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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
{T 0/2} 
 
6B_1289/2015  
   
   
 
 
 
Arrêt du 20 juin 2016  
 
Cour de droit pénal  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Denys, Président, Jacquemoud-Rossari et Oberholzer. 
Greffière : Mme Kropf. 
 
Participants à la procédure 
1. X.________, 
2. Y.________, 
tous les deux représentés par 
Me Christian Tamisier, avocat, 
recourants, 
 
contre  
 
1. Ministère public de la République et canton de Genève, 
2. A.________, représenté par 
Me Claudio Fedele, avocat, 
intimés. 
 
Objet 
Ordonnance de classement (instigation à faux dans les titres et obtention frauduleuse d'une constatation fausse), 
 
recours contre l'arrêt de la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et canton de Genève du 11 novembre 2015. 
 
 
Faits :  
 
A.   
Le 22 novembre 2010, l'assemblée générale extraordinaire de B.________ SA - aujourd'hui en liquidation pour suite de faillite - a été interrompue par une intervention de police; dans le cadre d'une procédure pénale parallèle, celle-ci devait procéder à l'audition de X.________, administrateur unique de la société, ainsi que d'Y.________, actionnaire. Par l'intermédiaire de son avocat, A.________, alléguant détenir 87 % du capital-action de B.________ SA, a demandé le 1er décembre 2010 la convocation d'une nouvelle assemblée générale, précisant que, si les autres 13 % étaient réunis, le délai légal de convocation pourrait être abrégé et qu'à défaut, l'assemblée se devrait se tenir avant la fin de l'année en cours. 
Par courrier du 11 avril 2011, X.________ et Y.________ ont déposé une plainte pénale contre C.________. Ils lui reprochaient d'avoir rédigé le procès-verbal d'une assemblée générale tenue en leur absence le 7 janvier 2011; C.________ y avait constaté l'éviction du premier de ses fonctions d'administrateur et sa propre désignation à ce poste, puis avait fait inscrire au Registre du commerce les modifications en découlant. A l'appui de leur plainte, X.________ et Y.________ ont encore expliqué qu'A.________ - qui ne détiendrait que 15 % de B.________ SA - n'avait pas obtenu la convocation de l'assemblée générale demandée; son "homme lige", C.________, avait alors organisé et tenu une séance lors de laquelle A.________ apparaissait frauduleusement comme le détenteur de l'intégralité des actions, ce qui avait permis l'éviction de X.________. Ce dernier et Y.________ - affirmant chacun détenir 6,5 % du capital - ont saisi la juridiction civile pour faire annuler les décisions prises lors de cette assemblée. Le 12 mai 2011, ils ont en substance complété leur plainte pénale, alléguant qu'A.________ aurait également pris leur place au sein d'une société étrangère détenue par B.________ SA; cela démontrerait que le susmentionné serait le bénéficiaire, "voire l'instigateur" des actes reprochés à C.________. 
Le Ministère public de la République et canton de Genève a ouvert une instruction pénale contre A.________ et C.________ le 30 avril 2012 pour faux dans les titres et obtention frauduleuse d'une constatation fausse. A.________ a été entendu, en qualité de personne appelée à donner des renseignements, les 26 juin 2012 et 15 avril 2014; il a expliqué qu'il n'était pas présent le 7 juin 2011, que ses avocats avaient tout organisé et que C.________ devait parvenir légalement à obtenir la destitution de X.________. Quant à C.________, auditionné en tant que prévenu, il a reconnu, le 3 septembre 2013 et le 15 avril 2014, avoir convoqué, sur ordre d'A.________, l'assemblée générale du 7 janvier 2011, croyant que ce dernier était actionnaire unique, vu qu'il avait libéré l'intégralité du capital-action. 
Le 27 janvier 2015, le Procureur a avisé les parties qu'il entendait rendre une ordonnance pénale contre C.________ pour faux dans les titres et obtention frauduleuse d'une constatation fausse, respectivement une ordonnance de classement s'agissant d'A.________. Par décision du 31 août 2015, le Ministère public a classé la procédure contre ce dernier, retenant en substance que rien n'établissait qu'A.________ aurait incité C.________ à agir par d'autres voies que celles légales. 
 
B.   
Le 11 novembre 2015, la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et canton de Genève a déclaré irrecevable le recours intenté par X.________ et Y.________ contre cette décision, considérant que ceux-ci n'étaient pas lésés dans leurs intérêts juridiquement protégés par les infractions dénoncées (art. 251 et 253 CP). 
 
C.   
Par acte du 14 décembre 2015, X.________ et Y.________ forment un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre cet arrêt, concluant, avec suite de frais et dépens, à son annulation, à la reconnaissance de leur qualité de partie, ainsi que de leur intérêt juridiquement protégé à recourir contre l'ordonnance de classement. Ils sollicitent encore le renvoi de la cause à l'autorité précédente et, à titre subsidiaire, au Ministère public afin que celui-ci entreprenne tous les actes d'instruction nécessaires à l'éclaircissement des faits pertinents, rende une ordonnance de condamnation - voire un acte d'accusation - pour instigation à faux dans les titres et obtention frauduleuse d'une constatation fausse à l'encontre d'A.________ (ci-après: l'intimé). 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
Le Tribunal fédéral examine d'office sa compétence (art. 29 al. 1 LTF) et contrôle librement les conditions de recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 140 IV 57 consid. 2 p. 59). 
 
1.1. La partie plaignante - indépendamment des conditions posées à l'art. 81 al. 1 ch. 5 ou 6 LTF - est habilitée à se plaindre d'une violation de ses droits de partie équivalant à un déni de justice formel, sans toutefois pouvoir faire valoir par ce biais, même indirectement, des moyens qui ne peuvent être séparés du fond (ATF 141 IV 1 consid. 1.1 p. 5). En l'espèce, la cour cantonale a déclaré irrecevable le recours intenté par les deux recourants contre la décision de classement du Ministère public, faute d'intérêt juridiquement protégé. Il en découle que les recourants ne peuvent faire examiner leurs griefs sur le fond et, partant, la qualité pour recourir au Tribunal fédéral doit leur être reconnue.  
Il y a lieu de préciser que les recourants ne développent aucune argumentation tendant à démontrer leur intérêt juridiquement protégé en lien avec le chef de prévention d'obtention d'une constatation fausse (art. 253 CP). L'objet du présent litige est donc limité à la question de la recevabilité du recours cantonal s'agissant de l'infraction d'instigation à faux dans les titres (art. 251 et 24 CP). 
 
1.2. Pour le surplus, les autres conditions de recevabilité étant réunies, il y a lieu d'entrer en matière.  
 
2.   
Invoquant notamment des violations des art. 382 al. 1, 115 et 118 CPP, les recourants reprochent à la juridiction précédente d'avoir considéré qu'ils ne seraient pas lésés directement par l'infraction d'instigation de faux dans les titres dénoncée. Ils soutiennent en substance que l'infraction reprochée à A.________ aurait entraîné l'éviction du recourant X.________ du conseil d'administration de B.________ SA, l'impossibilité en conséquence de participer aux négociations relatives à la vente de parts d'une société tierce détenue par B.________ SA, le prix de vente allégué inférieur à la valeur réelle de ces parts et la liquidation de B.________ SA sans que les recourants - pourtant actionnaires - ne perçoivent un centime des suites de la vente susmentionnée; ces éléments ressortiraient en particulier de la plainte pénale déposée le 10 juin 2013, écriture dont la cour cantonale n'aurait arbitrairement pas tenu compte (art. 9 Cst.). 
 
2.1. Le Tribunal fédéral est lié par les constatations de fait de la décision entreprise (art. 105 al. 1 LTF), à moins qu'elles n'aient été établies en violation du droit ou de manière manifestement inexacte au sens des art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF, soit pour l'essentiel de façon arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. Il n'entre ainsi pas en matière sur les critiques de nature appellatoire (ATF 141 IV 249 consid. 1.3.1 p. 253). De plus, une décision n'est pas arbitraire du seul fait qu'elle apparaît discutable ou même critiquable; il faut qu'elle soit manifestement insoutenable, et cela non seulement dans sa motivation mais aussi dans son résultat (ATF 140 I 201 consid. 6.1 p. 205 s., III 16 consid. 2.1 p. 18 s.).  
 
2.2. Toute partie qui a un intérêt juridiquement protégé à l'annulation ou à la modification d'une décision a qualité pour recourir contre celle-ci (art. 382 al. 1 CPP). Tel est, en particulier, le cas du lésé qui s'est constitué demandeur au pénal, indépendamment d'éventuelles conclusions civiles (ATF 139 IV 78 consid. 3 p. 80 ss).  
La notion de lésé est définie à l'art. 115 CPP. Il s'agit de toute personne dont les droits ont été touchés directement par une infraction. En règle générale, seul peut se prévaloir d'une atteinte directe le titulaire du bien juridique protégé par la disposition pénale qui a été enfreinte (ATF 141 IV 1 consid. 3.1 p. 5 s.). Lorsque la règle légale ne protège pas en première ligne les biens juridiques individuels, seule est considérée comme lésée la personne qui est affectée dans ses droits par l'infraction visée par la norme, pour autant que l'atteinte apparaisse comme la conséquence directe du comportement de l'auteur. Il suffit, dans la règle, que le bien juridique individuel dont le lésé invoque l'atteinte soit protégé secondairement ou accessoirement, même si la disposition légale protège en première ligne des biens juridiques collectifs. En revanche, celui dont les intérêts privés ne sont atteints qu'indirectement par une infraction qui ne lèse que des intérêts publics, n'est pas lésé au sens du droit de procédure pénale (ATF 141 IV 454 consid. 2.3.1 p. 457). 
 
2.3. L'art. 251 CP protège, en tant que bien juridique, d'une part la confiance particulière placée dans un titre ayant valeur probante dans les rapports juridiques et, d'autre part, la loyauté dans les relations commerciales (ATF 132 IV 12 consid. 8.1 p. 14; 129 IV 53 consid. 3.2 p. 58). Cette disposition vise d'abord un bien juridique collectif. Toutefois, le faux dans les titres peut également porter atteinte à des intérêts individuels s'il vise précisément à nuire à un particulier (ATF 140 IV 155 consid. 3.3.3 p. 159; 119 Ia 342 consid. 2b p. 346 s. et les références citées). Tel est le cas lorsque le faux est l'un des éléments d'une infraction contre le patrimoine; la personne dont le patrimoine est menacé ou atteint a alors la qualité de lésé (ATF 119 Ia 342 consid. 2b p. 346 s.; arrêts 6B_1151/2014 du 16 décembre 2015 consid. 1.1; 6B_549/2013 du 24 février 2014 consid. 2.2.2).  
Lorsqu'une infraction est perpétrée au détriment du patrimoine d'une personne morale, seule celle-ci subit un dommage et peut donc prétendre à la qualité de lésé, à l'exclusion des actionnaires d'une société anonyme, des associés d'une société à responsabilité limitée, des ayants droit économiques et des créanciers desdites sociétés (ATF 140 IV 155 consid. 3.3.1 p. 158; arrêts 6B_116/2015 du 8 octobre 2015 consid. 2.1; 1B_9/2015 du 23 juin 2015 consid. 2.3.1 et 2.3.2; 6B_1207/2013 du 14 mai 2014 consid. 3.3). 
 
2.4. La cour cantonale a retenu que les recourants n'avaient jamais prétendu être victimes d'une infraction contre le patrimoine commise au moyen du procès-verbal allégué faux; ils se plaignaient uniquement que le recourant X.________ ait été démis de ses fonctions par une assemblée générale convoquée et tenue en violation des statuts. Selon l'autorité précédente, les recourants n'ont cependant pas contesté que la majorité des actionnaires aurait pu exiger la tenue de cette assemblée afin de nommer un nouvel administrateur. Les juges cantonaux ont également relevé que les recourants n'avaient pas expliqué pourquoi l'administrateur unique - soit le recourant X.________ - n'avait pas donné suite à la requête tendant à la convocation d'une assemblée générale, ni si l'observation des délais pour ce faire aurait évité son éviction du conseil d'administration; il en résultait que l'assemblée générale du 7 janvier 2011 n'avait causé aucun préjudice direct aux deux recourants, même eu égard à leur qualité d'actionnaires minoritaires. La cour cantonale a encore estimé que l'assemblée générale litigieuse ne pouvait être considérée comme la cause directe de leur éviction ultérieure de la société étrangère détenue par B.________ SA; cette mesure n'avait au demeurant pas eu lieu en Suisse.  
 
2.5. Les recourants ne développent aucune argumentation propre à remettre en cause ce raisonnement. Ils se limitent à affirmer que l'absence de convocation d'une assemblée générale par leurs soins n'est pas une infraction pénale; ils ne contestent pas non plus que, si cette séance avait eu lieu, l'assemblée aurait été en droit de démettre le recourant X.________ de ses fonctions d'administrateur. Ce dernier ne soutient au demeurant pas que son intérêt pour recourir dans la présente cause découlerait de cette position.  
Quant à la plainte du 10 juin 2013 - qui certes ne ressort pas du jugement attaqué -, elle ne leur est d'aucun secours. L'intimé n'y est pas mis en cause, seule étant en substance critiquée la gestion effectuée par l'administrateur C.________. De plus, les comportements qui y sont dénoncés - peut-être constitutifs d'infractions contre le patrimoine (gestion déloyale [art. 158 CP], banqueroute frauduleuse [art. 163 CP], diminution effective de l'actif au préjudice des créanciers [art. 164 CP] et gestion fautive ([art. 165 CP]) - concernent manifestement le patrimoine de B.________ SA, à l'exclusion de ceux de ses actionnaires. En effet, les parts de la société tierce - alléguées vendues pour un prix inférieur à leur valeur réelle - étaient détenues par B.________ SA; c'est donc le patrimoine de celle-ci qui est potentiellement touché par cette vente; les intérêts patrimoniaux des recourants - actionnaires - ne sont donc touchés que par ricochet, voyant certes peut-être diminuer la valeur de leurs actions et/ou leur expectative en cas de liquidation - notamment par voie de la faillite - de B.________ SA. 
En tout état de cause, il y a lieu de relever que la plainte du 10 juin 2013 a fait l'objet d'une autre ordonnance de classement - certes également datée du 31 août 2015 - que celle à l'origine de la présente procédure. Il en ressort en particulier que "C.________ n'a fait que poursuivre et faire perdurer une situation économique et comptable intégralement imputable" à X.________; ce dernier n'aurait en effet pas valorisé au bilan de B.________ SA les titres en cause, leur valeur n'étant ainsi pas établie, respectivement a priori le bénéfice ou la perte pouvant découler de leur vente. 
Vu les considérations précédentes, les recourants ne sont pas lésés directement par l'infraction dénoncée (instigation à faux dans les titres). La Chambre des recours pénale pouvait donc, sans violer le droit fédéral ou faire preuve d'arbitraire, déclarer leur recours irrecevable, faute d'intérêt juridiquement protégé (art. 382 al. 1 CPP). 
 
3.   
Il s'ensuit que le recours est rejeté. 
 
Les recourants, qui succombent, supportent solidairement les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). L'intimé n'ayant pas été invité à se déterminer, il n'est pas alloué de dépens (art. 68 al. 1 et 3 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est rejeté. 
 
2.   
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge des recourants, solidairement entre eux. 
 
3.   
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et canton de Genève. 
 
 
Lausanne, le 20 juin 2016 
 
Au nom de la Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Denys 
 
La Greffière : Kropf