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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
6B_481/2011 
 
Arrêt du 21 novembre 2011 
Cour de droit pénal 
 
Composition 
MM. et Mme les Juges Mathys, Président, 
Schneider et Jacquemoud-Rossari. 
Greffière: Mme Kistler Vianin. 
 
Participants à la procédure 
Ministère public de l'Etat de Fribourg, case postale 156, 1702 Fribourg, 
recourant, 
 
contre 
 
X.________, représenté par Philippe Leuba, avocat, 
intimé. 
 
Objet 
Arbitraire dans l'établissement des faits (art. 9 Cst.), 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg, Cour d'appel pénal, du 30 mai 2011. 
 
Faits: 
 
A. 
Par jugement du 17 juin 2010, le Tribunal pénal de la Sarine a reconnu X.________ coupable de crime contre la loi fédérale sur les stupéfiants. Il l'a condamné à une peine privative de liberté ferme de 24 mois, peine partiellement complémentaire à celle qu'il lui avait infligée le 23 juin 2008, sous déduction de la détention avant jugement. Il a révoqué le sursis accordé le 23 juin 2008, qui portait sur une peine privative de liberté de 26 mois prononcée notamment pour escroquerie, contrainte, séquestration et crime contre la loi fédérale sur les stupéfiants. 
 
En bref, les premiers juges ont retenu à la charge de X.________ les faits suivants : 
- un trafic de marijuana et de cocaïne avec A.________, 
- l'achat d'environ 9 kilos de chanvre à B.________, entre la fin 2007 et la fin 2008, 
- la détention de 6 kilos de marijuana dans sa cave, depuis une date comprise entre fin avril et fin septembre 2008, jusqu'à sa découverte par la police en octobre 2009, 
- la vente à C.________, au début 2009, de 500 grammes de marijuana, 
- la culture, dans un fortin militaire à Charmey, de chanvre indoor, en 2009, dans le but de récolter 1 kilo de marijuana. 
 
B. 
Par arrêt du 30 mai 2011, la Cour d'appel pénal du Tribunal cantonal du canton de Fribourg a admis partiellement le recours formé par X.________ et réformé le jugement de première instance. Elle a acquitté X.________, au bénéfice du doute, du chef de prévention de crime contre la loi fédérale sur les stupéfiants, pour la remise de cocaïne et de marijuana à A.________ et réduit en conséquence la peine privative de liberté ferme à quinze mois. Pour le surplus, elle a maintenu le jugement de première instance. 
 
C. 
Contre cet arrêt cantonal, le Ministère public fribourgeois dépose un recours en matière pénale devant le Tribunal fédéral. Dénonçant l'arbitraire dans l'établissement des faits en relation avec la remise de cocaïne à A.________, il conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué et à la confirmation de la peine prononcée par le juge de première instance, subsidiairement au renvoi de la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision. 
 
X.________ dépose également un recours en matière pénale devant le Tribunal fédéral. 
 
Il n'a pas été ordonné d'échange d'écritures. 
 
Considérant en droit: 
 
1. 
Le recourant reproche à la cour cantonale d'être tombée dans l'arbitraire, en acquittant X.________, au bénéfice du doute, du chef de prévention d'infraction à la LStup, pour la remise de cocaïne et de marijuana à A.________ dénoncée par E.________. 
 
1.1 Le Tribunal fédéral est un juge du droit. Il ne peut revoir les faits établis par l'autorité précédente que si ceux-ci l'ont été de manière manifestement inexacte (art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF), c'est-à-dire arbitraire. En matière d'appréciation des preuves et d'établissement des faits, il y a arbitraire lorsque l'autorité ne prend pas en compte, sans aucune raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'elle se trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou encore lorsque, en se fondant sur les éléments recueillis, elle en tire des constatations insoutenables (ATF 129 I 8 consid. 2.1 p. 9 ; sur la notion d'arbitraire en général, cf. par ex. ATF 137 I 1 consid. 2.4 p. 5; 136 III 552 consid. 4.2 p. 560 ; 135 V 2 consid. 1.3 p. 4/5; 134 I 140 consid. 5.4 p. 148; 133 I 149 consid. 3.1 p. 153 et les arrêts cités). Lorsque l'autorité cantonale a acquitté un prévenu, au motif qu'elle n'était pas convaincue de sa culpabilité, il ne suffit pas de citer l'un ou l'autre élément du dossier en défaveur de l'accusé. Il n'y a arbitraire que si la culpabilité de l'accusé s'impose à ce point que les doutes éprouvés par l'autorité cantonale apparaissent insoutenables. 
 
Le grief d'arbitraire doit être invoqué et motivé de manière précise (art. 106 al. 2 LTF). Le recourant doit exposer, de manière détaillée et pièces à l'appui, que les faits retenus l'ont été d'une manière absolument inadmissible, et non seulement discutable ou critiquable. Il ne saurait se borner à plaider à nouveau sa cause, contester les faits retenus ou rediscuter la manière dont ils ont été établis comme s'il s'adressait à une juridiction d'appel (ATF 133 IV 286). Le Tribunal fédéral n'entre pas en matière sur les critiques de nature appellatoire (ATF 133 III 393 consid. 6 p. 397). 
 
1.2 Aux termes de l'art. 219 ancien CPP/FR, la cour d'appel peut étendre ou répéter la procédure probatoire dans la mesure où cela paraît nécessaire à l'appréciation de la cause (al. 1). Sauf en cas d'erreur manifeste ou d'appréciation arbitraire des preuves dans le jugement attaqué, la cour d'appel ne peut s'écarter, sur les points essentiels de la cause, de l'état de fait établi en première instance sans avoir administré à nouveau les preuves s'y rapportant (al. 2). 
 
Il ressort donc de cette disposition que la cour d'appel doit nécessairement procéder à une nouvelle administration des preuves lorsqu'elle veut s'écarter, sur des points essentiels, de l'état de fait établi par le juge de première instance, c'est-à-dire si les éléments retenus ont été déterminants dans la formation de la conviction de ce juge. Elle peut en revanche s'écarter sans autre du jugement de première instance en cas d'erreur manifeste ou d'appréciation arbitraire des preuves dans le jugement de première instance ou lorsqu'elle n'est en présence que d'un point secondaire qui ne joue pas un rôle déterminant (GILBERT KOLLY, L'appel en procédure pénale fribourgeoise, RFJ 1998 p. 290 s.; DAMIEN PILLER/CLAUDE POCHON, Commentaire du Code de procédure pénale du canton de Fribourg, Fribourg 1998, p. 337). 
 
L'idée à la base de l'art. 219 ancien CPP/FR semble être que les juges d'appel ne doivent pas s'écarter d'une appréciation à première vue défendable des premiers juges sans être aussi bien informés qu'eux. L'obligation d'administrer une nouvelle fois les preuves ne peut donc que se rapporter à des preuves que les premiers juges ont eux-mêmes déjà administrées. Par contre, si les premiers juges se sont fondés sur des preuves figurant au dossier, il n'y a pas de motif que les juges d'appel ne puissent pas également se prononcer sur la base du dossier, et serait-ce dans un sens contraire (KOLLY, op. cit., p. 291; arrêt du 26 mai 2003 du Tribunal fédéral, 1P.158/2003). 
 
1.3 Les premiers juges ont retenu, en fait, que X.________ avait remis à A.________ deux sacs de 20 à 30 cm de marijuana. Il avait procuré, à une seconde reprise, un paquet de la taille d'une balle de tennis de cocaïne et un deuxième paquet de cocaïne, allongé, d'une dizaine de cm de longueur à A.________ au printemps 2009. Au bénéfice du doute, le tribunal a retenu une quantité minimale de 100 grammes pour la balle, le poids du second paquet allongé n'ayant pas été estimé (jugement de première instance p. 17). 
Les déclarations de E.________ sont le seul élément à charge concernant ce trafic. Celui-ci a impliqué X.________ dans un trafic de cocaïne et de marijuana avec A.________, lorsqu'il a dénoncé ce dernier pour agression le 26 juin 2009. Dans un premier temps, il n'a pas donné de détails sur ce trafic, parce que son audition avait pour but de dénoncer l'agression commise sur sa personne par A.________, mais ses déclarations se sont ensuite complétées et affinées au fil des interrogatoires. C'est lors de son audition devant le juge d'instruction le 16 décembre 2009 qu'il a fait les déclarations les plus précises. 
 
Les premiers juges, qui n'ont pas entendu le témoin, mais qui se sont fondés sur les procès-verbaux d'audition, ont considéré que ses déclarations étaient crédibles pour plusieurs raisons : elles étaient empreintes de réserves, motivées par sa peur de représailles, ce qui était plausible vu les méthodes musclées de X.________, qui lui ont valu des condamnations antérieures pour extorsion et séquestration. Il était tout à fait plausible qu'il ait été le témoin d'un transfert de stupéfiants, dans la mesure où il avait déclaré que A.________ - pour qui il avait déjà travaillé - lui avait proposé de vendre de la marchandise pour lui et X.________. Lors de son audition par la police à Marsens, dans un cadre protégé, le témoin avait pu se sentir plus libre de faire des déclarations précises, d'autant qu'il avait indiqué qu'auparavant il n'avait pas tout dit de peur d'avoir des problèmes. Enfin, le témoin n'avait aucune raison de charger à tort X.________, qu'il connaissait de plus suffisamment pour savoir qu'il se trouvait en semi-détention à l'époque. A l'inverse, X.________ n'était pas crédible, dès lors qu'il avait commencé par nier tous les faits qui lui étaient reprochés, en criant à la machination policière, avant de reconnaître petit à petit que, dans trois cas, les déclarations faites contre lui par des témoins étaient véridiques. 
 
1.4 La cour cantonale a également renoncé à entendre E.________, ses déclarations lors de l'enquête ayant été tellement floues et peu constantes (arrêt attaqué p. 5), mais a analysé les procès-verbaux d'audition établis par la police et le juge d'instruction. Après avoir relevé que le témoin ne s'était pas chargé lui-même, elle a considéré que ses accusations, qui n'avaient été portées à l'encontre de l'intimé que tardivement, n'étaient pas suffisamment précises et détaillées pour fonder une condamnation. Ainsi, le témoin était resté vague sur les dates des transferts de drogue, le nombre des paquets remis et les quantités de drogues, se contentant de décrire la forme et la taille des paquets. Il n'avait fourni aucun détail sur les circonstances périphériques - telles le moment de la journée ou la raison pour laquelle il se trouvait dans l'appartement de A.________ - des actes dont il a affirmé avoir été le témoin. Ayant simplement vu à une certaine distance les paquets transmis de X.________ à A.________, il ne pouvait être certain qu'ils contenaient de la cocaïne, et non du produit de coupage par exemple. Enfin, la cour cantonale a relevé que la peur avancée par les premiers juges pour expliquer les atermoiements du témoin dans ses accusations peinait à la convaincre. En effet, l'agression dont E.________ avait fait l'objet était le fait de A.________, même si celui-ci et l'intimé étaient liés. Or, il n'avait pas hésité à dénoncer A.________ et à le charger auprès de la police, de sorte qu'on ne saurait expliquer pourquoi il n'aurait pas osé dénoncer X.________. En outre, le fait qu'il était en pleurs au terme de son audition par le juge d'instruction n'était pas non plus un indice de crédibilité, dans la mesure où il pouvait s'attirer des ennuis aussi bien s'il avait dit la vérité que s'il avait menti. 
 
Le recourant a produit des pièces établies pour la procédure pénale dirigée contre A.________. La cour cantonale a considéré que celles-ci ne lui permettaient pas de lever ses doutes, bien au contraire. Ainsi, lors d'une conversation téléphonique (pièce 2'094 du dossier A.________), E.________, avouant avoir menti, s'est déclaré prêt, moyennant paiement d'une somme d'argent, à aller voir la police pour modifier ses déclarations à l'encontre de A.________ et de X.________. En outre, le responsable du foyer où E.________ réside a déclaré ce qui suit : « ... nous faisons assez attention à ce qu'il dit, parce qu'il est déjà arrivé plusieurs fois qu'il se porte comme victime, alors qu'il est l'auteur des faits (...). Je dois dire qu'il a des problèmes psychiques et qu'il prend beaucoup de médicaments » (pièce 2135 du dossier A.________). 
 
1.5 Dans son mémoire, le recourant renvoie, d'abord, à un jugement du 22 mars 2011, rendu dans l'affaire A.________. Dans ce jugement, le tribunal de première instance aurait considéré E.________ comme crédible. Ce moyen est infondé. En effet, le fait qu'un tribunal a considéré un témoin crédible sur certains faits ne signifie pas que les doutes exprimés par un autre tribunal sur la crédibilité du même témoin concernant des faits différents sont arbitraires. 
 
Le recourant fait valoir que le témoin a tardé à dénoncer l'intimé par peur de représailles. Il se contente, par là, de reprendre la motivation des premiers juges, sans expliquer en quoi l'interprétation de la cour cantonale est arbitraire. Les trois témoignages cités, qui concernent avant tout A.________, n'apportent pas d'argument nouveau. 
 
Le recourant renvoie à un arrêt du 8 mars 2010 de la Chambre pénale du Tribunal cantonal fribourgeois qui refusait de mettre en liberté l'intimé et qui déclarait alors qu'elle ne voyait aucune raison de mettre en doute les déclarations constantes de E.________ pour le simple motif que X.________ les contestait. Cette simple constatation, faite avant jugement, ne saurait lier l'autorité de jugement. Dans la mesure où le recourant affirme que les déclarations à charge de E.________ sont détaillées, constantes et, donc, vraies, son argumentation est purement appellatoire et, partant, irrecevable. 
 
Enfin, le recourant fait valoir que la cour cantonale a mal interprété la conversation téléphonique produite en seconde instance (pièce 2'094 du dossier A.________). Il soutient que A.________ et le frère de l'intimé ont fait en sorte que E.________ modifie ses déclarations, et cite à cet égard des procès-verbaux d'audition. Il s'agit d'une version, que le recourant qualifie de la « version la plus vraisemblable ». Cela ne signifie toutefois pas encore que la version de la cour cantonale est fausse et que ses doutes sont arbitraires. 
 
1.6 La cour cantonale a repris en détail les déclarations du témoin, figurant au dossier. Elle a expliqué que celles-ci manquaient de précision, notamment quant aux dates, aux quantités de drogue remise et au nombre de transactions, de sorte qu'elles ne pouvaient pas emporter sa conviction. Elle a ajouté que la peur avancée par les premiers juges pour expliquer les atermoiements du témoin ne la convainquait guère et que les éléments nouveaux apportés au dossier après le premier jugement allaient plutôt dans le sens d'un renforcement de ses doutes. La motivation de la cour cantonale est convaincante. En effet, la condamnation à une infraction doit reposer sur des éléments étayés et précis et non sur de vagues accusations. Compte tenu des zones d'ombre existant sur le déroulement des faits, les doutes exprimés par la cour cantonale ne sont pas insoutenables. 
 
2. 
Le recours doit ainsi être rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
Conformément à l'art. 66 al. 4 LTF, il n'est pas réclamé de frais au Ministère public qui succombe. 
 
Il n'y a pas lieu d'allouer d'indemnité de dépens à l'intimé qui n'a pas déposé de mémoire dans la procédure devant le Tribunal fédéral. 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
 
1. 
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2. 
Il n'est pas perçu de frais judiciaires, ni alloué d'indemnité de dépens. 
 
3. 
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg, Cour d'appel pénal. 
 
Lausanne, le 21 novembre 2011 
 
Au nom de la Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président: Mathys 
 
La Greffière: Kistler Vianin