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Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
6S.357/2004 /rod 
 
Arrêt du 20 octobre 2004 
Cour de cassation pénale 
 
Composition 
MM. les Juges Schneider, Président, 
Kolly et Karlen. 
Greffière: Mme Kistler. 
 
Parties 
X.________, 
recourant, représenté par Me Amédée Kasser, avocat, 
 
contre 
 
Ministère public du canton de Vaud, 
rue de l'Université 24, case postale, 1014 Lausanne. 
 
Objet 
Assassinat (art. 112 CP), fixation de la peine (art. 63 CP), 
 
pourvoi en nullité contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de cassation pénale, du 8 juin 2004. 
 
Faits: 
 
A. 
Par jugement du 19 janvier 2004, le Tribunal criminel de l'arrondissement de Lausanne a condamné X.________ pour assassinat à la peine de dix-huit ans de réclusion, sous déduction de la détention préventive, et a ordonné son expulsion du territoire suisse pour une durée de quinze ans. 
 
Statuant le 8 juin 2004, la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal vaudois a rejeté le recours de X.________ et confirmé le jugement de première instance. 
 
B. 
La condamnation pour assassinat de X.________ repose en substance sur les faits suivants: 
 
En 1988, X.________ a épousé Y.________. Deux enfants sont nés de cette union, en 1988 et en 1996. 
 
Le couple s'est séparé une première fois en 1991, en raison des abus d'alcool de X.________. Celui-ci ayant respecté une période d'abstinence, le couple s'est reformé au début de l'année 1992. La situation n'a toutefois pas tardé à se détériorer à nouveau, X.________ ayant recommencé à abuser de l'alcool. La jalousie infondée de X.________ et son alcoolisme donnaient lieu à des scènes de violence, qui n'épargnaient pas les enfants. X.________, qui était intellectuellement incapable d'entrer en discussion avec son épouse, utilisait la force comme principal moyen d'expression. 
 
En avril 2002, Y.________ a déposé une requête de mesures protectrices de l'union conjugale, ainsi qu'une requête de mesures d'urgence. X.________ a quitté le domicile conjugal. Il a toutefois insisté lors de multiples appels téléphoniques auprès de son épouse pour que celle-ci retire sa procédure. A chaque fois, il a essuyé un refus catégorique. 
 
Au petit matin du 22 avril 2002, X.________ a téléphoné à cinq reprises à son épouse pour lui demander de retirer sa "demande en divorce", en vain. Il s'est alors embusqué dans la cage d'escalier de l'immeuble de son épouse, dont il a attendu le retour. Il s'est engouffré dans son appartement, derrière elle. Il a alors une dernière fois renouvelé sa demande. Devant son refus, il est allé chercher un couteau à la cuisine, avec lequel il lui a asséné six coups, dont quatre ont atteint des organes vitaux (coeur, poumon gauche, veine pulmonaire inférieure gauche et veine jugulaire interne gauche). Il ne s'est arrêté qu'une fois que son épouse se fut effondrée. Il est ensuite allé changer ses vêtements, souillés du sang de sa victime, puis s'en est allé sans même verrouiller la porte de l'appartement. 
 
Un ami qu'il avait informé de son forfait a averti la police, qui a pris les dispositions utiles afin que les enfants ne retrouvent pas le corps sans vie de leur mère à leur retour de l'école. 
 
C. 
Contre l'arrêt cantonal, X.________ forme un pourvoi en nullité au Tribunal fédéral. Invoquant une fausse application de l'art. 112 CP ainsi que de l'art. 63 CP, il conclut à l'annulation de la décision attaquée. En outre, il sollicite l'assistance judiciaire. 
 
Le Tribunal fédéral considère en droit: 
 
1. 
Saisi d'un pourvoi en nullité, le Tribunal fédéral contrôle l'application du droit fédéral (art. 269 PPF) sur la base exclusive de l'état de fait définitivement arrêté par l'autorité cantonale (cf. art. 277bis et 273 al. 1 let. b PPF). Le raisonnement juridique doit se fonder sur les faits retenus dans la décision attaquée, dont le recourant ne peut s'écarter. Le Tribunal fédéral n'est pas lié par les motifs invoqués, mais il ne peut aller au-delà des conclusions du recourant (art. 277bis PPF). Celles-ci, qui doivent être interprétées à la lumière de leur motivation, circonscrivent les points litigieux (ATF 126 IV 65 consid. 1 p. 66). 
 
2. 
Le recourant soutient que les conditions d'application de l'art. 112 CP ne seraient pas réunies. 
 
2.1 Selon l'art. 112 CP, il y a assassinat si le délinquant a tué avec une absence particulière de scrupules, notamment si son mobile, son but ou sa façon d'agir est particulièrement odieux. 
 
L'assassinat est une forme qualifiée d'homicide intentionnel, qui se distingue du meurtre ordinaire (art. 111 CP) par l'absence particulière de scrupules. L'art. 112 CP évoque l'hypothèse où les mobiles, le but ou la façon d'agir de l'auteur sont hautement répréhensibles, mais l'énoncé n'est pas exhaustif (ATF 118 IV 122 consid. 2b p. 125). L'absence particulière de scrupules suppose une faute particulièrement lourde, déduite de l'acte lui-même ou des circonstances qui l'entourent directement (FF 1985 II 1034). Un mobile, un but ou une façon d'agir particulièrement odieux n'emportent pas à eux seuls la qualification juridique d'assassinat. Seule une appréciation globale de l'acte et de son contexte permet une telle conclusion (ATF 120 IV 265 consid. 3a p. 274). Il faut ainsi procéder à une appréciation d'ensemble pour dire si l'acte, examiné sous toutes ses facettes, donne à l'auteur les traits caractéristiques de l'assassin (ATF 118 IV 122 consid. 2b p. 126). 
 
Le texte de l'art. 112 CP s'efforce de cerner le type de l'assassin tel qu'il a été décrit par le psychiatre Hans Binder, à savoir une personne qui agit de sang froid, sans scrupules, démontre un égoïsme primaire et odieux avec une absence quasi totale de tendances sociales et qui, dans le but de poursuivre ses propres intérêts, ne tient absolument pas compte de la vie d'autrui (ATF 120 IV 265 consid. 3a p. 274; 118 IV 122 consid. 2b p. 126; FF 1985 II 1034; Hans Binder, Der juristische und der psychiatrische Massstab bei der Beurteilung der Tötungsdelikte, RPS 1952 p. 313 ss et 324 ss). Cette description rejoint la définition jurisprudentielle selon laquelle, chez l'assassin, l'égoïsme l'emporte en général sur toute autre considération. Il est souvent prêt à sacrifier pour la satisfaction de besoins égoïstes un être humain dont il n'a pas eu à souffrir et fait preuve d'un manque complet de scrupules et d'une grande froideur affective (ATF 118 IV 122 consid. 2b p. 126 et la jurisprudence citée). 
 
ll n'y a pas d'absence particulière de scrupules, sous réserve de la façon d'agir, lorsque le motif de l'acte est compréhensible et n'est pas d'un égoïsme absolu, notamment lorsqu'il résulte d'une grave situation conflictuelle (ATF 120 IV 265 consid. 3a p. 274; 118 IV 122 consid. 3d p. 129). Une réaction de souffrance fondée sérieusement sur des motifs objectifs imputables à la victime exclut en général la qualification d'assassinat (ATF 118 IV 122 consid. 3d p. 129). Il faut en revanche retenir l'assassinat lorsqu'il ressort des circonstances de l'acte que son auteur fait preuve du mépris le plus complet pour la vie d'autrui (ATF 120 IV 265 consid. 3a p. 274; 118 IV 122 consid. 2b p. 126; cf. également ATF 117 IV 369 consid. 19b p. 394). 
 
2.2 En l'occurrence, le recourant, mû par des préoccupations purement égocentriques, a tué une personne dont il n'avait pas eu à souffrir, simplement parce qu'elle voulait le quitter. Aucun comportement blâmable, de nature à fonder une haine homicide, ne pouvait en effet être reproché à la victime, son seul tort étant de vouloir quitter le recourant. Dans ces circonstances, le mobile du recourant ne peut être qualifié que d'extrêmement futile et, partant, d'odieux. 
 
La manière d'agir ne vient nullement démentir l'absence particulière de scrupules que dénote le mobile de l'acte. Le recourant a asséné à son épouse six coups de couteau, ne s'arrêtant qu'une fois que celle-ci se fut effondrée, puis il est allé changer ses vêtements et s'en est allé tranquillement, prenant le risque que ses enfants découvrent le corps de leur mère. L'ensemble de ces circonstances et en particulier la sauvagerie avec laquelle le recourant a frappé sa victime montrent l'existence d'une détermination et d'une grande froideur, qui révèlent le caractère particulièrement odieux de l'assassin. 
 
Selon le recourant, son alcoolisme et son léger retard mental l'ont empêché de comprendre la position de son épouse et l'ont fait glisser dans un engrenage dont il n'a pu s'extraire. Ces arguments ne sont pas pertinents. Il convient tout d'abord de préciser que, selon l'arrêt attaqué, le recourant n'était pas sous l'effet de l'alcool au moment des faits. En outre, le léger retard mental du recourant, qui serait à l'origine de sa jalousie maladive, et son alcoolisme ne peuvent jouer un rôle, par l'application de l'art. 11 CP, qu'au stade de la fixation de la peine, mais non au stade de la qualification, qui suppose un jugement moral objectif sur les circonstances de l'acte (cf. Corboz, Les principales infractions, n. 22 ad art. 112 CP, p. 34; arrêt, non publié, du Tribunal fédéral, du 22 décembre 1997, consid. 1a, 6S.780/1997). 
 
2.3 En définitive, force est d'admettre que le recourant a agi dans des circonstances particulièrement odieuses, par orgueil et fierté, avec détermination et froideur. Tant le mobile du recourant que les circonstances dans lesquelles il a agi manifestent une absence totale de scrupules qui justifie la qualification d'assassinat. C'est donc à juste titre que l'autorité cantonale a condamné le recourant pour assassinat et non seulement pour meurtre. Le moyen tiré de la violation de l'art. 112 CP doit dès lors être rejeté. 
 
3. 
Le recourant considère en outre que la peine de dix-huit ans qui lui a été infligée est excessivement sévère. 
 
3.1 Aux termes de l'art. 63 CP, le juge fixera la peine d'après la culpabilité du délinquant, en tenant compte des mobiles, des antécédents et de la situation personnelle de ce dernier. Le critère essentiel est celui de la gravité de la faute. Le juge doit prendre en considération, en premier lieu, les éléments qui portent sur l'acte lui-même, à savoir sur le résultat de l'activité illicite, sur le mode et l'exécution et, du point de vue subjectif, sur l'intensité de la volonté délictueuse ainsi que sur les mobiles. L'importance de la faute dépend aussi de la liberté de décision dont disposait l'auteur; plus il lui aurait été facile de respecter la norme qu'il a enfreinte, plus lourdement pèse sa décision de l'avoir transgressée et, partant, sa faute (ATF 127 IV 101 consid. 2a p. 103). Les autres éléments concernent la personne de l'auteur, soit ses antécédents, sa situation personnelle, familiale et professionnelle, l'éducation reçue, la formation suivie, son intégration sociale et, d'une manière générale, sa réputation (ATF 118 IV 21 consid. 2b p. 25). 
 
3.2 Le recourant reproche à l'autorité cantonale de ne pas avoir pris en considération pour fixer la peine de son adhésion aux conclusions civiles, tant pour la perte de soutien que pour le tort moral de ses enfants, de son bon comportement en détention, des regrets exprimés dans une lettre qu'il aurait écrite à ses enfants pour leur demander pardon et, enfin, de sa jalousie maladive, susceptible d'atténuer le poids donné à l'égoïsme et à la futilité du mobile. 
 
Ces reproches sont infondés. 
 
Il ressort expressément de l'arrêt attaqué que le recourant était d'une jalousie maladive. L'autorité cantonale a du reste tenu compte de ce trouble pour fixer la mesure de la diminution de sa responsabilité pénale. 
 
Le jugement de première instance, auquel l'arrêt attaqué se réfère, mentionne expressément que le recourant a adhéré aux conclusions civiles (jugement, ch. 7, p. 20). Le juge, lorsqu'il motive la peine qu'il inflige, n'est pas tenu de répéter les faits qu'il a déjà exposés dans le jugement, et cela d'autant moins si comme en l'espèce il s'agit d'un élément qui ne revêt pas un rôle considérable. Il convient en effet de relativiser les regrets du recourant; l'autorité cantonale a retenu à cet égard que le recourant n'avait exprimé que de "modestes regrets de circonstance". 
 
Il ne ressort ni du jugement de première instance, ni de l'arrêt attaqué que le recourant s'est bien comporté en détention. Dans la mesure où le recourant invoque des faits qui ne figurent pas dans la décision attaquée, ses griefs sont irrecevables. Du reste, l'influence sur la peine d'un bon comportement en détention ne revêt pas une grande importance, dès lors qu'un tel comportement correspond à ce que l'on doit pouvoir attendre de tout détenu. 
 
Quant à la lettre d'excuses qu'il aurait adressée à ses enfants, elle ne figure ni dans le jugement de première, ni dans l'arrêt attaqué, de sorte que ce moyen est également irrecevable. 
 
3.3 Au stade de la fixation de la peine, l'autorité cantonale a relevé que le recourant s'était rendu coupable d'assassinat. Elle a considéré que la faute de celui-ci était particulièrement lourde, puisqu'il n'avait pris en considération que ses seuls intérêts, faisant preuve du plus parfait égoïsme et n'envisageant à aucun moment les conséquences de son acte pour ses enfants. Elle a rappelé que le recourant, qui avait de nombreux moyens d'éviter une séparation, en premier lieu en modifiant son comportement, avait préféré faire plier celle qui lui résistait en la poignardant, montrant par là le peu de cas qu'il faisait de la vie d'autrui, tant son mobile était dérisoire. A décharge, elle a tenu compte de ses bons antécédents et de sa situation personnelle, plus particulièrement de la carence affective dont le recourant a pu souffrir après le décès de sa mère, des problèmes qu'il a rencontrés au cours de son adolescence en raison de l'alcoolisme de son père et enfin de sa grande solitude relationnelle. 
 
Faisant application des art. 11 et 66 CP, l'autorité cantonale a en outre retenu, comme circonstance atténuante légale, une diminution légère de la responsabilité pénale. Lorsqu'il admet une responsabilité restreinte, le juge doit réduire la peine en conséquence, sans être tenu toutefois d'opérer une réduction linéaire (ATF 123 IV 49 consid. 2c p. 51). Il ne s'agit pas d'appliquer un tarif ou une relation mathématique, mais de tirer des conséquences raisonnables de la situation. Une diminution légère, respectivement moyenne ou forte, de la responsabilité n'entraîne donc pas nécessairement une réduction de 25%, respectivement de 50% ou de 75%, de la peine. Toutefois, il doit exister une certaine corrélation entre la diminution de responsabilité constatée et ses conséquences sur la peine (ATF 129 IV 22 consid. 6.2 p. 35). 
 
En l'espèce, l'autorité cantonale a estimé que les circonstances de l'assassinat étaient à ce point abjectes que ce crime aurait valu à son auteur en état de pleine responsabilité d'être condamné à la peine de réclusion à vie. La durée d'une telle peine étant par définition indéterminée, la réduction se fonde principalement sur un critère d'équité lié à l'individualisation de la peine. Dans le cas particulier, l'autorité cantonale a estimé qu'une peine de dix-huit ans était adéquate. 
 
3.4 En définitive, au vu de l'ensemble des circonstances, la peine de dix-huit ans de réclusion qui a été infligée au recourant n'apparaît pas sévère à un point tel qu'il faille conclure à un abus du large pouvoir d'appréciation accordé à l'autorité cantonale. Cette dernière a motivé de manière suffisante la peine, et le recourant n'invoque aucun élément, propre à la modifier, qu'elle aurait omis ou pris en considération à tort. 
 
Le moyen tiré de la violation de l'art. 63 CP est dès lors infondé et doit être rejeté. 
 
4. 
Au vu de ce qui précède, le pourvoi doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
Succombant, le recourant doit supporter les frais judiciaires (art. 278 al. 1 PPF; art. 156 al. 1 OJ). Son pourvoi étant dénué de toute chance de succès, la requête d'assistance judiciaire doit être rejetée. 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
 
1. 
Le pourvoi est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2. 
La requête d'assistance judiciaire est rejetée. 
 
3. 
Un émolument judiciaire de 800 francs est mis à la charge du recourant. 
 
4. 
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant, au Ministère public du canton de Vaud et au Tribunal cantonal vaudois, Cour de cassation pénale. 
Lausanne, le 20 octobre 2004 
Au nom de la Cour de cassation pénale 
du Tribunal fédéral suisse 
Le président: La greffière: