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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
{T 0/2} 
 
6B_42/2015  
   
   
 
 
 
Arrêt du 22 juillet 2015  
 
Cour de droit pénal  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Denys, Président, Jacquemoud-Rossari et Rüedi. 
Greffière : Mme Bichovsky Suligoj. 
 
Participants à la procédure 
Ministère public de l'Etat de Fribourg, case postale 1638, 1701 Fribourg, 
recourant, 
 
contre  
 
X.________, représenté par Me Philippe Leuba, avocat, 
intimé. 
 
Objet 
Fixation de la peine (tentative de meurtre) 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Fribourg, Cour d'appel pénal, du 24 novembre 2014. 
 
 
Faits :  
 
A.   
Le mardi 21 août 2012, aux alentours de 18h15, à la suite d'une altercation avec A.________ pour un tabouret sur la terrasse d'un café à Fribourg, X.________ s'est rendu à son domicile et, armé d'une baïonnette longue d'environ 50 cm, est revenu sur les lieux. L'aller et retour a duré une trentaine de minutes. X.________ a attaché son chien sur la terrasse du café et posé son sac avant de sortir l'arme et d'aller la planter dans le flanc gauche de A.________, assis à une table. La lame a pénétré d'au moins 20 cm dans l'abdomen de ce dernier. A la suite de son geste, X.________ est parti s'asseoir un peu plus loin sans s'enquérir de l'état de santé de sa victime. 
 
B.   
Par jugement du 25 septembre 2013, le Tribunal pénal de l'arrondissement de la Sarine a reconnu X.________ coupable de tentative de meurtre et de délit contre la loi fédérale sur les armes. Il l'a condamné à une peine privative de liberté de 6 ans, sous déduction de la détention subie avant jugement, et l'a soumis à un traitement ambulatoire. 
 
C.   
Statuant sur appel de X.________ et appel joint de A.________, la Cour d'appel pénal du Tribunal cantonal fribourgeois a partiellement admis le premier et rejeté le second par arrêt du 24 novembre 2014. X.________ a été condamné à une peine privative de liberté de 4½ ans, sous déduction de la détention subie avant jugement. 
 
D.   
Le Ministère public du canton de Fribourg forme un recours en matière pénale contre ce jugement. En substance, il conclut, principalement, à ce que le jugement de première instance soit confirmé s'agissant de la quotité de la peine. Subsidiairement, il requiert l'annulation de l'arrêt cantonal et le renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouveau jugement dans le sens des considérants. 
 
Invités à se déterminer sur le recours, la cour cantonale y a renoncé, alors que X.________ a conclu au rejet. Il sollicite en outre l'assistance judiciaire. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
L'intimé produit, à l'appui de ses déterminations, un rapport de comportement de la Prison de Bellechasse du 12 juin 2015, postérieur à l'arrêt attaqué. Sauf exceptions, dont aucune n'est réalisée en l'espèce, les moyens de preuve nouveaux sont irrecevables devant le Tribunal fédéral (art. 99 al. 1 LTF). Partant, le document en question est irrecevable. 
 
2.   
Invoquant une violation de l'art. 47 CP, en lien avec les art. 19 et 22 CP, le recourant conteste la peine infligée à l'intimé, qu'il juge trop clémente. 
 
2.1. En substance, la cour cantonale a retenu que l'intimé s'en était pris à un bien juridique particulièrement important, soit la vie, à la suite d'une dispute futile pour un tabouret. Elle a pris en considération le comportement de l'intimé avant et après l'agression, ainsi que le mode opératoire, l'attaque ayant eu lieu de manière violente, brutale et sans aucun signe précurseur pour la victime. Elle a souligné que le motif de l'agression était en totale disproportion avec l'attaque à la vie de la victime. Si, certes, l'intimé a présenté des excuses à la victime, il paraissait davantage préoccupé par son incarcération et par la crainte de perdre son autorisation de séjour. A décharge, la cour a pris en compte la situation personnelle de l'intimé, à savoir le contexte social et professionnel dans lequel il a grandi et vécu. Elle a également retenu qu'il avait entamé un suivi psychologique, toutefois "interrompu quelque temps". Par conséquent, elle a considéré que la faute de l'intimé était très grave. Néanmoins, sur la base d'une expertise réalisée le 5 mars 2013, la cour cantonale a admis que sa responsabilité était légèrement restreinte, de sorte que sa faute devait en définitive être considérée comme grave.  
 
Au vu des éléments qui précèdent, la cour cantonale a considéré que la peine de 6 ans fixée en première instance apparaissait comme exagérément sévère. De son point de vue, une peine privative de liberté de 9 ans sanctionnerait de façon adéquate le meurtre achevé, sanction qu'il convenait de réduire afin de tenir compte du fait que l'infraction était restée au stade de la tentative. Elle a ainsi estimé qu'une peine privative de liberté de 4½ ans était appropriée. 
 
 
2.2. Le recourant fait valoir que la cour cantonale a omis de prendre en compte certains éléments dans le cadre de la fixation de la peine. Il lui reproche ainsi de ne pas avoir retenu le comportement de l'intimé postérieurement à l'acte, qui démontrerait un mépris pour le sort de sa victime, voire un cynisme total, ainsi que d'avoir sous-estimé l'importance de l'écoulement du temps entre l'altercation verbale et la tentative de meurtre, qui dénoterait que "  l'intimé a adopté un comportement rationnel, réfléchi, confinant à la préméditation ". Enfin, il lui fait grief d'avoir omis de tenir compte des antécédents de l'intimé.  
 
2.2.1. Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Celle-ci doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution (objektive Tatkomponente); du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur (subjektive Tatkomponente). A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même (Täterkomponente), à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 134 IV 17 consid. 2.1 p. 19 s.).  
 
Dans sa décision, le juge doit exposer les éléments essentiels - relatifs à l'acte et à l'auteur - qu'il prend en compte (art. 50 CP). Ainsi, le condamné doit connaître les aspects pertinents qui ont été pris en considération, et comment ils ont été appréciés. Le juge peut passer sous silence les éléments qui, sans abus du pouvoir d'appréciation, lui paraissent non pertinents ou d'une importance mineure. La motivation doit justifier la peine prononcée, en permettant de suivre le raisonnement adopté. Cependant, le juge n'est nullement tenu d'exprimer en chiffres ou en pourcentage l'importance qu'il accorde à chacun des éléments qu'il cite (ATF 134 IV 17 consid. 2.1 p. 19; 129 IV 6 consid. 6.1 p. 20). Plus la peine est élevée, plus la motivation doit être complète (ATF 127 IV 101 consid. 2c p. 105). 
 
L'art. 47 CP confère un large pouvoir d'appréciation au juge. Par conséquent, celui-ci ne viole le droit fédéral en fixant la peine que s'il sort du cadre légal, s'il se fonde sur des critères étrangers à l'art. 47 CP, s'il omet de prendre en considération des éléments d'appréciation prévus par cette disposition ou, enfin, si la peine qu'il prononce est exagérément sévère ou clémente au point de constituer un abus du pouvoir d'appréciation (ATF 136 IV 55 consid. 5.6 p. 60). 
 
2.2.2. Les deux premiers éléments cités par le recourant n'ont pas été méconnus par la cour cantonale, puisqu'ils sont mentionnés dans la partie "droit" de l'arrêt querellé (cf. arrêt, p. 9). Quant aux antécédents, il est indiqué, dans la partie "faits" (cf. arrêt, p. 2), que "  la Cour s'est [...] fait produire un extrait actualisé du casier judiciaire du prévenu ". Partant, rien ne permet de penser qu'elle n'a pas accordé à ces éléments l'importance qui leur revient d'ordinaire au stade de la fixation de la peine. A cet égard, peu importe qu'ils n'apparaissent pas expressément dans la motivation de la peine mais ailleurs dans l'arrêt. La cour cantonale n'était en effet pas tenue de les répéter au stade de la fixation de la peine car le jugement forme un tout et on admet que le juge garde à l'esprit l'ensemble des éléments qui y figurent (cf. parmi de nombreux arrêts: 6B_532/2012 du 8 avril 2013 consid. 6.1; 6B_85/2013 du 4 mars 2013 consid. 3.5; 6S.492/2006 du 20 mars 2007 consid. 3.3). Pour le surplus, on ne discerne pas en quoi, et le recourant ne l'expose pas, ces éléments auraient dus être appréciés plus largement. Le grief du recourant doit par conséquent être rejeté.  
 
2.3. Le recourant s'en prend à la qualification de la faute de l'intimé. Il considère que le mépris dont celui-ci a fait montre envers la vie de sa victime, le temps écoulé entre son départ du café et son retour, l'arme utilisée pour parvenir à ses fins et son comportement immédiatement après les faits doivent compenser intégralement la faible diminution de responsabilité. Ainsi, la cour cantonale aurait dû retenir une culpabilité très lourde. Partant, la peine de base aurait dû être notablement supérieure à 9 ans.  
 
2.3.1. Selon l'art. 19 al. 2 CP, le juge atténue la peine si, au moment d'agir, l'auteur ne possédait que partiellement la faculté d'apprécier le caractère illicite de son acte ou de se déterminer d'après cette appréciation.  
 
Le juge dispose également d'un large pouvoir d'appréciation lorsqu'il détermine l'effet de la diminution de la responsabilité sur la faute (subjective) au vu de l'ensemble des circonstances. Il peut appliquer l'échelle habituelle: une faute (objective) très grave peut être réduite à une faute grave à très grave en raison d'une diminution légère de la responsabilité. La réduction pour une telle faute (objective) très grave peut conduire à retenir une faute moyenne à grave en cas d'une diminution moyenne et à une faute légère à moyenne en cas de diminution grave. Sur la base de cette appréciation, le juge doit prononcer la peine en tenant compte des autres critères de fixation de celle-ci. Un tel procédé permet de tenir compte de la diminution de la responsabilité sans lui attribuer une signification excessive (ATF 136 IV 55 consid. 5.6 p. 62). 
 
En bref, le juge doit procéder comme suit en cas de diminution de la responsabilité pénale: dans un premier temps, il doit décider, sur la base des constatations de fait de l'expertise, dans quelle mesure la responsabilité pénale de l'auteur est restreinte sur le plan juridique et comment cette diminution se répercute sur l'appréciation de la faute. La faute globale doit être qualifiée et, au regard de l'art. 50 CP, le juge doit expressément mentionner le degré de gravité à prendre en compte. Dans un deuxième temps, il lui incombe de déterminer la peine hypothétique qui correspond à cette faute. La peine ainsi fixée peut ensuite être, le cas échéant, modifiée en raison de facteurs liés à l'auteur (Täterkomponente) ainsi qu'en raison d'une éventuelle tentative selon l'art. 22 al. 1 CP (ATF 136 IV 55 consid. 5.7 p. 62 s.). 
 
2.3.2. En l'espèce, la cour cantonale a tenu compte de la responsabilité légèrement diminuée de l'intimé dans une juste proportion et conformément à la jurisprudence évoquée, dès lors qu'elle a qualifié sa faute de grave en lieu et place de très grave. Partant, contrairement à ce que le recourant soutient, on ne saurait considérer qu'elle a violé l'art. 19 al. 2 CP. Quant à la peine de base de 9 ans, si certes elle se situe dans la limite inférieure pour une culpabilité qualifiée de lourde, on ne saurait toutefois considérer qu'elle procède d'un abus du large pouvoir d'appréciation qui est conféré à la cour cantonale. Le grief du recourant est rejeté.  
 
2.4. Enfin, le recourant considère que l'atténuation de la peine (9 ans à 4½ ans) en raison de la tentative est particulièrement choquante. De son point de vue, l'arrêt attaqué ne permet pas de comprendre les raisons pour lesquelles la cour cantonale a opté pour une réduction aussi massive, alors même que l'intimé a tout fait pour que l'infraction soit consommée.  
 
2.4.1. Selon l'art. 22 CP, le juge peut atténuer la peine si l'exécution d'un crime ou d'un délit n'est pas poursuivie jusqu'à son terme ou que le résultat nécessaire à la consommation de l'infraction ne se produit pas ou ne pouvait pas se produire. Dans ce cas, ce sont des circonstances extérieures qui viennent faire échec à la consommation de l'infraction, de sorte que l'atténuation de la peine n'est que facultative. Toutefois, selon la jurisprudence, si le juge n'a pas l'obligation de sortir du cadre légal, il doit alors tenir compte de l'absence de résultat dommageable, comme élément à décharge, dans le cadre de l'application de l'art. 47 CP. La mesure de cette atténuation dépend notamment de la proximité du résultat ainsi que des conséquences effectives des actes commis (ATF 127 IV 101 consid. 2b p. 103; 121 IV 49 consid. 1b p. 54 s.). En d'autres termes, la réduction devra être d'autant plus faible que le résultat était proche et ses conséquences graves. Cette réduction peut en outre être compensée par une augmentation de la peine s'il existe des circonstances aggravantes, celles-ci pouvant de la sorte neutraliser les effets de circonstances atténuantes (ATF 127 IV 101 consid. 2b p. 103).  
 
2.4.2. Il résulte de l'arrêt querellé que, pour tenir compte du fait que l'infraction est restée au stade de la tentative, la cour cantonale a réduit la peine de l'intimé de 9 ans à 4½ ans, soit de moitié. Ce faisant, elle a omis de prendre en compte des éléments pertinents dans l'examen de la mesure de l'atténuation, à savoir, en premier lieu, l'imminence du résultat, l'intimé ayant commis tous les actes nécessaires à la réalisation de l'infraction. Ce n'est que par chance qu'aucun organe vital de la victime n'a été atteint et, sans l'intervention des secours, le coup aurait pu entraîner la mort. En second lieu, la cour cantonale a omis les conséquences de l'acte de l'intimé. En effet, les lésions subies par la victime (lésions de l'artère gastro-épiploïque et d'une branche de la colique moyenne, perforation nette unique infracentimétrique au niveau du colon) ont entraîné la présence de sang dans la cavité abdominale, avec formation d'un volumineux hématome, et dans l'ampoule rectale. Lors de son arrivée au service des urgences, elle présentait un début de choc hypovolémique et a dû se soumettre à un remplissage volémique (jugement de première instance, p. 13). Ainsi, au vu de l'ensemble des circonstances précitées et de la jurisprudence susmentionnée (cf.  supra consid. 2.4.1), la réduction de peine due au fait que l'on avait affaire à une tentative ne devait être que minime, et non de moitié, ce d'autant qu'aucun autre élément ne permettait de justifier une telle réduction. En effet, si l'intimé a certes manifesté des regrets, ils semblaient davantage porter sur les effets de son acte sur son propre sort que sur celui de sa victime. Il a également fortement minimisé ses agissements puisque, devant l'instance cantonale encore, il faisait plaider que ceux-ci étaient constitutifs de lésions corporelles simples. Son attitude au cours de la procédure dénote ainsi une faible prise de conscience de son acte.  
 
Sur le vu de ce qui précède, la cour cantonale a violé le droit fédéral en réduisant de 9 ans à 4½ ans la peine privative de liberté infligée à l'intimé. Il lui appartiendra par conséquent de fixer une nouvelle peine sur la base des éléments susmentionnés, dans la limite de l'interdiction de la  reformatio in pejus, le recourant n'ayant pas interjeté d'appel par devant elle.  
 
3.   
Le ministère public, qui obtient ainsi gain de cause, ne saurait se voir allouer de dépens (art. 68 al. 3 LTF). La requête d'assistance judiciaire de X.________ doit être admise au vu de sa situation financière et une indemnité appropriée doit être accordée à son conseil d'office, à charge de la caisse du Tribunal fédéral (art. 64 al. 2 LTF). L'intimé est toutefois rendu attentif au fait qu'il devra rembourser cette dernière, s'il peut ultérieurement le faire (art. 64 al. 4 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est partiellement admis, l'arrêt attaqué est annulé et la cause est renvoyée à la cour cantonale pour nouvelle décision. 
 
2.   
La demande d'assistance judiciaire de l'intimé est admise pour la procédure devant le Tribunal fédéral. 
 
3.   
Il n'est pas perçu de frais judiciaires. 
 
4.   
Me Philippe Leuba est désigné comme avocat d'office de X.________ et une indemnité de 800 fr., supportée par la caisse du Tribunal fédéral, lui est allouée à titre d'honoraires. 
 
5.   
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal cantonal du canton de Fribourg, Cour d'appel pénal. 
 
 
Lausanne, le 22 juillet 2015 
 
Au nom de la Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Denys 
 
La Greffière : Bichovsky Suligoj