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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
4A_234/2022  
 
 
Arrêt du 21 novembre 2022  
 
Ire Cour de droit civil  
 
Composition 
Mmes et M. les Juges fédéraux 
Hohl, Présidente, Kiss, Niquille, Rüedi et May Canellas. 
Greffier : M. Douzals. 
 
Participants à la procédure 
1. A.A.________, 
2. B.A.________, 
tous deux représentés par Me François Bohnet, avocat, 
recourants, 
 
contre  
 
C.C.________, 
représentée par Me Hüsnü Yilmaz, avocat, 
intimée. 
 
Objet 
procédure de protection dans les cas clairs (art. 257 CPC); cumul de l'action en expulsion du locataire (art. 257d CO) et de l'action en paiement des montants en retard contre le nouveau locataire et l'ancien locataire, débiteurs solidaires (art. 263 al. 4 CO), 
 
recours en matière civile contre l'arrêt rendu le 2 mai 2022 par la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel (CACIV.2022.26). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. Le 14 septembre 2017, C.C.________, née C.D.________, a pris à bail auprès de A.A.________ et de B.A.________ (ci-après: les bailleurs, les demandeurs ou les recourants) des locaux à usages d'appartement et de bar sis à La Chaux-de-Fonds dès le 1er novembre 2017. Selon un avenant conclu le même jour, le loyer mensuel de l'appartement s'élevait à 850 fr., charges de 250 fr. en sus, et celui du bar à 2'300 fr., plus 750 fr. de charges.  
Le bail devait prendre fin le 31 octobre 2027 et était renouvelable de cinq ans en cinq ans sauf avis de résiliation donné au moins un an à l'avance. 
 
A.b. Le 22 janvier 2020, C.C.________, née C.D.________ (ci-après: l'ancienne locataire, la défenderesse ou l'intimée), D.C.________ (ci-après: le nouveau locataire ou le défendeur) et la gérance représentant les bailleurs (ci-après: la gérance) ont signé un avenant au contrat de bail aux termes duquel le bail était repris avec tous ses droits et ses obligations par le nouveau locataire dès le 1er février 2020, l'ancienne locataire " a[yant] connaissance qu'elle rest[ait] codébitrice solidaire du bail jusqu'au 31 janvier 2022, selon l'art. 263 CO al. 4 [sic] ".  
 
A.c. Le 27 août 2021, la gérance a informé séparément l'ancienne locataire et le nouveau locataire à leurs adresses respectives, soit, pour celui-ci, à l'adresse de son appartement et du bar, que les retards dans le paiement des loyers totalisaient 19'500 fr. et les a mis en demeure de lui verser ce montant dans les 30 jours, à défaut de quoi le bail serait résilié.  
Le 29 septembre 2021, la gérance a signifié séparément au nouveau locataire et à l'ancienne locataire, à leurs adresses respectives, un avis de résiliation du bail pour le 31 octobre 2021 motivé par le défaut de paiement du loyer. 
Au 31 octobre 2021, le nouveau locataire avait déjà quitté les lieux et restitué les clés, qui ont été remises à la gérance. Il a toutefois laissé sur place de nombreux objets. 
 
B.  
Le 15 décembre 2021, les bailleurs ont saisi le Tribunal civil des Montagnes et du Val-de-Ruz d'une requête en expulsion et en paiement par la voie du cas clair contre le nouveau locataire et l'ancienne locataire. En substance, ils ont conclu à ce que le tribunal fixât un délai de sept jours au nouveau locataire pour qu'il débarrasse les locaux, faute de quoi les meubles seraient directement évacués par la voirie et détruits, et à ce qu'il condamnât solidairement le nouveau locataire et l'ancienne locataire à leur payer 37'100 fr. et 138 fr. par jour dès le 1er janvier 2022, et ce jusqu'à la date d'enlèvement des meubles se trouvant dans les locaux. 
Le 16 décembre 2021, le conseil de l'ancienne locataire a attiré l'attention du tribunal sur le fait que le nouveau locataire résidait depuis août 2021en Turquie et a fourni son adresse. Celui-ci a été cité à l'adresse du bar et de l'appartement et n'a pas été effectivement atteint par dite citation (complètement selon l'art. 105 al. 2 LTF). 
Par décision du 4 mars 2022, le tribunal a entièrement admis la requête des bailleurs. Le 8 mars 2022, il a notifié sa décision au nouveau locataire par voie édictale (complètement selon l'art. 105 al. 2 LTF). 
Par arrêt du 2 mai 2022, la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel a admis l'appel de l'ancienne locataire, a annulé la décision entreprise également en tant qu'elle concerne le nouveau locataire et n'est pas entrée en matière sur la requête des bailleurs. 
Premièrement, en ce qui concerne la condition de l'art. 257 al. 1 let. a CPC, la cour cantonale, considérant que l'ancienne locataire, débitrice solidaire, qui n'est pas en mesure de prouver que le nouveau locataire a payé les loyers en souffrance, ne peut être condamnée au paiement solidaire que si le nouveau locataire n'a effectivement pas payé ces loyers, a jugé que cette preuve ne pouvait être rapportée puisque le nouveau locataire n'avait pas pu se déterminer sur la requête dès lors que celle-ci ne lui avait été notifiée qu'à l'adresse de l'appartement et du bar, alors qu'il ne vivait plus à cette adresse et qu'en outre, il n'était pas prouvé que la totalité des montants réclamés dans la requête fût due dès lors que le loyer de juillet 2021 de l'appartement avait été partiellement payé selon l'avis comminatoire et qu'il était entièrement réclamé dans la requête. De plus, le fait du non-paiement par le nouveau locataire ne pouvait être établi sans retard dès lors qu'il était " domicilié " en Turquie et qu'il fallait procéder par la voie de l'entraide judiciaire en matière civile; par ailleurs, le jugement de première instance ne lui avait pas été communiqué régulièrement. La cour cantonale a jugé qu'une entrée en matière partielle est exclue. 
Deuxièmement, examinant la condition de l'art. 257 al. 1 let. b CPC, la cour cantonale a jugé qu'il n'était pas clair que la solidarité découlant de l'art. 263 al. 4 CO - qui traite des locaux commerciaux - pût s'appliquer aussi aux loyers de l'appartement, alors que les parties avaient fixé des loyers distincts pour l'appartement et le bar et que ces deux objets ne formaient donc pas un tout. La résolution de cette question nécessitant un pouvoir d'appréciation, la requête en cas clair a été jugée irrecevable, une entrée en matière partielle étant de surcroît exclue. 
Troisièmement, toujours en ce qui concerne la condition de la situation juridique claire, la cour cantonale a considéré que, même si l'ancienne locataire devait être responsable des indemnités pour occupation illicite, cette durée ne devait pas excéder deux ans selon l'art. 263 al. 4 CO. La requête qui tend à obtenir la condamnation de l'ancienne locataire à payer au-delà du 31 janvier 2022 et à supporter également les frais d'exécution forcée, dont on ne voit pas sur quelle base légale ils pourraient être mis à sa charge, n'est pas claire. À nouveau, la cour cantonale a écarté la procédure de protection dans les cas clairs dès lors qu'il ne pouvait y être fait droit que dans son ensemble. 
 
C.  
Contre cet arrêt, qui leur avait été notifié le 4 mai 2022, les bailleurs ont formé un recours en matière civile le 25 mai 2022. En substance, ils concluent à ce que l'arrêt entrepris soit annulé et réformé, en ce sens que leur requête soit admise. S'agissant des loyers impayés, ils concluent subsidiairement à ce que le nouveau locataire soit condamné à leur verser 37'100 fr. et que, sur cette somme, l'ancienne locataire soit condamnée solidairement à leur verser 30'500 fr. 
L'intimée conclut à l'irrecevabilité du recours et, subsidiairement, à son rejet. 
La cour cantonale se réfère à son arrêt. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Interjeté dans le délai fixé par la loi (art. 100 al. 1 LTF) par les demandeurs, qui ont succombé dans leurs conclusions (art. 76 al. 1 LTF), et dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) rendue sur appel par le tribunal supérieur du canton de Neuchâtel (art. 75 LTF) dans une affaire civile de droit du bail (art. 72 al. 1 LTF) dont la valeur litigieuse dépasse 15'000 fr. (art. 74 al. 1 let. a LTF; cf. ATF 144 III 346 consid. 1.2.1 et 1.2.2.3), le recours en matière civile est en principe recevable. 
 
2.  
 
2.1. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en écarter que si ces faits ont été établis de façon manifestement inexacte - ce qui correspond à la notion d'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 140 III 115 consid. 2; 137 I 58 consid. 4.1.2; 137 II 353 consid. 5.1) - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF), et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF).  
Concernant l'appréciation des preuves, le Tribunal fédéral n'intervient, du chef de l'art. 9 Cst., que si le juge du fait n'a manifestement pas compris le sens et la portée d'un moyen de preuve, a omis sans raisons objectives de tenir compte des preuves pertinentes ou a effectué, sur la base des éléments recueillis, des déductions insoutenables (ATF 137 III 226 consid. 4.2; 136 III 552 consid. 4.2; 134 V 53 consid. 4.3; 133 II 249 consid. 1.4.3; 129 I 8 consid. 2.1). 
La critique de l'état de fait retenu est soumise au principe strict de l'allégation énoncé par l'art. 106 al. 2 LTF (ATF 140 III 264 consid. 2.3 et les références citées). La partie qui entend attaquer les faits constatés par l'autorité précédente doit expliquer clairement et de manière circonstanciée en quoi ces conditions seraient réalisées (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1 et les références citées). Si elle souhaite obtenir un complètement de l'état de fait, elle doit aussi démontrer, par des renvois précis aux pièces du dossier, qu'elle a présenté aux autorités précédentes, en conformité avec les règles de la procédure, les faits juridiquement pertinents à cet égard et les moyens de preuve adéquats (ATF 140 III 86 consid. 2). Si la critique ne satisfait pas à ces exigences, les allégations relatives à un état de fait qui s'écarterait de celui de la décision attaquée ne pourront pas être prises en considération (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1). Les critiques de nature appellatoire sont irrecevables (ATF 130 I 258 consid. 1.3). 
 
2.2. Saisi d'un recours en matière civile contre une décision rendue en procédure de protection dans les cas clairs, le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il revoit ainsi librement l'application de l'art. 257 CPC (art. 95 let. a LTF; ATF 138 III 728 consid. 3.2, 620 consid. 5), pour autant que le recours soit motivé conformément aux exigences de l'art. 42 al. 2 LTF (ATF 140 III 115 consid. 2). Toutefois, le Tribunal fédéral n'est lié ni par les motifs invoqués par les parties, ni par l'argumentation juridique retenue par l'autorité cantonale; il peut donc admettre le recours pour d'autres motifs que ceux invoqués par le recourant, comme il peut le rejeter en opérant une substitution de motifs (ATF 135 III 397 consid. 1.4; 134 III 102 consid. 1.1; 133 III 545 consid. 2.2).  
 
2.3. Les recourants ont cru bon de rappeler les faits pertinents de la cause. En tant qu'ils ne soutiennent ni n'établissent que l'état de fait constaté par la cour cantonale serait arbitraire, il ne sera pas tenu compte de cet exposé.  
 
3.  
La procédure de protection dans les cas clairs de l'art. 257 CPC permet d'obtenir rapidement une décision ayant l'autorité de la chose jugée et la force exécutoire lorsque la situation de fait et de droit n'est pas équivoque (ATF 138 III 620 consid. 5.1.1, avec référence au Message du 28 juin 2006 relatif au CPC, FF 2006 6959 ad art. 253; arrêt 4A_282/2015 du 27 juillet 2015 consid. 2.1). 
 
3.1. Aux termes de l'art. 257 al. 1 CPC, le tribunal admet l'application de la procédure sommaire de protection dans les cas clairs lorsque les conditions suivantes sont remplies: (a) l'état de fait n'est pas litigieux ou est susceptible d'être immédiatement prouvé et (b) la situation juridique est claire. En revanche, si ces conditions ne sont pas remplies, le tribunal n'entre pas en matière sur la requête (art. 257 al. 3 CPC). Le juge ne peut que prononcer son irrecevabilité; il est en effet exclu que la procédure puisse aboutir au rejet de la prétention du demandeur avec autorité de la chose jugée (ATF 144 III 462 consid. 3.1; 140 III 315 consid. 5).  
La procédure à suivre est la procédure sommaire des art. 248 ss CPC (art. 248 let. b CPC). Elle est régie par la maxime des débats (art. 55 al. 1 CPC), sauf dans les deux cas particuliers prévus par l'art. 255 CPC (lequel est réservé par l'art. 55 al. 2 CPC). Toutefois, dans l'application de cette maxime, il y a lieu de tenir compte des spécificités de la procédure de protection dans les cas clairs (ATF 144 III 462 consid. 3.2; arrêt 4A_218/2017 du 14 juillet 2017 consid. 3.1). 
 
3.2. La recevabilité de la procédure de protection dans les cas clairs est donc soumise à deux conditions cumulatives.  
 
3.2.1. Premièrement, l'état de fait n'est pas litigieux lorsqu'il n'est pas contesté par le défendeur; il est susceptible d'être immédiatement prouvé lorsque les faits peuvent être établis sans retard et sans trop de frais. En règle générale, la preuve est rapportée par la production de titres, conformément à l'art. 254 al. 1 CPC. La preuve n'est pas facilitée: le demandeur doit ainsi apporter la preuve certaine ( voller Beweis) des faits justifiant sa prétention; la simple vraisemblance ( Glaubhaftmachen) ne suffit pas. Si le défendeur fait valoir des objections et exceptions motivées et concluantes ( substanziiert und schlüssig), qui ne peuvent être écartées immédiatement et qui sont de nature à ébranler la conviction du juge, la procédure du cas clair est irrecevable (ATF 144 III 462 consid. 3.1; 141 III 23 consid. 3.2; 138 III 620 consid. 5.1.1 et les arrêts cités).  
 
3.2.2. Secondement, la situation juridique est claire lorsque l'application de la norme au cas concret s'impose de façon évidente au regard du texte légal ou sur la base d'une doctrine et d'une jurisprudence éprouvées (ATF 144 III 462 consid. 3.1; 138 III 123 consid. 2.1.2, 620 consid. 5.1.1, 728 consid. 3.3). En règle générale (cf. toutefois l'arrêt 4A_185/2017 du 15 juin 2017 consid. 5.4 et les références citées), la situation juridique n'est pas claire si l'application d'une norme nécessite l'exercice d'un certain pouvoir d'appréciation de la part du juge ou que celui-ci doit rendre une décision en équité, en tenant compte des circonstances concrètes de l'espèce (ATF 144 III 462 consid. 3.1; 141 III 23 consid. 3.2; 138 III 123 consid. 2.1.2; arrêt 4A_273/2012 du 30 octobre 2012 consid. 5.1.2, non publié in ATF 138 III 620).  
 
4.  
En cas de résiliation du bail pour défaut de paiement du loyer ou de frais accessoires échus (par quoi il faut entendre les acomptes provisionnels ou les montants forfaitaires convenus; DAVID LACHAT, IN Le bail à loyer, 2019, p. 870; PIERRE WESSNER, in Commentaire pratique, Droit du bail à loyer et à ferme, 2e éd. 2017, no 11 ad art. 257d CO) au sens de l'art. 257d CO, le bailleur peut requérir, par la procédure de protection dans les cas clairs de l'art. 257 CPC, aussi bien l'expulsion du locataire (art. 267 al. 1 CO) que le paiement de créances pécuniaires (contrairement aux anciens droits de procédure cantonaux qui connaissaient la Befehlsverfahren, mais excluaient les créances en argent; cf. Message du 28 juin 2006 relatif au CPC, FF 2006 6959 ad art. 253, car le créancier doit pouvoir obtenir rapidement une mainlevée définitive si le cas n'est pas contesté).  
 
4.1. En ce qui concerne l'expulsion du locataire, c'est-à-dire la restitution de la chose louée (art. 267 al. 1 CO), le bailleur doit alléguer et prouver, conformément à l'art. 8 CC, les conditions de l'art. 257d CO (faits générateurs de droit; rechtserhebende Tatsachen).  
L'expulsion du locataire présuppose que le bail ait valablement pris fin, puisque l'extinction du bail est une condition du droit à la restitution des locaux (art. 267 al. 1 CO). Le bailleur peut mettre en oeuvre la procédure de l'art. 257 CPC même si le locataire a introduit une action en annulation du congé sur la base des art. 271-271 a CO, la litispendance de celle-ci ne lui étant pas opposable (ATF 141 III 262 consid. 3; arrêt 4A_100/2018 du 5 mars 2018 consid. 5). 
 
4.1.1. Si le locataire a contesté la résiliation du bail (art. 150 al. 1 in fine et 55 al. 1 CPC), le tribunal doit examiner la question de la validité de celle-ci à titre préjudiciel, autrement dit vérifier si les conditions matérielles de l'art. 257d al. 1 et 2 CO sont remplies. Les conditions de l'art. 257 CPC s'appliquent également à cette question préjudicielle (ATF 144 III 462 consid. 3.3.1; 142 III 515 consid. 2.2.4 in fine; 141 III 262 consid. 3.2 in fine).  
Le bailleur doit donc alléguer et prouver avoir notifié régulièrement l'avis comminatoire conformément à l'art. 257d al. 1 CO (principe de la réception dite relative, valable normalement pour le calcul des délais de procédure; cf. ATF 119 II 147 consid. 2; arrêt 4A_100/2018 précité consid. 7), ainsi que la résiliation du bail selon l'art. 257d al. 2 CO (principe de la réception dite absolue, valable pour les délais de droit matériel; cf. ATF 143 III 15 consid. 4.1; 140 III 244 consid. 5.2; arrêt 4A_100/2018 précité consid. 7; à propos de l'utilisation de la formule officielle, cf. ATF 144 III 462 et les critiques de FRANÇOIS BOHNET, Cas clair, maxime des débats et faits (faussement) dirimants (arrêt 4A_295/2017), Newsletter Bail.ch juillet 2018). 
La notification de l'avis comminatoire et celle de la résiliation doivent en principe être effectuées à l'adresse de l'appartement ou des locaux loués, comme le prévoient généralement les conditions spécifiques du contrat de bail. Le locataire destinataire supporte le risque qu'il ne prenne pas ou prenne tardivement connaissance des notifications, par exemple en cas d'absence ou de vacances (ATF 143 III 15 consid. 4.1). Cette adresse de notification est valable aussi longtemps que le locataire n'a pas communiqué sa nouvelle adresse au bailleur (HIGI/BÜHLMANN, in Zürcher Kommentar, 5e éd. 2020, no 38 ad Vorb. ad art. 266-266o CO). 
 
4.1.2. Lorsque le locataire n'a contesté ni l'avis comminatoire, ni la résiliation du bail et a remis les clés de l'appartement ou des locaux au bailleur, il y a lieu d'admettre qu'il a restitué les locaux par actes concluants (art. 267 al. 1 CO; cf. DAVID LACHAT, La gestion d'affaires sans mandat en droit du bail, in 22 e Séminaire sur le droit du bail, 2022, p. 199 s.; BORIS LACHAT, Le locataire absent et la restitution des locaux, in 21 e Séminaire sur le droit du bail, 2020, p. 275). Le bailleur peut alors disposer des locaux, sans risquer une plainte pénale pour violation de domicile (art. 186 CP).  
La restitution des locaux présuppose que le locataire déménage complètement son mobilier et ses effets personnels et remette les clés au bailleur. Selon la jurisprudence, le locataire qui enfreint ces devoirs doit des dommages-intérêts en application de l'art. 97 CO, le bailleur pouvant notamment obtenir le remboursement des frais qu'il a dû assumer pour faire vider et nettoyer les locaux par un tiers (arrêt 4A_388/2013 du 7 janvier 2014 consid. 2.1 in fine); lorsque le locataire qui n'a pas restitué les clés se maintient sans droit dans les locaux, il doit payer une indemnité correspondant au loyer convenu pour occupation illégitime (arrêt 4A_456/2012 du 4 décembre 2012 consid. 2.1; cf. BORIS LACHAT, op. cit., pp. 274-276).  
 
4.2. En ce qui concerne le paiement de créances pécuniaires, le bailleur peut réclamer les loyers et frais accessoires arriérés, dus en vertu du contrat jusqu'à la fin du bail, et, faute de restitution à l'échéance, une indemnité pour l'occupation illégitime des locaux (ATF 131 III 257 consid. 2; arrêt 4A_524/2018 du 8 avril 2019 consid. 4.1). Il s'agit là d'un cumul objectif d'actions (art. 90 CPC), qui est admissible dans la procédure sommaire de l'art. 257 CPC dans la mesure où il ne complique pas ou ne ralentit pas son déroulement (EVA BACHOFNER, Die Mieterausweisung, 2019, p. 348 n. 629; la même, Aus der Praxis zum Rechtsschutz in klaren Fällen, in Schneller Weg zum Recht, 2020, pp. 68-70).  
Lorsqu'il est aisé de dissocier les différentes prétentions du requérant, le tribunal peut admettre les prétentions qui peuvent être établies immédiatement conformément à l'art. 257 al. 1 let. a et b CPC et déclarer irrecevables celles qui ne peuvent pas l'être (s'agissant d'arriérés de loyers, d'indemnités pour occupation et de frais de sommation et de rappel, cf. arrêt 4A_571/2018 du 14 janvier 2019 consid. 7). 
Certes, dans deux arrêts précédents, le Tribunal fédéral a jugé qu'il n'appartient pas au juge saisi d'une requête de protection dans les cas clairs d'instruire et de faire un tri entre les faits allégués pour déterminer ce qui doit être admis ou rejeté, " les conclusions devant en effet pouvoir être admises dans leur intégralité ", sous peine d'irrecevabilité (ATF 141 III 23 consid. 3.3 et arrêt 5A_768/2012 du 17 mai 2013 consid. 4.3; cf. critiques de SUTTER-SOMM/LÖTSCHER, in Kommentar zur Schweizerischen Zivilprozessordnung, 3 e éd. 2016, no 4a ad art. 257 CPC; LORENZ DROESE, Unklarheiten um den klaren Fall gemäss Art. 257 ZPO, RJB 155/2019 p. 252). Dans ce dernier arrêt, il s'agissait toutefois d'une irrecevabilité au motif que l'état de fait allégué n'était pas liquide et que les conclusions prises par la requérante étaient listées sur près de 90 pages et visaient à obtenir de nombreuses attestations de plus d'une dizaine d'établissements bancaires, d'administrations, d'autorités judiciaires, d'assurances, de régies immobilières, voire d'une étude de notaires. Dans l'autre arrêt, un employeur requérait, dans des conclusions globales, la restitution de documents auxquels il avait droit et d'autres sur lesquels il n'avait aucun droit, de sorte que la situation de fait n'était pas liquide et que le requérant ne pouvait " exiger [du juge] qu'il fasse un tri entre ce qui pourrait être admis et ce qui devrait être rejeté ". Ces deux jurisprudences ne peuvent trouver application en l'espèce.  
 
4.3. Qu'en est-il maintenant du cumul d'actions en paiement contre des codébiteurs solidaires (cumul subjectif) ?  
Il est généralement admis que la requête d'expulsion cumulée avec une requête en paiement d'arriérés peut être formée contre plusieurs défendeurs lorsqu'il s 'agit de colocataires ou d'époux usagers d'un même objet qui, en procédure, forment une consorité nécessaire passive (art. 70 CPC; cf. BACHOFNER, Mieterausweisung, op. cit., p. 349 n. 631). 
La question de savoir si, en procédure de protection dans les cas clairs, un cumul subjectif de prétentions pécuniaires, contre le nouveau locataire et contre l'ancien locataire transférant, est admissible peut demeurer ouverte en l' espèce, les conditions de l'art. 257 CPC n'étant de toute façon pas réunies (cf. consid. 5.3 ci-dessous). 
 
5.  
 
5.1. En l'espèce, dans les conclusions de leur requête de protection d'un cas clair, les bailleurs ont pris cinq chefs de conclusions:  
 
" 1. Ordonner l'expulsion des meubles se trouvant dans les locaux qui étaient loués par D.C.________, Rue... à La Chaux-de-Fonds. 
2. Fixer à D.C.________ un bref délai de 7 jours pour débarrasser les lieux. 
3. Dire que D.C.________ est, dès l'échéance du délai fixé dans la décision, tenu de déménager le mobilier et ses affaires mobilières car, à défaut, le solde des meubles et objets sera directement évacué par la voirie et détruit, sous réserve que D.C.________ mette à disposition un local aisément atteignable permettant de les entreposer. 
5. (recte: 4.) Condamner solidairement D.C.________ et C.C.________ à payer à B.A.________ et A.A.________ une somme de CHF 37'100.--. 
6. ( recte: 5.) Condamner D.C.________ et C.C.________ à payer à B.A.________ et A.A.________ dès le 1er janvier 2022 et jusqu'à la date d'enlèvement des biens meuble [sic] actuellement dans les locaux, une indemnité pour occupation illicite de CHF 138.-- par jour d'occupation. "  
 
5.2. Les conclusions nos 1 à 3 concernent exclusivement le nouveau locataire, qui y est nommément désigné, et tendent à ce qu'il débarrasse les locaux des biens meubles et objets s'y trouvant encore, et ce dans un délai de sept jours à lui impartir, à défaut de quoi ceux-ci seront évacués par la voirie et détruits. Elles sont prises à l'appui de l'action en expulsion (art. 267 al. 1 CO).  
Elles peuvent être aisément dissociées des conclusions en paiement nos 4 et 5 qui sont dirigées contre le nouveau locataire et l'ancienne locataire transférante, à titre de débiteurs solidaires. C'est donc à tort que la cour d'appel a cru pouvoir appliquer la jurisprudence de l'ATF 141 III 23 (cf. consid. 4.2 ci-dessus) et a prononcé, en quelque sorte à titre de motif subsidiaire, la non-entrée en matière sur les trois premières conclusions au motif que toutes les conclusions ne pouvaient être admises dans leur intégralité. 
Comme ces trois conclusions avaient été admises par le jugement de première instance, la cour cantonale ne pouvait pas, en l'absence d'appel du nouveau locataire, consort simple, réformer le jugement sur ces points au détriment des bailleurs. En effet, même si le juge rend un seul jugement contre tous les consorts simples, son jugement contient matériellement autant de décisions qu'il y a de consorts simples, de sorte que chacun doit interjeter appel s'il veut obtenir la modification de la décision qui le concerne (arrêt 4A_69/2018 du 12 février 2019 consid. 1.2 et l'arrêt cité; FABIENNE HOHL, Procédure civile, t. l, 2e éd. 2016, p. 164 n. 969; LEUENBERGER/UFFER-TOBLER, Schweizerisches Zivilprozessrecht, 2e éd. 2016, p. 102 n. 3.48; ISAAK MEIER, Schweizerisches Zivilprozessrecht, 2010, p. 169 in fine).  
Au demeurant, il n'est pas contesté que l'avis comminatoire et la résiliation ont été notifiés régulièrement au nouveau locataire. Comme il a en outre restitué les clés des locaux, il y a lieu d'admettre qu'il a restitué les locaux par actes concluants. La question de savoir s'il a été valablement convoqué à l'audience par notification à son domicile en Suisse, ce qui ressort de son inscription à la base de données des personnes (BDP) à La Chaux-de-Fonds, ou s'il aurait dû l'être à un éventuel nouveau domicile qu'il se serait constitué en Turquie n'a donc pas à être examinée. Les bailleurs pouvaient donc disposer des locaux. 
L'arrêt attaqué doit ainsi être partiellement annulé et il doit être constaté que les chefs de dispositif du jugement de première instance correspondant aux conclusions nos 1, 2 et 3 sont entrés en force. 
 
5.3. Quant aux conclusions nos 4 et 5, elles concernent le nouveau locataire et l'ancienne locataire, qui y sont nommément désignés, et tendent à leur condamnation solidaire à payer aux bailleurs le montant de 37'100 fr., soit les arriérés de loyers et de frais accessoires pour le bar et pour l'appartement et les indemnités pour occupation illégitime pour les deux objets pour deux mois, soit jusqu'au 31 décembre 2021 (no 4) et 138 fr. par jour pour occupation illégitime dès le 1er janvier 2022 et jusqu'à l'enlèvement total des biens meubles (no 5).  
 
5.3.1. Ces conclusions concernent les mêmes prétentions, qui seraient dues par le nouveau locataire et dont l'ancienne locataire serait solidairement responsable. Elles ne peuvent être admises ou irrecevables que contre les deux débiteurs ensemble. Le juge n'a pas à diviser matériellement chacun de ces chefs de conclusions.  
C'est donc à raison que la cour cantonale a examiné si les montants réclamés étaient dus solidairement, sur la base des griefs formulés par l'ancienne locataire dans son appel, et ce à l'encontre du premier jugement qui les avait admis ensemble dans les chefs de son dispositif. 
 
5.3.2. La cour cantonale a déclaré ces conclusions nos 4 et 5 irrecevables au regard de l'art. 257 al. 1 let. a et b CPC pour trois motifs.  
 
5.3.2.1. Tout d'abord, en relation avec la condition de l'art. 257 al. 1 let. a CPC, la cour cantonale a considéré que la preuve de l'absence de paiement des loyers ne pouvait être rapportée puisque le nouveau locataire n'avait pas pu se déterminer sur la requête dès lors que celle-ci ne lui avait été notifiée qu'à l'adresse de l'appartement et du bar, alors qu'il ne vivait plus à cette adresse en décembre 2021. En outre, il n'avait pas été prouvé que la totalité des montants réclamés dans la requête fût due dès lors que le loyer de juillet 2021 de l'appartement avait été partiellement payé selon l'avis comminatoire et qu'il était entièrement réclamé dans la requête. De plus, le fait du non-paiement par le nouveau locataire ne pouvait être établi sans retard dès lors qu'il était " domicilié " en Turquie et qu'il fallait procéder par la voie de l'entraide judiciaire en matière civile (Convention de La Haye du 15 novembre 1965 relative à la signification et la notification à l'étranger des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile ou commerciale [RS 0.274.131]); d'ailleurs, le jugement de première instance ne lui avait pas été communiqué régulièrement.  
Cette motivation ne prête pas le flanc à la critique. L'ancienne locataire ne saurait être condamnée à payer des montants dont il n'a pas été établi en procédure qu'ils fussent dus par le nouveau locataire. Bien que celui-ci n'ait pas contesté la résiliation des baux, on ne peut pas en déduire qu'il a reconnu les montants qui lui sont réclamés. Même si un commandement de payer avait pu lui être notifié, les bailleurs ne pourraient obtenir qu'une mainlevée provisoire, de sorte qu'une action en libération de dette (art. 83 al. 2 LP) demeurerait ouverte. On ne saurait poser des exigences de preuve moindres pour l'action au fond de l'art. 257 CPC, alors que ni la requête d'expulsion et de paiement, ni la convocation à l'audience n'ont pu être effectivement communiquées au nouveau locataire. 
Il en va de même pour les indemnités pour occupation illégitime, dont on relèvera qu'il n'est d'ailleurs pas évident qu'elles puissent excéder le remboursement des frais d'enlèvement du solde des meubles, dès lors que le nouveau locataire a quitté les locaux et en a remis les clés aux bailleurs. 
Vu le sort de ce motif, il est superflu d'examiner les deux autres motifs d'irrecevabilité développés par la cour cantonale. 
 
6.  
Au vu de ce qui précède, le recours doit être partiellement admis et l'arrêt attaqué annulé et réformé en ce sens qu'il est constaté que les chefs nos 1, 2 et 3 du dispositif du premier jugement sont entrés en force de chose jugée. En revanche, il est rejeté en ce qui concerne les chefs de dispositif nos 4 et 5. 
 
7.  
Les bailleurs recourants succombent contre l'ancienne locataire transférante, intimée, de sorte que les frais judiciaires et les dépens doivent être mis à leur charge (art. 66 al. 1 et 5 et art. 68 al. 1, 2 et 4 LTF). Il n'est pas prélevé de frais judiciaires en relation avec la requête d'expulsion; comme les recourants n'ont pas attrait en cause le nouveau locataire, des dépens ne peuvent être mis à la charge de celui-ci. 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est partiellement admis et l'arrêt attaqué est annulé et réformé comme suit: 
(1) Il est constaté que les chefs nos 1, 2 et 3 du dispositif du premier jugement du 4 mars 2022 sont entrés en force de chose jugée. 
(2) Les conclusions nos 5 et 6 ( recte : 4 et 5) de la requête des bailleurs du 15 décembre 2021 sont irrecevables.  
 
2.  
Les frais judiciaires de la procédure fédérale, arrêtés à 1'500 fr., sont mis solidairement à la charge des recourants. 
 
3.  
Les recourants, débiteurs solidaires, verseront à l'intimée une indemnité de 2'000 fr. à titre de dépens pour la procédure fédérale. 
 
4.  
La cause est renvoyée à la cour cantonale pour nouvelle fixation des frais judiciaires et des dépens des instances cantonales. 
 
5.  
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel. 
 
 
Lausanne, le 21 novembre 2022 
 
Au nom de la Ire Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Hohl 
 
Le Greffier : Douzals