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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
2C_1028/2022  
 
 
Arrêt du 22 mars 2023  
 
IIe Cour de droit public  
 
Composition 
Mmes et M. les Juges fédéraux Aubry Girardin, Présidente, Hänni et Hartmann. 
Greffier : M. Rastorfer. 
 
Participants à la procédure 
1. A.A.________, 
2. B.A.________, 
recourantes, 
 
contre  
 
Confédération Suisse, 
agissant par le Département fédéral des finances, Service juridique, Bundesgasse 3, 3003 Berne, 
intimée. 
 
Objet 
Responsabilité de l'Etat; refus d'assistance judiciaire, 
 
recours contre la décision incidente du Tribunal administratif fédéral, Cour I, du 30 juin 2022 
(A-2806/2022). 
 
 
Considérant en fait et en droit :  
 
1.  
Par décision incidente du 30 juin 2022, notifiée par voie diplomatique le 30 août 2022, la juge chargée de l'instruction du Tribunal administratif fédéral a rejeté la demande d'assistance judiciaire totale déposée par A.A.________ et B.A.________ aux fins de recourir contre la décision rendue le 27 avril 2022 par le Département fédéral des finances rejetant, dans la mesure de sa recevabilité, leur demande en dommages et intérêts contre la Confédération pour un montant total de 17'500'000 fr. introduite par les intéressées. Ces dernières tenaient le Secrétariat d'Etat aux migrations pour responsable du décès de leur mère, survenu le 8 février 2018 en Turquie en raison, selon elles, de la durée des procédures d'asile et de renvoi, ainsi que des conditions de soins et d'hébergement dans le centre d'accueil cantonal du canton de Schaffhouse, dans lequel leur mère aurait souffert de la faim et d'une exposition à la poussière. 
Pour rejeter la demande d'assistance judiciaire, l'autorité précédente a jugé prima facie que le recours était dépourvu de chances de succès. En effet, la mère des intéressées, née en 1932, qui était diabétique et présentait une hypertension artérielle et des complications au niveau des yeux, était décédée dans son pays d'origine plusieurs mois après son retour volontaire dans celui-ci, à la suite du rejet, le 7 septembre 2017, de sa demande d'asile. Or, les intéressées n'apportaient aucun élément démontrant que la cause du décès de leur mère aurait été due à la durée de la procédure d'asile ou aux conditions d'hébergement ou de soins en Suisse. Par ailleurs, le Secrétariat d'Etat aux migrations n'était pas responsable des centres d'hébergement cantonaux, ni des soins prodigués par les hôpitaux cantonaux, de sorte qu'un acte illicite d'un fonctionnaire fédéral apparaissait inexistant. Enfin, les intéressées n'apportaient aucun élément tendant à démontrer leur préjudice, ni l'ampleur de l'indemnité réclamée. Pour le reste, l'autorité précédente a considéré que la cause ne présentait pas de difficultés particulières et qu'elle ne soulevait aucune question juridique de principe, de sorte que l'intervention d'un avocat n'était pas nécessaire.  
 
2.  
Par mémoires en anglais et en français datés du 25 septembre 2022 et déposés en mains du Consulat général de Suisse à Istanbul, A.A.________ et B.A.________ ont recouru auprès du Tribunal fédéral contre la décision incidente du 30 juin 2022 précitée. Elles demandent en substance au Tribunal fédéral de constater qu'elles sont au bénéfice de l'assistance judiciaire totale dans la procédure pendante devant le Tribunal administratif fédéral. Elles sollicitent, à tout le moins implicitement, également l'assistance judiciaire pour la procédure devant la Cour de céans et la désignation d'un avocat. 
Les intéressées n'ont pas élu de domicile de notification en Suisse dans le délai imparti à cette fin par le Tribunal fédéral au 30 novembre 2022, de sorte que, comme il leur a été indiqué, le présent arrêt leur sera communiqué par publication dans la Feuille fédérale (cf. art. 39 al. 3 LTF). 
Par courrier du 19 décembre 2022, la Présidente de la II e Cour de droit public du Tribunal fédéral a indiqué renoncer provisoirement à exiger une avance de frais, tout en précisant qu'il serait statué ultérieurement sur l'octroi de l'assistance judiciaire, ainsi que sur la désignation d'un avocat. 
Il n'a pas été ordonné d'échange d'écritures. 
 
3.  
Selon l'art. 93 al. 1 LTF, les décisions incidentes notifiées séparément qui ne portent pas sur la compétence et les demandes de récusation (cf. art. 92 LTF) peuvent faire l'objet d'un recours notamment si elles peuvent causer un préjudice irréparable (let. a). Tel est en principe le cas d'une décision refusant d'accorder l'assistance judiciaire (cf. ATF 139 V 600 consid. 2.2; arrêt 2C_1054/2021 du 16 mars 2022 consid. 4.2 et l'arrêt cité). 
La voie de recours contre une décision incidente est, selon le principe de l'unité de la procédure, déterminée par le litige principal (ATF 137 III 261 consid. 1.4) qui, en l'espèce, relève au fond de la responsabilité étatique et donc du droit public (art. 82 let. a LTF), sans qu'aucune exception prévue à l'art. 83 LTF ne soit réalisée, étant précisé que le montant réclamé par les recourantes à titre de réparation de leur dommage, soit 17'500'000 fr., dépasse largement le seuil de 30'000 fr. prévu à l'art. 85 al. 1 let. a LTF. Le recours en matière de droit public est donc ouvert. Les autres conditions de recevabilité sont au surplus réunies (cf. art. 42, 86 al. 1 let. a, 89 et 100 LTF), de sorte qu'il convient d'entrer en matière. 
 
4.  
A titre préalable, il convient de rappeler que seul le mémoire rédigé en français, langue officielle, peut être pris en considération (cf. art. 42 al. 1 et 54 al. 1 LTF). Dès lors que les recourantes agissent en personne et que le litige porte sur l'assistance judiciaire, il convient de ne pas se montrer trop strict s'agissant des exigences de motivation (cf. ATF 141 I 49 consid. 3.1; arrêt 2C_165/2022 du 5 août 2022 consid. 1.3). 
 
5.  
Les recourantes, sans invoquer de base légale, font en substance grief à l'autorité précédente d'avoir considéré que leur recours contre la décision du Département fédéral des finances du 27 avril 2022 était dénué de chances de succès. 
A teneur de l'art. 29 al. 3 Cst., toute personne qui ne dispose pas de ressources suffisantes a droit, à moins que sa cause paraisse dépourvue de toute chance de succès, à l'assistance judiciaire gratuite. Elle a en outre droit à l'assistance gratuite d'un défenseur, dans la mesure où la sauvegarde de ses droits le requiert. Ce principe est concrétisé par l'art. 65 al. 1 et 2 PA, qui s'applique à la procédure devant le Tribunal administratif fédéral conformément à l'art. 37 LTAF (cf. arrêt 2C_1054/2021 précité consid. 6.2 et l'arrêt cité). 
L'absence de chances de succès peut résulter des faits ou du droit. L'assistance judiciaire est ainsi refusée s'il apparaît d'emblée que les faits pertinents allégués sont invraisemblables ou ne pourront pas être prouvés. Il en va de même si, en droit, la démarche du requérant paraît d'emblée irrecevable ou juridiquement infondée. Déterminer s'il existe des chances de succès est une question de droit, que le Tribunal fédéral examine librement; en revanche, savoir si les faits sont établis ou susceptibles d'être prouvés relève de l'appréciation des preuves, qui ne peut être corrigée qu'en cas d'arbitraire (cf. arrêt 5A_881/2022 du 2 février 2023 consid. 7.1.2 et les arrêts cités). 
 
6.  
Le litige revient ainsi à se demander si c'est à juste titre que le Tribunal administratif fédéral a dénié à l'action en responsabilité des recourantes d'emblée toute chance de succès. 
 
6.1. La loi fédérale du 14 mars 1958 sur la responsabilité de la Confédération, des membres de ses autorités et de ses fonctionnaires (LRCF; RS 170.32) régit les conditions auxquelles la Confédération répond du dommage causé sans droit à un tiers par un fonctionnaire dans l'exercice de ses fonctions, sans égard à la faute du fonctionnaire (art. 3 LRCF). Cette disposition consacre une responsabilité primaire, exclusive et causale de l'Etat, en ce sens que le tiers lésé ne peut rechercher que l'Etat, à l'exclusion du fonctionnaire ou de l'agent responsable, et qu'il n'a pas à établir l'existence d'une faute de ce dernier; il lui suffit d'apporter la preuve d'un acte illicite, d'un dommage ainsi que d'un rapport de causalité entre ces deux éléments. Ces conditions doivent être remplies cumulativement (cf. ATF 139 IV 137 consid. 4.1 et les arrêts cités).  
 
6.2. Pour rejeter la demande d'assistance judiciaire, l'autorité précédente a nié la réalisation de ces conditions en présentant une double motivation fondée, d'une part, sur l'absence de lien de causalité entre les reproches formulés et les conséquences alléguées par les recourantes et, d'autre part, sur l'absence d'actes illicites de la part du Secrétariat d'Etat aux migrations (cf. supra consid. 1). Dans la mesure où les recourantes contestent les deux pans de cette motivation, il convient de les examiner, étant précisé qu'il suffit que l'une des motivations soit conforme au droit pour que le recours doive être rejeté (cf. ATF 142 III 364 consid. 2.4 et les arrêts cités).  
 
6.3. S'agissant du lien de causalité, celui-ci suppose que le fait générateur de responsabilité, qui peut être un acte ou une omission, soit en relation de causalité naturelle et adéquate avec le dommage (ATF 148 II 73 consid. 3.3; 144 I 318 consid. 7.6).  
Selon la formule consacrée, un fait est la cause naturelle d'un résultat dommageable s'il en constitue l'une des conditions sine qua non (ATF 143 II 661 consid. 5.1.1; 143 III 242 consid. 3.7). Pour que la causalité naturelle soit admise, il faut que le dommage n'ait pas pu se produire sans l'acte ou l'omission reproché aux personnes qui engagent l'Etat (cf. ATF 143 II 661 consid. 5.1.1; arrêt 2C_518/2008 du 15 octobre 2008 consid. 2.1). La causalité adéquate, quant à elle, implique que l'acte incriminé soit propre, d'après le cours ordinaire des choses et l'expérience générale de la vie, à entraîner un résultat du genre de celui qui s'est produit (ATF 143 III 242 consid. 3.7). 
 
6.4. Les recourantes reprochent à l'autorité précédente d'avoir nié la causalité sans prendre en compte les pièces qu'elles avaient produites en annexe à leur recours et qui, selon elles, démontreraient l'existence d'un tel lien. Ce faisant, elles s'en prennent à la causalité naturelle, dont le constat est une question de fait (art. 105 al. 1 LTF; ATF 143 III 242 consid. 3.7). Or, le Tribunal fédéral est lié par les constatations de l'autorité précédente à cet égard (art. 105 al. 1 LTF), sous réserve des cas prévus à l'art. 105 al. 2 LTF (ATF 143 II 661 consid. 5.1.1). En d'autres termes, le Tribunal fédéral ne peut revoir l'existence du lien de causalité naturelle que si celui-ci a été admis ou refusé de manière manifestement inexacte, soit arbitrairement au sens de l'art. 9 Cst. (cf. FLORENCE AUBRY GIRARDIN, Responsabilité de l'Etat: un aperçu de la jurisprudence du Tribunal fédéral, in La responsabilité de l'Etat, Favre et al. [éd.], 2012, p. 136). Il appartient ainsi à la partie recourante qui entend contester les constatations de l'autorité précédente sur ce point d'expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions de l'exception prévue par l'art. 105 al. 2 LTF sont réalisées (cf. art. 97 al. 1 et 106 al. 2 LTF; ATF 145 V 188 consid. 2).  
 
6.5. A cet égard, et pour autant que l'on admette que la motivation du recours répond aux exigences de l'art. 106 al. 2 LTF (cf. supra consid. 6.4), on relèvera que les rapports médicaux auxquels les intéressées font référence ne portent, selon la brève description qu'elles en font, que sur l'état de santé de leur mère lors de son séjour en Suisse, mais pas sur les circonstances ou les causes du décès de l'intéressée survenu en Turquie plusieurs mois après son retour dans ce pays. Quant aux rapports de l'hôpital de Schaffhouse qui étayeraient leurs déclarations, les recourantes ne décrivent pas le contenu de ceux-ci, pas plus qu'elles ne les joignent à leur recours. Or, leur seule évocation ne suffit pas, dans ces conditions, à démontrer en quoi l'appréciation des preuves par l'autorité précédente serait arbitraire. Enfin, si l'on peut certes regretter que l'autorité précédente n'ait pas fait référence dans sa décision aux rapports mentionnés par les recourantes, cela ne signifie pas pour autant, comme l'allèguent les intéressées, que ceux-ci auraient été ignorés. Se contentant pour le reste de présenter leur propre appréciation de la situation, dans une démarche appellatoire et partant irrecevable, il convient d'admettre qu'il n'était pas insoutenable, pour l'autorité précédente, de retenir que la cause entre le décès de la mère des recourantes et la procédure d'asile ou les conditions d'hébergement et les soins en Suisse n'apparaissait a priori pas établie.  
Faute d'éléments de fait suffisants pour établir la causalité naturelle, la causalité adéquate est partant d'emblée exclue (cf. supra consid. 6.3). 
 
6.6. Dans la mesure où, comme on l'a vu, le rapport de causalité est une condition cumulative à la responsabilité de l'Etat (cf. supra consid. 6.1 in fine), on ne voit pas en quoi l'autorité précédente aurait violé les art. 29 al. 3 Cst. et 65 al. 1 PA en considérant que le recours des intéressées apparaissait, prima facie, dénué de chances de succès et en refusant de lui accorder l'assistance judiciaire.  
Le recours est donc mal fondé et doit donc être rejeté sur ce point, sans qu'il y ait lieu d'examiner le second pan de la motivation du Tribunal administratif fédéral à ce propos (cf. supra consid. 6.2). 
 
7.  
Pour le surplus, en tant que, par mémoire complémentaire du 25 novembre 2022 déposé le 29 novembre 2022 en mains du Consulat général de Suisse à Istanbul, les recourantes contestent l'avance de frais fixée dans la décision attaquée, en invoquant la Convention de la Haye du 1er mars 1954 relative à la procédure civile (RS 0.274.12), on se limitera à relever que, déposé bien après l'échéance du délai de recours qui n'était pas prolongeable (art. 47 al. 1 LTF), ledit mémoire ne peut être pris en considération. Du reste, on relèvera que le traité dont se prévalent les recourantes s'applique uniquement aux affaires civiles et commerciales, et non pas aux actions en responsabilité de l'Etat telle que celle faisant l'objet de la procédure au fond devant l'autorité précédente, qui relève du droit public. 
 
8.  
Les considérants qui précèdent conduisent au rejet du recours dans la mesure de sa recevabilité en application de la procédure simplifiée de l'art. 109 LTF
Celui-ci étant d'emblée dénué de chance de succès, les requêtes d'assistance judiciaire et de désignation d'un défenseur d'office devant la Cour de céans sont rejetées (art. 64 al. 1 LTF). Compte tenu de la situation des recourantes, il sera toutefois statué sans frais (art. 66 al. 1LTF). Il n'y a pas à allouer de dépens (art. 68 al. 1 et 3 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
Il n'est pas perçu de frais judiciaires. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué aux recourantes, par publication dans la Feuille fédérale, au Département fédéral des finances et au Tribunal administratif fédéral, Cour I. 
 
 
Lausanne, le 22 mars 2023 
 
Au nom de la IIe Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : F. Aubry Girardin 
 
Le Greffier : H. Rastorfer