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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
                 
 
 
2C_260/2020  
 
 
Arrêt du 20 octobre 2020  
 
IIe Cour de droit public  
 
Composition 
M. et Mmes les Juges fédéraux 
Seiler, Président, Aubry Girardin et Hänni. 
Greffier : M. Rastorfer. 
 
Participants à la procédure 
AA.________ et BA.________, 
tous les deux représentés par Me Vincent Solari, avocat, Poncet Turrettini Avocats, 
recourants, 
 
contre  
 
Administration fiscale cantonale du canton de Genève, 
intimée, 
 
Objet 
Impôts cantonal et communal du canton de Genève et impôt fédéral direct, périodes fiscales 2001 à 2011, 
 
recours contre le jugement de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre administrative, 4ème section, du 25 février 2020 (ATA/222/2020). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. Le 23 mars 2009, après avoir constaté que BA.________ louait un appartement et exerçait une activité lucrative à Genève, l'Administration fiscale cantonale du canton de Genève (ci-après: l'Administration cantonale) a ouvert à l'encontre de l'intéressé une procédure en rappel et en soustraction d'impôts pour les périodes fiscales 2001 à 2007, tant en matière d'impôt fédéral direct que d'impôts cantonal et communal.  
Le 31 octobre 2012, l'Administration cantonale a informé BA.________ que la procédure en rappel d'impôt serait étendue aux périodes fiscales 2008 à 2011 et qu'elle avait décidé de fixer son domicile fiscal de manière illimitée dans le canton de Genève. Par courrier du 28 novembre 2012, le contribuable a formé réclamation contre la décision précitée. 
 
A.b. Par deux décisions sur réclamation datées du 12 décembre 2017, notifiées au contribuable et à son épouse, l'Administration cantonale a maintenu sa décision d'assujettissement illimité du 31 octobre 2012.  
Le 12 janvier 2018, les époux A.________ ont recouru contre ces décisions auprès du Tribunal administratif de première instance du canton de Genève (ci-après: le Tribunal administratif) qui, par jugement du 29 octobre 2018, a rejeté leur recours. Les contribuables ont interjeté recours contre le jugement précité auprès de la Cour de justice du canton de Genève (ci après: la Cour de justice). Par arrêt du 30 avril 2019, la Cour de justice a partiellement admis le recours, constatant la péremption du droit de taxer pour les années 2001 à 2003, et a annulé le jugement du 29 octobre 2018 du Tribunal administratif. La cause a été renvoyée à l'autorité précitée pour instruction complémentaire, s'agissant notamment de la question de l'assujettissement illimité des époux A.________ dans le canton de Genève, et nouvelle décision dans le sens des considérants. 
 
A.c. Le 3 juillet 2019, la Cour de justice a reçu, de manière anonyme, une copie du rapport de police du 11 avril 2019 rendu dans la procédure pénale P/16180/2018 dont les époux A.________ faisaient l'objet, en raison notamment de faits relatifs à l'emploi, à Genève, de personnel de maison non déclaré (art. 105 al. 2 LTF). Ce rapport a été transmis par la Cour de justice au Tribunal administratif, qui l'a ensuite transmis à l'ensemble des parties de la procédure fiscale le 25 septembre 2019.  
Par courrier du 26 septembre 2019, les époux A.________ ont prié le Tribunal administratif d'écarter le rapport de police précité des moyens de preuve de la procédure fiscale, ce à quoi ladite autorité leur a indiqué, par courrier du 4 octobre 2019, qu'elle considérait que ledit rapport devait faire partie du dossier fiscal. Le même jour, le Tribunal administratif a adressé au Ministère public du canton de Genève (ci-après: le Ministère public) une demande de transmission de certaines pièces de la procédure pénale P/16180/2018, à savoir la copie de l'original du rapport de police du 11 avril 2019, ainsi que les procès-verbaux d'audition des employés de maison des contribuables (art. 105 al. 2 LTF), en application de la procédure d'entraide entre autorités prévue à l'art. 101 al. 2 CPP (RS 312.0). Le 28 [recte: 22] octobre 2019, le Ministère public a donné suite à cette demande et a adressé les pièces demandées au Tribunal administratif. 
Dans le cadre de la procédure d'instruction complémentaire ordonnée par le Tribunal administratif à la suite de l'arrêt de renvoi de la Cour de justice du 30 avril 2019, une audience de comparution personnelle des contribuables a été fixée, au cours de laquelle ledit Tribunal a informé les intéressés de la réception des documents pénaux précités et de son intention de verser ceux-ci à la procédure fiscale. Par courrier du 7 novembre 2019, les époux A.________ ont requis de l'autorité précitée qu'elle reconsidère sa position. 
 
B.   
Par décision incidente du 29 novembre 2019, le Tribunal administratif a admis comme moyen de preuve la copie du rapport de police du 11 avril 2019 et dit que les documents transmis le 22 octobre 2019 dans le cadre d'une procédure d'entraide entre autorités par le Ministère public, parmi lesquels figurait ledit rapport, faisaient également partie de la procédure fiscale. Le 12 décembre 2019, les époux A.________ ont recouru contre cette décision auprès de la Cour de justice. 
Par arrêt du 25 février 2020, la Cour de justice a déclaré irrecevable le recours des contribuables, considérant en substance que les recourants n'étaient pas parvenus à démontrer qu'ils étaient exposés à un préjudice irréparable ou qu'une procédure longue et coûteuse pouvait être évitée. 
 
C.   
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, les époux A.________ demandent au Tribunal fédéral, sous suite de frais et dépens, d'annuler l'arrêt de la Cour de justice du 25 février 2020 et de renvoyer la cause à l'autorité précitée pour nouvelle décision au sens des considérants. 
L'effet suspensif au recours, demandé à titre de mesure provisionnelle par les recourants, a été accordé par ordonnance présidentielle du 1er mai 2020. 
La Cour de justice ne formule aucune observation, s'en rapporte à justice quant à la recevabilité du recours et persiste dans les considérants et le dispositif de son arrêt. L'Administration cantonale dépose des observations et conclut au rejet du recours. L'Administration fédérale des contributions conclut également au rejet du recours. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
 
 
1.1. L'arrêt attaqué a été rendu en dernière instance cantonale par un tribunal supérieur (art. 86 al. 1 let. d et al. 2 LTF) dans une cause de droit public (art. 82 let. a LTF). Il peut donc en principe faire l'objet d'un recours en matière de droit public au Tribunal fédéral, aucune des exceptions prévues à l'art. 83 LTF n'étant réalisée.  
 
1.2. La décision du Tribunal administratif du 29 novembre 2019, qui admet comme moyens de preuve des documents issus d'une procédure pénale visant les recourants, est une décision incidente (cf. ATF 135 III 329 consid. 1.2.2 p. 33; arrêts 5A_641/2015 du 3 mars 2016 consid. 5.2; 9C_624/2011 du 25 septembre 2012 consid. 1.1). L'arrêt d'irrecevabilité de la Cour de justice du 25 février 2020 fait suite à un recours dirigé contre cette décision incidente. Partant, il revêt lui aussi un caractère incident (ATF 142 III 798 consid. 2.1 p. 800; 137 III 380 consid. 1.1 p. 382). Le recours auprès du Tribunal fédéral n'est donc en principe recevable que si l'arrêt attaqué est propre à causer un préjudice irréparable aux intéressés au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF, la condition prévue par l'art. 93 al. 1 let. b LTF n'étant à l'évidence pas réalisée en l'espèce.  
Cela étant, lorsqu'un recours formé auprès du Tribunal fédéral porte sur la question de l'existence même d'un recours cantonal, il est en principe recevable indépendamment de l'exigence d'un préjudice irréparable au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF (cf. ATF 143 I 344 consid. 1.2 p. 346; 138 IV 258 consid. 1.1 p. 261; arrêt 1B_129/2019 du 6 août 2019 consid. 1). Au demeurant, la problématique d'un éventuel préjudice irréparable peut en l'occurrence rester indécise au niveau de la recevabilité. En effet la question soulevée au fond tend justement à examiner si tel est le cas en l'espèce (ATF 143 I 344 consid. 1.2 p. 346 et l'arrêt cité). 
 
1.3. Pour le surplus, les auteurs d'un recours déclaré irrecevable en instance cantonale ont qualité pour recourir, au sens de l'art. 89 LTF (cf. ATF 135 II 145 consid. 3.1 p. 148; arrêt 2C_36/2018 du 27 mars 2018 consid. 1.2). Le recours a en outre été déposé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) et dans les formes prescrites (art. 42 LTF). Il est donc recevable.  
 
2.   
Sous réserve des cas non pertinents visés à l'art. 95 let. c à e LTF, le recours en matière de droit public ne peut pas être formé pour violation du droit cantonal en tant que tel. En revanche, il est possible de faire valoir que l'application du droit cantonal consacre une violation du droit fédéral, en particulier qu'elle est arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. ou contraire à un autre droit fondamental (cf. ATF 143 I 321 consid. 6.1 p. 324; arrêt 2C_300/2019 du 31 janvier 2019 consid. 2.1, destiné à la publication). Le Tribunal fédéral n'examine toutefois le moyen tiré de la violation de droits fondamentaux que si ce grief a été invoqué et motivé de manière précise par le recourant (art. 106 al. 2 LTF; cf. ATF 143 IV 500 consid. 1.1 p. 503). La Cour de céans conduit par ailleurs son raisonnement juridique sur la base des faits constatés par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), sous réserve des cas prévus à l'art. 105 al. 2 LTF
 
3.   
L'objet du litige porte sur le point de savoir si c'est à bon droit que la Cour de justice a déclaré irrecevable le recours déposé par les contribuables contre la décision incidente du Tribunal administratif du 29 novembre 2019 admettant comme moyens de preuve des pièces provenant d'une procédure pénale menée contre les recourants et transmises dans le cadre d'une procédure d'entraide par le Ministère public. 
 
3.1. L'arrêt entrepris a retenu que les recourants avaient échoué à établir la condition du préjudice irréparable posée à l'art. 57 let. c de la loi genevoise du 12 septembre 1985 sur la procédure administrative (LPA/GE; RS/GE E 5 10). Selon les juges précédents, les intéressés, au terme d'une argumentation "vague et peu concrète", n'avaient en particulier pas exposé en quoi ils seraient, au stade actuel de la procédure fiscale, exposés à un dommage irréparable du seul fait du versement des documents pénaux incriminés à la procédure administrative. Ils n'avaient également pas démontré un intérêt à ce que la décision du Tribunal administratif soit immédiatement annulée ou modifiée, dans la mesure où ils conservaient la possibilité de faire valoir leurs arguments dans le cadre de l'instruction de la procédure fiscale en cours devant le Tribunal administratif, ainsi que la possibilité de recourir contre le jugement final que rendrait cette autorité. Enfin, les intéressés n'avaient pas soutenu qu'en statuant immédiatement sur l'objet incident, il pourrait être mis fin à la procédure ou qu'une procédure longue et coûteuse pourrait être évitée. Les conditions de recevabilité posées par l'art. 57 let. c LPA/GE n'étaient dès lors pas remplies.  
 
3.2. Les recourants contestent l'arrêt attaqué en tant qu'il refuse d'entrer en matière sur leur recours cantonal. Ils se prévalent d'une application arbitraire de l'art. 57 let. c LPA/GE, en lien avec le droit au respect de la sphère privée au sens de l'art. 13 Cst. et l'interdiction du déni de justice au sens des art. 29a et 29 al. 1 Cst. Ils mettent en avant différents arguments qui seront repris ci-dessous.  
 
4.  
 
4.1. Aux termes de l'art. 57 let. c LPA/GE, les décisions incidentes sont susceptibles d'un recours si elles peuvent causer un préjudice irréparable ou si l'admission du recours peut conduire immédiatement à une décision finale qui permet d'éviter une procédure probatoire longue et coûteuse.  
 
4.2. Une décision est arbitraire (art. 9 Cst.) lorsqu'elle contredit clairement la situation de fait, qu'elle viole gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté ou qu'elle heurte d'une manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité. Il n'y a pas d'arbitraire du seul fait qu'une solution autre que celle de l'autorité cantonale semble concevable, voire préférable. Pour qu'une décision soit annulée pour cause d'arbitraire, il ne suffit pas que sa motivation soit insoutenable; il faut encore que cette décision soit arbitraire dans son résultat (ATF 144 I 318 consid. 5.4 p. 326 s.).  
 
4.3. Le Tribunal fédéral a déjà eu l'occasion de juger qu'il n'était pas arbitraire pour les autorités cantonales genevoises d'interpréter l'art. 57 let. c LPA/GE de manière restrictive et de se calquer sur les principes dégagés par la jurisprudence au sujet de l'art. 93 al. 1 let. a LTF, au vu de la teneur similaire de ces dispositions (cf. arrêt 2C_1156/2018 du 12 juillet 2019 consid. 4.3 et les arrêts cités).  
 
4.4. Selon l'art. 93 al. 1 let. a LTF, les décisions incidentes peuvent faire l'objet d'un recours si elles peuvent causer un préjudice irréparable. Cela suppose que la partie recourante soit exposée à un préjudice de nature juridique, qui ne puisse pas être ultérieurement réparé ou entièrement réparé par une décision finale qui lui serait favorable; un dommage économique ou de pur fait n'est pas considéré comme un dommage irréparable de ce point de vue (cf. ATF 144 III 475 consid. 1.2 p. 479; 141 III 80 consid. 1.2 p. 80; 138 III 333 consid. 1.3.1 p. 335). Cette condition s'apprécie par rapport aux effets de la décision incidente sur la cause principale, respectivement la procédure principale, et non par rapport à la décision d'irrecevabilité du recours rendue par le tribunal supérieur (cf. ATF 143 I 344 consid. 7.2 p. 349; 141 III 80 consid. 1.2 p. 80). En particulier, si la question qui a fait l'objet de la décision incidente de première instance peut être soulevée à l'appui d'un recours contre la décision finale, il n'y a pas de préjudice irréparable (ATF 141 III 80 consid. 1.2 p. 81 et les arrêts cités). Tel est en principe le cas des décisions sur l'administration des preuves dans le procès principal, puisqu'il est normalement possible, en recourant contre la décision finale, d'obtenir l'administration de la preuve refusée à tort ou d'obtenir que la preuve administrée à tort soit écartée du dossier (cf. ATF 141 III 80 consid. 1.2 p. 81; 136 IV 92 consid. 4.1 p. 95; 134 III 188 consid. 2.3 p. 191). Des exceptions sont réservées (cf. infra consid. 5.1).  
En tout état, il incombe à la partie recourante de démontrer l'existence d'un préjudice irréparable lorsque celui-ci n'est pas d'emblée évident (ATF 141 IV 284 consid. 2.3 p. 287; 141 III 80 consid. 1.2 p. 81). 
 
5.   
Dans un premier grief, les recourants soutiennent que le caractère illicite du rapport de police du 11 avril 2019 s'imposait d'emblée, se prévalant à cet égard du fait que le Tribunal administratif avait, dans sa décision litigieuse, considéré que ledit rapport, transmis anonymement, était "indubitablement une preuve illicite". Selon eux, leur cas constituerait ainsi, conformément à la jurisprudence développée à l'ATF 141 IV 284, une exception au principe selon lequel une décision concernant l'administration de moyens de preuves n'est pas propre à causer un préjudice irréparable. En niant l'existence d'un tel préjudice, la Cour de justice aurait appliqué arbitrairement l'art. 57 let. c LPA/GE. 
 
5.1. Selon l'ATF 141 IV 284, la règle selon laquelle le seul fait qu'un moyen de preuve dont la validité est contestée demeure au dossier ne constitue en principe pas un préjudice irréparable, dès lors qu'il est possible de renouveler ce grief jusqu'à la clôture définitive de la procédure (cf. supra consid. 4.4), comporte, en matière pénale, des exceptions. Tel est notamment le cas quand, en vertu de la loi ou de circonstances spécifiques liées au cas d'espèce, le caractère illicite des moyens de preuve s'impose d'emblée (ATF 141 IV 284 consid. 2.3 p. 287, confirmé par les ATF 141 IV 289 consid. 1.3 p. 292; 142 IV 207 consid. 9.8 p. 227; 143 IV 387 consid. 4.4 p. 394; 144 IV 127 consid. 1.3.1 p. 131). De telles circonstances ne peuvent être admises que dans la situation où l'intéressé fait valoir un intérêt juridiquement protégé particulièrement important à un constat immédiat du caractère inexploitable de la preuve (ATF 144 IV 127 consid. 1.3.1 p. 131; 143 IV 387 consid. 4.4 p. 394; 141 IV 284 consid. 2.3 p. 287).  
 
5.2. En matière administrative, la question de savoir quels sont les moyens de preuve admis relève de la procédure administrative, régie en principe, devant les autorités cantonales, par le droit cantonal, sous réserve de dispositions de droit fédéral (cf. ATF 139 II 7 consid. 5 pp. 13 ss.).  
En procédure administrative genevoise, l'art. 10A LPA/GE dispose que "[t]oute personne peut porter à la connaissance des autorités des faits susceptibles d'entraîner l'ouverture d'une procédure administrative. Toutefois, l'autorité ne donne aucune suite aux dénonciations anonymes". Sous cet angle, il convient d'admettre que le rapport de police litigieux, transmis anonymement à la Cour de justice et adressé ensuite au Tribunal administratif, a été obtenu de manière illicite. Le sort des preuves obtenues illégalement n'est toutefois pas réglé par la LPA/GE. Les règles développées sur ce point en procédure pénale ne peuvent par ailleurs pas être reprises telles quelles en procédure administrative (cf. ATF 139 II 95 consid. 3.1 p. 100). 
Sous cet angle, la jurisprudence reconnaît qu'une interdiction de principe d'utiliser des preuves acquises illicitement peut être déduite du droit à un procès équitable au sens des art. 29 al. 1 Cst. et 6 par. 1 CEDH (cf. ATF 143 II 443 consid. 6.3 p. 453 s.; 139 II 95 consid. 3.1 p. 100 s.; 139 II 7 consid. 6.4.1 p. 25; 136 V 117 consid. 4.2.2 p. 125 s.). L'exclusion de tels moyens n'est toutefois pas absolue, le juge devant opérer une pesée des intérêts en présence, à savoir, d'une part, l'intérêt public à la manifestation de la vérité et, d'autre part, l'intérêt de la personne concernée à ce que le moyen de preuve ne soit pas exploité (cf. ATF 143 II 443 consid. 6.3 p. 453 s.; 139 II 95 consid. 3.1 p. 100 s.; 131 I 272 consid. 4 p. 278 s.). L'utilisation de moyens de preuves acquis en violation de la sphère privée ne doit toutefois être admise qu'avec une grande réserve (cf. ATF 143 II 443 consid. 6.3 p. 454; 139 II 95 consid. 3.1 p. 100 s. et les références citées). 
 
5.3. Il ressort de ce qui précède que, en matière administrative, une preuve obtenue de manière illicite n'est pas pour autant absolument inexploitable, la question de son administration dépendant d'une pesée des intérêts en présence. Or, en pareil cas, il appartient en principe au juge du fond de se prononcer, ce qui, selon la jurisprudence, exclut l'existence d'un préjudice irréparable (cf. supra consid. 4.4). Le point de savoir si l'on peut, à l'instar de ce qui est prévu en matière pénale, déduire du droit à un procès équitable que le caractère manifestement inexploitable d'un moyen de preuve permet d'admettre exceptionnellement l'existence d'un préjudice irréparable peut demeurer indécis.  
Il ressort en effet des constatations cantonales que le Tribunal administratif a obtenu par deux canaux différents le rapport de police litigieux. D'une part, celui-ci lui a été transmis par la Cour de justice après que cette dernière l'avait reçu d'une source anonyme. D'autre part, le Tribunal administratif a requis sa production par la voie de l'entraide entre autorités et le Ministère public le lui a transmis le 22 octobre 2019. Concernant cette dernière transmission, si les recourants soutenaient devant la Cour de justice que le rapport devait être considéré comme un preuve dérivée d'une preuve illicite, et partant inexploitable au sens de l'art. 141 CPP "applicable par analogie", ils ne le prétendent plus devant le Tribunal fédéral. Au demeurant, la jurisprudence souligne que l'éventuel caractère illicite des preuves dérivées n'exclut pas à lui seul toute exploitation de celles-ci au cours de la procédure, si bien que l'on ne saurait considérer celles-ci comme d'emblée inexploitables (cf. ATF 144 IV 127 consid. 1.3.4 p. 132). Il n'apparaît ainsi pas que l'obtention du rapport litigieux via la procédure d'entraide permet de retenir que celui-ci revêtirait un caractère manifestement illicite qui s'imposerait d'emblée. 
Sous cet angle, l'intérêt des recourants à contester le maintien au dossier fiscal du rapport de police obtenu anonymement n'apparaît pas évident, puisque nonobstant son éventuel retrait, le même rapport obtenu par la voie de l'entraide resterait versé audit dossier, à tout le moins jusqu'à ce que le juge du fond se prononce sur son exploitabilité. 
 
5.4. Dans ces circonstances, la Cour de justice pouvait, sans arbitraire, considérer que les recourants n'avaient pas démontré en quoi ils seraient, à ce stade de la procédure, exposés à un dommage irréparable du seul fait du versement du rapport litigieux à la procédure administrative, pas plus qu'ils n'avaient démontré un intérêt immédiat à ce que la décision d'admission du rapport litigieux à la procédure fiscale soit annulée ou modifiée.  
Le grief d'application arbitraire de l'art. 57 let. c LPA/GE doit donc être rejeté sur ce point. 
 
6.   
Dans un second grief, les recourants se plaignent d'une application arbitraire de l'art. 57 let. c LPA/GE en lien avec le droit au respect de la sphère privée, au sens de l'art. 13 Cst. Ils soutiennent que l'admission à la procédure fiscale des documents pénaux les concernant consacre une violation de leur sphère privée, leur causant un préjudice qui ne saurait être entièrement réparé par un jugement ultérieur favorable, dès lors que l'autorité intimée pourrait en prendre connaissance avant même que ne soit examinée la question de leur exploitabilité. La Cour de justice ne pouvait dès lors, sans faire preuve d'arbitraire, retenir que les conditions de recevabilité posées par l'art. 57 let. c LPA/GE n'avaient pas été démontrées. 
 
6.1. L'art. 13 Cst. protège la sphère privée dans une acception large, qui comprend la protection des données personnelles. Sont visés l'identité, les relations sociales et les comportements intimes de chaque personne physique, l'honneur et la réputation, ainsi que, notamment, toutes les informations se rapportant à une personne qui ne sont pas accessibles au public, en particulier les informations relatives aux dossiers de procédures civiles, pénales ou administratives, qui porteraient atteinte à sa considération sociale (ATF 140 I 381 consid. 4.1 p. 383; 137 II 371 consid. 6.1 p. 380; arrêt 2C_572/2019 du 11 mars 2020 consid. 5.2, destiné à publication).  
 
6.2. En l'occurrence, il n'est pas contesté que les informations contenues dans un rapport de police relèvent de la sphère privée des personnes touchées par l'enquête pénale (cf. arrêt 4A_108/2017 du 30 mai 2017 consid. 1.3). Le Tribunal administratif a du reste lui-même, dans sa décision du 29 novembre 2019, admis que la production dudit rapport semblait  prima facie être constitutive d'une atteinte à la personnalité des intéressés. Il apparaît ne pas en aller autrement s'agissant du contenu des procès-verbaux d'audition, en tant que celui-ci concerne les intéressés en leur qualité de prévenus d'usure, de contrainte et de violation de la loi fédérale du 16 décembre 2005 sur les étrangers et l'intégration notamment, informations pouvant porter atteinte à leur considération sociale.  
Force est toutefois de constater que l'argument dont se prévalent les recourants n'a été soulevé pour la première fois que devant le Tribunal fédéral. Or, selon la jurisprudence, la démonstration de l'existence d'un préjudice irréparable incombe au recourant, à moins qu'un tel préjudice ne soit d'emblée évident (cf. supra consid. 4.4 in fine). A cet égard, devant l'autorité précédente, les intéressés se sont pour l'essentiel limités à contester, sous l'angle de leur droit au respect à la sphère privée, le caractère licite des pièces versées au dossier fiscal et l'utilisation de celles-ci, problématique qui, comme on l'a vu, n'est pas susceptible de causer un préjudice irréparable, puisque pouvant être soumise au juge du fond (cf. supra consid. 4.4). S'ils ont par ailleurs critiqué la "manière malveillante" dont le rapport litigieux avait été transmis et ont contesté la pertinence des documents pénaux les concernant pour la procédure fiscale, ils n'ont jamais prétendu être exposés à un préjudice irréparable du fait de l'accès immédiat de l'autorité intimée aux documents litigieux. Il n'apparaît par ailleurs pas qu'un tel préjudice soit d'emblée évident, dans la mesure où il ressort des constatations cantonales que le rapport de police litigieux a été transmis aux parties de la procédure fiscale, et donc également à l'autorité intimée, avant même son apport formel au dossier fiscal par le Tribunal administratif. Ledit rapport expose en outre le contenu essentiel des procès-verbaux d'audition des employés de maison des recourants (art. 105 al. 2 LTF). Sous cet angle, on peut douter que les recourants disposent encore d'un intérêt actuel à se prévaloir d'un préjudice irréparable résultant du risque de consultation des documents litigieux par l'autorité intimée, du moins jusqu'à ce que le juge du fond se prononce sur leur exploitabilité, dans la mesure où une telle consultation est, selon toute vraisemblance, déjà intervenue. 
 
6.3. Dans ces circonstances, l'appréciation de l'autorité précédente selon laquelle les intéressés conservaient en tout état la possibilité de faire valoir leurs arguments relatifs à la légalité des moyens de preuve litigieux dans le cadre de la procédure au fond, respectivement n'avaient pas démontré en quoi ils étaient exposés à un dommage irréparable de par le versement des documents incriminés au dossier fiscal, ne saurait être qualifiée d'insoutenable.  
Le grief d'application arbitraire de l'art. 57 let. c LPA/GE en lien avec le droit au respect de la sphère privée, au sens de l'art. 13 Cst., doit partant être rejeté. 
 
6.4. Pour le reste, le fait pour les recourants d'invoquer sans autre argumentation les art. 69 al. 3 let. a CPP et 30 al. 3 Cst., qui prévoient le secret de l'instruction lors de la procédure pénale préliminaire, pour s'opposer à l'admission du rapport de police du 11 avril 2019 au dossier fiscal, ne suffit pas à démontrer que les intéressés seraient exposés à un préjudice qu'une décision ultérieure ne serait à même de réparer.  
 
7.   
Les recourants affirment qu'en déclarant arbitrairement leur recours irrecevable, la Cour de justice aurait violé leur droit à l'accès au juge garanti par l'art. 29a Cst. 
 
7.1. D'après l'article 29a Cst., sauf cas exceptionnels qui doivent être prévus par la loi, toute personne a droit à ce que sa cause soit jugée, au moins une fois, par une autorité judiciaire (ATF 143 I 344 consid. 8.2 p. 350; 141 I 172 consid. 4.4.1 p. 180) disposant d'un plein pouvoir d'examen en fait et en droit (ATF 137 I 235 consid. 2.5 p. 239; 134 V 401 consid. 5.3 s. p. 403 s.). Cette norme étend le contrôle judiciaire à toutes les matières, y compris aux actes de l'administration, en établissant une garantie générale de l'accès au juge (ATF 141 I 172 consid. 4.4.1 p. 180), laquelle ne s'oppose cependant pas aux conditions de recevabilité habituelles du recours (ATF 143 I 344 consid. 8.2 p. 351; 137 II 409 consid. 4.2 p. 411).  
 
7.2. Les critiques des recourants basées sur l'art. 29a Cst. se confondent avec celles relatives aux motifs ayant fondé la décision d'irrecevabilité de la Cour de justice et, comme on l'a vu (cf. supra consid. 5 et 6), le raisonnement de l'autorité sous l'angle des conditions de recevabilité prévues à l'art. 57 let. c LPA/GE ne peut être qualifié d'arbitraire. Partant, en refusant d'entrer en matière sur le recours interjeté par les recourants contre la décision du Tribunal administratif pour des motifs de procédure, la Cour de justice n'a pas violé l'art. 29a Cst. Le grief tiré du déni de justice est donc rejeté.  
 
8.   
Enfin, dans la mesure où les recourants se plaignent d'une violation du principe de la célérité garanti par l'art. 29 al. 1 Cst., on se limitera à constater que la Cour de céans n'entre en principe pas en matière lorsque la partie recourante invoque pour la première fois devant le Tribunal fédéral la violation d'une garantie de procédure qu'elle aurait pu et dû invoquer devant l'autorité précédente (violation du principe de la bonne foi; cf. FF 2001 4142 ad art. 100 al. 2; ATF consid. 142 I 155 consid. 4.4.6 p. 158 s.). Or, les intéressés n'établissent pas s'être plaints, devant la Cour de justice, d'une telle violation et n'ont au demeurant jamais entrepris de démarche auprès des autorités précédentes pour leur demander de faire diligence. Leur grief n'a donc pas à être traité. 
 
9.   
Les considérants qui précèdent conduisent au rejet du recours. Succombant, les recourants doivent supporter les frais de procédure, solidairement entre eux (art. 66 al. 1 et 5 LTF). Il n'y a pas lieu d'allouer de dépens (art. 68 al. 1 et 3 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est rejeté. 
 
2.   
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge des recourants, solidairement entre eux. 
 
3.   
Le présent arrêt est communiqué au mandataire des recourants, à l'Administration fiscale cantonale du canton de Genève, à l'Administration fédérale des contributions et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre administrative, 4ème section. 
 
 
Lausanne, le 20 octobre 2020 
 
Au nom de la IIe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Seiler 
 
Le Greffier : Rastorfer