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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
                 
 
 
1B_156/2020  
 
 
Arrêt du 21 avril 2020  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Chaix, Président, 
Kneubühler et Jametti. 
Greffier : M. Kurz. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par Me Julien Camugli, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
Ministère public de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy. 
 
Objet 
détention provisoire, 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice 
de la République et canton de Genève, 
Chambre pénale de recours, du 20 mars 2020 (ACPR/208/2020 P/1146/2020). 
 
 
Faits :  
 
A.   
A.________ a été arrêté le 17 janvier 2020 puis placé en détention provisoire sous la prévention de tentative d'actes d'ordre sexuel avec des enfants et pornographie. Il lui est reproché d'avoir tenu le 20 janvier 2020, sur l'application cryptée " B.________ ", des propos faisant état notamment d'un projet d'actes d'ordre sexuel avec un enfant dont il aurait la garde, propos tenus avec un interlocuteur qui s'est révélé être un agent infiltré américain; entre décembre 2019 et janvier 2020, il avait détenu sur son téléphone portable 7 vidéos et 825 images à caractère pédopornographique et une image à caractère zoophile; le 17 janvier 2020, une image tirée d'une vidéo pédopornographique avait également été retrouvée dans son téléphone. Admettant les faits, le prévenu avait expliqué vouloir comprendre comment d'autres personnes pouvaient avoir des fantasmes " inconcevables ", précisant qu'il avait été pris dans un engrenage en intégrant des groupes de discussion sans y avoir été actif ni avoir ouvert les fichiers transmis. 
Par décision du 7 février 2020, le Tribunal des mesures de contrainte du canton de Vaud (Tmc) a prolongé la détention jusqu'au 7 avril 2020. L'analyse du téléphone portable du prévenu avait permis de découvrir de très nombreux fichiers pédopornographiques sur une durée d'un mois et il était probable que ces fichiers aient été partagés avec d'autres utilisateurs. L'ordinateur du prévenu était en cours d'analyse. Le risque de récidive était probable compte tenu de l'excitation que procuraient au prévenu les déviances qu'il disait avoir découvertes; le prévenu n'avait pas pris conscience de la gravité de ses actes, alimentant l'industrie de la pédopornographie et augmentant le risque de passage à l'acte des personnes avec lesquelles il conversait. 
 
B.   
Par décision du 28 février 2020 (après un précédent refus du 13 février), le Ministère public a rejeté une demande de mise en liberté formée par le prévenu. Par ordonnance du 2 mars 2020, le Tmc a confirmé cette décision, considérant que les charges étaient suffisantes et le risque de réitération concret. Une expertise avait été mise en oeuvre afin d'évaluer le risque de récidive, voire de passage à l'acte. 
Par arrêt du 20 mars 2020, la Chambre pénale de recours de la Cour de justice du canton de Genève a rejeté le recours formé par le prévenu contre l'ordonnance du Tmc. Le recourant était sans antécédents judiciaires connus. Même s'il affirmait les avoir inventés " pour alimenter les fantasmes et les excitations de son interlocuteur ", les propos tenus sur B.________ semblaient dénoter une forme de perversité des plus inquiétantes. Une photo avait également été retrouvée sur le téléphone portable montrant le prévenu avec une jeune fille de moins de dix ans, tous deux torse nu. Le très grand nombre de fichiers retrouvés semblait trahir une propension au visionnement, voire à l'échange de tels contenus. Le risque de récidive existait bien et le suivi psychothérapeutique entrepris en prison n'y changeait rien. Un suivi psychiatrique auprès du Centre Ambulatoire de Psychiatrie et Psychothérapie Intégrée (CAPPI) ne pouvait pas non plus pallier le risque de réitération. 
 
C.   
Agissant par la voie du recours en matière pénale, A.________ demande au Tribunal fédéral d'ordonner sa mise en liberté assortie de toute mesure de substitution utile, notamment l'obligation de se soumettre à un suivi psychothérapeutique au CAPPI des Eaux-Vives. Subsidiairement, il conclut au renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants. 
La Chambre pénale de recours a renoncé à formuler des observations. Le Ministère public conclut au rejet du recours en se référant à l'arrêt attaqué ainsi qu'à ses propres prises de position. Le recourant a ensuite renoncé à des observations complémentaires. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
Le recours en matière pénale (art. 78 al. 1 LTF) est ouvert contre une décision relative à la détention provisoire au sens des art. 212 ss CPP. Selon l'art. 81 al. 1 let. a et b ch. 1 LTF, le recourant, prévenu détenu, a qualité pour recourir. Le recours a été formé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) contre une décision rendue par une autorité statuant en tant que dernière instance cantonale (art. 80 LTF) et les conclusions présentées sont recevables au regard de l'art. 107 al. 2 LTF. Il y a donc lieu d'entrer en matière. 
 
2.   
Le recourant se plaint d'un établissement arbitraire des faits par la cour cantonale. Celle-ci aurait tronqué - sans le préciser - ses propos de manière notamment à faire croire à une fascination pour le psychisme des pédophiles, alors que ses motivations étaient plus complexes. La lecture intégrale de ses déclarations ferait aussi apparaître qu'il ne contestait pas avoir détenu des fichiers dans la mémoire-cache de son téléphone, mais affirmait n'avoir pas conscience de cette détention puisqu'il ne les avait pas téléchargés et qu'il avait désinstallé les applications de messagerie dont ils provenaient, ne voulant pas être actif dans les communautés en question. Le recourant estime qu'une présentation correcte des faits permettrait d'aboutir à des conclusions différentes s'agissant du risque de réitération. 
 
2.1. Le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en écarter que si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF), soit pour l'essentiel de façon arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. L'appréciation des preuves est arbitraire ou manifestement inexacte au sens de l'art. 97 al. 1 LTF lorsqu'elle est en contradiction avec le dossier ou contraire au sens de la justice et de l'équité ou lorsque l'autorité ne tient pas compte, sans raison sérieuse, d'un élément propre à modifier la décision, se trompe sur le sens et la portée de celui-ci ou, se fondant sur les éléments recueillis, en tire des constatations insoutenables. Pour qu'une partie puisse demander une rectification de l'état de fait cantonal, il faut encore que celle-ci soit susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF; ATF 142 I 135 consid. 1.6 p. 144 s.).  
 
2.2. La cour cantonale a certes présenté certains extraits des déclarations du recourant, sans reproduire l'entier de celles-ci. Cette présentation ne saurait toutefois être qualifiée de trompeuse. Le résumé des charges figurant dans l'état de fait de l'arrêt attaqué est en effet celui que l'on retrouve dans l'ensemble des décisions relatives à la détention du recourant. Il en ressort que celui-ci aurait tenu des propos de nature clairement pédophile auprès d'un interlocuteur (en réalité un agent infiltré américain), se vantant explicitement de viols d'enfants et transmettant une vidéo mettant en scène un adulte et un nourrisson; il détenait par ailleurs un très grand nombre de fichiers de nature pédopornographique. Il expliquait avoir voulu alimenter les fantasmes et les excitations de son interlocuteur, précisant que pour lui, certains fantasmes étaient inconcevables. Il aurait ainsi surenchéri afin de garder l'intérêt de ses interlocuteurs. A lire l'entier des déclarations du recourant, on constate que les nuances qu'il entend ainsi apporter à la présentation des faits (l'objet des " fantasmes inconcevables " et de la " passion " dont il faisait état) ne changent rien à l'essentiel des charges retenues contre lui, ni à son argumentation à décharge qui consiste à soutenir qu'il aurait menti à ses interlocuteurs, qu'il n'était pas consommateur de fichiers pédopornographiques et qu'il se serait rendu compte que les groupes de discussion ne correspondaient pas à ce qu'il recherchait.  
Les compléments dont se prévaut le recourant en citant in extenso ses propres déclarations ne sont donc pas propres à changer l'appréciation juridique quant à l'existence de charges suffisantes (le recourant ne le prétend d'ailleurs pas), ni quant au risque de récidive. 
 
3.   
Invoquant l'art. 221 al. 1 let. c CPP, le recourant conteste l'existence d'un risque de récidive. Il mentionne certains arrêts du Tribunal fédéral dans lesquels un tel risque a été admis en relation notamment avec des viols ou des actes d'ordre sexuel avec des enfants. Le recourant relève que la prévention de tentative d'actes d'ordre sexuel avec des enfants aurait été de facto abandonnée, seule restant l'accusation de pornographie au sens de l'art. 197 CP, insuffisamment grave pour justifier une détention provisoire. Il explique que sa démarche était motivée par une forte curiosité pour le psychisme des pervers; la détention de fichiers ne serait qu'un moyen et non un but, de sorte que contrairement à ce que retient la cour cantonale, il n'aurait aucune propension au visionnage de tels fichiers. Le seul transfert de fichier pédopornographique de sa part serait dû à l'insistance de son interlocuteur, soit un agent infiltré. Le recourant relève qu'il a mis un terme à son activité avant son arrestation en désinstallant l'application " B.________ "; le fait qu'une telle application puisse être facilement réinstallée n'y changerait rien. L'origine d'une photo ancienne le montrant torse nu avec un jeune enfant (qui s'est révélé être sa filleule) aurait été clairement établie. Rien ne démontrerait en définitive l'existence d'un risque concret de récidive. 
 
3.1. Pour admettre un risque de récidive au sens de l'art. 221 al. 1 let. c CPP, les infractions redoutées, tout comme les antécédents, doivent être des crimes ou des délits graves. Ce sont en premier lieu les infractions contre l'intégrité corporelle et sexuelle qui sont visées (ATF 143 IV 9 consid. 2.3.1 p. 13 et les références). Plus l'infraction et la mise en danger sont graves, moins les exigences sont élevées quant au risque de réitération. Il demeure qu'en principe le risque de récidive ne doit être admis qu'avec retenue comme motif de détention. Dès lors, un pronostic défavorable est nécessaire pour admettre l'existence d'un tel risque (ATF 143 IV 9 consid. 2.9 p. 17). Pour établir le pronostic de récidive, les critères déterminants sont la fréquence et l'intensité des infractions poursuivies. Cette évaluation doit prendre en compte une éventuelle tendance à l'aggravation telle qu'une intensification de l'activité délictuelle, une escalade de la violence ou une augmentation de la fréquence des agissements. Les caractéristiques personnelles du prévenu doivent en outre être évaluées (ATF 143 IV 9 consid. 2.3.2 p. 13; 137 IV 84 consid. 3.2 p. 86; arrêt 1B_413/2019 du 11 septembre 2019 consid. 3.1).  
Bien qu'une application littérale de l'art. 221 al. 1 let. c CPP suppose l'existence d'antécédents, le risque de réitération peut être également admis dans des cas particuliers alors qu'il n'existe qu'un antécédent, voire aucun dans les cas les plus graves. La prévention du risque de récidive doit en effet permettre de faire prévaloir l'intérêt à la sécurité publique sur la liberté personnelle du prévenu (ATF 137 IV 13 consid. 3 et 4 p. 18 ss). Le risque de récidive peut également se fonder sur les infractions faisant l'objet de la procédure pénale en cours, si le prévenu est fortement soupçonné de les avoir commises (ATF 143 IV 9 consid. 2.3.1 p. 12 s.). 
 
3.2. Contrairement à ce que soutient le recourant, la prévention de tentative d'actes d'ordre sexuel avec des enfants n'a pas été abandonnée. Comme le relève la cour cantonale, les propos tenus avec son interlocuteur sur B.________, faisant état d'un projet d'actes d'ordre sexuel avec un enfant, ainsi que des viols déjà commis, dénotent à tout le moins une forme de perversité très inquiétante. Les explications selon lesquelles le recourant n'aurait agi ainsi que pour alimenter les fantasmes et l'excitation de son interlocuteur, demandent encore à être vérifiées. Il en va de même de l'existence de très nombreux fichiers à contenu pédopornographique retrouvés dans le téléphone du prévenu, soit plus de 800 pour une seule période d'un mois; le recourant conteste toute tendance au visionnement de tels fichiers mais cette affirmation doit elle aussi être vérifiée. Le rapport d'expertise psychiatrique qui devrait être prochainement déposé pourrait répondre tant à la question des motifs réels qui ont poussé le recourant a agir, de l'existence d'un éventuel trouble mental ainsi que du risque de récidive ou de passage à l'acte. Au regard de la gravité des faits soupçonnés et de l'importance des intérêts à protéger (l'intégrité sexuelle des enfants), une libération ne saurait entrer en considération à ce stade, quand bien même le recourant n'a pas d'antécédents connus.  
 
4.   
Sur le vu de ce qui précède, le recours est rejeté. Conformément à l'art. 66 al. 1 LTF, les frais judiciaires sont mis à la charge du recourant. 
 
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
 
1.   
Le recours est rejeté. 
 
2.   
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
3.   
Le présent arrêt est communiqué au mandataire du recourant, au Ministère public de la République et canton de Genève et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale de recours. 
 
 
Lausanne, le 21 avril 2020 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Chaix 
 
Le Greffier : Kurz