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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
1C_228/2022, 1C_229/2022  
 
 
Arrêt du 22 février 2023  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Chaix, Juge présidant, 
Haag et Merz. 
Greffier : M. Alvarez. 
 
Participants à la procédure 
1C_228/2022 
1. A.________,  
2. B.________,  
3. C.________,  
tous les trois représentés par Me Luc Pittet, avocat, 
recourants, 
 
et 
 
1C_229/2022 
Municipalité de Syens, 
chemin du Pressoir 1, 1510 Syens, 
représentée par Me Marc-Olivier Besse, avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
D.________, 
intimé, 
 
Direction générale du territoire et du logement du canton de Vaud, 
Service juridique, avenue de l'Université 5, 1014 Lausanne Adm cant VD, 
Direction générale de la mobilité et des routes du canton de Vaud, 
Section juridique, place de la Riponne 10, 1014 Lausanne Adm cant VD. 
 
Objet 
Permis de construire un hangar agricole, 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 10 mars 2022 (AC.2020.0351). 
 
 
Faits :  
 
A.  
D.________ est propriétaire de la parcelle no 126 de la Commune de Syens. Ce bien-fonds sépare l'agglomération villageoise de la route cantonale (route de Berne), qui le borde au sud. A l'ouest, la parcelle no 126 jouxte la rue du Village et la route cantonale 551d. Ce bien-fonds s'étend sur une surface de 7'000 m 2. Sur sa partie ouest, il supporte un bâtiment agricole d'une surface au sol de 296 m 2 (ECA 111) ainsi qu'un abri tunnel agricole; le solde forme un champ. La parcelle est colloquée pour l'essentiel en zone agricole selon le plan général d'affectation (PGA) et le règlement du plan général d'affectation de la Municipalité de Syens (ci-après: RPGA), approuvé par le Conseil d'Etat du canton de Vaud le 22 septembre 1989. D.________ est également propriétaire de deux autres parcelles situées plus au sud, de l'autre côté de la route de Berne. Il s'agit de la parcelle no 85, d'une surface de 10'426 m2, et de la parcelle no 95, de 117'911 m2, entièrement constituées de pré-champ; elles sont toutes deux colloquées en zone agricole au sens du RPGA.  
 
B.  
Le 15 novembre 2019, D.________ a déposé une demande d'autorisation notamment pour la construction d'un hangar sur la parcelle n° 126. Le projet prévoit également la destruction du tunnel agricole existant. Le hangar prévu aura une surface au sol de 891 m², une hauteur au faîte de 9,25 m et une hauteur à la corniche de 5,70 m. Il sera muni d'un bardage bois autoclavé. Sept ouvertures, sous la forme d'autant de grandes portes, se situent sur le côté nord; les autres façades sont entièrement fermées, à l'exception de deux fenêtres côté ouest. Le projet a été mis à l'enquête publique du 7 mars au 5 avril 2020. Il a notamment suscité l'opposition de A.________, B.________ et C.________. 
Le 11 juin 2020, la Centrale cantonale des autorisations en matière de construction (CAMAC) a rendu sa synthèse. Elle comprend notamment la décision spéciale de la Direction cantonale générale du territoire et du logement ( ci-après: DGTL); cette dernière, se basant sur le préavis de la Direction cantonale de l'agriculture, de la viticulture et des améliorations foncières (ci-après: DGAV), a en particulier reconnu que le hangar répondait à des besoins agricoles objectivement fondés; elle a par ailleurs imposé une série de mesures visant à assurer l'intégration du projet (cf. synthèse CAMAC, décision DGTL, ch. 2b). 
 
C.  
Par décision du 18 novembre 2020, la Municipalité de Syens a refusé l'autorisation requise. Le village de Syens était recensé comme hameau d'intérêt régional selon la méthode ISOS (Inventaire fédéral des sites construits d'importance nationale à protéger en Suisse); il faisait l'objet d'une fiche datant de 1989 (ci-après: fiche ISOS), dont il ressortait déjà que la halle agricole existante sur la parcelle n o 126 dépréciait la silhouette de l'espace séparant le village de la route cantonale. Or, sa démolition n'était pas prévue. A l'impact paysager de cette première construction viendrait ainsi s'ajouter celui du hangar projeté, dont la surface était trois fois supérieure.  
Par acte du 14 décembre 2020, D.________ a recouru contre cette décision à la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal du canton de Vaud. Par arrêt du 10 mars 2022, après avoir procédé à une inspection locale, la cour cantonale a admis le recours, réformé la décision municipale en ce sens que le refus d'autoriser le hangar est annulé, et a renvoyé le dossier à la municipalité pour délivrer le permis de construire dans le sens des considérants. Le Tribunal cantonal a en substance retenu que le projet de hangar était nécessaire à l'exploitation agricole. L'autorisation spéciale de la DGTL exigeait des aménagements extérieurs pour assurer autant que possible l'intégration paysagère du projet. L'implantation sur la parcelle no 126 apparaissait la plus adéquate au regard des exigences de l'aménagement du territoire (préservation des surfaces d'assolement [ci-après: SDA], regroupement des constructions). Au regard de ces éléments, en privilégiant les considérations esthétiques, la municipalité avait outrepassé son pouvoir d'appréciation. 
 
D.  
Agissant, le 25 avril 2022, par la voie du recours en matière de droit public (cause 1C_228/2022), A.________, B.________ et C.________ demandent principalement au Tribunal fédéral de réformer cet arrêt cantonal en ce sens que le recours cantonal du 14 décembre 2020 est rejeté et la décision municipale du 18 novembre 2020 confirmée. Subsidiairement, ils concluent au renvoi de la cause à l'instance précédente pour nouvelle décision dans le sens des considérants. Ils sollicitent enfin aussi l'octroi de l'effet suspensif. Par acte du même jour, invoquant son autonomie, la Commune de Syens recourt également contre cet arrêt (cause 1C_229/2022). Elle demande principalement son annulation et la confirmation de sa décision du 18 novembre 2020. Subsidiairement, elle conclut au renvoi de la cause à l'instance précédente pour nouvelle décision dans le sens des considérants. Elle requiert enfin aussi l'octroi de l'effet suspensif. 
Le Tribunal cantonal renonce à se déterminer sur les recours et se réfère aux considérants de son arrêt. La Direction générale de la mobilité et des routes (DGMR), sans prendre de conclusion formelle, dépose copie de ses observations cantonales des 21 janvier et 12 octobre 2021; elle s'est encore exprimée par acte 27 septembre 2022. D.________ réitère son souhait et son besoin de pouvoir construire le hangar litigieux et s'en remet à justice. L'Office fédéral du développement territorial ARE, après avoir précisé que les parcelles n os 85 et 95 figurent toutes deux à l'inventaire cantonal des SDA, estime que l'examen des emplacements alternatifs pour l'implantation du hangar a été effectué de manière convaincante; au surplus, l'affaire n'appelle pas, au regard du droit fédéral de l'aménagement du territoire, d'observations de sa part. Les recourants répliquent et persistent dans leurs conclusions respectives.  
Par ordonnances séparées du 12 mai 2022, le Président de la Ire Cour de droit public a accordé l'effet suspensif dans chacune des causes. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Les deux recours portent sur le même arrêt cantonal. Ils concernent le même complexe de faits et soulèvent des questions juridiques analogues. Pour des motifs d'économie de procédure, il y a donc lieu de joindre les causes 1C_228/2022 et 1C_229/2022 et juger leurs mérites dans un même arrêt (cf. art. 71 LTF et 24 PCF [RS 273]; arrêt 2C_959/2021 du 30 novembre 2022 consid. 1, destiné à publication). 
 
2.  
Les recours sont dirigés contre un arrêt de renvoi. Celui-ci doit néanmoins être considéré comme une décision finale, la cause étant renvoyée à la municipalité pour délivrer le permis de construire dans le sens des considérants, sans qu'elle ne conserve de marge d'appréciation (cf. art. 90 LTF; ATF 145 III 42 consid. 2.1). L'arrêt entrepris a été rendu en dernière instance cantonale (art. 86 al. 1 let. d LTF), en matière de droit public des constructions (art. 82 let. a LTF). La voie du recours en matière de droit public est ainsi en principe ouverte (art. 82 ss LTF), aucune des exceptions prévues à l'art. 83 LTF n'étant au surplus réalisée. Les recourants 1 à 3 sont propriétaires de parcelles directement voisines, au nord, de la parcelle n o 126. A ce titre, ils sont particulièrement touchés par l'arrêt attaqué, qui confirme le projet de hangar sur cette parcelle, et bénéficient d'un intérêt digne de protection à sa modification ou à son annulation; ils jouissent ainsi de la qualité pour recourir au sens de l'art. 89 al. 1 LTF. La commune recourante, qui fait valoir une violation de l'autonomie dont elle bénéficie en matière d'aménagement du territoire et en droit des constructions, est également recevable à agir en vertu de l'art. 89 al. 2 let. c LTF. La question de savoir si elle est réellement autonome dans ce domaine relève du fond (ATF 146 I 36 consid. 1.4; 135 I 43 consid. 1.2 et les arrêts cités). Les autres conditions de recevabilité sont également réunies, si bien qu'il y a lieu d'entrer en matière sur les recours.  
 
3.  
 
3.1. Le Tribunal fédéral statue en principe sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), sous réserve des cas prévus à l'art. 105 al. 2 LTF (ATF 142 I 155 consid. 4.4.3). La partie recourante ne peut critiquer les constatations de fait ressortant de la décision attaquée que si celles-ci ont été effectuées en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF ou de manière manifestement inexacte, c'est-à-dire arbitraire, et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF; ATF 145 V 188 consid. 2). Conformément aux art. 42 al. 2 et 106 al. 2 LTF, la partie recourante doit expliquer de manière circonstanciée en quoi ces conditions seraient réalisées. A défaut, il n'est pas possible de tenir compte d'un état de fait qui diverge de celui qui est contenu dans l'acte attaqué (ATF 145 V 188 consid. 2; 137 II 353 consid. 5.1).  
 
3.2. La commune recourante conteste que l'intimé ne pourrait pas bâtir un ouvrage conforme à ses besoins ailleurs que sur le fonds n o 126. A la suivre, cette constatation reposerait elle-même sur des faits que l'autorité intimée aurait établis de manière manifestement inexacte; elle remet essentiellement en cause les caractéristiques topographiques de la parcelle n o 95, sur laquelle le projet aurait selon elle pu avantageusement prendre place.  
Savoir si l'intimé pouvait réaliser son projet sur une autre parcelle que le bien-fonds n o 126 ne relève toutefois pas du fait, mais du fond, plus précisément de l'examen des alternatives, auquel a procédé l'instance précédente; cet aspect sera discuté ci-dessous (cf. consid. 5.2.3 ci-dessous). Quant aux caractéristiques de la parcelle n o 95 excluant d'y implanter le projet, la commune recourante soutient que celles-ci auraient été établies arbitrairement. Les contraintes topographiques, l'atteinte à des SDA, la difficulté d'exploiter la parcelle si une construction devait y être érigée ainsi que la distance par rapport à l'exploitation ne seraient fondées sur aucune mesure d'instruction et reposeraient uniquement sur les dires de l'intimé. C'est toutefois perdre de vue que l'instance précédente a procédé à une inspection locale au cours de laquelle elle a pu s'imprégner des caractéristiques et de la configuration des différentes parcelles. Par ailleurs, comme le confirme céans l'ARE, la parcelle no 95 - de même que la parcelle no 85 - figure à l'inventaire cantonal des SDA, contrairement au fonds no 126; la parcelle no 95 est par ailleurs libre de constructions, les constructions évoquées par la recourante, mais également par les voisins recourants (ci-après: recourants 1 à 3), étant situées sur des fonds voisins (voir également Guichet cartographique du canton de Vaud/aménagement/surface d'assolement, disponible à l'adresse www.geo.vd.ch, consulté 20 janvier 2023). Enfin, à la lumière des plans, il n'apparaît pas choquant d'avoir retenu que l'éloignement entre le sud de la parcelle no 95, où était discutée l'implantation alternative, et le centre d'exploitation du recourant, situé sur la parcelle no 126 - où le hangar actuel sera maintenu -, était de nature à compliquer son activité agricole.  
Le grief est rejeté. 
 
4.  
Les recourants 1 à 3 se plaignent d'une application arbitraire de l'art. 34 al. 4 de l'ordonnance fédérale sur l'aménagement du territoire du 28 juin 2000 (OAT; RS 700.1) ainsi que d'une violation de leur droit d'être entendus. Pour reconnaître la nécessité agricole du projet, la cour cantonale ne se serait fondée que sur le seul fait que ce critère n'était pas contesté par la commune. Le Tribunal cantonal n'aurait en particulier pas tenu compte de leurs moyens circonstanciés soulevés à ce propos au stade de l'opposition. Dans ces conditions et dans la mesure où elle prend en compte cette nécessité agricole, la pesée des intérêts opérée par l'instance précédente serait empreinte d'arbitraire. 
 
4.1. Le droit d'être entendu consacré à l'art. 29 al. 2 Cst. implique pour l'autorité l'obligation de motiver sa décision. Selon la jurisprudence, il suffit que le juge mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision, de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause (ATF 143 III 65 consid. 5.2; 141 V 557 consid. 3.2.1). L'autorité n'a pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties, mais peut au contraire se limiter à l'examen des questions décisives pour l'issue du litige (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1; 137 II 266 consid. 3.2). La motivation peut pour le reste être implicite et résulter des différents considérants de la décision (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1). En revanche, une autorité se rend coupable d'un déni de justice formel prohibé par l'art. 29 al. 1 Cst. si elle ne se prononce pas sur un des chefs de conclusions de la demande, alors qu'elle devrait le faire (cf. ATF 142 II 154 consid. 4.2 et les arrêts cités).  
 
4.2. Au stade de la procédure de recours cantonal, les recourants 1 à 3 n'ont pas soulevé d'objections quant à la nécessité agricole au sens des art. 16a al. 1 de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 22 juin 1979 (LAT; RS 700) et 34 al. 4 let. a OAT. Ils reconnaissent d'ailleurs que leurs récriminations ont été développées au stade antérieur de l'opposition. Aussi ne voit-on pas où résiderait la violation du droit d'être entendu ou un quelconque déni de justice commis par l'instance précédente. Ce d'autant moins que le Tribunal cantonal a, de manière motivée, exposé les motifs pour lesquels le besoin agricole était avéré et devait être considéré dans le cadre de la pesée des intérêts de l'art. 34 al. 4 OAT, reprenant à cet égard l'appréciation de la DGAV (cf. arrêt attaqué, consid. 6a; cf. synthèse CAMAC, décision DGTL, ch. 2a). Contrairement à ce que soutiennent les recourants 1 à 3, l'instance précédente ne s'est ainsi pas contentée d'admettre la nécessité agricole au seul motif qu'elle n'était pas contestée par la commune.  
Cela étant, au stade de leur recours fédéral, les recourants 1 à 3 ne soulèvent aucun grief matériel, spécialement de violation du droit fédéral, à l'encontre de cette appréciation; ils ne font du reste pas non plus valoir que la cour cantonale aurait insuffisamment établi les faits sur cette question (sur ces questions, cf. ATF 142 I 155 consid. 4.4.3 et 4.7). Dans ces conditions, il n'y a pas de raison de revenir sur l'appréciation de l'autorité cantonale spécialisée, faite sienne par l'instance précédente, et de douter de l'existence d'un besoin justifié pour le hangar litigieux (art. 42 al. 2 LTF; cf. également ATF 139 II 185 consid. 9.3 et arrêt 1C_72/2017 du 14 septembre 2017 consid. 3.2 au sujet de l'appréciation des avis des autorités spécialisées). 
Mal fondé, le grief est rejeté. 
 
5.  
Aux termes d'argumentaires analogues pour l'essentiel, la commune de Syens et les recourants 1 à 3 se plaignent d'une atteinte à l'autonomie communale, d'une violation des art. 3 al. 2 let. b LAT et 34 al. 4 OAT. Ils font également valoir une application arbitraire de l'art. 86 de la loi cantonale sur l'aménagement du territoire et les constructions du 4 décembre 1985 (LATC; RS/VD 700.11). Ils reprochent en particulier au Tribunal cantonal de n'avoir pas accordé un poids prépondérant au manque d'intégration et à l'impact esthétique du projet. 
 
5.1.  
 
5.1.1. Selon l'art. 50 al. 1 Cst., l'autonomie communale est garantie dans les limites fixées par le droit cantonal. Une commune bénéficie de la protection de son autonomie dans les domaines que le droit cantonal ne règle pas de façon exhaustive, mais qu'il laisse en tout ou partie dans la sphère communale, conférant par là aux autorités municipales une liberté de décision relativement importante. L'existence et l'étendue de l'autonomie communale dans une matière concrète sont déterminées essentiellement par la constitution et la législation cantonales (ATF 147 I 136 consid. 2.1; 146 I 83 consid. 2.1; 144 I 193 consid. 7.4.1). En droit cantonal vaudois, les communes jouissent d'une autonomie consacrée, s'agissant de l'aménagement local du territoire, par l'art. 139 al. 1 let. d Cst./VD (ATF 146 II 367 consid. 3.1.4; 115 Ia 114 consid. 3d; arrêt 1C_144/2022 du 11 janvier 2023 consid. 2.2).  
 
5.1.2. La commune et les services cantonaux compétents disposent, en matière de constructions en zone agricole, de compétences parallèles sur les questions de préservation du paysage, d'intégration et d'esthétique. D'une part, les services cantonaux compétents doivent tenir compte de ces points (cf. art. 3 al. 2 let. b de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 22 juin 1979 [LAT; RS 700]) dans l'application de l'art. 16a al. 1 LAT (précisé par l'art. 34 al. 4 de l'ordonnance sur l'aménagement du territoire du 28 juin 2000 [OAT; RS 700.1]), qui prévoit en substance que les constructions et installations nécessaires à l'exploitation agricole sont conformes à l'affectation de la zone agricole. D'autre part, même si l'autorisation spéciale cantonale a été délivrée (cf. art. 25 al. 2 LAT), l'autorité communale reste habilitée, au nom de l'autonomie dont elle dispose dans ce domaine, à refuser un permis de construire pour un motif fondé sur la clause générale d'esthétique (art. 86 LATC) ou sur son droit communal basé sur cette disposition (cf. arrêt 1C_80/2015 du 22 décembre 2015 consid. 2.3).  
La clause générale d'esthétique prévue, en droit vaudois, à l'art. 86 LATC, impose plus particulièrement à la municipalité de veiller à ce que les constructions, quelle que soit leur destination, ainsi que les aménagements qui leur sont liés, présentent un aspect architectural satisfaisant et s'intègrent à l'environnement (al. 1). Celle-ci peut refuser le permis de construire pour des projets susceptibles de compromettre l'aspect ou le caractère d'un site, d'une localité, d'un quartier ou d'une rue, ou de nuire à l'aspect d'un édifice de valeur historique, artistique ou culturelle (al. 2). Les règlements communaux doivent contenir des dispositions en vue d'éviter l'enlaidissement des localités et de leurs abords (al. 3). Sur le plan communal, l'art. 6.1 RPGA prévoit que la municipalité prend toutes les mesures pour sauvegarder la qualité du paysage et des sites et éviter les nuisances. Les bâtiments et les installations qui, par leur destination, leurs formes ou leurs proportions, sont de nature à compromettre l'harmonie des lieux ou l'homogénéité d'un quartier ou d'une rue sont interdits. Il en est de même pour les réalisations dont l'exploitation pourrait avoir un effet négatif sur l'environnement. 
 
5.1.3. La décision de l'autorité communale ne doit cependant pas procéder d'un excès du pouvoir d'appréciation: elle doit reposer sur une appréciation adéquate des circonstances pertinentes, ne pas être guidée par des considérations étrangères à la réglementation applicable ni omettre de tenir compte des intérêts et autres éléments pertinents en présence, à l'instar des objectifs poursuivis par le droit supérieur, en particulier en matière d'aménagement du territoire (art. 1 et 3 LAT) (cf. ATF 145 I 52 consid. 3.6; arrêts 1C_639/2018 du 23 septembre 2019 consid. 3.1.3; 1C_540/2016 du 25 août 2017 consid. 2.2 publié in JdT 2017 I 303). Aussi, une autorité communale ne saurait-elle priver de toute portée les art. 16, 16a LAT et 34 OAT (cf. arrêt 1C_80/2015 précité consid. 2.3 et consid. 2.4.2; à l'intérieur de la zone à bâtir, cf. ATF 115 Ia consid. 3 p. 119); dès lors que la législation fédérale en matière d'aménagement postule que les zones agricoles servent à garantir la base d'approvisionnement du pays à long terme (art. 16 al. 1 1ère phrase LAT), la réalisation d'ouvrages conformes à l'affectation de la zone, répondant aux besoins d'une exploitation agricole, relève de l'intérêt public. Partant, si des aspects d'ordre esthétique peuvent certes conduire à l'annulation d'un projet (cf. arrêt 1C_80/2015 précité consid. 2-2.6; 1C_397/2015 du 9 août 2016 consid. 4.2-4.6), la municipalité ne peut s'abriter derrière de tels motifs pour interdire systématiquement toute réalisation similaire dans sa zone agricole (cf. arrêt 1C_80/2015 précité consid. 2.4.3 a contrario; voir également, ATF 115 Ia 114 consid. 3d p. 119), au préjudice des conditions fixées par le droit fédéral, notamment s'agissant du caractère nécessaire à l'exploitation agricole (art. 16a LAT et 34 OAT), et de la possibilité de prévoir des mesures d'aménagement garantissant néanmoins une bonne intégration. Les motifs esthétiques invoqués en application d'un règlement communal à l'appui du refus d'un projet doivent par conséquent être mis en balance avec les autres intérêts en présence, en application de l'art. 34 al. 4 OAT (cf. arrêts 1C_50/2020 du 8 octobre 2020 consid. 7.1.1; 1C_96/2018 du 11 octobre 2018 consid. 3.3.1).  
 
5.2. En l'espèce, la cour cantonale a reconnu l'impact visuel important du projet, notamment l'atteinte à la vue sur le village de Syens. L'instance précédente a toutefois validé le projet litigieux à l'issue de sa pesée des intérêts. Les exigences de la DGTL en matière d'intégration permettaient de limiter l'impact visuel du projet. Le hangar litigieux était justifié par les besoins de l'exploitation agricole. Son implantation sur la parcelle n o 126 permettait de préserver les SDA et d'assurer le regroupement des constructions, contrairement aux autres sites alternatifs envisagés. L'intérêt lié à l'esthétique et à l'intégration, excipé par la commune en application de l'art. 86 LATC, n'apparaissait ainsi pas prépondérant.  
 
5.2.1. Les recourants 1 à 3 estiment qu'il y a lieu de "distinguer entre la pesée des intérêts au sens de l'art. 34 al. 4 let. b OAT, d'une part, et l'application de la clause d'esthétique au sens de l'art. 86 al. 1 LATC, d'autre part". A les comprendre, la pondération commandée par l'art. 34 al. 4 OAT ne saurait entraver l'application de la clause d'esthétique de l'art. 86 LATC, sauf à violer l'autonomie communale. Une telle conclusion se heurte toutefois frontalement à la jurisprudence rappelée ci-dessus, dont on doit déduire - tout comme d'ailleurs de l'arrêt 1C_80/2015 cité par les recourants - que l'esthétique constitue un élément parmi d'autres à prendre en considération dans le cadre de la pesée des intérêts commandée par l'art. 34 al. 4 OAT; l'esthétique et l'intégration, domaine dans lequel la commune est en l'occurrence autonome, ne sauraient lui permettre de refuser systématiquement toute construction, au détriment des autres intérêts en présence, à l'instar de la nécessité agricole, de surcroît érigée en condition de conformité à l'affectation de la zone agricole par le droit fédéral (cf. art. 16a al. 1 LAT; art. 34 al. 4 let. a OAT). Dans le cas présent, l'admission du recours cantonal ne découle d'ailleurs pas d'une remise en cause de l'appréciation esthétique opérée par la commune; les juges cantonaux conviennent au contraire de l'important impact visuel du projet (cf. arrêt attaqué, consid. 6b, p. 15), si bien qu'il n'y a sous cet angle pas de place pour une violation de l'autonomie communale. C'est en effet le poids accordé au manque d'intégration dans la pesée des intérêts de l'art. 34 al. 4 OAT qui est ici litigieux, et qu'il convient à présent d'examiner.  
 
5.2.2. En l'occurrence et pour les motifs exposés précédemment au consid. 4.2, il n'y a pas lieu de revenir sur le besoin agricole auquel répond le projet litigieux. Le hangar projeté permettra de compléter la surface nécessaire aux machines agricoles et au stockage des pommes de terre. Il est en outre établi que sa surface après réalisation sera inférieure aux besoins de l'exploitation de l'intimé calculés par la DGAV, ce qui ménage d'autant l'intérêt à la préservation des terres agricoles.  
 
5.2.3. La cour cantonale a toutefois reconnu que l'impact visuel serait considérable et que le projet obstruera la vue sur le village, raison pour laquelle des solutions alternatives ont été recherchées (sur les parcelles nos 85, 95 et 107). Celles-ci ont cependant été écartées au profit d'une implantation sur la parcelle no 126. Devant le Tribunal fédéral, seule demeure discutée l'option présentée par la parcelle no 95. Tant la commune que les recourants 1 à 3 soutiennent qu'une implantation sur ce bien-fonds, appartenant également à l'intimé, serait préférable; ils se prévalent de sa topographie, de l'équipement dont il dispose déjà et du fait que le hangar pourra être implanté à proximité de constructions existantes. Ce faisant, les recourants se contentent cependant de présenter appellatoirement leur propre appréciation sans prendre la peine de discuter les développements étayés de la cour cantonale. Or, il ressort de l'arrêt attaqué que, contrairement à la parcelle no 126, la parcelle no 95 figure à l'inventaire cantonal des SDA, ce que confirme céans l'ARE; aussi une implantation sur la parcelle no 126 répond-elle à un intérêt important en matière d'aménagement (art. 3 al. 2 LAT, art. 26 al. 1 OAT; cf. ATF 145 II 11 consid. 3). A cette atteinte aux SDA qu'entraînerait une implantation sur la parcelle no 95, qui ne supporte actuellement pas de construction, s'ajoutent des contraintes topographiques ainsi que des difficultés d'exploitation en cas d'implantation du hangar (cf. consid. 3.2); maintenir ce fonds libre de constructions répond ainsi également aux buts de l'aménagement du territoire en matière agricole (cf. art. 16 al. 1 2ème phrase LAT). Il est par ailleurs établi, que l'éloignement de ce fonds du centre d'exploitation du recourant, situé sur la parcelle no 126, est de nature à compliquer son activité agricole. Une implantation sur cette dernière parcelle, à proximité des installations agricoles existantes de l'intimé, répond en outre au principe de concentration des constructions prévalant en zone agricole et évite, en adéquation avec les intérêts majeurs de l'aménagement, un mitage du territoire par la dispersion des constructions (cf. ATF 141 II 50 consid. 2.5; arrêt 1C_58/2017 du 18 octobre 2018 consid. 5.4.1 et les arrêts cités).  
 
5.2.4. Pour en revenir à proprement parler à l'impact visuel, il est vrai qu'il ressort du recensement ISOS de 1989 de Syens que le hangar existant sur la parcelle n o 126 déprécie déjà la silhouette du village. Il convient de rappeler que, si le village de Syens a fait l'objet d'un recensement selon la méthode ISOS, il ne figure cependant pas à l'inventaire en tant qu'objet d'importance nationale (cf. art. 1 al. 3 de l'ordonnance fédérale du 13 novembre 2019 concernant l'ISOS [OISOS; RS 451.12]); il revêt tout au plus, un intérêt régional, ce qui conduit à relativiser l'importance accordée par la commune à l'esthétique. Il faut en outre ajouter que la DGTL, autorité cantonale spécialisée, a imposé dans son autorisation spéciale une série d'exigences en matière d'intégration, s'agissant de l'implantation, de la volumétrie, des matériaux et teintes des façades, des ouvertures et de la toiture; des aménagements extérieurs sous forme d'une arborisation sont aussi exigés. Or, ces mesures, qui ne sont pas sérieusement discutées par les recourants, permettent encore de minimiser l'impact visuel du projet: comme l'a expliqué la DGTL dans son autorisation spéciale, un tel traitement harmonieux permet d'assurer une bonne intégration, ce dont attestait d'ailleurs le rural, de volume similaire, reconstruit à l'est du village en 2014. En outre, comme le souligne sans être contredit le Tribunal cantonal, l'architecture et la matérialisation plus traditionnelles du projet - qui en découlent - permettront le démontage de l'abri-tunnel existant supprimant son impact visuel important.  
 
5.2.5. Dans ces conditions, les critères d'intégration et d'esthétique invoqués pour refuser l'autorisation de construire ne sauraient prévaloir, sauf à priver indûment de toute portée les art. 16, 16a LAT et 34 OAT. En effet, de manière générale, le projet est compatible avec l'affectation agricole du secteur; il est nécessaire à l'exploitation agricole de l'intimé. Quant à son implantation sur la parcelle n o 126, confirmée au terme d'une analyse de variantes, à laquelle adhère au demeurant l'ARE, elle répond aux buts de l'aménagement du territoire, spécialement en tant qu'elle permet de ménager les SDA; elle assure également une meilleure exploitation du domaine agricole, favorisant en cela l'objectif de garantie d'approvisionnement ancré à l'art. 16 al. 1 LAT. La pesée des intérêts opérées par l'instance précédente apparaît ainsi conforme au droit fédéral; elle ne saurait a fortiori être taxée d'arbitraire et doit partant être confirmée.  
 
5.2.6. Le grief est rejeté.  
 
6.  
Cela conduit au rejet des recours. Les frais judiciaires sont mis à la charge solidaire des recourants 1 à 3 (art. 66 al. 1 et 5 LTF); la Commune de Syens en est exemptée (art. 66 al. 4 LTF). L'intimé, non assisté, n'a pas droit à des dépens (art. 68 al. 1 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Les causes 1C_228/2022 et 1C_229/2022 sont jointes. 
 
2.  
Les recours sont rejetés. 
 
3.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 4'000 fr., sont mis à la charge solidaire des recourants 1 à 3. 
 
4.  
Il n'est pas alloué de dépens. 
 
5.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Direction générale du territoire et du logement du canton de Vaud, à la Direction générale de la mobilité et des routes du canton de Vaud, à la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal du canton de Vaud ainsi qu'à l'Office fédéral du développement territorial. 
 
 
Lausanne, le 22 février 2023 
 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Juge présidant : Chaix 
 
Le Greffier : Alvarez