers le 10 mars 2004, fixant la réduction de loyer de 20 % demandée à 356'741 fr.; en prévision de l'exécution des travaux, elle a amplifié ses conclusions en sollicitant que le taux de réduction des loyers soit de 35 % durant toute la durée du chantier. Par jugement du 26 janvier 2005, le Tribunal a débouté la locataire de ses prétentions. 
 
Statuant par arrêt du 12 décembre 2005, la Chambre d'appel en matière de baux et loyers du canton de Genève a annulé le jugement du 26 janvier 2005 et en particulier invité le Tribunal à instruire la question des nuisances liées au chantier et celle de l'éventuelle réduction de loyer dû; elle a ajouté que s'il apparaissait, prima facie, que la locataire avait valablement renoncé à toute réduction de loyer en raison des nuisances ordinaires du chantier annoncées, compte tenu notamment du fait qu'elle avait constamment été conseillée par un architecte et un conseil juridique, il appartiendrait aux premiers juges de déterminer si la locataire n'avait aucune connaissance précise du projet de chantier, en particulier si le démontage complet des façades et l'amputation, sur un mètre vingt, des locaux loués, étaient annoncés; la cour cantonale a indiqué qu'une fois établie la validité ou la nullité de la clause de renonciation à toute réduction de loyer, le Tribunal devrait instruire les faits relatifs à l'intensité des nuisances subies et aux raisons du retard pris sur le chantier afin de déterminer si les nuisances avaient dépassé, dans une large mesure, l'intensité que l'on pouvait raisonnablement attendre d'un chantier correctement conduit. 
Par jugement du 10 septembre 2008, le Tribunal a réduit les loyers de 15 % pour la période du 1er avril 2004 au 31 mars 2005. 
 
Saisie par les deux parties et statuant par arrêt du 20 avril 2009, la Chambre d'appel a réduit les loyers de 20 % du 1er avril 2004 au 31 mars 2005 et de 10 % du 1er janvier au 31 mars 2006. En bref, elle a considéré que lorsque la locataire avait accepté de renoncer à des réductions de loyers dans la perspective, encore incertaine, des futurs travaux de rénovation (entrepris quatre ans plus tard), elle ne disposait pas objectivement de renseignements suffisamment précis pour mesurer l'impact que ces travaux pouvaient produire sur son exploitation future; il s'ensuivait que la validité des clauses litigieuses ne pouvait être admise. 
 
C. 
La bailleresse (la recourante) interjette un recours en matière civile au Tribunal fédéral, concluant à l'annulation de l'arrêt du 20 avril 2009 et au déboutement de son adverse partie de toute prétention en réduction de loyer pour les travaux de rénovation de façade, chauffage et ventilation, avec suite de dépens. La locataire (l'intimée) propose le rejet du recours et la confirmation de la décision du 20 avril 2009, sous suite de frais et dépens. 
 
Considérant en droit: 
 
1. 
1.1 Interjeté par la recourante qui a succombé dans ses conclusions (art. 76 al. 1 LTF) et dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) rendue en matière civile (art. 72 al. 1 LTF) par une autorité cantonale de dernière instance (art. 75 al. 1 LTF) dans une affaire dont la valeur litigieuse atteint le seuil de 15'000 fr. applicable en matière de droit du bail à loyer (art. 74 al. 1 let. a LTF), le recours en matière civile présentement soumis à l'examen du Tribunal fédéral est en principe recevable, puisqu'il a été déposé dans le délai (art. 100 al. 1 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi. 
 
1.2 Le recours en matière civile peut être formé pour violation du droit fédéral (art. 95 let. a LTF), y compris les droits constitutionnels (ATF 134 III 379 consid. 1.2 p. 382). Saisi d'un tel recours, le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF) sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). En tant que cour suprême, il est instance de révision du droit (Message du 28 février 2001 concernant la révision totale de l'organisation judiciaire fédérale, FF 2001 4135). Certes, il peut rectifier ou compléter les faits s'ils ont été établis de façon manifestement inexacte - notion qui correspond à celle d'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 134 V 53 consid. 4.3) - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF, ce pour autant que la correction soit susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 et art. 105 al. 2 LTF). Cette exception à la règle selon laquelle le Tribunal fédéral ne revoit pas les faits ne permet pas aux parties de rediscuter dans leurs mémoires les faits de la cause comme si elles plaidaient devant un juge d'appel. La partie recourante qui entend faire rectifier ou compléter un fait doit expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions pour le faire seraient réalisées (ATF 133 IV 286 consid. 6.2); les exigences en matière de motivation correspondent à celles en matière de violation de l'interdiction constitutionnelle de l'arbitraire (cf. ATF 134 II 244 consid. 2.2; 133 IV 286 consid. 1.4 p. 287 s). 
 
En l'espèce, la recourante consacre une dizaine de pages de son recours à "isoler, au sein des faits retenus par la Cour cantonale, ceux qui étaient déterminants pour le sort du litige et dont cette autorité n'a pas (ou pas suffisamment) tenu compte dans ses considérants", à "rappeler des faits, documentés, que la Cour cantonale a omis de citer, alors qu'ils étaient de nature à influer sur l'issue du litige" et à "souligner les faits que la Cour cantonale a rapportés de manière erronée, au regard des pièces ou témoignages concernés". Il n'y a pas à entrer en matière sur un tel exposé, l'art. 105 al. 1 LTF ne permettant comme précédemment rappelé pas aux parties de rediscuter les faits comme ils le feraient devant une juridiction d'appel. 
 
2. 
Dans la présente cause, la locataire ne s'est pas opposée aux travaux de rénovation projetés, et la seule question litigieuse est celle de savoir si elle peut prétendre à une réduction de loyer, compte tenu des clauses de renonciation contenues dans les baux qui la lient à la bailleresse. 
 
2.1 Aux termes de l'art. 260 CO, le bailleur n'a le droit de rénover ou de modifier la chose que si les travaux peuvent raisonnablement être imposés au locataire et que le bail n'a pas été résilié (al. 1). Lors de l'exécution de tels travaux, le bailleur doit tenir compte des intérêts du locataire; les prétentions du locataire en réduction du loyer (art. 259d) et en dommages-intérêts (art. 259e) sont réservées (al. 2). 
L'art. 260 al. 2 2e phrase CO énumère les droits du locataire en raison des perturbations qu'il subit dans l'usage convenu. Cette énumération a pour but de protéger le locataire (Corboz, Les travaux de transformation et de rénovation de la chose louée entrepris par le bailleur et leur répercussion sur les loyers, in 12e Séminaire sur le droit du bail, 2002, p. 8). Elle a donc un caractère relativement impératif (Lachat, Le bail à loyer, nouvelle éd. 2008, p. 298; SVIT-Kommentar Mietrecht, 3e éd. 2008, n° 6 ad art. 260-260a CO; Corboz, op. cit., p. 8; Higi, Zürcher Kommentar, 3e éd. 1994, n° 7 ad art. 260 CO). Le bailleur peut s'engager valablement à accorder davantage au locataire, mais celui-ci ne peut renoncer par avance - respectivement lors de la conclusion du contrat de bail - aux droits que lui confère l'art. 260 al. 2 2e phrase CO (cf. Weber, Basler Kommentar, 4e éd. 2007, n° 1 ad art. 260 CO; SVIT, op. cit., n° 6 ad art. 260-260a CO; Corboz, op. cit., p. 8). Toutefois, la doctrine majoritaire admet que face à une situation concrète, le locataire peut valablement conclure une convention dérogeant au système légal, à condition qu'il soit correctement informé, le jour où il prend sa décision, des nuisances auxquelles il est exposé (cf. Lachat, op. cit., p. 298 s.; SVIT, op. cit., n° 8 ad art. 260-260a CO; Corboz, op. cit., p. 208). Le locataire doit ainsi être conscient de l'étendue des travaux, des désagréments ainsi que de la moins-value qui s'ensuit (qui correspond à la prétention en réduction du loyer); la renonciation est alors concrète et non abstraite; elle ne concerne toutefois pas ce qui dépasserait l'ampleur des travaux prévus. Par exemple, si le locataire a renoncé à une prétention en réduction de loyer parce que les nuisances ne devaient durer que deux semaines et qu'en réalité ils en durent huit, il peut faire valoir tous les droits découlant de l'art. 260 CO pour les six semaines supplémentaires (SVIT, op. cit., n° 12 ad art. 260-260a CO). Si le locataire n'a pas été en mesure de prendre une décision en toute connaissance de cause, l'accord pourrait heurter l'art. 256 al. 2 let. b CO - selon lequel les dérogations au détriment du locataire sont nulles si elles sont prévues dans les baux d'habitation ou de locaux commerciaux (cf. Lachat, op. cit., p. 299, spéc. n. 71; Permann, Mietrecht Kommentar, 2e éd. 2007, n° 12 ad art. 260 CO). 
 
2.2 En l'espèce, la cour cantonale a considéré que la locataire savait, lorsqu'elle avait signé les baux, que la bailleresse avait le projet d'engager d'"importants travaux de rénovation", notamment concernant la façade, le chauffage et la ventilation; le mandataire architecte de la locataire, qui avait reçu copie du dossier d'autorisation de construire, connaissait aussi l'étendue des travaux projetés et en particulier le fait que la rénovation de la façade impliquerait, en présence de locaux occupés, qu'une paroi provisoire intérieure de protection soit montée pendant le temps nécessaire à la substitution des anciens éléments de façade par de nouveaux; il était aussi informé du fait que les convecteurs et les circuits de ventilation courant le long des façades seraient remplacés; ces connaissances étaient imputables à la locataire; en revanche, celle-ci et son architecte ignoraient, à l'époque de la conclusion des baux, quel serait le planning des travaux, leurs modalités de détail, l'emprise de la paroi provisoire sur les locaux loués, la durée des travaux et la manière dont ceux-ci seraient coordonnés avec l'ensemble des locataires; or, la connaissance de ces divers points était essentielle pour la locataire dont l'activité requérait des exigences à plusieurs égards; louant des locaux destinés pour partie à des soins médicaux, celle-ci devait respecter de stricts critères d'hygiène, peu compatibles avec la poussière et les autres saletés générées par un chantier; elle devait veiller à préserver le bon état et le fonctionnement d'équipements techniques coûteux, fragiles et difficiles à déplacer, étant relevé qu'elle disposait d'un bloc opératoire, de salles de radiologie, échographie ou encore physiothérapie; elle devait aussi assumer le maintien de son exploitation qui supposait une coordination constante entre le personnel, les soins urgents ou sur rendez-vous à prodiguer à la clientèle et les exigences et contraintes du chantier en matière de bruit et d'indisponibilité de certains locaux qui devaient être préalablement débarrassés des équipements et meubles qui devaient être rangés ou installés ailleurs. En outre, si les clauses des deux premiers contrats apparaissaient équilibrées dans la mesure où l'on pouvait interpréter la phrase selon laquelle l'exécution des travaux n'entraînerait "pas de répercussion sur les loyers" comme un engagement de la bailleresse de ne pas réadapter les loyers à la hausse après rénovation, cet équilibre avait été rompu pour les contrats ultérieurs dans lesquels la bailleresse se réservait au contraire expressément le droit d'adapter le loyer, tandis que la locataire déclarait renoncer à une quelconque indemnité pour perte de jouissance résultant de ces travaux. 
 
2.3 L'on ne voit pas que la cour cantonale ait violé les principes applicables en la matière en considérant que les clauses de renonciation à une réduction de loyer contenues dans les baux étaient nulles. En effet, celles-ci figuraient dans des contrats conclus dans un contexte où la rénovation des immeubles concernés était déjà prévue, mais où elle n'a toutefois été concrètement exécutée que des années plus tard. S'il s'avère certes que la locataire était initialement au courant des grandes lignes des travaux projetés, il a été établi qu'elle a dû attendre le 9 avril 2003 pour recevoir une lettre de l'entreprise générale mandatée par la bailleresse contenant une énumération plus précise des travaux à effectuer; à cette occasion, aucune explication quant au déroulement du chantier ni aucun planning ne lui ont toutefois été communiqués. Lors de la réunion qui s'est tenue le 27 février 2004, elle n'a toujours pas été orientée sur la durée des travaux, ni sur le planning des interventions, informations qu'elle n'a finalement obtenues que peu avant, voire au fur et à mesure, de l'exécution des travaux, soit en tout état postérieurement à la conclusion des baux et en particulier de la clause de renonciation à toute réduction de loyer. Au moment déterminant, elle ne disposait ainsi pas des informations lui permettant de savoir concrètement ce qu'il en était et de se décider en toute connaissance de cause. Par conséquent, la cour cantonale n'a pas violé le droit fédéral en considérant que les clauses de renonciation étaient nulles, en relevant au demeurant à juste titre qu'il convenait de n'admettre que restrictivement des accords qui dérogeaient à des dispositions en principe impératives de la loi. 
 
2.4 Cela étant, la recourante plaide, en invoquant en vrac les art. 9 Cst., 8 CC, 256 al. 2 et 259d CO, en relation avec le principe de la liberté contractuelle découlant des art. 1 et 18 CO, que les juges cantonaux auraient "fait une application arbitraire des faits constatés" en estimant que l'intimée ne disposait pas de tous les éléments nécessaires pour apprécier l'impact des travaux pour lesquels elle avait renoncé par avance à toute réduction de loyer, ou "éludé arbitrairement divers éléments du dossier, qui étaient directement pertinents", ou encore dressé "une liste d'objections purement abstraites, qui ne sauraient convaincre et qui sont contredites par les faits de la cause". De la sorte, elle ne fait en réalité que tenter d'opposer sa propre vision des choses à celle retenue par la cour cantonale, pour aboutir à la conclusion que l'intimée était suffisamment informée du projet de rénovation pour renoncer à une réduction de loyer en toute connaissance de cause, dans une argumentation à caractère appellatoire qui n'est pas admissible devant le Tribunal fédéral. 
 
La recourante soutient en outre que la cour cantonale aurait violé les instructions qu'elle aurait elle-même données au premier juge dans son arrêt de renvoi, dans lequel elle avait admis la validité, prima facie, des clauses en question. Elle ne fait toutefois qu'une citation tronquée de la phrase en question, car si les juges cantonaux ont certes indiqué que s'il apparaissait, prima facie, que la locataire avait valablement renoncé à toute réduction de loyer en raison des nuisances "ordinaires" du chantier annoncées, ils ont ajouté qu'il appartiendrait aux premiers juges de déterminer si la locataire n'avait aucune connaissance précise du projet de chantier, en particulier si le démontage complet des façades et l'amputation, sur un mètre vingt, des locaux loués, étaient annoncés. Ainsi, aboutir après instruction complémentaire à la conclusion que les clauses de renonciation à toute réduction de loyer étaient nulles, faute d'information suffisante, ne prête pas le flanc à la critique. 
 
La recourante s'en prend ensuite à l'argument de la cour cantonale fondé sur l'absence d'équilibre, dans les quatre derniers baux, entre la renonciation de la locataire à solliciter une réduction de loyer et le maintien du droit de la bailleresse d'adapter le loyer. Il n'est toutefois pas nécessaire de se pencher plus avant sur cette question, dès lors que la thèse de la nullité desdites clauses pour cause de défaut d'information suffisante résiste à l'examen. 
 
La recourante semble ensuite vouloir s'en prendre à la quotité de la réduction de loyer allouée par les juges cantonaux. Elle plaide notamment que la locataire a bénéficié de conditions particulièrement avantageuses lors de la fixation du loyer, singulièrement par rapport au montant moyen des loyers dans le canton de Genève, respectivement au centre-ville, à cette époque, dont il résulterait un sacrifice de la bailleresse de 292'320 fr., dépassant largement la réduction de loyer de 95'112 fr. 90 allouée à l'intimée par la cour cantonale. Elle en conclut que "les considérants 4.1 à 4.5 de l'arrêt, rédigés comme si les parties n'avaient passé aucun accord préalable et comme si la locataire louait des locaux à leur valeur « normale » n'ont, dès lors, aucune pertinence". Cette motivation est irrecevable en tant qu'elle repose sur la prémisse de la validité des clauses de renonciation à une réduction de loyer. La recourante aurait dû développer une argumentation subsidiaire tendant à discuter spécifiquement les motifs de la décision entreprise, à savoir les éléments concrets sur lesquels la cour cantonale s'est fondée pour fixer le montant de la réduction de loyer. Pour le surplus, l'on ne voit pas que la cour cantonale ait méconnu les règles applicables en la matière en procédant comme elle l'a fait, dans une argumentation à laquelle il convient de renvoyer dans son intégralité (art. 109 al. 3 LTF). Pour le surplus, le procédé de la recourante consistant à invoquer les art. 2 et 4 CC et le principe d'équité pour inviter le Tribunal fédéral à "rectifier l'effet d'une norme ou d'une règle qui, appliquée de manière aveugle et par trop rigoureuse dans un cas d'espèce, aboutirait à un résultat choquant", n'est guère pertinent. 
 
Dans un dernier grief, la recourante soutient que l'arrêt attaqué serait "d'autant plus critiquable que l'intimée a régulièrement agi, dans cette affaire, avec une parfaite mauvaise foi"; elle émet le souhait que la Cour de céans procède "à une interprétation plus objective de l'affaire que la Cour cantonale, laquelle a appliqué de manière très abstraite les règles tirées de l'art. 256 al. 2 lit. b et 260 CO, en négligeant de manière arbitraire les particularités concrètes du cas d'espèce"; si l'on comprend bien, elle se prévaut en réalité de l'existence d'un abus de droit. Or, la règle prohibant l'abus de droit autorise certes le juge à corriger les effets de la loi dans certains cas où l'exercice d'un droit allégué créerait une injustice manifeste; cependant, son application doit demeurer restrictive et se concilier avec la finalité, telle que le législateur l'a voulue, de la norme matérielle applicable au cas concret (cf. ATF 107 Ia 206 consid. 3b p. 211). En l'occurrence, la cour cantonale a comme précédemment exposé considéré à juste titre que les clauses de renonciation à une réduction de loyer étaient nulles et la recourante entreprend vainement, sous couvert du moyen invoqué, de faire corriger un résultat conforme au droit dont elle ne s'accommode pas. Son grief ne résiste pas à l'examen. 
 
3. 
Il résulte des considérants qui précèdent que le recours doit être rejeté dans la mesure de sa recevabilité. 
 
4. 
Compte tenu de l'issue du litige, les frais judiciaires et dépens sont mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 66 al. 1 ainsi qu'art. 68 al. 1 et 2 LTF). 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
 
1. 
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2. 
Les frais judiciaires, arrêtés à 5'000 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3. 
Une indemnité de 6'000 fr., à payer à l'intimée à titre de dépens, est mise à la charge de la recourante. 
 
4. 
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à la Chambre d'appel en matière de baux et loyers du canton de Genève. 
 
Lausanne, le 19 août 2009 
 
Au nom de la Ire Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
La Présidente: La Greffière: 
 
Klett Cornaz