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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
                 
 
 
4A_157/2019  
 
 
Arrêt du 21 avril 2020  
 
Ire Cour de droit civil  
 
Composition 
Mmes et M. les Juges fédéraux 
Kiss, Présidente, Hohl, Niquille, Rüedi et May Canellas. 
Greffier : M. Piaget. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représentée par Me Pascal Pétroz, 
recourante, 
 
contre  
 
B.________, 
représentée par Me Pierre-Yves Bosshard, 
intimée. 
 
Objet 
Bail, protection contre les loyers abusifs, colocataires, consorité matérielle nécessaire, tempérament à l'action conjointe, sortie du contrôle étatique, méthode de calcul, 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice du canton de Genève, Chambre des baux et loyers, du 28 février 2019 (C/21009/2016, ACJC/304/2019). 
 
 
Faits :  
 
A.   
Par contrat de bail du 11 novembre 1994, A.________ (ci-après : la bailleresse ou la coopérative) a cédé à C.________ et B.________ (locataires) l'usage d'un appartement de cinq pièces situé au 2e étage d'un immeuble à Genève. Le bail, conclu pour une durée d'une année, du 1er décembre 1994 au 30 novembre 1995, est renouvelable tacitement d'année en année. Le montant du loyer annuel a été fixé en dernier lieu à 21'600 fr., charges non comprises, dès le 1er janvier 2014, soit 1'800 fr. par mois. 
L'immeuble, construit en 1919, a été soumis au régime des habitations à loyers modérés (HLM) jusqu'au 31 décembre 2016. 
Selon l'art. 39 des statuts de la coopérative, " le loyer doit tenir compte des revenus des habitants et le conseil d'administration est compétent pour déterminer les barèmes qui doivent s'inspirer de ceux usuellement pratiqués à Genève, notamment dans le secteur subventionné étatique. Les locataires peuvent donc être amenés à fournir des données quant à leurs revenus effectifs ". 
Par courrier du 20 novembre 1995, le locataire (C.________) a informé la bailleresse qu'il quittait l'appartement au 31 décembre 1995, mais que la locataire (B.________) continuait à habiter le logement avec leurs deux filles. 
Le 19 septembre 2016 (en prévision de la sortie de l'immeuble du contrôle HLM arrêtée au 31 décembre 2016), les locataires ont sollicité une baisse de loyer de 40% dès le 1 er janvier 2017.  
Le 3 octobre 2016, la bailleresse a refusé de donner suite à cette requête, au motif que les locataires ne pouvaient pas solliciter de manière mécanique une baisse de loyer de 40% à la sortie du contrôle de l'Etat. 
 
B.  
 
B.a. Le 27 octobre 2016, la locataire a ouvert action contre la bailleresse et le locataire. La conciliation ayant échoué, elle a déposé une demande devant le Tribunal des baux et loyers de Genève, concluant, préalablement à ce qu'il soit ordonné à la bailleresse de fournir toutes les pièces permettant d'opérer un calcul de rendement, principalement, à ce que le loyer soit fixé à 12'960 fr. par an, charges non comprises, dès le 1 er janvier 2017 et à ce que le trop-perçu soit restitué et, subsidiairement, à ce que le loyer soit fixé à 20'827 fr.80 par an, charges non comprises, dès le 1 er janvier 2017, sur la base du taux hypothécaire et de l'ISPC et à ce que le trop-perçu soit restitué.  
La bailleresse a conclu à l'irrecevabilité de la demande, à ce qu'il soit ordonné aux locataires de produire toutes les pièces permettant de déterminer leurs revenus et à ce que la demanderesse soit déboutée de toutes ses conclusions. 
Par ordonnance du 7 novembre 2017, le Tribunal des baux et loyers a invité la bailleresse à produire toutes les pièces nécessaires au calcul du rendement net de l'immeuble concerné. 
Par courrier du 5 décembre 2017 adressé au tribunal, la bailleresse a indiqué que la production d'un calcul de rendement ne se justifiait pas. Elle n'a jamais remis les pièces requises. 
Par courrier du 9 février 2018, la locataire a produit l'Arrêté du Conseil d'Etat du 3 mai 2000 ainsi que l'état locatif agréé de l'immeuble au 1 er janvier 2014.  
 
B.b. Par jugement du 14 mai 2018, le Tribunal des baux et loyers a débouté la demanderesse de toutes ses conclusions.  
 
B.c. Le 19 juin 2018, la demanderesse a fait appel de ce jugement, assignant le colocataire (C.________) aux côtés de la bailleresse.  
Par courrier du 9 juillet 2018, le colocataire (C.________) a informé la Cour de justice, devant laquelle la demanderesse avait fait appel, qu'il avait définitivement quitté la Suisse pour vivre au Portugal. 
 
B.d. Par arrêt du 28 février 2019, la Chambre des baux et loyers de la Cour de justice du canton de Genève a admis l'appel formé par la locataire et réformé l'arrêt attaqué en ce sens qu'elle a fixé le loyer annuel de l'appartement occupé par la locataire à 18'330 fr., charges non comprises, dès le 1 er janvier 2017 et condamné la bailleresse à verser à sa partie adverse le trop-perçu de loyer en découlant avec intérêts à 5% l'an dès l'entrée en force de l'arrêt cantonal.  
En substance, la cour cantonale a reconnu que la locataire, qui a assigné en justice son colocataire aux côtés de la bailleresse, avait la qualité pour agir seule en diminution de loyer. Elle a jugé que la demanderesse pouvait se prévaloir de la méthode absolue et que le fait qu'il s'agissait en l'espèce d'un cas de sortie de l'immeuble du contrôle cantonal des loyers n'y changeait rien. S'agissant des données permettant le calcul du loyer, elle a retenu que l'absence de production des pièces était imputable à la bailleresse, qu'il convenait dès lors de trancher le litige en se basant sur les pièces à disposition du juge (qui permettaient de calculer le rendement net), et non sur les statistiques cantonales et, après avoir procédé au calcul du rendement, elle a fixé le loyer (annuel) net admissible à 18'330 fr. 
 
C.   
La défenderesse exerce un recours en matière civile contre cet arrêt cantonal. Elle conclut à sa réforme en ce sens que la demanderesse soit déboutée de toutes ses conclusions et, subsidiairement, à son annulation et au renvoi de la cause à l'autorité cantonale. La recourante invoque une violation de l'art. 70 CPC, des art. 269, 269a, 270a et 854 CO. 
L'intimée conclut à ce que la recourante soit déboutée de toutes ses conclusions. 
Les parties n'ont pas communiqué d'observations. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
 
1.1. Interjeté en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) par la bailleresse qui a succombé dans ses conclusions (art. 76 al. 1 LTF) contre une décision finale (art. 90 LTF), prise sur appel par le tribunal supérieur du canton de Genève (art. 75 LTF), dans une affaire de bail (art. 72 al. 1 LTF), dont la valeur litigieuse atteint le seuil de 15'000 fr. requis en cette matière (art. 74 al. 1 let. a LTF), le recours en matière civile est recevable.  
 
1.2. Sous réserve de la violation des droits constitutionnels (art. 106 al. 2 LTF), le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il n'est toutefois lié ni par les motifs invoqués par les parties, ni par l'argumentation juridique retenue par l'autorité cantonale; il peut donc admettre le recours pour d'autres motifs que ceux invoqués par le recourant, comme il peut le rejeter en opérant une substitution de motifs (ATF 135 III 397 consid. 1.4 et l'arrêt cité).  
 
 
2.   
Dans un premier moyen tiré de la violation de l'art. 70 al. 1 CPC, la recourante défenderesse soutient que la demanderesse ne pouvait engager seule les colocataires, qu'elle aurait dû ouvrir action conjointement avec l'autre colocataire, que sa qualité pour agir faisait dès lors défaut et que la cour cantonale aurait dû rejeter la demande. 
 
2.1. Puisque les consorts matériels nécessaires sont titulaires ou obligés ensemble d'un seul droit, ils doivent en principe ouvrir action ensemble ou être mis en cause ensemble (" conjointement "; art. 70 al. 1 CPC; cf. FABIENNE HOHL, Procédure civile, 2e éd. 2016, p. 154 n. 898).  
C'est le cas lorsque plusieurs colocataires, titulaires d'un bail, contestent le congé notifié par le bailleur : il y a bail commun, soit un rapport juridique uniforme, qui n'existe que comme un tout et pour toutes les parties au contrat et les colocataires qui entendent ouvrir action en annulation de la résiliation doivent le faire ensemble. L'action, formatrice, ne saurait en effet conduire à un jugement qui n'aurait force qu'entre certains intéressés, par exemple le bailleur et l'un des colocataires (arrêt 4A_689/2016 du 28 août 2017 consid. 4.1). 
Toutefois, le principe de l'action conjointe (ou commune) souffre des tempéraments qui ont été introduits par la Cour de céans (cf. infra consid. 2.2), étant précisé qu'il n'y a pas lieu d'examiner le cas du contrat de bail portant sur un logement de famille, qui n'entre ici pas en ligne de compte (le colocataire vivant au Portugal et n'étant par ailleurs pas marié à la colocataire; cf. ATF 139 III 7 consid. 2.3.1 p. 11). 
 
2.2. La question de savoir si, pour requérir l'annulation du congé (cf. art. 271 s. CO), les colocataires doivent agir en commun, ou si une exception peut être admise, a longtemps été l'objet d'une controverse doctrinale (sur le constat, cf. arrêt 4C.37/2001 du 30 mai 2001 consid. 2b/bb qui laisse la question ouverte). Le Tribunal fédéral a tranché la question en 2010 en introduisant un tempérament à l'action conjointe, afin de tenir compte du " besoin de protection sociale particulièrement aigu lorsqu'un local d'habitation est en jeu " (ATF 140 III 598 consid. 3.2 p. 601; arrêts 4A_570/2018 du 31 juillet 2019 consid. 3.1 non publié in ATF 145 III 281; 4A_625/2017 du 12 mars 2018 consid. 3.1; 4A_689/2016 du 28 août 2017 consid. 4; parlant d'un " droit social individuel " des locataires, cf. BOHNET/HÄNNI, Note in RSPC 2017 p. 499 et l'auteur cité). Concrètement, l'objectif est d'éviter que l'un des colocataires ne perde son logement parce que l'autre ne souhaite pas agir en justice (D. LACHAT/B. LACHAT, Procédure civile en matière de baux et loyers, 2019, p. 90).  
Le demandeur peut dès lors agir seul, mais, comme l'action (formatrice) implique que le bail soit en définitive maintenu ou résilié envers toutes les parties, il doit assigner aux côtés du bailleur le ou les colocataires qui n'entendent pas s'opposer au congé, sous peine de se voir dénier la qualité pour agir (ATF 145 III 281 consid. 3.1 et 3.4.2 p. 285; 140 III 598 consid. 3.3 p. 601; arrêt 4A_347/2017 du 21 décembre 2017 consid. 3.1). Autrement dit, il n'est pas nécessaire que les consorts matériels nécessaires soient tous demandeurs ou défendeurs; il suffit qu'ils soient tous parties au procès, répartis d'un côté et de l'autre de la barre (ATF 140 III 598 consid. 3.2; cf. HOHL, op. cit., n. 901 p. 154). 
Cette jurisprudence s'applique non seulement aux baux d'habitation, mais également aux baux de locaux commerciaux (arrêt 4A_689/2016 déjà cité consid. 4.1  in fine).  
Elle s'étend à la demande de constatation de la nullité ou de l'inefficacité d'une résiliation (arrêts 4A_347/2017 déjà cité consid. 3.1; 4A_689/2016 déjà cité consid. 4.1). 
 
2.3. Le Tribunal fédéral n'a jamais été appelé à trancher la question de l'éventuel tempérament à apporter à l'action conjointe portant sur la diminution du loyer.  
La nature de cette action (formatrice) et ses conséquences sur le plan procédural (nécessité d'une action conjointe des colocataires) n'est pas discutée. La recourante est par contre d'avis que, si un tempérament à l'action conjointe en annulation du congé a été prévu par la jurisprudence, il est exclu de l'admettre en cas de demande de baisse de loyer. 
 
2.3.1. Un courant de doctrine, majoritaire, est d'avis que le tempérament introduit par le Tribunal fédéral pour l'action conjointe en annulation du congé doit (ou devrait) également l'être pour celle visant la fixation du loyer (demande de baisse de loyer, contestation de la hausse de loyer) d'un bail d'habitation ou d'un local commercial (MAJA BLUMER, in Schweizeriches Privatrecht VII/3, Gebrauchsüberlassungsverträge, 2012, n. 460 p. 140; FRANÇOIS BOHNET, Le logement de famille, le congé et la consorité des époux colocataires, Newsletter Bail.ch septembre 2019 ch. III; JULIEN BROQUET, Note in Droit du bail 2015 n. 12 p. 43; DIETSCHY-MARTENET, op. cit. Les colocataires, n. 69 p. 213; LA MÊME, in Bail à loyer et procédure civile, 2018, n. 139 p. 57 et les auteurs cités; LA MÊME, op. cit. La qualité, ch. III; JACQUEMOUD-ROSSARI, Jouissance et titularité du bail, in CdB 1999 p. 104 s.; NICOLAS JEANDIN, in Commentaire romand, Code de procédure civile, 2e éd. 2019, nos 7b, 10 et 10a ad art. 70 CPC; THOMAS KOLLER, Zum Jahresbeschluss 2014 ein weiser Entscheid des Bundesgerichts im Mietrecht, Jusletter du 12 janvier 2015, N 7; LE MÊME, in RSJB 2016 p. 46 ss; DAVID LACHAT, Le bail à loyer, 2019, n. 3.3.6 p. 103; CORDULA LÖTSCHER, Die Prozessstandschaft im schweizerischen Zivilprozess, 2016, n. 544 p. 226 s.; RICHARD PÜNTENER, in Mietrecht für die Praxis, 9e éd. 2016, p. 115 note 110, qui expose la solution consacrée à l'ATF 140 III 598; ROGER WEBER, in Basler Kommentar, Obligationenrecht I, 7e éd. 2019, nos 2 et 2a ad Vor Art. 253 - 273c OR). Certains d'entre eux signalent explicitement que, même si le caractère dogmatique de la solution retenue dans l'ATF 140 III 598 peut être discuté, il n'y a pas lieu de la remettre en cause puisqu'elle permet de répondre aux besoins de la pratique, tout en garantissant la participation de toutes les personnes concernées à la procédure (BOHNET, op. cit., ch. III; LÖTSCHER, op. cit., n. 544 p. 226 s.).  
Un autre courant, minoritaire, soutient que, lorsqu'il y a consorité matérielle nécessaire, la loi n'autorise aucune exception (ou aucun tempérament) à l'action - ou à la défense - conjointe (cf. BISANG/KOUMBARAKIS, Das schweizerische Mietrecht, 4e éd. 2018, n. 36 s. p. 1149; M. GIAVARINI, Commentaire in MRA 2015 p. 147 ss; ZINON K OUMBARAKIS, in MRA 2018 p. 75; cf. DENIS PIOTET, La représentation de l'hoirie dans le procès successoral, in Steinauer et al. [éd.], Journée de droit successoral 2019, p. 154 ss, qui traite toutefois essentiellement des actions successorales). On observera d'emblée que ces auteurs ne s'opposent pas spécifiquement à l'extension du tempérament (reconnu pour l'action en annulation du congé) aux litiges portant sur la fixation du loyer, mais qu'ils remettent en cause la solution consacrée dans l'ATF 140 III 598, qui a été confirmée à plusieurs reprises par la Cour de céans (cf. arrêts 4A_570/2018 du 31 juillet 2019 consid. 3.1 non publié in ATF 145 III 281; 4A_625/2017 du 12 mars 2018 consid. 3.1; 4A_347/2017 du 21 décembre 2017 consid. 3.1; 4A_689/2016 du 28 août 2017 consid. 4). Il n'y a pas lieu de s'arrêter sur les critiques soulevées dans cette perspective, puisque la recourante ne revient pas sur le tempérament introduit dans cet arrêt de principe, mais qu'elle s'oppose exclusivement à son extension aux litiges ayant pour objet les demandes de baisse de loyer. 
Dans une publication récente, un auteur concède que le besoin de protection sociale des locataires justifie de poser un tempérament à l'action conjointe en annulation du congé, mais il est par contre d'avis qu'il n'existe aucune nécessité d'en faire de même pour les litiges portant sur la fixation du loyer. Il reconnaît certes l'existence d'un besoin de protection sociale des locataires également dans ce domaine, mais estime que les conséquences d'un rejet de l'action visant la fixation du loyer (pour défaut d'action conjointe des colocataires) ont une portée moindre que celles résultant de la résiliation du bail. Il ajoute que les locataires ont en règle générale tous un intérêt à agir conjointement avec le demandeur pour obtenir une baisse de loyer (ou éviter une augmentation) (MANFRED STRIK, Das Verfahrensrecht bei der Wohn- und Geschäftsraummiete nach der Schweizerischen Zivilprozessordnung, 2018, n. 40 p. 18). 
 
2.3.2. L'opinion du courant doctrinal majoritaire emporte la conviction pour les raisons qui suivent.  
 
2.3.2.1. La distinction opérée par la recourante (qui trouve écho dans l'opinion d'un seul auteur) se heurte à la volonté du législateur de renforcer la position du locataire par l'adoption de règles visant à lutter contre les loyers et les congés abusifs, ces deux domaines répondant au même besoin de protection sociale.  
Au Titre huitième du Code des obligations, le législateur a en effet consacré une série de dispositions spéciales aux locaux d'habitation (essentiels au logement des personnes) et aux locaux commerciaux (servant de cadre aux activités économiques) en raison de leur affectation particulière (cf. TERCIER/BIERI/CARRON, Les contrats spéciaux, 5e éd. 2016, p. 285 n. 2117; STRIK, op. cit., n. 38 p. 17). La protection de ces locaux s'articule clairement autour de deux grands axes : la protection contre les loyers abusifs ou les autres prétentions abusives (Chapitre 2) et la protection contre les congés abusifs (Chapitre 3) (DAVID LACHAT, in Commentaire romand, Code des obligations I, 2012, no 1 ad Introd. aux art. 269-270e CO et no 1 ad art. 271 CO; TERCIER/BIERI/CARRON, op. cit., p. 285 n. 2117). La mention de ces deux axes figure déjà dans le mandat constitutionnel à l'origine de la réglementation, à l'art. 34septies al. 2 aCst. (aujourd'hui : art. 109 Cst.) (Arrêté fédéral concernant l'initiative populaire " pour la protection des locataires ", FF 1986 I 854 Art. 2; Message concernant l'initiative " pour la protection des locataires " du 27 mars 1985, FF 1985 I 1369 ch. 111 p. 1374). Dans ce contexte, le Conseil fédéral a indiqué, devant le Parlement, vouloir renforcer la protection des locataires dans ces deux domaines " en étroite relation " (Message précité ch. 141.2 p. 1378). 
Les règles du Titre huitième du Code des obligations qui permettent de renforcer la protection des locataires forment aujourd'hui un ensemble homogène (cf. TERCIER/BIERI/CARRON, op. cit., p. 285 n. 2116; CHRISTIAN CALAMO, Die missbräuchliche Kündigung der Miete von Wohnräumen, 1993, p. 99). Il s'agit donc, dans la même logique de protection, de reprendre les considérations déjà faites à l'ATF 140 III 598 (pour l'annulation du congé) et de les étendre à la protection contre les loyers abusifs, afin d'atténuer les difficultés générées par la colocation également dans ce domaine et d'assurer le respect des règles spéciales de protection contre les loyers et les congés abusifs (cf. DIETSCHY-MARTENET, op. cit., Les colocataires, n. 69 p. 213; LACHAT, op. cit., n. 3.3.6 p. 103). Reconnaître un tempérament à l'action conjointe permet de réaliser cet objectif général dans les deux domaines précités, sans mettre en péril l'unité substantielle du litige (un jugement unique s'impose), puisque le colocataire récalcitrant est assigné de l'autre côté de la barre.  
 
2.3.2.2. S'agissant de la fixation du loyer, STRIK ne nie pas le besoin de protection des locataires, mais il estime que l'exigence (stricte) de l'action conjointe ne leur est pas préjudiciable et, partant, qu'il n'existe aucune nécessité d'apporter un tempérament dans ce domaine.  
Les arguments de l'auteur ne convainquent pas. S'il est évident qu'un colocataire a intérêt à obtenir une baisse de loyer et qu'on voit mal qu'il s'y oppose, cela ne veut encore pas dire qu'il sera toujours prêt à faire les démarches pour former, conjointement avec les autres colocataires, une action en justice et en assumer les frais. On peut notamment envisager qu'un colocataire (demandeur) ait l'intention de requérir une réduction de loyer fondée sur la baisse du taux hypothécaire et qu'un autre soit réticent à la solliciter. Le risque que l'un des colocataires ne fasse aucune démarche pour obtenir une baisse de loyer est d'autant plus grand lorsque, comme c'est le cas en l'espèce, ce colocataire ne vit plus depuis longtemps dans l'appartement objet du bail et,  a fortiori, s'il est difficile de le retrouver ou a quitté le territoire suisse. Cela étant, le risque que le consort réticent mette en danger les intérêts de son partenaire est réel, ce qui justifie l'introduction d'un tempérament à l'action conjointe (cf. MARIE-FRANÇOISE SCHAAD, La consorité en procédure civile, 1993, p. 389).  
A cela s'ajoute que, comme pour l'annulation du congé (art. 273 al. 1 CO), un délai de péremption doit être observé pour la contestation de la hausse de loyer (art. 270b CO) et pour la demande de baisse de loyer (art. 270a al. 2 CO), ce qui soumet le colocataire demandeur à une contrainte de temps, qui, selon les circonstances, pourra faire obstacle à l'action conjointe et, partant, justifie qu'il puisse agir seul pour préserver ses droits (cf. STRIK, op. cit., n. 40 p. 17, qui signale lui-même cette contrainte). 
 
2.4. Il résulte des considérations qui précèdent qu'on ne saurait suivre la recourante lorsqu'elle reproche à l'autorité cantonale d'avoir admis un tempérament à l'action conjointe et ainsi violé l'art. 70 al. 1 CPC.  
L'argument qu'elle soulève pour asseoir sa thèse est similaire à celui évoqué par STRIK : la recourante se limite à affirmer que " l'on conçoit (...) difficilement qu'un colocataire puisse s'opposer à une baisse de son loyer ", pour en inférer d'emblée qu'" ainsi l'accord de tous doit non seulement être nécessaire, mais [qu']ils doivent agir ensemble au vu de la consorité nécessaire qu'ils forment ". Comme on vient de le voir, cet argument ne permet toutefois pas d'écarter le risque que le consort réticent mette en danger les intérêts de son partenaire. 
Enfin, on ne saurait suivre la recourante lorsqu'elle affirme que le nom de C.________ a " simplement été mentionné dans la demande de conciliation et dans les différents actes qui ont suivi ". Selon les constatations cantonales, qui lient le Tribunal fédéral (art. 105 al. 1 LTF), la demanderesse a assigné le colocataire aux côtés de la bailleresse, tant dans sa demande de conciliation du 27 octobre 2016 que dans sa demande au fond du 24 mai 2017. 
Le moyen est dès lors infondé. 
 
3.   
Dans un deuxième grief tiré de la violation des art. 269, 269a et 270a CO, la recourante considère que la cour cantonale aurait dû refuser d'appliquer la méthode absolue. Elle rappelle que le Tribunal fédéral s'est interrogé sur l'opportunité d'appliquer celle-ci lorsque l'immeuble sort du contrôle étatique (cf. ATF 142 III 568) et, sans autre explication, en infère qu'il " faut considérer que la méthode absolue ne peut être appliquée en l'espèce pour justifier une baisse de loyer et que par conséquent la méthode relative doit être appliquée ". 
 
3.1. Par arrêt du 25 septembre 2014, la Ire Cour de droit public du Tribunal fédéral a, pour la première fois, tranché la question de savoir si l'art. 269 CO s'applique aux locaux d'habitations en faveur desquels des mesures d'encouragement ont été prises par les pouvoirs publics et pendant la période où le loyer est soumis à un contrôle d'une autorité (ci-après : les loyers contrôlés). Elle a confirmé l'application de cette disposition légale et, partant, retenu que les autorités administratives ne peuvent pas autoriser des loyers procurant au bailleur un rendement excessif des fonds propres investis dans l'immeuble ou résultant d'un prix d'achat manifestement exagéré (arrêt 1C_500/2013 consid. 2.3 publié in SJ 2015 I p. 205).  
Après avoir évoqué ce précédent et relevé que les loyers contrôlés sont susceptibles de recours auprès d'une autorité judiciaire par les deux parties au contrat de bail, la Ire Cour de droit civil du Tribunal fédéral s'est demandée si la méthode absolue s'impose réellement après le passage d'un régime à l'autre ou si l'habituelle méthode relative n'est pas suffisamment appropriée; celle-ci permet en effet au juge civil de tenir compte de toutes les évolutions intervenues depuis la dernière fixation du loyer par l'autorité administrative, y compris l'éventuelle perte de certaines prestations publiques par le bailleur. Les juges fédéraux ont finalement laissé la question ouverte (ATF 142 III 568 consid. 1.4 p. 574 s.). 
 
3.2. Il s'agit maintenant de trancher cette question.  
 
3.2.1. Dans la perspective du bailleur, il convient d'emblée de rappeler que, si (pendant la période de contrôle) l'autorité administrative ne peut autoriser un loyer dont le rendement est excessif, cela ne signifie pas encore que ce loyer soit suffisant. Une fois l'immeuble sorti du contrôle étatique, il s'impose dès lors de permettre au bailleur de procéder au calcul de rendement (devant le juge civil) pour qu'il puisse, le cas échéant, fixer un loyer supérieur, en respectant le cadre fixé par l'art. 269 CO (cf. PATRICIA DIETSCHY-MARTENET, Méthode applicable en cas de sortie d'un contrôle étatique du loyer, Newsletter Bail.ch octobre 2016 ch. III; KOLLER/STRIK, commentaire in RSJB 2018 p. 246; LACHAT, op. cit. Le bail à loyer, p. 696 et note 130).  
 
3.2.2. Dans la perspective du locataire, la Cour de céans a eu l'occasion de relever, dans un  obiter dictum, qu'il était vraisemblable qu'un calcul de rendement aboutisse généralement à la fixation d'un loyer supérieur à celui soumis au contrôle administratif (sur le constat, cf. arrêt 4C.291/2001 du 9 juillet 2002 consid. 2b/gg). Depuis 2002, ce constat a toutefois été remis en question et la doctrine spécialisée a fait état de nombreux cas dans lesquels le calcul de rendement entrepris à la sortie du contrôle étatique a conduit - de manière paradoxale - à un loyer inférieur à celui fixé précédemment durant la période de contrôle (pour Genève : DAVID LACHAT, Commentaire de l'arrêt 4A_559/2015 du 22 août 2016, destiné à la publication, Cahiers du bail 4/16 p. 124, note 113; cf. aussi LACHAT, op. cit. Le bail à loyer, p. 699, note 151). On ne saurait dès lors exclure purement et simplement ce cas de figure favorable au locataire et, partant, lui refuser une méthode de calcul (fondée sur le rendement) dont le bailleur peut, lui, bénéficier.  
Il n'importe que l'on ne sache pas, sur la base des constatations cantonales, si l'autorité administrative a déjà pu (ou non) contrôler le rendement net de l'appartement et, si oui, en fonction de quels critères. D'une part, il demeure que l'application de la méthode absolue répond ici à un besoin concret du locataire puisque, selon le calcul entrepris par le juge civil (magistrats cantonaux), le rendement est effectivement excessif. D'autre part et de manière plus générale, le contrôle par le juge civil reste quoi qu'il en soit utile puisque la sortie du contrôle étatique (concrétisée le 31 décembre 2016) a eu lieu avant que le Conseil d'Etat ne prenne les mesures d'adaptation nécessaires suite au prononcé de l'arrêt 1C_500/2013 (arrêté du 21 février 2018 fixant les rendements admissibles pour les nouveaux immeubles contrôlés; cf. arrêt ATA/59/2019 de la Chambre administrative de la Cour de justice du 22 janvier 2019 consid. 7); or, selon la doctrine spécialisée, le critère du rendement excessif était alors, en pratique, difficilement transposable aux loyers des logements contrôlés par l'Etat (sur le constat, à Genève, cf. BELLANGER/DÉFAGO GAUDIN, Les loyers contrôlés par l'Etat peuvent-ils être abusifs ?, SJ 2015 I p. 214 ss; DAVID LACHAT, Commentaire de l'arrêt 1C_500/2013, Cahiers du bail 4/16 p. 123 s.); cela étant, on ne saurait raisonnablement refuser au locataire de faire procéder au contrôle de son loyer (en fonction du rendement net), une fois que l'immeuble est sorti du contrôle cantonal des loyers et que le juge civil peut appliquer, sans aucune restriction, l'art. 269 CO prévu initialement pour les " loyers libres " (cf. arrêt 1C_500/2013 déjà cité consid. 3.2.2 qui signale que le locataire, comme le bailleur, peuvent encore, à la sortie du contrôle de l'Etat, invoquer la méthode absolue de fixation du loyer pour en vérifier la compatibilité avec l'art. 269 CO). 
 
3.2.3. Cet avis est partagé par la très large majorité des auteurs qui se sont exprimés sur cette question (DIETSCHY-MARTENET, op. cit., ch. III; LA MÊME, Note sur l'arrêt 4A_559/2015, DB 2016 p. 43; KOLLER/STRIK, p. 245 s.; SARAH BRUTSCHIN, Mietrecht für die Praxis, 9e éd. 2016, n. 21.7.6.2 p. 596; DAVID LACHAT, in Commentaire romand, Droit des obligations vol. I, 2e éd. 2012, no 5 ad Intro. art. 269-270e CO; parlant des " parties ", cf. FRANÇOIS BOHNET, in Droit du bail à loyer et à ferme, Commentaire pratique, Bohnet/Carron/Montini [éd.], 2e éd. 2017, no 15 ad Intro. art. 269-270e CO; mettant en évidence l'opinion de Dietschy-Martenet : DANIEL KINZER, La surveillance et le contrôle des loyers dans le temps, in Imprescriptibilité, contrôle et responsabilité, 2018, p. 111 s. et note 107, qui n'exclut pas que les loyers contrôlés servent de référence au moins lorsqu'il a été tenu compte de l'art. 269 CO lors d'adaptations de loyers proches de la sortie; apparemment d'un autre avis : HULLIGER/HEINRICH, Handkommentar zum Schweizer Privatrecht, 3e éd. 2016, no 2 ad art. 270a CO qui, bien que citant explicitement l'arrêt 4C.291/2001, op. cit., consid. 2b/gg, ne mentionnent pas que, selon cet arrêt, le locataire a la possibilité d'invoquer la méthode absolue après la sortie de l'immeuble du contrôle étatique).  
En conclusion, il convient d'admettre que tant le bailleur que le locataire peuvent, malgré le changement de régime rappelé plus haut (cf. supra consid. 3.1) se prévaloir, devant le juge civil, de la méthode absolue (calcul du rendement net). 
 
3.3. En l'occurrence, il n'est pas contesté que l'immeuble, construit en 1919, appartenait à la catégorie des habitations à loyers modérés (HLM) jusqu'au 31 décembre 2016 et que cette catégorie est soumise au contrôle de l'Etat. L'immeuble étant sorti de ce contrôle, c'est donc à bon droit que les juges cantonaux ont autorisé le locataire à procéder au calcul de rendement de son appartement.  
Le grief soulevé à cet égard est infondé. 
 
4.   
Invoquant la violation des art. 269, 269a, 270a et 854 CO, la recourante reproche à la cour cantonale d'avoir ignoré le statut particulier des coopérateurs-locataires, qui aurait dû la conduire, selon elle, à respecter les clauses prévues dans les statuts de la coopérative et à refuser d'appliquer mécaniquement la méthode absolue. 
L'intégralité de l'argumentation repose sur la prémisse selon laquelle un coopérateur-locataire n'aurait pas les mêmes droits en matière de contestation du loyer abusif qu'un locataire ordinaire. 
Il est pourtant de jurisprudence que les normes relatives à la contestation des loyers abusifs s'appliquent aux locaux d'habitation remis à bail par des coopératives à leurs membres, lorsque celles-ci ne sont pas (ou plus) soumises à un contrôle étatique (cf. art. 253b al. 3 CO  a contrario; ATF 134 III 159 consid. 5 p. 161 ss).  
La recourante fait grand cas de l'art. 39 des statuts de la coopérative qui prévoit que le loyer doit tenir compte des revenus des habitants. Elle en infère que seul le conseil d'administration est compétent pour décider comment ce loyer doit être déterminé. Elle feint d'ignorer que l'art. 39 des statuts doit être interprété conformément au droit fédéral, ce qui implique que, même si le coopérateur-locataire dispose d'un revenu important, le conseil d'administration ne saurait fixer un loyer abusif selon l'art. 269 CO. Le texte de l'art. 39 des statuts garde toutefois son utilité puisqu'il permet au conseil d'administration de fixer le loyer en fonction des revenus des coopérateurs dans la limite du loyer admissible selon l'art. 269 CO (double plafond). 
Lorsque la recourante prétend que tous les voisins coopérateurs de la locataire ont un loyer tenant compte de leurs revenus, elle se réfère à un point de fait étranger à l'arrêt cantonal, de sorte qu'il n'y a pas lieu de s'y arrêter. 
Enfin, on ne saurait suivre la recourante lorsqu'elle prétend que tous les loyers devraient déjà être fixés en fonction des revenus de chacun des coopérateurs et que ce n'est qu'ensuite qu'il conviendrait d'examiner si le rendement global de l'immeuble (totalité des loyers) est ou non excessif. Elle s'écarte de la méthode ancrée à l'art. 269 CO selon laquelle il s'agit de déterminer le loyer admissible de la chose louée, c'est-à-dire appartement par appartement (arrêt 4A_239/2018 du 19 février 2019 consid. 5.2.2). 
Le moyen, dans la mesure où il est recevable, est infondé. 
 
5.   
Dans un ultime moyen, la recourante s'attaque au calcul du rendement effectué par les juges cantonaux, insistant sur le fait que les juges cantonaux ne disposaient pas de toutes les données nécessaires à un tel calcul. 
La recourante relève en particulier que les juges cantonaux se sont basés sur les fonds propres investis au 30 juin 2016 (et non au 19 septembre 2016, le jour de la demande de baisse de loyer) et que le calcul des charges n'a été fait que sur la base des chiffres au 30 juin 2015 et au 30 juin 2016 (soit sur moins de cinq ans). Elle omet toutefois de rappeler qu'elle était à même de produire les pièces requises et qu'elle a toujours refusé de les fournir, sans donner aucun motif valable (cf. arrêt entrepris consid. 3.2.2 p. 12). Elle ne saurait aujourd'hui se plaindre de " lacunes ", qui lui sont en réalité imputables. 
Enfin, la recourante se plaint de ce que le calcul des juges cantonaux ne tient pas compte du fait que la coopérative ne disposait plus de réserves. Elle n'explique toutefois pas en quoi ce constat influencerait le calcul de rendement et ne fournit aucune motivation permettant de comprendre le motif pour lequel les juges cantonaux auraient ainsi violé le droit. La critique est irrecevable. 
 
6.   
Il résulte des considérations qui précèdent que le recours en matière civile doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. 
Les frais et dépens de la procédure fédérale sont mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 66 al. 1 et 68 al. 1 et 2 LTF). 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce : 
 
1.   
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.   
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3.   
La recourante versera à l'intimée une indemnité de 2'500 fr. à titre de dépens. 
 
4.   
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Cour de justice du canton de Genève, Chambre des baux et loyers, et à C.________. 
 
 
Lausanne, le 21 avril 2020 
 
Au nom de la Ire Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Kiss 
 
Le Greffier : Piaget