Wichtiger Hinweis:
Diese Website wird in älteren Versionen von Netscape ohne graphische Elemente dargestellt. Die Funktionalität der Website ist aber trotzdem gewährleistet. Wenn Sie diese Website regelmässig benutzen, empfehlen wir Ihnen, auf Ihrem Computer einen aktuellen Browser zu installieren.
 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
1C_39/2007 /col 
 
Arrêt du 19 octobre 2007 
Ire Cour de droit public 
 
Composition 
MM. les Juges Féraud, Président, 
Reeb et Fonjallaz. 
Greffier: M. Rittener. 
 
Parties 
Département fédéral de justice et police, 3003 Berne, 
recourant, 
 
contre 
 
Hoirie de feu A.________, soit: 
B.________, 
C.________, 
D.________, 
E.________, 
F.________, 
intimés, tous représentés par Me Robert Assaël, avocat, 
Instance d'indemnisation de la loi fédérale sur l'aide aux victimes d'infractions (LAVI) du canton de Genève, c/o Hospice général, cours de Rive 12, 
case postale 3360, 1211 Genève 3, 
Tribunal administratif du canton de Genève, 
case postale 1956, 1211 Genève 1. 
 
Objet 
prise en charge des honoraires d'avocat selon la LAVI, 
 
recours en matière de droit public contre l'arrêt du Tribunal administratif du canton de Genève du 6 février 2007. 
 
Faits: 
A. 
Le 3 avril 2002, X.________ a été victime d'une agression à la suite de laquelle il est décédé. Le 2 avril 2004, sa veuve, A.________, a déposé une requête d'indemnisation sur la base de la loi fédérale sur l'aide aux victimes d'infractions (LAVI; RS 312.5). Elle était représentée par le conseil qu'elle avait choisi, Me Robert Assaël. Par ordonnance du 23 août 2004, l'Instance d'indemnisation prévue par la LAVI (autorité cantonale, instituée par un règlement du Conseil d'Etat du 11 août 1993, chargée d'appliquer les art. 11 à 17 LAVI; ci-après: l'instance LAVI) lui a accordé 5'996,90 fr. à titre de provision sur la réparation du préjudice et 20'000 fr. en tant que provision au titre de réparation morale. 
Par arrêt du 25 février 2005, la Cour d'assises du canton de Genève (ci-après: la Cour d'assises) a condamné les deux agresseurs de X.________ à une peine de dix-sept ans de réclusion et à quinze ans d'expulsion du territoire suisse. Elle les a en outre condamnés à verser à A.________ 50'000 fr. à titre de réparation du tort moral ainsi qu'une indemnité de procédure de 5'000 fr. "valant participation aux honoraires d'avocat". Les condamnés ont contesté cet arrêt devant la Cour de cassation du canton de Genève (ci-après: la Cour de cassation). 
B. 
Le 24 octobre 2005, A.________ - toujours représentée par le même avocat - a déposé une nouvelle requête devant l'instance LAVI, demandant en particulier l'octroi d'une somme de 39'210 fr. à titre de remboursement de ses honoraires d'avocat. Ce montant correspondait à la note d'honoraires établie le même jour par Me Robert Assaël, au tarif de l'assistance judiciaire. Par ordonnance du 22 décembre 2005, l'instance LAVI lui a alloué une somme de 5'000 fr. à titre de remboursement des dépens octroyés par la Cour d'assises et a réservé le traitement des dépens qui seraient alloués par la Cour de cassation. Celle-ci a statué par arrêt du 27 janvier 2006, rejetant les pourvois et octroyant à A.________ deux indemnités de 1'500 fr. à titre de dépens. 
A.________ a recouru contre l'ordonnance du 24 octobre 2005 devant le Tribunal administratif du canton de Genève. Elle est décédée le 5 mai 2006. Ses héritiers B.________, C.________, D.________, E.________ et F.________ (ci-après: l'hoirie A.________) ont décidé de poursuivre la procédure. Par arrêt du 6 février 2007, le Tribunal administratif a partiellement admis le recours et a annulé l'ordonnance du 22 décembre 2005 "en tant qu'elle alloue à feu Madame A.________ une indemnité de 5'000 fr. au titre de remboursement des dépens". Il s'est fondé sur la note d'honoraires produite par feu Madame A.________ pour allouer à l'hoirie A.________ une indemnité de 39'173,20 fr. "au titre de remboursement des dépens". 
C. 
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, le Département fédéral de justice et police (ci-après: le département) demande au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du Tribunal administratif et de renvoyer l'affaire à cette juridiction pour nouvelle décision. Il se plaint d'une violation du droit fédéral en faisant principalement valoir que les art. 11 ss LAVI ne permettraient pas d'obtenir le remboursement des frais d'avocat en tant que poste du dommage lorsque des dépens ont été octroyés dans le cadre de la procédure pénale. L'hoirie A.________ a présenté des observations; elle conclut à l'irrecevabilité et au rejet du recours. Le Tribunal administratif a renoncé à se déterminer. L'instance LAVI conclut à l'admission du recours. 
 
Le Tribunal fédéral considère en droit: 
1. 
La décision attaquée ayant été rendue après le 1er janvier 2007, la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF) est applicable à la présente procédure de recours (art. 132 al. 1 LTF). 
2. 
L'arrêt entrepris peut faire l'objet d'un recours en matière de droit public selon les art. 82 ss LTF. Le Département fédéral de justice et police, compétent en la matière, a qualité pour recourir (art. 89 al. 2 let. a LTF). Les autres conditions de recevabilité énoncées aux art. 82 ss LTF étant remplies, il y a lieu d'entrer en matière. 
3. 
Le département recourant conteste principalement que les frais d'avocat puissent être remboursés au titre de l'indemnisation selon les art. 11 ss LAVI. Selon lui, le système de cette loi fédérale exclut que l'indemnisation LAVI permette d'obtenir la compensation d'un dommage que la victime n'aurait pas pu obtenir par le biais de la responsabilité civile. 
3.1 Aux termes de l'art. 11 al. 1 LAVI, toute victime d'une infraction commise en Suisse peut demander une indemnisation ou une réparation morale dans le canton dans lequel l'infraction a été commise. La notion juridique de dommage, dans cette loi, correspond en principe à celle du droit de la responsabilité civile (ATF 131 II 121 consid. 2.1 p. 125; 129 II 49 consid. 4.3.2 p. 53 et les références; FF 1990 II 909, 939; Peter Gomm/Dominik Zehntner, Kommentar zum Opferhilfegesetz, Berne 2005, p. 245; Eva Weishaupt, Finanzielle Ansprüche nach Opferhilfegesetz in SJZ 98 322, 327). Dans ce cadre-là, peuvent constituer un élément ou un poste du dommage les frais engagés par la victime pour la consultation d'un avocat, lorsque celle-ci était nécessaire et adéquate pour défendre la cause en justice - en particulier quand la victime agit en tant que partie civile dans la procédure pénale, contre l'auteur de l'infraction -, pour autant toutefois que ces frais n'aient pas été inclus dans les dépens (ATF 131 II 121 consid. 2.1 p. 125). Lorsque l'octroi de dépens, même tarifés, permet d'obtenir le remboursement des frais d'avocat, il n'est alors plus possible de faire valoir une prétention en remboursement de ces frais par une action ultérieure en responsabilité civile (arrêt 4C.51/2000 du 7 août 2000 consid. 2 publié in SJ 2001 I 153; ATF 117 II 101 consid. 5 p. 106; 112 Ib 353 consid. 3a p. 356). Cette solution repose sur des considérations pratiques et la recherche d'un équilibre entre des intérêts divergents; cet équilibre se trouverait compromis si la décision sur les dépens ne liquidait pas les prétentions des parties et laissait la porte ouverte à une action civile ultérieure (ATF 112 Ib 353 consid. 3a p. 357). 
3.2 Dans le canton de Genève, l'art. 97 al. 1 du code de procédure pénale (CPP/GE) met à la charge du condamné les dépens de la partie civile devant les juridictions de jugement. Ces dépens sont calculés conformément au tarif établi par le Conseil d'Etat (art. 104 al. 1 CPP/GE). Selon l'art. 12 al. 1 du règlement fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (ci-après: le règlement), les dépens dus par le condamné comprennent les débours ainsi qu'une participation aux honoraires d'avocat allant en particulier de 50 à 1'000 fr. devant le Tribunal de police (let. b). Aux termes de l'alinéa 2 de cette même disposition, l'autorité de jugement peut accorder, à titre exceptionnel, une participation d'un montant supérieur en raison de circonstances particulières, notamment les difficultés du procès, la situation financière des parties, la durée de la procédure ou encore l'ampleur des débats. Selon l'art. 6 du règlement, les parties, ou s'il est condamné, le plaignant, peuvent faire opposition à la taxation de l'état de frais de l'Etat ou à celle des dépens d'une partie auprès de la Cour de justice qui statue en dernier ressort. 
Le Tribunal fédéral a jugé que, en droit cantonal genevois, l'usage de l'expression "participation aux honoraires d'avocat" ne signifiait pas que l'indemnité pour les dépens ne correspondait qu'à une quotité déterminée des honoraires totaux de l'avocat. Les dépens permettaient le dédommagement de tous les frais d'avocat rendus nécessaires par le procès (arrêt P.367/73 du 29 mars 1973 consid. 4a publié in SJ 1973 p. 337; arrêt P.287/1981 du 17 juillet 1981 consid. 3a publié in SJ 1982 p. 289; arrêt 4C.80/1995 du 28 août 1995 consid. 2 publié in SJ 1996 p. 299; arrêt 4C.51/2000 précité, consid. 3). La partie civile ne dispose donc pas d'une prétention en dommages-intérêts pour la part non couverte par les dépens (arrêt 1C_10/2007 du 12 juillet 2007, consid. 4.3 destiné à la publication; arrêt 4C.51/2000 précité, consid. 3). 
3.3 S'il est vrai que le Tribunal fédéral a admis que les frais d'avocat pouvaient constituer un poste du dommage indemnisé sur la base des art. 11 ss LAVI (ATF 131 II 121), il n'a fait qu'admettre le principe d'une telle indemnisation dans une affaire où seules étaient litigieuses les questions concernant les rapports de subsidiarité entre l'assistance judiciaire, l'art. 3 al. 4 LAVI et les art. 11 ss LAVI ainsi que le tarif à appliquer aux honoraires d'avocat réclamés. On ne saurait dès lors déduire de la jurisprudence un droit automatique à une indemnisation des frais d'avocat fondée sur les art. 11 ss LAVI, même si des dépens ont été accordés à la victime dans le cadre du procès pénal (arrêt 1C_10/2007 précité, consid. 5.2 destiné à la publication). En effet, la LAVI n'a pas à couvrir des dommages qui vont au-delà de la responsabilité civile de l'auteur. Il s'ensuit que si une des conditions des art. 41 ss CO fait défaut, une indemnisation LAVI n'entre pas en considération (arrêt 1C_10/2007 précité, consid. 5.1 destiné à la publication et les références). 
La victime diligente, en cas de refus de l'assistance judiciaire, doit en principe immédiatement s'adresser au centre de consultation pour requérir l'aide juridique, afin que la question de l'application de l'art. 3 al. 4 LAVI soit résolue d'emblée. Cela permet à l'autorité d'exercer un contrôle sur les frais d'avocat et de procédure engagés. Le Tribunal fédéral a certes concédé que si la victime omettait d'emprunter la voie prévue par l'art. 3 al. 4 LAVI, son droit au remboursement des frais d'avocat dans le cadre des art. 11 ss LAVI ne se périmait pas. Il a cependant précisé que la victime prenait ainsi néanmoins le risque d'engager des frais dont elle n'obtiendrait peut-être pas le remboursement (ATF 131 II 121 consid. 2.4.1 p. 127 s.). 
La pratique genevoise qui consiste à renvoyer les victimes LAVI à s'adresser à l'instance LAVI pour obtenir le remboursement du montant qui dépasse les dépens fixés dans le cadre de la procédure pénale ne se concilie pas avec les principes de la LAVI. Elle est également contraire à l'art. 97 CPP/GE qui prévoit que les dépens de la partie civile sont à la charge du condamné. Les victimes LAVI devraient obtenir dans le cadre de la procédure pénale la condamnation de l'auteur au paiement de l'intégralité des honoraires d'avocat, sous réserve de leur proportionnalité (arrêt 1C_10/2007 précité, consid. 5.4 destiné à la publication). 
3.4 En l'occurrence, feu A.________ n'avait pas été mise au bénéfice de l'assistance judiciaire et les jugements pénaux lui ont octroyé des dépens qu'elle n'a pas contestés. Dans ces conditions, il découle de la précision de jurisprudence susmentionnée (arrêt 1C_10/2007 précité, destiné à la publication) qu'elle devait se laisser opposer un refus d'indemnisation. Cela étant, l'ATF 131 II 121 a pu créer une certaine confusion et la pratique genevoise en la matière a pu l'induire en erreur. Il se justifie donc, à titre exceptionnel, de renvoyer la cause au Tribunal administratif pour qu'il statue sur la demande d'indemnisation selon la portée qui pouvait être donnée à l'arrêt précité. 
Le Tribunal administratif a limité à juste titre l'indemnisation au tarif de l'assistance judiciaire, conformément à la jurisprudence encore appliquée à titre exceptionnel dans la présente cause (ATF 131 II 121 consid. 2.5.2 p. 131). En revanche, il n'a pas examiné s'il était justifié d'indemniser l'intégralité des frais annoncés par l'avocat. Or, selon la jurisprudence, seule l'activité strictement nécessaire à la défense des droits de la victime peut être indemnisée, à l'exclusion de toutes démarches inutiles ou superflues. De plus, il n'appartient pas à l'Etat de prendre en charge des frais qui ne seraient pas dans un rapport raisonnable avec les prétentions que la victime peut faire valoir (arrêt 1A.169/2001 précité consid. 3.2). 
Si la nécessité de recourir aux services d'un avocat ne se discute pas en l'espèce, le nombre d'heures annoncé par celui-ci paraît particulièrement important et les intimés n'expliquent pas en quoi cette activité était justifiée. Le Tribunal administratif devra donc examiner cette question et vérifier s'il n'y a pas lieu de réduire l'indemnité, à concurrence de l'activité strictement nécessaire à la défense des droits de la victime. 
4. 
Il s'ensuit que le recours de droit administratif doit être admis et l'arrêt attaqué annulé, l'affaire étant renvoyée au Tribunal administratif pour nouvelle décision. Il appartiendra à cette juridiction cantonale de statuer à nouveau sur l'ensemble des prétentions des intimés en relation avec les frais d'avocat de feu A.________, compte tenu des principes exposés ci-dessus. Il n'y a pas lieu de percevoir un émolument judiciaire, la procédure de recours étant gratuite dans ce domaine (ATF 131 II 121 consid. 3 p. 132; 122 II 211 consid. 4b p. 219). Ni les intimés, qui succombent, ni les collectivités publiques parties à la procédure n'ont droit à des dépens (art. 68 LTF). 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
1. 
Le recours est admis; l'arrêt attaqué est annulé et la cause est renvoyée au Tribunal administratif du canton de Genève, pour nouvelle décision dans le sens des considérants. 
2. 
Il n'est pas perçu d'émolument judiciaire. 
3. 
Il n'est pas alloué de dépens. 
4. 
Le présent arrêt est communiqué en copie aux parties, à l'Instance d'indemnisation de la loi fédérale sur l'aide aux victimes d'infractions (LAVI) et au Tribunal administratif du canton de Genève. 
Lausanne, le 19 octobre 2007 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
Le président: Le greffier: