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[AZA 1/2] 
 
4C.298/2000 
 
Ie COUR CIVILE 
**************************** 
 
21 décembre 2000 
 
Composition de la Cour: M. Walter, président, M. Leu, 
M. Corboz, Mme Klett et M. Nyffeler, juges. Greffier: 
M. Ramelet. 
 
__________ 
 
Dans la cause civile pendante 
entre 
Jeannine Eckenstein, à Bâle, demanderesse et recourante, représentée par Me Fabien Süsstrunk, avocat à Colombier, 
 
et 
 
1. Banque Cantonale Neuchâteloise, à Neuchâtel, défenderesse 
et intimée, 
 
2. Jean-François Krebs, à Ronco sopra Ascona (TI), défendeur 
et intimé, 
tous deux représentés par Me Pierre Heinis, avocat à Neuchâtel; (société anonyme; responsabilité des administrateurs; prescription de l'action de l'actionnaire) 
Vu les pièces du dossier d'où ressortent 
les faits suivants: 
 
A.- La société Edouard Dubied & Cie S.A. (ci-après: Dubied) était une société anonyme dont le siège se trouvait à Couvet (NE), active depuis 1895 notamment dans la fabrication et le commerce de machines à tricoter; la société avait un capital-actions de 15 millions de francs divisé en 60 000 actions nominatives d'une valeur nominale de 250 fr., ainsi qu'un capital de bons de participation de 5 millions, constitué de 20 000 bons de participation de 250 fr. chacun (art. 64 al. 2OJ). 
 
Jeannine Eckenstein était actionnaire de Dubied, dont elle détenait 389 actions. 
 
Dès 1974, Dubied a rencontré des difficultés dans la marche de ses affaires. Le 9 décembre 1987 s'est tenue une séance entre des représentants de quatre établissements bancaires, dont la Banque Cantonale Neuchâteloise (ci-après: 
BCN), et des dirigeants de Dubied (art. 64 al. 2 OJ), à l'occasion de laquelle lesdites banques ont refusé d'entrer en matière sur l'octroi de nouveaux crédits à Dubied et bloqué le financement au niveau qu'il avait atteint; à cette séance était présent en particulier Jean-François Krebs, tout à la fois directeur de la BCN et membre du conseil d'administration de Dubied. Cette limitation de crédit a contraint Dubied, le 15 décembre 1987, à solliciter un sursis concordataire, qui lui a été octroyé le 22 décembre 1987 pour une durée de quatre mois. Le 22 février 1988, la durée du sursis a été prolongée de deux mois, son échéance étant ainsi repoussée au 22 juin 1988. Le 20 juin 1988, le conseil d'administration de Dubied a adressé une circulaire aux actionnaires, qui contenait la phrase suivante: 
 
"Ainsi que nous vous l'exposons dans notre communication 
du 20 février, l'homologation du concordat 
par abandon d'actifs a pour conséquence que le capital 
social est entièrement perdu". 
 
Par jugement du 30 juin 1988, la Cour civile du Tribunal cantonal Neuchâteloise a homologué le concordat par abandon d'actif proposé par Dubied à ses créanciers. 
 
Par publication officielle du 4 juillet 1990, les liquidateurs ont informé les créanciers de Dubied en liquidation concordataire, d'une part, qu'ils renonçaient à faire valoir les droits de la masse contre les organes de cette société et, d'autre part, qu'ils leur offraient la cession de ces prétentions conformément à l'art. 260 aLP (art. 316 l aLP). Cinq personnes, dont Jeannine Eckenstein, ont demandé et obtenu la cession de ces droits en leur qualité d'actionnaires; les cessionnaires n'ont toutefois pas introduit de procès en responsabilité dans le délai qui échéait au mois de février 1992. 
 
Une assemblée générale des actionnaires de Dubied en liquidation concordataire a eu lieu le 9 mars 1995. Au cours de cette séance, le liquidateur, après avoir fait rapport sur les événements survenus depuis l'homologation du concordat par abandon d'actif, a fait savoir que le résultat de la liquidation avait permis de désintéresser l'ensemble des créanciers, lesquels s'étaient encore vu attribuer des intérêts sur les sommes dues, et qu'il restait encore un montant à disposition après la liquidation. L'assemblée générale a décidé que ce surplus serait réparti entre les actionnaires et les porteurs de bons de participation. Ainsi, Jeannine Eckenstein a reçu, à titre de participation au solde de liquidation, 50 fr.90 pour chaque action du débiteur concordataire qu'elle possédait. 
 
B.- Par réquisitions de poursuite des 27 et 29 novembre 1996, Jeannine Eckenstein a fait notifier deux commandements de payer respectivement à Jean-François Krebs et à la BCN, portant chacun sur un montant de 60 200 fr. en capital; ces poursuites ont été frappées d'opposition totale. Par réquisitions de poursuite du 5 décembre 1997, elle a encore fait notifier deux commandements de payer aux mêmes poursuivis et requis le versement par chacun de 19 800 fr. en capital; derechef, il a été formé opposition à ces poursuites. 
 
Le 26 avril 1999, Jeannine Eckenstein a ouvert action contre Krebs et la BCN devant la Cour civile du Tribunal cantonal neuchâtelois. Elle a requis que les défendeurs soient condamnés solidairement à lui payer 65 779 fr.90 avec intérêts à 5% sur 60 200 fr. du 29 novembre 1996 au 4 décembre 1997 et sur 65 779 fr.90 dès le 5 décembre 1997, ainsi que 10 000 fr. plus intérêts à 5% dès le dépôt de la demande. 
Elle a allégué que l'administrateur Krebs et la BCN, qui aurait été un organe de fait de Dubied, ont asphyxié cette société en décidant au mois de décembre 1987 de ne pas lui accorder de nouveaux crédits. Le résultat de la liquidation de Dubied a démontré que la décision de solliciter un sursis concordataire, alors imposée par Krebs, était erronée. Elle a reproché en particulier à Krebs, pris dans un conflit d'intérêts entre son rôle de directeur de la BCN et d'administrateur de Dubied, d'avoir tranché en sa qualité de directeur de banque, violant ipso facto l'obligation de diligence et de fidélité qu'il devait respecter en tant que membre du conseil d'administration de Dubied. A titre de dommage, elle a fait valoir la différence entre la valeur de chaque action qu'elle détenait, estimée à 220 fr., et le reliquat de 50 fr.90 qu'elle a perçu par action après la liquidation, soit 169 fr.10, ce qui, pour ses 389 actions, représente un montant total de 65 779 fr.90 (389 x 169 fr.10). La demanderesse a encore réclamé 10 000 fr. comme participation aux honoraires de son mandataire avant procès. 
Les défendeurs ont soulevé divers moyens préjudiciels. 
Ils ont notamment soutenu que l'action était prescrite. 
 
Lors d'une audience qui s'est tenue le 11 janvier 2000, il a été décidé qu'un jugement sur moyen préjudiciel serait rendu, les parties étant autorisées à déposer des conclusions sur les questions à trancher préjudiciellement. 
 
Par jugement du 30 août 2000, la IIe Cour civile du Tribunal cantonal neuchâtelois a rejeté la demande, qu'elle a considéré comme prescrite. 
 
C.- Jeannine Eckenstein recourt en réforme au Tribunal fédéral. Elle requiert que le jugement sur moyen préjudiciel susmentionné soit cassé et qu'il soit dit et déclaré que l'action qu'elle a intentée n'est pas prescrite, la cause étant renvoyée devant la cour cantonale pour qu'elle statue sur le fond. 
 
Les intimés proposent le rejet du recours. 
 
Considérantendroit : 
 
1.- a) Dans l'arrêt déféré, la Cour civile a liminairement retenu qu'il n'y avait pas lieu de trancher si l'ancien ou le nouveau droit de la société anonyme était applicable au litige dès l'instant où la réglementation de la prescription, instaurant une prescription ordinaire de 5 ans et une prescription absolue de 10 ans, était restée inchangée. 
Elle a jugé que le 30 juin 1988, date où le concordat par abandon d'actif a été homologué, la demanderesse connaissait et l'étendue de son dommage et la personne qui en était responsable, car le conseil d'administration de Dubied avait informé le 20 juin 1988 les actionnaires par circulaire que le capital social était entièrement perdu. L'action était donc prescrite depuis le 1er juillet 1993. A supposer qu'il faille considérer que la demanderesse n'a pu faire valoir son dommage qu'au moment où il est apparu que les actifs de la société permettaient de rembourser tous les créanciers et de verser encore un solde aux actionnaires, il y a lieu d'admettre que Jeannine Eckenstein aurait pu obtenir des informations allant dans ce sens lorsque la masse concordataire a cédé ses droits contre les administrateurs aux créanciers et actionnaires le 4 juillet 1990; faute d'avoir été interrompue avant le 5 juillet 1995, la prescription quinquennale est également acquise. Enfin, à propos de la prescription absolue, les magistrats cantonaux ont considéré qu'après l'assemblée des actionnaires du 9 mars 1995 la demanderesse connaissait son dommage et le fait qu'un excédent de liquidation serait versé aux actionnaires; dans ces conditions, a poursuivi l'autorité cantonale, il est douteux que la prescription décennale ait pu être interrompue par les réquisitions de poursuite des 27 et 29 novembre 1996. 
 
b) La recourante soutient qu'elle n'a pu connaître l'étendue de son préjudice que lors de l'assemblée générale des actionnaires du 9 mars 1995, où le liquidateur a informé ces derniers du résultat de la liquidation, qui dégageait un solde positif. Ayant intenté des poursuites les 27 et 29 novembre 1996, puis le 5 décembre 1997, et ouvert action le 26 avril 1999, elle aurait respecté le délai de prescription de cinq ans. S'agissant de la connaissance de l'auteur du dommage, elle allègue que ce n'est qu'au moment du résultat de la liquidation que les agissements du défendeur Krebs ont pu être considérés comme fautifs. Quant au délai de prescription absolue, la recourante est d'avis que les réquisitions de poursuite susrappelées en ont interrompu le cours, qu'un nouveau délai de dix ans a donc commencé à courir et que le dépôt de la demande est intervenu bien avant l'expiration de ce nouveau délai. 
 
2.- a) Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 126 I 81 consid. 1, 207 consid. 1; 126 III 274 consid. 1; 125 III 461 consid. 2). 
 
b) La décision qui admet l'exception de prescription et rejette la demande au fond est une décision finale au sens de l'art. 48 al. 1 OJ, susceptible d'être déférée au Tribunal fédéral par la voie de la réforme (ATF 121 III 270 consid. 1, 118 II 447 consid. 1b, 111 II 55 consid. 1). Interjeté par la partie qui a intégralement succombé dans ses conclusions en paiement et dirigé contre un jugement rendu en instance cantonale unique par un tribunal supérieur (art. 48 al. 1 OJ) sur une contestation civile dont la valeur litigieuse dépasse le seuil de 8000 fr. (art. 46 OJ), le recours est recevable, puisqu'il a été déposé en temps utile (art. 54 al. 1 OJ) dans les formes requises (art. 55 OJ). 
 
c) Le recours en réforme est ouvert pour violation du droit fédéral, mais non pour violation directe d'un droit de rang constitutionnel (art. 43 al. 1 OJ). 
 
Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral doit conduire son raisonnement sur la base des faits contenus dans la décision attaquée, à moins que des dispositions fédérales en matière de preuve n'aient été violées, qu'il y ait lieu à rectification de constatations reposant sur une inadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il faille compléter les constatations de l'autorité cantonale parce que celle-ci n'a pas tenu compte de faits pertinents et régulièrement allégués (art. 64 OJ; ATF 126 III 59 consid. 2a et les arrêts cités). Dans la mesure où la recourante présenterait un état de fait qui s'écarte de celui contenu dans la décision attaquée sans se prévaloir de l'une des exceptions qui viennent d'être rappelées, il n'est pas possible d'en tenir compte. Il ne peut être présenté de griefs contre les constatations de fait, ni de faits ou de moyens de preuve nouveaux (art. 55 al. 1 let. c OJ). 
 
Si le Tribunal fédéral ne saurait aller au-delà des conclusions des parties, lesquelles ne peuvent prendre de conclusions nouvelles (art. 55 al. 1 let. b in fine OJ), il n'est lié ni par les motifs qu'elles invoquent (art. 63 al. 1 OJ), ni par ceux de la décision cantonale (art. 63 al. 3 OJ; ATF 126 III 59 consid. 2a; 123 III 246 consid. 2). 
 
3.- Il résulte de l'état de fait déterminant que la demanderesse et quatre autres actionnaires, qui étaient cessionnaires des droits de la masse contre les organes de Dubied en liquidation concordataire, ont renoncé à ouvrir action dans le délai qui leur avait été imparti. La recourante agit ainsi contre un ancien administrateur de Dubied et contre la BCN, qui en aurait été administrateur de fait, en réparation du dommage direct qu'elle a subi en qualité d'actionnaire à la suite de l'obtention par ladite société d'un concordat par abandon d'actif (cf. , sur la notion du dommage direct, ATF 125 III 86 consid. 3a et les références). Le Tribunal fédéral a déjà reconnu qu'il se justifiait de soumettre la prescription de l'action en réparation d'un tel dommage au délai de prescription institué par l'art. 760 al. 1 CO, en tant que lex specialis, conformément à la tendance actuelle qui veut appliquer les art. 759 à 761 CO à toutes les actions en responsabilité du droit de la société anonyme, sans égard au type de dommage allégué ou au fondement juridique invoqué (arrêt non publié du 3 février 2000 dans la cause 4C.343/1999, consid. 3; Forstmoser/Meier-Hayoz/Nobel, Schweizerisches Aktienrecht, n. 146 ad § 36, p. 436; Peter Widmer, Commentaire bâlois, n. 3 ad art. 760 CO; Rita Trigo Trindade, La responsabilité des organes de gestion de la société anonyme dans la jurisprudence récente du Tribunal fédéral in: SJ 1998 p. 1 ss, spéc. p. 14). Comme l'art. 760 al. 1 CO a rigoureusement la même teneur que l'art. 760 al. 1 aCO et que le litige soumis au Tribunal fédéral est circonscrit au point de savoir si l'action de la demanderesse est prescrite, il ne se pose en l'espèce aucune question de droit intertemporel. 
 
 
 
4.- Selon l'art. 760 al. 1 CO, les actions en responsabilité du droit de la société anonyme sont soumises à une prescription absolue de dix ans. Cette limite au droit d'intenter une action en réparation part du jour où le fait dommageable s'est produit, indépendamment de la connaissance qu'en ont eue les lésés (cf. ATF 102 II 353 consid. 2a p. 357). Cette prescription décennale peut être interrompue, notamment par une réquisition de poursuite (ATF 112 II 231 consid. 3e; Widmer, op. cit. , n. 2 ad art. 760 CO). 
 
 
 
In casu, il est établi qu'au cours de la séance du 9 décembre 1987, à laquelle assistaient une délégation de Dubied et des représentants de quatre banques dont, pour la BCN, son directeur Krebs, ces établissements bancaires ont décidé de concert de refuser désormais tous nouveaux crédits à ladite société. Cet acte constitue sans conteste le fait dommageable susceptible d'engager la responsabilité du défendeur en tant qu'administrateur de Dubied et de la BCN en qualité d'organe de fait de la même société. Partant, c'est le 10 décembre 1987 que le délai de prescription de 10 ans a commencé à courir (art. 132 al. 1 CO). Or, avant le 11 décembre 1997, date où la prescription absolue aurait été acquise (art. 132 al. 1 CO), la demanderesse a fait notifier des réquisitions de poursuite aux défendeurs, soit, s'agissant de Krebs, les 27 novembre 1996 et 5 décembre 1997 pour respectivement 60 200 fr. et 19 800 fr., et, s'agissant de la BCN, les 29 novembre 1996 et 5 décembre 1997 pour des montants identiques. Ces poursuites ont interrompu le délai absolu de prescription selon l'art. 135 ch. 2 CO, un nouveau délai égal à l'ancien, donc de 10 ans, commençant à courir dès l'interruption (art. 137 CO). 
 
La prescription décennale n'était donc pas intervenue lorsque la demanderesse, le 26 avril 1999, a ouvert action devant la Cour civile en paiement de 65 779 fr.90 et 10 000 fr. 
 
5.- Il reste à examiner si, comme l'a admis l'autorité cantonale, la demanderesse a laissé s'écouler, sans l'interrompre, le délai relatif de prescription instauré par l'art. 760 al. 1 CO, lequel est de cinq ans à partir du jour où la partie lésée a eu connaissance du dommage et de la personne responsable. 
 
Dès lors que le commencement de cette prescription quinquennale est soumis à des conditions identiques à celles qui sont posées par l'art. 60 al. 1 CO, on peut se référer à la jurisprudence relative à cette disposition (Widmer, op. 
cit. , n. 1 art. 760 CO). 
 
a) La connaissance de la personne qui est l'auteur du dommage n'est pas acquise déjà au moment où le lésé présume que la personne en cause pourrait devoir réparer le préjudice, mais seulement lorsqu'il connaît les faits qui fondent son obligation de réparer. En revanche, il n'est pas nécessaire qu'il connaisse aussi le fondement juridique de ce devoir; en effet, l'erreur de droit - qu'elle soit excusable ou non - n'empêche pas le cours de la prescription (ATF 82 II 43 consid. 1a). 
 
Les juges cantonaux ont constaté que la recourante savait le 30 juin 1988, lorsque le concordat par abandon d'actif a été homologué, que la BCN avait décidé de ne plus accorder de nouveaux crédits à Dubied et que Krebs était à la fois administrateur de cette société et directeur de la banque en cause, qui était une des bailleresses de fonds de Dubied. Déterminer ce qu'une personne sait à un moment donné relève des constatations de fait qui lient le Tribunal fédéral en instance de réforme (ATF 124 III 182 consid. 3). 
Dans ces conditions, il apparaît clairement que la demanderesse avait une connaissance suffisante de l'auteur du dommage en tout cas dès la publication dans la Feuille officielle suisse du commerce du jugement accordant l'homologation du concordat (art. 308 al. 1 aLP). On ignore pourtant quand cette publication a eu lieu, mais il n'importe, car, à cette date, comme on le verra, la demanderesse n'était pas en possession d'assez d'éléments pour apprécier son dommage. 
 
b) La connaissance du dommage par le lésé au sens de l'art. 760 al. 1 CO suppose que celui-ci soit informé des circonstances relatives à son existence, à sa nature et à ses caractéristiques essentielles au point qu'il soit à même de déposer une action en justice et de motiver sa demande. Il n'est toutefois pas nécessaire qu'il puisse arrêter la quotité du dommage par des chiffres précis (ATF 116 II 158 consid. 4a; 100 II 339 consid. 1a et les références). Le créancier qui subit une perte dans la faillite de son débiteur ne possède pas seulement une connaissance suffisante de son préjudice au moment où il est renseigné sur le montant exact du dividende afférent à sa créance; il lui suffit de connaître l'état des actifs et le rang attribué à sa créance, données qui lui permettront d'évaluer le montant probable de son dividende. 
D'après la doctrine et la jurisprudence, ce sera en général le cas lorsque l'état de collocation aura été déposé et mis à la disposition des créanciers (ATF 122 III 195 consid. 9c; 116 II 158 ibidem; 108 Ib 97 consid. 1c p. 100; cf. 
 
 
également arrêt du TFA du 6 novembre 2000 destiné à la publication dans la cause H 137/00, consid. 4c; Forstmoser/Meier-Hayoz/Nobel, n. 149 ad § 36, p. 436/437; Pascal Montavon, Droit suisse de la SA, Mise à jour 97-99 du tome III, p. 301). Le lésé peut exceptionnellement, en raison de circonstances particulières, acquérir la connaissance nécessaire avant le dépôt de l'état de collocation. C'est en particulier le cas lorsqu'il apprend des organes de la communauté des créanciers ou de l'office des faillites qu'aucun dividende ne pourra être distribué aux créanciers de sa classe. L'existence de telles circonstances ne sera cependant admise qu'avec retenue: de simples rumeurs ou des renseignements émanant de personnes non autorisées ne permettent pas encore de fonder et de motiver une demande en justice (ATF 116 II 158 consid. 4b). Les mêmes principes sont applicables en cas de concordat par abandon d'actif, la procédure concordataire étant un substitut, une forme atténuée de la faillite (ATF 125 III 154 consid. 3b p. 158; 107 III 106 consid. 3a). 
 
 
 
Au vu de ce qui précède, il est exclu de suivre la Cour civile lorsqu'elle soutient que la demanderesse a acquis une connaissance suffisante de son dommage dès la réception de la circulaire adressée le 20 juin 1988 aux actionnaires de Dubied par son conseil d'administration, document qui faisait état d'une perte totale du capital social. Il s'agissait en effet d'une information qui ne provenait ni de l'autorité concordataire ni d'un organe du concordat par abandon d'actif, tel le commissaire au sursis (cf. art. 295 aLP), mais des représentants du débiteur concordataire. De surcroît, elle a été donnée pendant la durée du sursis concordataire avant même l'acceptation du concordat, soit antérieurement au dessaisissement du débiteur (art. 316d aLP). Exiger d'un actionnaire qu'il connaisse son préjudice à ce stade de la procédure concordataire ne peut entrer en ligne de compte. 
 
On ne saurait davantage confirmer le point de vue de l'autorité cantonale, qui a retenu, par surabondance, que la demanderesse aurait pu savoir le 4 juillet 1990 que la réalisation des actifs de Dubied permettait de désintéresser tous les créanciers de la société, en capital et intérêts, et de verser encore un surplus aux actionnaires, aux motifs qu'à cette date la masse a offert aux créanciers et actionnaires la cession des droits contre les administrateurs et que la demanderesse, comme cessionnaire, devait s'interroger sur les montants à disposition pour dédommager les créanciers. D'une part, est seul déterminant le moment où le lésé a effectivement connaissance du dommage, et non pas celui où il aurait pu découvrir l'importance de sa créance en faisant preuve de l'attention commandée par les circonstances (ATF 111 II 55 consid. 3a). D'autre part, la cession envisagée à l'art. 260 aLP ne concerne que les créances contestées ou difficiles à recouvrer que les organes du concordat ont renoncé à faire valoir (art. 316 l aLP). On ne voit donc pas comment un actionnaire, sur la base de ces droits litigieux, pourrait avoir une vue d'ensemble de la masse active (cf. sur cette notion Gilliéron, Poursuite pour dettes, faillite et concordat, 3e éd., p. 447 s.). 
 
Enfin, l'actionnaire, contrairement au créancier, ne peut estimer son préjudice au moment du dépôt de l'état de collocation. Cet état constitue de fait le tableau du passif du débiteur, tel qu'il résulte des décisions des liquidateurs sur les productions des créanciers (art. 316 g aLP). En fonction de sa teneur s'expriment les rapports entre les droits des différents créanciers (ATF 115 III 144 consid. 4). L'actionnaire du débiteur concordataire n'est en rien concerné par l'établissement dudit tableau, qu'il n'a pas la possibilité d'attaquer, au contraire du créancier dont la production a été écartée ou qui n'a pas été admis avec le gage, le rang ou le privilège auquel il prétendait (cf. art. 249 al. 3 aLP qui s'applique en matière de concordat par abandon d'actif (ATF 105 III 28 consid. 3)). Le dies a quo du délai relatif de prescription de l'art. 760 al. 1 CO ne saurait donc partir pour l'actionnaire de la mise à disposition de cet état. 
 
c) Il apparaît que c'est seulement lorsque les liquidateurs ont déposé le tableau de distribution définitif prévu à l'art. 316 p aLP que la demanderesse a pu avoir une connaissance suffisante du préjudice qu'elle a subi en tant qu'actionnaire de Dubied en liquidation concordataire. Renseignée sur le produit de la liquidation, elle a alors pu savoir que tous les créanciers avaient été remboursés et qu'un surplus existait qui serait notamment distribué aux actionnaires proportionnellement au nombre de leurs actions. 
Mais, on ignore la date à laquelle a été déposé le tableau de distribution définitif susmentionné, étape de la procédure concordataire qui n'a du reste fait l'objet d'aucune constatation dans le jugement déféré. 
 
Conformément à l'art. 64 al. 1 OJ, il y a donc lieu d'admettre partiellement le recours, d'annuler le jugement attaqué et de retourner la cause à l'autorité cantonale pour qu'elle complète l'état de fait, puis tranche à nouveau la question de la prescription en tenant compte des actes interruptifs émanant de la demanderesse. 
 
6.- L'issue du litige est encore incertaine. Il se justifie donc de faire supporter l'émolument de justice pour moitié à la charge de la recourante, pour l'autre solidairement à la charge des intimés et de compenser les dépens (art. 156 al. 3 et 159 al. 3 OJ). 
 
 
Par ces motifs, 
 
le Tribunal fédéral : 
 
1. Admet partiellement le recours, annule le jugement attaqué et renvoie la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants; 
 
2. Met un émolument judiciaire de 4000 fr. pour moitié à la charge de la recourante, pour l'autre solidairement à la charge des intimés; 
 
3. Dit qu'il n'est pas alloué de dépens; 
 
4. Communique le présent arrêt en copie aux mandataires des parties et à la IIe Cour civile du Tribunal cantonal neuchâtelois. 
 
___________ 
Lausanne, le 21 décembre 2000 ECH 
 
Au nom de la Ie Cour civile 
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE: 
Le Président, 
 
Le Greffier,