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Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
1P.157/2003/col 
 
Arrêt du 20 mars 2003 
Ire Cour de droit public 
 
Composition 
MM. les Juges Aemisegger, Président de la Cour et Président du Tribunal fédéral, Nay, Vice-président 
du Tribunal fédéral, et Fonjallaz. 
Greffier: M. Parmelin. 
 
Parties 
K.________, 
recourant, représenté par Me Serge Rouvinet, avocat, case postale 3649, 1211 Genève 3, 
 
contre 
 
Juge d'instruction de l'arrondissement de Lausanne, chemin de Couvaloup 6, 1014 Lausanne, 
Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal du canton de Vaud, route du Signal 8, 1014 Lausanne. 
 
Objet 
demande de mise en liberté provisoire, 
 
recours de droit public contre l'arrêt du Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 
25 février 2003. 
 
Faits: 
A. 
K.________, ressortissant libanais né le 4 juin 1972, a été arrêté le 31 janvier 2003 à Lausanne et placé en détention préventive comme prévenu d'escroquerie, d'office et sur plainte de R.________, à Belgrade. Ce dernier aurait versé à la fin décembre 2002 une somme de 110'000 dollars américains sur un compte ouvert par K.________ auprès de la banque A.________, à Lausanne, au nom de la société S.________, dont le père du prévenu est l'ayant droit économique, à titre d'avance de frais pour toucher un héritage de 11'000'000 dollars américains, dont la la banque B.________, à Abidjan, était prétendument dépositaire. 
Entendu le jour même de son arrestation, K.________ a nié toute implication dans un réseau d'escroqueries de type nigérian. Il a expliqué que la somme de 110'000 dollars américains créditée sur le compte de la banque A.________ correspondait au montant des honoraires perçus pour l'exécution d'un contrat de construction et d'équipement d'un complexe touristique en Egypte, conclu entre les sociétés S.________ et M.________. Il déclarait en outre ignorer la provenance exacte de cette somme car le transfert de fonds avait été opéré par l'intermédiaire d'un bureau de change. Il s'est dit la victime de tiers malintentionnés qui feraient circuler, via internet, les coordonnées de ses relations bancaires en Suisse pour faire croire à la participation active de ses sociétés dans des escroqueries internationales. 
Au terme d'une ordonnance rendue le 7 février 2003, le Juge d'instruction de l'arrondissement de Lausanne a rejeté une demande de mise en liberté provisoire de K.________ en raison des risques de fuite et de collusion et des inconvénients sérieux que présenterait sa libération pour l'instruction. 
Par arrêt du 25 février 2003, le Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal du canton de Vaud (ci-après: le Tribunal d'accusation ou la cour cantonale) a rejeté le recours formé par K.________ contre cette décision. Il a estimé qu'il existait des charges suffisantes à l'encontre du prévenu, compte tenu notamment du fait que l'un de ses comptes bancaires en Suisse avait déjà été utilisé pour une tentative d'escroquerie du même type. Il a en outre considéré que le maintien de la détention préventive se justifiait par les nécessités de l'instruction et par un risque concret de fuite. Enfin, il a admis que la proportionnalité des intérêts en présence était respectée, eu égard à la durée de la détention préventive déjà subie par le prévenu et des infractions qui lui sont reprochées. 
B. 
Agissant par la voie du recours de droit public, K.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler cet arrêt et d'ordonner sa mise en liberté immédiate, le cas échéant après avoir fixé une caution ou d'autres garanties. Il reproche au Tribunal d'accusation d'avoir violé son droit d'être entendu garanti à l'art. 29 al. 2 Cst. en concluant à l'existence de charges suffisantes de culpabilité malgré les pièces produites démontrant la légalité de ses activités commerciales, en ne se prononçant pas sur l'offre de verser une caution faite pour parer au risque de fuite et en omettant d'indiquer en quoi sa libération provisoire pourrait effectivement compromettre les actes d'instruction requis. Invoquant l'art. 9 Cst., il prétend que le Tribunal d'accusation aurait fait une application arbitraire du droit cantonal en admettant l'existence de présomptions suffisantes de culpabilité et d'indices concrets de collusion; il prétend que le risque de fuite pourrait être pallié par le dépôt de sûretés. 
La cour cantonale et le Juge d'instruction de l'arrondissement de Lausanne se réfèrent aux considérants de l'arrêt attaqué. 
 
Le Tribunal fédéral considère en droit: 
1. 
Le recourant est directement touché par l'arrêt attaqué qui refuse sa mise en liberté provisoire; il a un intérêt personnel, actuel et juridiquement protégé à ce que cet arrêt soit annulé et a, partant, qualité pour recourir selon l'art. 88 OJ. Formé en temps utile contre une décision prise en dernière instance cantonale, le recours répond aux exigences des art. 86 al. 1 et 89 al. 1 OJ, de sorte qu'il convient d'entrer en matière. Les conclusions du recourant tendant à sa libération immédiate, le cas échéant après avoir fixé une caution ou d'autres garanties, sont par ailleurs recevables (ATF 124 I 327 consid. 4b/aa p. 333). 
2. 
Une mesure de détention préventive n'est compatible avec la liberté personnelle, garantie par les art. 10 al. 2 Cst. et 5 CEDH, que si elle repose sur une base légale (art. 31 al. 1 et art. 36 al. 1 Cst.), soit en l'espèce l'art. 59 du Code de procédure pénale vaudois (CPP vaud.). Elle doit en outre correspondre à un intérêt public et respecter le principe de la proportionnalité (art. 36 al. 2 et 3 Cst.; ATF 123 I 268 consid. 2c p. 270). Pour que tel soit le cas, la privation de liberté doit être justifiée par les besoins de l'instruction, un risque de fuite ou un danger de collusion ou de réitération (cf. art. 59 ch. 1, 2 et 3 CPP vaud.). Préalablement à ces conditions, il doit exister à l'égard de l'intéressé des charges suffisantes (ATF 116 Ia 143 consid. 3 p. 144). Cette dernière exigence coïncide avec la règle de l'art. 5 § 1 let. c CEDH, qui autorise l'arrestation d'une personne s'il y a des raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis une infraction. 
S'agissant d'une restriction grave à la liberté personnelle, le Tribunal fédéral examine librement ces questions, sous réserve toutefois de l'appréciation des preuves, revue sous l'angle restreint de l'arbitraire (ATF 123 I 268 consid. 2d p. 271). 
3. 
Le recourant reproche à la cour cantonale d'avoir violé son droit d'être entendu garanti à l'art. 29 al. 2 Cst. en ne discutant pas les motifs qui l'ont amenée à retenir l'existence de charges suffisantes et un risque de collusion, malgré les éléments à décharge qu'il avait présentés, et en n'entrant pas en matière sur sa proposition d'une libération sous caution. 
3.1 Le droit d'être entendu, tel qu'il est garanti par cette disposition, impose au juge l'obligation de motiver ses décisions afin que le justiciable puisse les comprendre et exercer ses droits de recours à bon escient. Pour satisfaire cette exigence, il suffit que le juge mentionne au moins brièvement les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision. Il n'a pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties, mais peut au contraire se limiter à ceux qui, sans arbitraire, peuvent être tenus pour pertinents (ATF 126 I 97 consid. 2b p. 102). 
L'autorité saisie d'une demande de mise en liberté provisoire doit statuer à bref délai. Cette règle implique que les motifs soient communiqués rapidement, si la décision n'est pas motivée en même temps qu'elle est prononcée. Il est donc admissible, tout spécialement en cas de prolongations successives d'une détention, que l'autorité renonce à une motivation détaillée, reprenant l'ensemble des circonstances de fait et en droit; elle peut ne spécifier que les éléments essentiels, que la personne détenue est apte à comprendre sans l'assistance de son conseil. Dans cette mesure, il est admis que l'autorité se borne à adhérer aux motifs de la demande de prolongation de la détention (ATF 114 Ia 281 consid. 4c p. 285), pour autant que le recourant ne fasse pas valoir d'arguments nouveaux pertinents (ATF 103 Ia 407 consid. 3a p. 409). En revanche, le renvoi pur et simple aux actes de la procédure ne suffit pas (ATF 123 I 31 consid. 2c p. 34 et les arrêts cités). 
3.2 En l'occurrence, la cour cantonale a vu des indices de culpabilité suffisants à l'encontre du recourant dans le fait que le compte ouvert auprès de la banque A.________, à Lausanne, au nom de la société S.________ avait effectivement été crédité de la somme indiquée par le plaignant, somme que le recourant aurait consenti à lui restituer, et que l'un des comptes bancaires ouverts par K.________ en Suisse avait fait l'objet d'une communication de soupçon de blanchiment d'argent aux autorités genevoises, lesquelles ont constaté que ledit compte aurait également pu avoir été utilisé dans le cadre d'escroqueries de type nigérian. Elle précisait en outre que l'enquête de police venait de commencer, que des contrôles étaient en cours notamment au niveau bancaire, qu'il convenait également de procéder à l'audition des personnes ayant crédité des montants sur les comptes de l'inculpé et que le résultat de ces investigations pourrait être compromis si ce dernier était remis en liberté. La motivation était donc suffisante pour que le recourant puisse comprendre les raisons pour lesquelles le Tribunal d'accusation tenait l'existence de charges suffisantes et le risque de collusion pour établis, même si celui-ci n'a pas répondu spécifiquement aux arguments développés par le recourant. Il en va de même du danger de fuite que la cour cantonale fondait sur l'absence de toute attache du recourant avec la Suisse. De ce point de vue, les exigences de l'art. 29 al. 2 Cst. sont réunies. 
Une libération sous caution n'est envisageable que si la détention préventive n'a plus d'autre objet que de garantir la présence du prévenu aux débats (cf. arrêt du 19 décembre 1979, paru à la SJ 1981 p. 129 consid. 5b p. 137 et la jurisprudence citée); dès lors qu'il voyait dans les nécessités de l'instruction un motif suffisant pour justifier le maintien de la détention, le Tribunal d'accusation pouvait considérer l'éventualité d'une libération sous caution comme sans objet et s'abstenir de se prononcer à ce propos sans violer le droit d'être entendu du recourant. Pour le surplus, la question de savoir si la motivation retenue pour admettre l'existence de charges suffisantes, d'un risque de collusion et d'un danger de fuite est ou non pertinente au regard des pièces à décharge produites par le recourant relève du fond. 
4. 
Le recourant conteste l'existence de charges suffisantes propres à justifier son incarcération. Il dénonce à ce propos une application arbitraire de l'art. 59 al. 1 CPP vaud. 
4.1 Appelé à se prononcer sur la constitutionnalité d'une décision de placement en détention préventive, le Tribunal fédéral n'a pas à procéder, à l'instar du juge du fond, à une pesée complète des éléments à charge et à décharge, ni à apprécier la crédibilité des personnes ou des éléments de preuve mettant en cause le prévenu. Il doit uniquement examiner s'il existe des indices sérieux de culpabilité justifiant une telle mesure. L'intensité des charges n'est pas la même aux divers stades de l'instruction pénale; si des soupçons encore peu précis, renforcés par exemple par des mensonges de l'inculpé ou des variations dans ses déclarations, peuvent être considérés comme suffisants dans les premiers temps de l'enquête, la perspective d'une condamnation doit paraître fortement vraisemblable après l'accomplissement de tous les actes d'instruction envisageables (ATF 116 Ia 143 consid. 3c p. 146; Gérard Piquerez, Les mesures provisoires en procédure civile, administrative et pénale, RDS 116/1997 II p. 1 ss, spéc. pp. 43/44 et les arrêts cités). 
4.2 Le recourant est prévenu d'escroquerie parce que le compte qu'il a ouvert auprès de la banque A.________, à Lausanne, au nom de la société S.________, aurait été crédité à la fin décembre 2002 d'une somme globale de 110'000 dollars américains provenant d'une escroquerie de type nigérian. Il ne conteste pas l'existence de cette transaction; il prétend, pièces à l'appui, que la somme en question correspondrait au montant des honoraires qu'il aurait perçus pour l'exécution d'un contrat de construction et d'équipement d'un complexe touristique en Egypte, conclu entre S.________ et M.________. Il affirme en outre ignorer la provenance exacte de cette somme, car ses mandants ont procédé au transfert de fonds par l'intermédiaire d'un bureau de change. Il n'est certes pas d'emblée exclu que le recourant ait effectivement été la victime de tiers malintentionnés qui auraient utilisé le compte incriminé pour discréditer sa famille. Cependant, les explications fournies par le recourant nécessitent à tout le moins d'être vérifiées préalablement et ne permettent pas d'exclure en l'état une éventuelle implication dans l'escroquerie qui lui est reprochée. 
Il ressort en outre du dossier que deux des comptes ouverts par le recourant auprès de la banque C.________, à Genève, au nom de différentes sociétés offshore, auraient été utilisés, ou auraient dû être utilisés, pour recevoir des montants provenant d'escroquerie, que ce soit en relation avec un prétendu héritage ou avec du matériel commandé et non livré. Par ailleurs, la banque D.________ a adressé une demande urgente d'assistance à la banque A.________, à Lausanne, en raison de soupçons de fraude en relation avec trois paiements totalisant 400'000 dollars américains effectués sur le compte ouvert auprès de cet établissement par S.________. 
Dans ces conditions, l'existence de charges suffisantes à l'encontre du prévenu ne saurait être sérieusement contestée en l'état actuel de la procédure. 
5. 
Le recourant prétend que les besoins de l'instruction ne justifieraient pas son maintien en détention. 
5.1 L'un des buts de la détention préventive est d'empêcher le prévenu d'entrer en contact avec des témoins, des experts, des complices ou toute autre personne impliquée dans la procédure en vue de les amener à faire de fausses déclarations. Il ne suffit pas qu'une entente complice soit objectivement possible; le fait qu'un prévenu non détenu entre en relation avec une personne impliquée dans la procédure est en effet un risque inhérent à toute enquête pénale qui ne peut, par conséquent, être totalement exclu. L'autorité qui entend justifier la détention par le risque de collusion doit donc démontrer que les circonstances particulières de l'espèce font apparaître un risque concret et sérieux de telles manoeuvres, propres à altérer la manifestation de la vérité (ATF 128 I 149 consid. 2.1 p. 151 et les arrêts cités). Si le danger de collusion est en règle générale plus important au début d'une procédure pénale (ATF 107 Ia 138 consid. 4g p. 144), il peut toutefois subsister après la clôture de l'enquête lorsque les circonstances font sérieusement craindre que le prévenu n'abuse de sa liberté pour empêcher ou altérer la manifestation de la vérité devant l'autorité de jugement, voire de recours (ATF 117 Ia 257 consid. 4c p. 261). 
5.2 En l'occurrence, on ne voit pas en quoi la libération immédiate du recourant serait de nature à entraver les investigations en cours auprès des établissements bancaires dans lesquels il prétend avoir ouvert des comptes en son nom ou au nom de sociétés offshore dont lui-même, son père ou tout autre membre de sa famille serait le ou les ayants droit économiques. Il ne ressort par ailleurs pas du dossier que des contrôles bancaires s'étendraient à d'autres établissements. En revanche, il reste encore à contrôler la réalité des relations d'affaires qui auraient justifié, selon le recourant, le versement de la somme litigieuse sur le compte ouvert auprès de la banque A.________, à Lausanne; il n'est au surplus nullement exclu que l'enquête porte sur d'autres versements effectués sur ce compte, pour lesquels une demande d'assistance est pendante. Certes, la simple éventualité d'une entente complice ne suffit pas pour conclure à l'existence d'un risque de collusion. Il apparaît cependant que la police de sûreté vaudoise a entendu le responsable de la société L.________, à Rome, à qui le recourant prétend avoir acheté du matériel médical pour 2,8 millions de dollars américains, matériel revendu avec un bénéfice qui aurait été reversé sur le compte litigieux; or, si cette personne a déclaré effectivement connaître un dénommé K.________, elle a en revanche nié avoir effectué la moindre transaction avec lui. Dans ces conditions, il existe un risque concret que le recourant ne cherche à prendre contact avec ses prétendus clients pour les amener à faire des déclarations corroborant ses dires, s'il devait être remis en liberté. 
La détention du recourant se justifiant pour ce motif, il n'y a pas lieu d'examiner si elle s'impose également en raison d'un risque de fuite. Pour les raisons évoquées au considérant 3.2 ci-dessus, l'éventualité d'une libération sous caution n'entre pas en ligne de compte. 
6. 
Le recours doit par conséquent être rejeté aux frais du recourant qui succombe (art. 156 al. 1 OJ). Il n'y a pas lieu à l'octroi de dépens (art. 159 al. 2 OJ). 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
1. 
Le recours est rejeté. 
2. 
Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge du recourant. 
3. 
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant, au Juge d'instruction de l'arrondissement de Lausanne et au Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal du canton de Vaud. 
Lausanne, le 20 mars 2003 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
Le président: Le greffier: