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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
4A_205/2021  
 
 
Arrêt du 20 décembre 2021  
 
Ire Cour de droit civil  
 
Composition 
Mmes les Juges fédérales 
Hohl, Présidente, Niquille et May Canellas. 
Greffière : Mme Godat Zimmermann. 
 
Participants à la procédure 
1. A.________ SA 
(anciennement B.________ SA), 
2. C.________, 
3. D.________, 
4. E.________, 
tous les quatre représentés par Me Joël Crettaz, 
avocat, 
recourants, 
 
contre  
 
F.________, 
représenté par Me Jean-Samuel Leuba, avocat, 
intimé. 
 
Objet 
clause de prohibition de concurrence, 
 
recours contre l'arrêt rendu le 9 mars 2021 par la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud (CO10.015008-201349, 113). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. F.________ était l'administrateur de la société G.________ SA, dès sa création en 1990.  
Le 29 juin 1999, les activités et les mandats de cette fiduciaire ont été repris par H.________ SA, avec effet au 1 er juillet 1999. F.________ a été engagé comme directeur de la société à compter de cette date. Il en est devenu administrateur le 16 août 1999.  
En 2004, B.________ SA (ci-après: B.________) a repris les actifs et passifs de H.________ SA. C.________ en était l'administrateur-président et E.________ actionnaire avec signature collective à deux; D.________ disposait également de la signature à deux jusqu'en janvier 2019. 
Selon contrat de fusion du 9 juin 2015, les actifs et passifs de B.________ ont été repris par la société I.________ SA, la nouvelle société conservant la raison sociale B.________ SA. 
 
A.b. F.________ a signé une clause d'interdiction de concurrence figurant à l'art. 15 de son contrat de travail de directeur de H.________ SA, dont la teneur était la suivante:  
 
" L'employé s'engage pour une durée de trois ans suivant la fin du présent contrat, à ne pas s'intéresser directement ou indirectement, à quelque titre ou de quelque manière que ce soit (salarié, non-salarié, entreprise personnelle, associé) aux clients figurant, à la date de son départ, sur la liste des clients de l'entreprise qui l'emploie et des autres sociétés affiliées à celle-ci, et pour lesquels ces sociétés auront assumé un mandat durant l'année précédant cette même date. 
Territorialement, la clause de non-concurrence ci-avant est limitée aux seuls cantons dans lesquels l'employeur aura un établissement stable au moment de la rupture de contrat. 
L'employé s'engage à informer un associé ou un employeur futur du contenu de la présente clause. 
 
L'employeur aura le droit d'exiger, pour chaque violation de l'interdiction de concurrence, le versement d'une peine conventionnelle de 100 % de la moyenne annuelle des honoraires facturés pendant les deux dernières années aux clients en cause, indépendamment de tout dommage et sans préjudice du droit de l'employeur d'exiger le respect de l'interdiction de concurrence. 
A la cessation d'activité de l'employé, celui-ci démissionnera au plus vite des différentes fonctions qu'il aura été appelé à assumer dans le cadre de l'art. 8. " 
 
A.c. En sa qualité d'actionnaire de I.________ SA, F.________ était partie à un contrat de pool d'actionnaires du 15 juin 2004, au même titre que D.________, E.________, C.________ et J.________, lequel a également été employé par H.________ SA. Ils étaient convenus de former une société simple dans le but notamment de favoriser le développement de la holding en question et, partant, des sociétés en constituant le patrimoine. Selon cette convention, les sociétaires étaient tenus de racheter solidairement entre eux les actions d'une sociétaire qui cesserait son activité dans l'une ou l'autre des sociétés du groupe dans les six mois dès la cessation.  
 
A.d. Le 20 juillet 2006, F.________ a fait part à C.________ de son intention de donner son congé. Par courrier du 28 juillet 2006, il a résilié le contrat de travail le liant à B.________, invoquant ses conditions de travail, les difficultés de l'entreprise, les changements de collaborateurs et son impossibilité de progresser dans la structure; il a déclaré mettre ses actions à disposition de ses partenaires. Il a poursuivi son activité professionnelle jusqu'au 26 octobre 2006, date à partir de laquelle il s'est trouvé en incapacité de travail.  
Par courrier du 30 novembre 2006, B.________ a résilié le contrat de travail de F.________ pour justes motifs avec effet immédiat " pour le cas où les rapports de travail se poursuivraient encore ", sachant qu'elle estimait qu'ils s'étaient terminés à la fin du mois d'octobre 2006. 
Le 16 janvier 2007, B.________ a invité F.________ à démissionner " au plus vite " des fonctions d'administrateur assumées au sein des entités juridiques telles que PPE K.________ à U.________, Caisse d'allocations familiales L.________ et PPE V.________ conformément à l'art. 15 de son contrat de travail. Elle l'a en outre expressément mis en demeure de respecter scrupuleusement son engagement de ne pas faire concurrence en se référant à ce même article. 
 
A.e. Après le départ de F.________ de B.________, certains clients ont continué à travailler avec lui.  
Le 1er mai 2007, il a été engagé comme directeur de la société M.________ Sàrl à W.________, société constituée par J.________ et inscrite au registre du commerce le 11 janvier 2007. Cette société dispose d'une succursale à X.________, inscrite au registre du commerce depuis le 30 avril 2013. En juillet 2019, elle a été transformée en société anonyme. 
Le 11 juin 2007, l'assemblée des copropriétaires de la PPE V.________ présidée par C.________ a décidé de nommer F.________ administrateur de la PPE dès le 1er juillet 2007, sur proposition de l'un des propriétaires. 
 
A.f. Une procédure arbitrale a opposé D.________, E.________, C.________ et B.________, d'une part, et F.________ et J.________, d'autre part. Les premiers ont pris des conclusions à l'encontre des seconds fondées sur de prétendues violations des clauses de prohibition de concurrence figurant dans leurs contrats de travail respectifs; ils ont également conclu à ce qu'ils ne soient pas tenus de racheter leurs actions de I.________ SA.  
Le 23 janvier 2009, l'arbitre a rendu une sentence arbitrale partielle en admettant l'exception d'incompétence soulevée par F.________. Il a retenu qu'il ne pouvait examiner l'éventuelle dette de ce dernier qu'au regard d'une violation du contrat de pool d'actionnaires du 15 juin 2004, mais non d'une contravention à la prohibition de concurrence stipulée dans son contrat de travail. 
Une convention partielle a été signée le 14 avril 2010 entre les parties en cause; elles sont convenues que toutes leurs prétentions - en dehors du rachat des sept actions mentionnées dans la convention - relèveraient exclusivement des juridictions étatiques. S'agissant du rachat des actions, les parties sont convenues de s'en remettre au résultat de l'arbitrage qui devait se poursuivre entre les demandeurs et J.________. 
 
 
B.  
 
B.a. Par demande du 5 mai 2010, B.________, D.________, E.________ et C.________ (ci-après: les demandeurs) ont pris des conclusions à l'encontre de F.________ (ci-après: le défendeur) tendant au paiement à la demanderesse B.________ par le prénommé de 936'754 fr. plus intérêts, somme ultérieurement réduite à 906'754 fr., sur la base de la clause de prohibition de concurrence figurant dans son contrat de travail (conclusion I) et à ce que le défendeur soit reconnu débiteur de chacun des autres demandeurs de montants qui seront chiffrés après le dépôt de l'expertise (conclusion II). A l'appui de leur écriture, les demandeurs ont notamment produit une liste de " mandats détournés par le défendeur " comportant 45 noms.  
En cours d'instruction, une expertise a été confiée à un expert-comptable diplômé, lequel a déposé son rapport le 14 décembre 2016 et deux rapports complémentaires les 13 septembre 2018 et 22 novembre 2018. 
Par jugement du 23 juin 2020, la Cour civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud a rejeté la conclusion I de la demande et déclaré irrecevable la conclusion II faute d'avoir été chiffrée en temps utile. Elle a considéré que la relation que le défendeur avait créée avec sa clientèle était caractérisée par une composante personnelle. Il connaissait certains clients depuis plus de seize ans. Ceux-ci attachaient plus d'importance à ses capacités personnelles qu'à l'identité de l'employeur. Dans ces conditions, le lien de confiance qu'il avait créé avec sa clientèle pouvait être assimilé à celui existant pour une profession libérale, ce qui excluait de lui imposer une prohibition de concurrence. Par ailleurs, il n'était pas démontré qu'au moment de son départ de B.________, le défendeur avait entrepris des mesures de démarchage auprès de la clientèle. La Cour civile a arrêté les frais de justice à 33'957 fr.95 à charge des demandeurs, solidairement entre eux, et à 9'834 fr.25 à charge du défendeur (ch. II). Elle a condamné les demandeurs, solidairement entre eux, à verser au défendeur un montant de 41'334 fr.25 à titre de dépens (ch. III). 
 
B.b. Les demandeurs ont interjeté appel contre ce jugement, concluant principalement à la réforme du chiffre I du dispositif, en ce sens que le défendeur soit déclaré débiteur de B.________ et lui doive paiement de la somme de 800'000 fr. avec intérêts, et à la réforme des chiffres II et III du dispositif en ce sens que seuls les frais et dépens relatifs à la conclusion prise par les demandeurs 2 à 4 soient mis à la charge de ces derniers.  
Par arrêt du 9 mars 2021, la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud a rejeté l'appel, dans la mesure où il était recevable. Ses motifs seront évoqués dans les considérants en droit du présent arrêt, dans la mesure utile à la discussion des griefs des recourants. 
 
C.  
Les demandeurs interjettent un recours en matière civile. Ils formulent des conclusions tendant, pour la recourante B.________, à ce que le défendeur lui doive paiement de la somme de 800'000 fr. avec intérêts et, pour tous les recourants, à ce que l'appel soit déclaré recevable et admis sur le point des frais et dépens et ces frais réduits dans une proportion laissée à l'appréciation du Tribunal fédéral, en fonction du sort réservé aux conclusions prises par B.________. 
Dans sa réponse, l'intimé conclut au rejet du recours. 
Les recourants ont déposé une réplique et l'intimé une duplique, sans se départir de leurs conclusions initiales. 
Pour sa part, la cour cantonale se réfère aux considérants de son arrêt. 
Le 19 juillet 2021, les recourants ont avisé le Tribunal fédéral que B.________ avait été radiée du registre du commerce après que ses actifs et passifs avaient été repris par la société A.________ SA; ils ont fait valoir que cette société se substituait ainsi à B.________. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
 
1.1. Lors d'une fusion de sociétés, la substitution de partie s'opère de plein droit en vertu du droit fédéral (cf. art. 22 al. 1 de la loi fédérale du 3 octobre 2003 sur la fusion, la scission, la transformation et le transfert de patrimoine [LFus; RS 221.301]; FABIENNE HOHL, Procédure civile, tome I, 2e éd. 2016, n. 1134 p. 186). Le consentement de l'autre partie n'est pas nécessaire (s'agissant de la procédure devant le Tribunal fédéral, cf. art. 17 al. 3 de la loi de procédure civile fédérale du 4 décembre 1947 [PCF; RS 273], applicable par analogie en vertu du renvoi de l'art. 71 LTF, la fusion constituant un cas de succession universelle au sens de cette disposition [ATF 106 II 346 consid. 1; arrêts 2C_895/2008 du 9 juin 2009 consid. 1.1; 4C.385/2005 du 31 janvier 2006 consid. 1.2.1]).  
En l'occurrence, B.________ a été absorbée par A.________ SA. La substitution de partie par suite de fusion est intervenue de plein droit et doit être prise en considération d'office. Le rubrum du présent arrêt est dès lors modifié en conséquence. Pour des motifs purement rédactionnels, l'appellation B.________ continuera d'être employée dans les considérants qui suivent. 
 
1.2. Les demandeurs ont succombé dans leurs conclusions et ont donc qualité pour recourir (art. 76 al. 1 LTF). Ils ont agi en temps utile (art. 46 al. 1 let. a LTF) et dans la forme prescrite par la loi (art. 42 LTF) à l'encontre d'un arrêt final (art. 90 LTF) rendu en matière civile (art. 72 al. 1 LTF) par une autorité cantonale de dernière instance, statuant sur recours (art. 75 LTF) dans une affaire pécuniaire dont la valeur litigieuse atteint le seuil de 15'000 fr. requis en matière de droit du travail (art. 74 al. 1 let. a LTF). Partant, le recours est recevable sur le principe.  
 
2.  
 
2.1. Le recours en matière civile peut être exercé pour violation du droit fédéral (art. 95 let. a LTF). Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Compte tenu de l'exigence de motivation contenue à l'art. 42 al. 1 et 2 LTF, sous peine d'irrecevabilité (art. 108 al. 1 let. b LTF), le Tribunal fédéral n'examine en principe que les griefs invoqués, sauf en cas d'erreurs juridiques manifestes. Il n'est pas tenu de traiter, comme le ferait une autorité de première instance, toutes les questions juridiques qui se posent, lorsque celles-ci ne sont plus discutées devant lui (ATF 142 III 364 consid. 2.4; 140 III 86 consid. 2, 115 consid. 2; 137 III 580 consid. 1.3). L'art. 42 al. 2 LTF exige par ailleurs que le recourant discute les motifs de la décision entreprise et indique précisément en quoi il considère que l'autorité précédente a méconnu le droit (ATF 142 I 99 consid. 1.7.1; 142 III 364 consid. 2.4; 140 III 86 consid. 2). Une exigence de motivation accrue prévaut pour la violation des droits constitutionnels tels que la prohibition de l'arbitraire: le principe d'allégation ancré à l'art. 106 al. 2 LTF impose au recourant d'indiquer quel droit constitutionnel a été violé en expliquant de façon circonstanciée en quoi consiste la violation (ATF 134 II 244 consid. 2.2; 133 II 396 consid. 3.2).  
 
2.2. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut rectifier ou compléter les constatations de l'autorité précédente que si elles sont manifestement inexactes ou découlent d'une violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). " Manifestement inexactes " signifie ici " arbitraires " (ATF 143 I 310 consid. 2.2; 141 IV 249 consid. 1.3.1; 140 III 115 consid. 2; 135 III 397 consid. 1.5). Encore faut-il que la correction du vice soit susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF).  
La critique de l'état de fait retenu est soumise au principe strict de l'allégation énoncé ci-dessus (ATF 140 III 264 consid. 2.3 et les références). La partie qui entend attaquer les faits constatés par l'autorité précédente doit expliquer clairement et de manière circonstanciée en quoi ces conditions seraient réalisées (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1 et les références). Si elle souhaite obtenir un complètement de l'état de fait, elle doit aussi démontrer, par des renvois précis aux pièces du dossier, qu'elle a présenté aux autorités précédentes en conformité avec les règles de procédure les faits juridiquement pertinents à cet égard et les moyens de preuve adéquats (ATF 140 III 86 consid. 2). Si la critique ne satisfait pas à ces exigences, les allégations relatives à un état de fait qui s'écarterait de celui de la décision attaquée ne pourront pas être prises en considération (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1). Aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut être présenté à moins de résulter de la décision de l'autorité précédente (art. 99 al. 1 LTF). 
Il s'ensuit que les faits que les recourants prétendent rappeler dans leur mémoire ne seront pas pris en compte dans la mesure où ils s'écartent de ceux figurant dans l'arrêt cantonal. Quant à ceux que les recourants voudraient voir retenus alors qu'ils n'ont pas été allégués, on ne discerne guère quelle violation du droit fédéral pourrait être reprochée à la cour cantonale et les recourants ne l'expliquent du reste pas. 
 
3.  
Le recours comporte deux volets. En premier lieu, B.________ se plaint du rejet de sa demande en paiement, liée à la prétendue violation par le défendeur de la clause de prohibition de concurrence figurant dans le contrat de travail. Secondement, tous les recourants fustigent le refus de la cour cantonale d'entrer en matière sur la conclusion des demandeurs 2 à 4 tendant à ce que seuls les frais et dépens relatifs à leurs propres conclusions soient mis à leur charge. 
 
4.  
 
4.1. Le contrat de travail conclu avec l'intimé est assorti d'une clause de prohibition de concurrence au sens des art. 340 à 340c CO. En cas de violation d'une telle clause, une peine conventionnelle est prévue (art. 160 à 163 CO; cf. également art. 340b al. 2 CO).  
La cour cantonale a rejeté la demande en paiement de B.________ fondée sur cette clause par une motivation en cascade prenant en compte plusieurs hypothèses. 
Tout d'abord, a-t-elle expliqué, la clause de prohibition de concurrence n'est pas valable compte tenu de la nature de l'activité exercée par l'intimé et du rapport personnel existant avec les clients dont il s'occupait: l'intimé connaissait certains clients depuis plus de seize ans, travaillait de manière assez indépendante et avait créé avec eux un lien de confiance. C'est en raison de cette confiance particulière que les clients qui avaient été interrogés comme témoins l'avaient suivi lorsqu'il était parti. Il ne les avait pas démarchés. Le maintien au poste d'administrateur de la PPE V.________ était une preuve supplémentaire du lien de confiance existant entre l'intimé et les clients, la communauté des copropriétaires ayant expressément souhaité qu'il poursuive son mandat après son départ de B.________. 
A supposer que la clause de non-concurrence fût applicable, rien n'indiquait quel client elle était susceptible de concerner. En effet, l'intimé avait déjà une longue carrière au moment où il était entré au service de B.________. Il était notamment le mandataire et l'homme de confiance de N.________ et des sociétés du groupe éponyme dès 1980. Il avait ensuite travaillé, dès 1990, pour G.________ SA avant de rejoindre, en juin 1999, H.________ SA, laquelle fut ensuite reprise par B.________. Cela étant, la clause de non-concurrence ne pouvait concerner les clients qui étaient déjà les siens avant qu'il ne rejoigne la H.________ SA. Elle pourrait s'appliquer à ceux qui étaient déjà clients de ladite fiduciaire lors de son arrivée en 1999 et à ceux qu'elle a acquis par la suite. Cela étant, l'on ne savait rien de leur identité. B.________ aurait dû alléguer et établir la clientèle tombant sous le coup de la clause de prohibition de concurrence, alors qu'elle s'était limitée à fournir une liste de clients prétendument détournés lors du départ de l'intimé en 2006. 
Du reste, si les noms des clients concernés par la clause de non-concurrence en question avaient été allégués, encore aurait-il fallu démontrer que l'intimé les avait détournés. Et cette preuve n'avait pas été apportée. 
Enfin, la cour cantonale a considéré que, en tout état de cause, B.________ n'avait pas établi les bases de calcul de la peine conventionnelle qu'elle réclamait à l'intimé. Cette peine correspondait non pas à un montant fixe, mais au " 100 % de la moyenne annuelle des honoraires facturés pendant les deux dernières années aux clients en cause ". Or, la quotité des honoraires facturés à chacun des clients prétendument détournés était inconnue. Pour tous ces motifs, la demande était vouée au rejet. 
 
4.2. Selon l'art. 340 al. 2 CO, la prohibition de concurrence n'est valable que si les rapports de travail permettent au travailleur d'avoir connaissance de la clientèle ou de secrets de fabrication ou d'affaires de l'employeur et si l'utilisation de ces renseignements est de nature à causer à l'employeur un préjudice sensible.  
Dans une jurisprudence ancienne, le Tribunal fédéral a considéré que l'employé ne pouvait tirer profit de sa connaissance de la clientèle lorsque les rapports entre la clientèle et l'employeur ont essentiellement un caractère personnel, fondé sur la compétence de cet employeur, par exemple s'il s'agit d'un avocat célèbre ou d'un chirurgien réputé; dans ce cas, en effet, la connaissance que l'employé possède de la clientèle ne lui procure pas, à elle seule, le moyen de rompre ou de distendre le lien existant entre l'employeur et sa clientèle (ATF 78 II 39 consid. 1 et les arrêts cités). 
Ultérieurement, la jurisprudence a eu l'occasion de se pencher sur la situation inverse, à savoir le cas où une relation personnelle était établie entre le client et l'employé lui-même, en l'occurrence un dentiste; il a été conclu que, dans ce cas également, la clause de prohibition de concurrence n'était pas valable, parce que la personnalité de l'employé revêtait pour le client une importance prépondérante et interrompait le rapport de causalité qui doit exister entre la simple connaissance de la clientèle et la possibilité de causer un dommage sensible à l'employeur (arrêt 4C.100/2006 du 13 juillet 2007 consid. 2.6). Dans une affaire mettant en cause un gestionnaire de fortune au sein d'une banque, le Tribunal fédéral a estimé, à l'instar de la cour cantonale, que ses prestations étaient caractérisées par une forte composante personnelle qui contrecarrait la validité de la clause d'interdiction de concurrence (arrêt 4A_116/2018 du 28 mars 2019 consid. 4.3). S'agissant d'un conseiller fiscal, le Tribunal fédéral s'est défendu de dénier, de manière générale, toute validité à une interdiction de concurrence dans ce type de cas (arrêts 4A_340/2011 du 13 septembre 2011 consid. 4.4.4.1; 4A_209/2008 du 31 juillet 2008 consid. 2.1). Cela étant, il n'existe aucune profession pour laquelle une interdiction de concurrence soit absolument et dans tous les cas exclue. Le juge doit apprécier les circonstances de chaque cas (ATF 78 II 39 consid. 1; arrêt 4C.100/2006 précité consid. 2.3). Tout au plus peut-on dire que, s'agissant des professions libérales, la facette personnelle de la relation au client revêt une importance toute particulière (ATF 78 II 39 consid. 1; 56 II 439 consid. 2; arrêt 4C.100/2006 précité consid. 2.6). 
Une clause de prohibition de concurrence, fondée sur la connaissance de la clientèle, ne se justifie que si l'employé, grâce à sa connaissance des clients réguliers et de leurs habitudes, peut facilement leur proposer des prestations analogues à celles de l'employeur et ainsi les détourner de celui-ci. Ce n'est que dans une situation de ce genre que, selon les termes de l'art. 340 al. 2 CO, le fait d'avoir connaissance de la clientèle est de nature, par l'utilisation de ce renseignement, à causer à l'employeur un préjudice sensible. Il apparaît en effet légitime que l'employeur puisse dans une certaine mesure se protéger, par une clause de prohibition de concurrence, contre le risque que le travailleur détourne à son profit les efforts de prospection effectués par le premier ou pour le compte du premier. 
La situation se présente différemment lorsque l'employé noue un rapport personnel avec le client en lui fournissant des prestations qui dépendent essentiellement des capacités propres à l'employé. Dans ce cas, en effet, le client attache de l'importance à la personne de l'employé dont il apprécie les capacités personnelles et pour lequel il éprouve de la confiance et de la sympathie. Une telle situation suppose que le travailleur fournisse une prestation qui se caractérise surtout par ses capacités personnelles, de telle sorte que le client attache plus d'importance aux capacités personnelles de l'employé qu'à l'identité de l'employeur. Si, dans une telle situation, le client se détourne de l'employeur pour suivre l'employé, ce préjudice pour l'employeur résulte des capacités personnelles de l'employé et non pas simplement du fait que celui-ci a eu connaissance du nom des clients. 
Pour admettre une telle situation - qui exclut la clause de prohibition de concurrence - il faut que l'employé fournisse au client une prestation qui se caractérise par une forte composante personnelle (ATF 138 III 67 consid. 2.2.1; arrêt 4A_116/2018 précité consid. 4.1). Dire si tel est le cas dépend des circonstances, dont la constatation relève du fait et qui lient le Tribunal fédéral (art. 105 al. 1 LTF). 
 
4.3. Les recourants soutiennent que la clause de prohibition de concurrence est valable. A les croire, l'activité déployée par l'intimé au service de B.________ se limitait au bouclement de la comptabilité et à l'établissement de déclarations d'impôt. Les recourants dépeignent cette activité comme celle " que toute fiduciaire offr (irait) à sa clientèle ", ce qui exclurait " des prestations particulières qui dépend (r) aient essentiellement d (es) propres capacités professionnelles " de l'intimé. Certes, selon les cas, ces tâches peuvent revêtir un caractère relativement simple et répétitif. Mais de toute évidence, les prestations de l'intimé ne se réduisaient pas à cela. Ni la Cour civile, ni la Cour d'appel cantonale ne se sont laissé convaincre du contraire. A juste titre. L'autorité précédente a constaté que l'intimé était notamment le mandataire et l'homme de confiance du ressortissant de Y.________, N.________ ainsi que de sociétés du groupe éponyme dès 1980. Les recourants ne sauraient sérieusement prétendre qu'aucune expertise particulière n'était à cet égard nécessaire et qu'un lien de confiance, voire de confidence, n'y avait pas son importance. Comme s'il n'existait qu'une manière de présenter des chiffres et comme si le choix importait peu.  
S'agissant du rapport que l'intimé avait établi avec les clients, les recourants font valoir qu'il n'avait rien d'exceptionnel, contrairement à ce que la cour cantonale a retenu. C'est faire abstraction des différents témoins évoqués dans l'arrêt attaqué, lesquels ont fait état du lien de confiance qu'ils avaient tissé avec l'intimé et du fait que la personne de l'employeur était, pour eux, reléguée à l'arrière plan, à tel point que celle-ci leur était totalement indifférente. Nul arbitraire ne se loge dès lors dans les faits constatés dans la décision entreprise. 
Enfin, les recourants soutiennent que la cour cantonale aurait mal appliqué la jurisprudence fédérale. Ils ne peuvent toutefois être suivis. Le juge doit apprécier les circonstances de chaque cas et, à en juger par les considérants qu'elle y a consacrés, l'autorité précédente ne s'est pas épargnée cet exercice. 
Les recourants tirent encore argument, de manière très générale, du principe de la bonne foi, de la fidélité contractuelle, de la sécurité juridique et de la prévisibilité, tous éléments sur lesquels la cour cantonale s'est exprimée sans que les recourants ne pipent mot de ses considérations. Le Tribunal fédéral peut dès lors se dispenser de traiter ce moyen. Pour les mêmes motifs, il en fera de même s'agissant de l'argument tiré de la sentence arbitrale rendue dans un litige parallèle opposant les recourants à J.________. 
En conclusion, c'est à bon droit que la cour cantonale a jugé que la clause de prohibition de concurrence n'était pas valable. 
Dans ces conditions, point n'est besoin d'examiner les griefs que les recourants soulèvent contre les motifs dont l'autorité précédente s'est servie pour étayer, à titre subsidiaire, le rejet des prétentions pécuniaires fondées sur la clause susdite. 
 
5.  
Quant à l'irrecevabilité sanctionnant les conclusions formulées en appel qui portaient sur les frais et dépens de première instance, les recourants sont d'avis que la cour cantonale a méconnu la jurisprudence fédérale. Ils n'auraient pas eu l'obligation de chiffrer leurs conclusions corrélatives, puisque " ils n'ont pas procédé indépendamment de la procédure au fond ". 
Pour bien comprendre la problématique, il faut rappeler que les demandeurs sont des consorts actifs simples (art. 71 CPC). B.________ a formulé des conclusions en paiement contre l'intimé en se basant sur la clause de prohibition de concurrence signée avec elle, alors que les autres demandeurs (les intimés 2 à 4) ont formulé des conclusions tendant au paiement à leur profit de montants distincts, qu'ils ont toutefois chiffrées trop tard, de sorte que celles-ci ont été déclarées irrecevables. Les recourants ne le remettent pas en question. 
Les premiers juges ont condamné l'ensemble des demandeurs à assumer solidairement les frais de justice fixés à 33'957 fr.95 et à verser, solidairement entre eux, au défendeur 41'334 fr.25 à titre de dépens. Dans leur appel, les demandeurs n'ont pas fait valoir de grief à l'encontre de l'engagement solidaire qui leur était imposé. Dans une seule écriture, les appelants ont pris deux conclusions, dont la seconde tendait à ce que seuls les frais et dépens relatifs à la conclusion de première instance des demandeurs 2 à 4 soient mis à la charge de ces derniers. Comme ils l'affirment dans leur recours, cette conclusion signifiait que si la cour d'appel cantonale admettait l'appel de B.________ (demanderesse 1), seuls les frais et dépens liés aux conclusions (irrecevables) des demandeurs 2 à 4 devaient être mis à la charge de ces derniers. 
Cela étant, puisque la cour cantonale n'a pas admis la première conclusion de l'appel - celle tendant au paiement à B.________ - mais l'a rejetée, elle n'avait pas à statuer différemment du premier juge sur les frais et dépens. Au mieux, c'est donc par un rejet que la seconde conclusion de l'appel, relative aux frais et dépens, aurait dû être sanctionnée. Les recourants ne prétendent pas le contraire. 
Il s'ensuit qu'il n'est pas nécessaire de discuter plus avant de la question de savoir si les conclusions relatives aux frais et dépens auraient dû être chiffrées pour être recevables. Les recourants n'ont pas d'intérêt digne de protection à l'annulation de ce chiffre du dispositif (art. 76 LTF). 
 
6.  
Sur le vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable, aux frais des recourants, débiteurs solidaires (art. 66 al. 1 et 5 LTF). Ces derniers verseront à l'intimé une indemnité à titre de dépens, dont ils sont également débiteurs solidaires (art. 68 al. 1, 2 et 4 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 10'000 fr., sont mis à la charge des recourants, débiteurs solidaires. 
 
3.  
Les recourants, débiteurs solidaires, verseront à l'intimé une indemnité de 12'000 fr. à titre de dépens. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud. 
 
 
Lausanne, le 20 décembre 2021 
 
Au nom de la Ire Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Hohl 
 
La Greffière : Godat Zimmermann