Wichtiger Hinweis:
Diese Website wird in älteren Versionen von Netscape ohne graphische Elemente dargestellt. Die Funktionalität der Website ist aber trotzdem gewährleistet. Wenn Sie diese Website regelmässig benutzen, empfehlen wir Ihnen, auf Ihrem Computer einen aktuellen Browser zu installieren.
Zurück zur Einstiegsseite Drucken
Grössere Schrift
 
 
Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
9C_101/2022  
 
 
Arrêt du 22 février 2023  
 
IIIe Cour de droit public  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Stadelmann, Juge présidant, Moser-Szeless et Beusch. 
Greffier : M. Bürgisser. 
 
Participants à la procédure 
1. A.________, 
par son associé, B.________, 
2. B.________, 
tous les deux représentés par M e Mathias Bauer, avocat, 
recourants, 
 
contre  
 
Caisse de compensation GastroSocial, Buchserstrasse 1, 5001 Aarau, 
intimée. 
 
Objet 
Allocations pour perte de gain en cas de service et de maternité (Covid-19), 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel du 14 janvier 2022 (CDP.2021.238). 
 
 
Faits :  
 
A.  
A.________ est une société en nom collectif inscrite au registre du commerce depuis le xxx septembre 2017. Elle a notamment pour but l'exploitation d'un restaurant. C.________ et B.________ en sont les associés, tous deux avec signature individuelle. 
Le 15 février 2021, B.________ a déposé une demande d'allocation pour perte de gain en lien avec le coronavirus en raison de la fermeture du restaurant en janvier 2021 devant la Caisse de compensation GastroSocial (ci-après: la caisse de compensation), auprès de laquelle il est affilié à titre d'indépendant. Par décision du 25 mars 2021, confirmée sur opposition le 7 juin 2021, la caisse de compensation a nié le droit de l'assuré à une telle allocation. En bref, l'administration a considéré que B.________ n'avait pas obtenu de revenus soumis à l'AVS au cours de l'année concernée (2019) d'une part et qu'un revenu hypothétique ne pouvait pas être pris en considération d'autre part. 
 
B.  
Le 8 juillet 2021, A.________ a formé un recours contre la décision sur opposition du 7 juin 2021 auprès du Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel, Cour de droit public. Par arrêt du 14 janvier 2022, la juridiction cantonale l'a rejeté. 
 
C. A.________ et B.________ interjettent un recours en matière de droit public contre cet arrêt, dont ils demandent l'annulation. Ils concluent, chacun en leur nom, au renvoi de la cause à la juridiction cantonale pour nouvelle décision au sens des considérants. A.________ et B.________ sollicitent également le bénéfice de l'assistance judiciaire.  
Par courrier du 19 décembre 2022, la caisse de compensation a indiqué qu'une allocation pour perte de gain en lien avec le coronavirus pouvait être admise, sur la base d'un revenu AVS de 16'700 fr, fondé sur la décision de cotisation définitive du 5 avril 2022. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Quand bien même les recourants demandent l'annulation de l'arrêt cantonal, cette conclusion est recevable même si le recours en matière de droit public se caractérise comme un recours en réforme (art. 107 al. 2 LTF). Il ressort en effet du mémoire de recours, qu'il y a lieu de prendre en considération pour interpréter les conclusions (ATF 137 II 313 consid. 1.3), que les recourants demandent l'octroi d'une allocation pour perte de gain en lien avec le coronavirus, fondée sur le revenu qu'ils auraient pu obtenir en exploitant le restaurant. 
 
2.  
L'intimée, dans son écriture spontanée du 19 décembre 2022, conclut qu'une allocation pour perte de gain en lien avec le coronavirus peut être admise, en produisant la décision définitive de cotisations personnelles de B.________ pour l'année 2019, datée du 5 avril 2022. Conformément à l'art. 99 al. 1 LTF, aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut être présenté à moins de résulter de la décision attaquée. Dès lors, il ne sera pas tenu compte de cette écriture spontanée et de la pièce qui l'accompagne, dans la mesure où elle a trait à des faits postérieurs à l'arrêt attaqué. 
 
3.  
Le Tribunal fédéral examine d'office la recevabilité des recours qui lui sont soumis (cf., parmi d'autres, ATF 148 V 265 consid. 1.1), ainsi que si les conditions de recevabilité étaient réunies devant l'instance précédente et si, partant, c'est à bon droit que celle-ci est entrée en matière (cf., parmi d'autres, ATF 136 V 7 consid. 2 et les arrêts cités). Lorsque l'instance précédente ne voit pas qu'une condition de recevabilité fait défaut et rend une décision sur le fond, il y a lieu d'en tenir compte d'office dans la procédure de recours et d'en tirer la conséquence que l'arrêt entrepris doit être annulé (cf. ATF 142 V 67 consid. 2.1; 141 V 605 consid. 3.1; 136 V 7 consid. 2). 
 
4.  
 
4.1. Aux termes de l'art. 89 al. 1 LTF, la qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque a pris part à la procédure devant l'autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire (let. a), est particulièrement atteint par la décision ou l'acte normatif attaqué (let. b) et a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification (let. c).  
 
4.2. En l'espèce, bien que destinataire de la décision sur opposition du 7 juin 2021, B.________ n'a pas pris part à la procédure devant la juridiction cantonale, contrairement à ce qu'il prétend. Le recours du 8 juillet 2021 a en effet été déposé au nom de A.________ et était uniquement accompagné d'une procuration établie au nom de cette société en nom collectif. De plus, l'arrêt entrepris a été rendu dans la cause opposant A.________, recourante, à la caisse de compensation, intimée (cf. rubrum de l'arrêt entrepris). Or il appartient au recourant qui n'a pas pris part à la procédure devant l'instance précédente d'expliquer en quoi il aurait été privé de la possibilité de le faire (cf. ATF 134 II 45 consid. 2.2.3; arr êt 2C_673/2019 du 3 décembre 2019 consid. 1.2 et les références), ce qu'il ne fait pas. Le recours de B.________ doit dès lors être déclaré irrecevable.  
 
4.3.  
 
4.3.1. En ce qui concerne le recours de A.________, on rappellera que la capacité de partie et celle d'ester en justice déterminent si une personne a la faculté de figurer en son propre nom comme partie dans un procès; elles constituent des préalables à l'examen de la qualité pour recourir (cf. arrêt 2C_684/2015 du 24 février 2017 consid. 1.2). En l'espèce, A.________, qui n'a pas la personnalité morale, bénéfice cependant de certains attributs de la personne morale et peut en particulier être partie en justice (art. 562 CO; arrêt 4A_576/2019 du 3 février 2020 consid. 6.2 et les références).  
 
4.3.2. Selon la jurisprudence, la qualité pour recourir d'un tiers qui n'est pas destinataire de la décision dont il est fait recours n'est admise que restrictivement. Les tiers ne sont en effet pas touchés par une décision de la même manière que son destinataire formel et matériel, dans la mesure où elle ne leur octroie pas directement des droits ou leur impose des obligations (arrêts 9C_852/2017 du 25 juin 2018 consid. 2.2.2; 9C_616/2011 du 5 avril 2012 consid. 3.4). Pour avoir qualité pour recourir, le tiers doit ainsi être touché directement et plus fortement que tout autre tiers et se trouver, avec l'objet de la contestation, dans une relation particulière, étroite et digne d'être prise en considération (cf. ATF 146 I 172 consid. 7.1.2; 139 II 279 consid. 2.2; 137 III 67 consid. 3.5; 135 II 172 consid. 2.1).  
Comme on l'a vu (supra consid. 4.2), la décision sur opposition a été notifiée à B.________. Or lorsque, comme en l'espèce, le recours intervient en faveur du destinataire de la décision administrative dont il est fait recours ("pro Adressat"; cf. ATF 142 V 583 consid. 4.3), la qualité pour recourir suppose que le tiers tire lui-même un désavantage immédiat de la décision contestée (ATF 137 III 67 consid. 3.5; 130 V 560 consid. 3.5). Il y a dès lors lieu de déterminer si A.________ dispose d'un intérêt digne de protection dans ce sens. 
 
4.3.3.  
 
4.3.3.1. Sur le fond, le litige a trait au droit à une allocation pour perte de gain en lien avec le coronavirus (COVID-19) en raison de la fermeture du restaurant exploité par la recourante, à la suite de la demande déposée le 15 février 2021 par B.________.  
La juridiction cantonale a considéré que l'intimée était légitimée à retenir un revenu nul, en se fondant sur la décision provisoire fixant les acomptes de cotisation AVS de l'année 2019 de B.________ (décisions des 19 juillet 2019 et 2 février 2021), afin de déterminer l'allocation pour perte de gain en lien avec le COVID-19. A cet égard, les motifs à l'origine de l'absence de revenus pour l'année en cause n'étaient pas pertinents. Par conséquent, la caisse de compensation était fondée à "refuse[r] la demande de la recourante". 
 
4.3.3.2. Aux termes de l'art. 2 al. 3bis de l'ordonnance sur les pertes de gain en lien avec le coronavirus (ordonnance sur les pertes de gain COVID-19; dans sa teneur du 17 septembre 2020 au 16 février 2022 [RO 2020 4574], applicable en l'espèce compte tenu du moment de la survenance des faits entraînant des conséquences juridiques [ATF 148 V 162 consid. 3.2 et les références]), les personnes qui exercent une activité lucrative indépendante au sens de l'art. 12 LPGA et les personnes visées à l'art. 31 al. 3 let. b et c LACI, pour autant qu'elles ne soient pas concernées par l'al. 3 et qu'elles remplissent la condition prévue à l'al. 1bis let. c ont droit à l'allocation: si leur activité lucrative est significativement limitée en raison de mesures de lutte contre l'épidémie de COVID-19 ordonnées par une autorité (let. a), si elles subissent une perte de gain ou une perte de salaire (let. b) et si elles ont touché pour cette activité au moins 10'000 francs à titre de revenu soumis aux cotisations AVS en 2019 [...] (let. c).  
Compte tenu de la teneur de cette disposition, on constate que la recourante, en tant que société en nom collectif, ne peut pas prétendre, pour l'un de ses associés, à l'allocation en cause, en tant que "personne qui exerce une activité lucrative indépendante au sens de l'art. 12 LPGA". En effet, cette norme de la LPGA contient une définition de la notion de personnes exerçant une activité lucrative indépendante qui renvoie tacitement aux art. 5 ss LAVS ainsi qu'à la pratique de l'AVS (ATF 147 V 242 consid. 9.1). Selon l'art. 9 al. 1 LAVS, le revenu provenant d'une activité indépendante comprend tout revenu du travail autre que la rémunération pour un travail accompli dans une situation dépendante (sur la délimitation entre activité lucrative dépendante et indépendante, cf. arrêt 9C_460/2015 du 18 novembre 2015 consid. 3 et les références). Aux termes de l'art. 20 al. 3 RAVS, les membres des sociétés en nom collectif, des sociétés en commandite et d'autres collectivités de personnes ayant un but lucratif et ne possédant pas la personnalité juridique sont tenus de payer les cotisations sur leur part du revenu de la collectivité. Selon cette disposition, la participation à de telles sociétés de personnes consacre une activité lucrative indépendante et leurs associés sont soumis à l'obligation de cotiser au titre d'une telle activité pour leur part du revenu (ATF 141 V 234 consid. 4.3.2; 136 V 258 consid. 2.2.3; cf. également arrêts 9C_65/2018 du 7 janvier 2019 consid. 4.1.2; 9C_504/2010 du 1er septembre 2010 consid. 1.3). Conformément à ces dispositions, dont la teneur est univoque, la société en nom collectif ne peut donc pas être considérée comme exerçant une activité lucrative indépendante au sens de l'art. 12 LPGA. En effet, seuls les associés d'une telle société de personnes sont considérés comme des personnes exerçant une telle activité. 
A.________ ne saurait davantage être considérée comme une "personne visée à l'art. 31 al. 3, let. b et c LACI" (deuxième hypothèse prévue à l'art. 2 al. 3bis de l'ordonnance sur les pertes de gain COVID-19), dans la mesure où la disposition de la LACI vise, dans le cas d'une société en nom collectif, la personne physique qui occupe une position assimilable à celle d'un employeur (cf. arrêt C 63/02 du 20 novembre 2002 consid. 2.4). 
 
4.3.3.3. Dans le contexte des indemnités pertes de gain COVID-19 et compte tenu de l'art. 2 al. 3bis de l'ordonnance sur les pertes de gain COVID-19, on ne saurait admettre qu'il existe, pour la recourante, qui n'est pas employeur de ses associés, un rapport suffisamment étroit et direct avec l'objet du litige qui serait digne de protection au regard des strictes exigences de recevabilité posées en matière de recours de tiers "pro destinataires". Son recours devant le Tribunal fédéral doit dès lors être déclaré irrecevable.  
Selon la jurisprudence, la notion d'intérêt digne de protection au sens de l'art. 59 LPGA, applicable à la procédure de recours cantonale en matière de perte de gain COVID-19 (cf. art. 1 de l'ordonnance sur les pertes de gain COVID-19) doit être interprétée de la même manière que celle de l'art. 89 al. 1 let. c LTF (cf. ATF 138 V 292 consid. 3). Partant, dans la mesure où A.________ ne dispose pas de la qualité pour recourir en instance fédérale, la juridiction cantonale a violé le droit fédéral en déclarant recevable devant elle le recours de la société en nom collectif. L'arrêt entrepris doit dès lors être annulé (supra consid. 3). 
 
5.  
Compte tenu des circonstances, il y a lieu de renoncer à percevoir des frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). Les recourants ont déposé une demande d'assistance judiciaire. Elle sera accordée à A.________, dès lors que les conditions d'octroi en sont réalisées (art. 64 al. 1 et 2 LTF; ATF 116 II 651 consid. 2). Dans la mesure où les recourants ont déposé un seul mémoire, la demande d'assistance judiciaire de B.________ devient sans objet, en tant qu'elle concerne les honoraires de leur conseil. 
L'issue du litige n'a en revanche pas d'incidence sur la répartition des frais et dépens de première instance (cf. art. 67 LTF et 68 al. 5 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours de B.________ est irrecevable. 
 
2.  
Le recours de A.________ est irrecevable. 
 
3.  
L'arrêt du 14 janvier 2022 du Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel, Cour de droit public, est annulé. 
 
4.  
Il n'est pas perçu de frais judiciaires pour la procédure fédérale. 
 
5.  
La demande d'assistance judiciaire de B.________ est sans objet. 
 
6.  
L'assistance judiciaire est accordée à A.________ et M e Mathias Bauer est désigné comme avocat d'office.  
 
7.  
Une indemnité de 2800 fr. est allouée à M e Mathias Bauer à titre d'honoraires à payer par la Caisse du Tribunal fédéral.  
 
8.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel, Cour de droit public, et à l'Office fédéral des assurances sociales. 
 
 
Lucerne, le 22 février 2023 
 
Au nom de la IIIe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Juge présidant : Stadelmann 
 
Le Greffier : Bürgisser