Wichtiger Hinweis:
Diese Website wird in älteren Versionen von Netscape ohne graphische Elemente dargestellt. Die Funktionalität der Website ist aber trotzdem gewährleistet. Wenn Sie diese Website regelmässig benutzen, empfehlen wir Ihnen, auf Ihrem Computer einen aktuellen Browser zu installieren.
Zurück zur Einstiegsseite Drucken
Grössere Schrift
 
 
Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
1B_44/2023  
 
 
Arrêt du 21 mars 2023  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Müller, Juge présidant, 
Merz et Kölz. 
Greffier : M. Kurz. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par Maîtres Guerric Canonica, Yaël Hayat et Théo Badan, avocats, 
recourant, 
 
contre  
 
Yves Maurer-Cecchini, 
Président au Tribunal pénal de la République et canton de Genève, rue des Chaudronniers 9, 1211 Genève 3, 
intimé. 
 
Objet 
Procédure pénale; récusation, 
 
recours contre l'arrêt de la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et canton 
de Genève, du 21 décembre 2022 
(ACPR/890/2022 - PS/89/2022). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Par acte d'accusation du 1er décembre 2022, le Ministère public genevois a renvoyé A.________ en jugement devant le Tribunal correctionnel, sous les accusations de viols répétés et de contrainte sexuelle. Par acte du 7 décembre 2022, les parties ont été citées aux débats fixés au 15 mai 2023, sous la présidence de Yves Maurer-Cecchini (ci-après: le Président). 
Le 12 décembre 2022, A.________ a demandé au Président de se récuser. En tant que juge unique du Tribunal de police, celui-ci avait rendu le 1er novembre 2022 un jugement acquittant un journaliste de l'accusation de diffamation, sur plainte de A.________. Ce jugement, contre lequel le requérant avait fait appel, laisserait entendre qu'il aurait entretenu des relations sexuelles avec des mineures - alors qu'il n'avait jamais été condamné pour cela -, le faisant ainsi apparaître comme méprisable aux yeux du magistrat. 
 
B.  
Par arrêt du 21 décembre 2022, la Chambre pénale de recours de la Cour de justice genevoise a rejeté la requête de récusation. Les accusations contre le recourant n'émanaient ni du Président, ni du journaliste qui les avait simplement reprises d'un rapport officiel. L'acquittement prononcé par le Tribunal de police ne reposait pas sur la véracité des propos rapportés par le journaliste, mais sur la bonne foi de celui-ci. L'acquittement du journaliste ne signifiait donc pas que le requérant serait tenu pour coupable dans la procédure à venir. 
 
C.  
Agissant par la voie du recours en matière pénale, A.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du 21 décembre 2022 et d'ordonner la récusation du Président; subsidiairement, il conclut au renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants. 
La Chambre pénale de recours renonce à présenter des observations. Le Président conclut au rejet de la demande de récusation en relevant que les faits poursuivis dans les deux causes sont totalement différents s'agissant tant des parties que du contexte et du droit applicable. Dans ses dernières observations, le recourant persiste dans ses conclusions. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Conformément aux art. 78 et 92 al. 1 LTF, une décision relative à la récusation d'un magistrat pénal peut faire immédiatement l'objet d'un recours en matière pénale. Le recourant, dont la demande de récusation a été rejetée, a qualité pour recourir (art. 81 al. 1 LTF). Le recours a été interjeté en temps utile contre une décision rendue par une autorité cantonale statuant en tant qu'instance unique (art. 80 al. 2 LTF et 59 al. 1 let. b CPP) et les conclusions prises sont recevables (art. 107 LTF). Il y a donc lieu d'entrer en matière. 
 
2.  
Invoquant l'art. 56 let. f CPP, le recourant estime que même s'il avait le statut de partie plaignante dans la première procédure et de prévenu dans la seconde, il y aurait lieu de tenir compte des accusations de relations sexuelles avec des mineures qui étaient au centre de la première procédure et au sujet desquelles le magistrat s'était prononcé dans son jugement du 1er novembre 2022. Celui-ci retient notamment le caractère "problématique... des actes de nature sexuelle entre un professeur et une de ses élèves", mentionne des "gestes déplacés", et considère que le rapport officiel "confirme l'existence des accusations précédemment révélées par la presse". S'exprimant ainsi, le Président se serait d'ores et déjà représenté le recourant comme un délinquant sexuel; il aurait par ailleurs recueilli des informations sur la vie intime du recourant et ne pourrait en faire abstraction dans la deuxième procédure qui a pour objet une accusation de viols et de contrainte sexuelle. 
 
2.1. Un magistrat est récusable selon l'art. 56 let. f CPP, "lorsque d'autres motifs, notamment un rapport d'amitié étroit ou d'inimitié avec une partie ou son conseil, sont de nature à le rendre suspect de prévention". Cette disposition a la portée d'une clause générale recouvrant tous les motifs de récusation non expressément prévus aux lettres précédentes. Elle correspond à la garantie d'un tribunal indépendant et impartial instituée par les art. 30 Cst. et 6 CEDH. Elle n'impose pas la récusation seulement lorsqu'une prévention effective du magistrat est établie, car une disposition interne de sa part ne peut guère être prouvée. Il suffit que les circonstances donnent l'apparence de la prévention et fassent redouter une activité partiale du magistrat. Seules les circonstances constatées objectivement doivent être prises en considération. Les impressions purement individuelles d'une des parties au procès ne sont pas décisives (ATF 144 I 159 consid. 4.3; 143 IV 69 consid. 3.2). L'impartialité subjective d'un magistrat se présume jusqu'à preuve du contraire (ATF 148 IV 137 consid. 2.2; 136 III 605 consid. 3.2.1).  
 
2.2. La première procédure se rapportait à des infractions contre l'honneur commises au préjudice du recourant. Le jugement du 1er novembre 2022 retient ainsi que le journaliste avait présenté le recourant comme entretenant notamment des relations sexuelles avec des élèves mineures, affirmant que le rapport officiel confirmait ces accusations. Le jugement retient que les éléments constitutifs objectifs des infractions de calomnie et de diffamation étaient réunies. L'examen des faits qui s'ensuit a uniquement pour cadre l'examen de la bonne foi du journaliste, en recherchant notamment si celui-ci pouvait effectivement fonder ses dires sur le rapport officiel. Dans ce cadre, le magistrat n'a donc pas lui même cherché à vérifier sur le fond si les reproches formulés contre le recourant étaient vrais ou non, et n'avait pas à se forger une opinion à ce propos.  
L'objet de la procédure précédente et les questions traitées dans ce cadre apparaissent ainsi totalement différents de l'accusation pour laquelle le recourant est renvoyé en jugement, qui porte sur un viol multiple et une contrainte sexuelle à l'encontre d'une femme majeure. Quant aux griefs soulevés en réplique à propos des commentaires des parties plaignantes et des informations parues dans la presse, ils ne sauraient être opposés au magistrat. Il n'existe dès lors aucune apparence de prévention à son égard. 
 
3.  
Sur le vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté. Il n'est pas alloué de dépens (cf. art. 68 LTF). Les frais du présent arrêt seront mis à la charge du recourant qui succombe (art. 65 et 66 al. 1 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et canton de Genève. 
 
 
Lausanne, le 21 mars 2023 
 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Juge présidant : Müller 
 
Le Greffier : Kurz