Wichtiger Hinweis:
Diese Website wird in älteren Versionen von Netscape ohne graphische Elemente dargestellt. Die Funktionalität der Website ist aber trotzdem gewährleistet. Wenn Sie diese Website regelmässig benutzen, empfehlen wir Ihnen, auf Ihrem Computer einen aktuellen Browser zu installieren.
Zurück zur Einstiegsseite Drucken
Grössere Schrift
 
 
Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
1B_267/2021  
 
 
Arrêt du 22 juillet 2021  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Chaix, Juge présidant, 
Haag et Merz. 
Greffière : Mme Arn. 
 
Participants à la procédure 
A.________, représentée par Me Pierre Gabus, avocat, 
recourante, 
 
contre  
 
Ministère public de l'arrondissement de La Côte, BAC, place Saint-Louis 4, 1110 Morges. 
 
Objet 
procédure pénale; refus d'assistance judiciaire gratuite, 
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Chambre des recours pénale, du 17 février 2021 (165 - PE21.000401-MNU). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Par ordonnance de mesures protectrices de l'union conjugale du 31 mars 2020, rectifiée par prononcé du 6 avril 2020, la Présidente du Tribunal civil de l'arrondissement de La Côte a dit que B.________ devait contribuer à l'entretien de son épouse A.________ par le versement régulier d'une pension mensuelle de 5'000 fr., dès le 1 er août 2019.  
Par arrêt du 9 octobre 2020, le Juge délégué de la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal vaudois (ci-après: la Cour d'appel civile) a partiellement admis l'appel interjeté par B.________ à l'encontre de l'ordonnance rendue le 31 mars 2020 et a dit que B.________ devait contribuer à l'entretien de A.________ à hauteur de 5'029 fr. 50 par mois du 1 er août au 31 décembre 2019 et à hauteur de 3'040 fr. par mois dès le 1 er janvier 2020. Cet arrêt est exécutoire.  
 
B.  
Le 7 janvier 2021, A.________, a déposé plainte pénale contre son époux B.________ pour violation d'une obligation d'entretien et elle s'est constituée partie civile; elle reprochait à son époux de ne s'être acquitté que partiellement, depuis le mois d'août 2020, des contributions d'entretien dues en sa faveur, conformément à l'arrêt précité du 9 octobre 2020. Elle sollicitait par ailleurs le bénéfice de l'assistance judiciaire et la désignation de Me Pierre Gabus en tant qu'avocat d'office, ce que le Ministère public a refusé par ordonnance du 29 janvier 2021. 
Par arrêt du 12 janvier 2021, la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud a rejeté le recours déposé par A.________ et a confirmé l'ordonnance du 29 janvier 2021. 
 
C.  
Par acte du 21 mai 2021, A.________ forme un recours en matière pénale contre cet arrêt dont elle demande l'annulation. Elle conclut, avec suite de frais et dépens, principalement à l'octroi de l'assistance judiciaire gratuite et, subsidiairement, au renvoi de la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision après complément d'instruction si nécessaire. Elle sollicite en outre le bénéfice de l'assistance judiciaire pour la procédure fédérale. 
Invités à se déterminer, la cour cantonale et le Ministère public renoncent à présenter des observations, se référant aux considérants de la décision entreprise. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le recours en matière pénale est ouvert contre une décision incidente par laquelle l'assistance judiciaire est refusée à une partie à la procédure pénale (art. 78 al. 1 LTF). Un tel refus est susceptible de causer un préjudice irréparable à son destinataire, au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF, de sorte qu'il peut faire l'objet d'un recours immédiat au Tribunal fédéral (ATF 140 IV 202 consid. 2.2 p. 205; 133 IV 335 consid. 4 p. 338; arrêt 1B_357/2017 du 15 novembre 2017 consid. 1). 
Indépendamment des conditions posées par l'art. 81 al. 1 let. b ch. 5 ou 6 LTF, la partie plaignante est habilitée à se plaindre d'une violation de ses droits de partie équivalant à un déni de justice formel (ATF 141 IV 1 consid. 1.1 p. 5). Il en va notamment ainsi du droit à l'assistance judiciaire (arrêts 1B_357/2017 précité consid. 1; 1B_245/2017 du 23 août 2017 consid. 1 et les arrêts cités). 
Le recours a été déposé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) contre une décision rendue par une autorité cantonale de dernière instance (art. 80 LTF). En outre, les conclusions qui y sont prises sont recevables (art. 107 al. 2 LTF). Partant, il y a lieu d'entrer en matière. 
 
2.  
La recourante se plaint d'une violation de l'art. 136 al. 1 let. b CPP. Elle affirme disposer de prétentions civiles à l'encontre de son époux, lesquelles découleraient du fait que son époux ne s'acquitterait pas de l'entier des contributions d'entretien qui lui sont dues conformément au jugement rendu le 9 octobre 2020 par la Cour d'appel civile. La recourante soutient par ailleurs qu'elle serait indigente (art. 136 al. 1 let. a CPP) et que l'assistance d'un avocat serait nécessaire (art. 136 al. 2 let. c CPP). 
 
2.1. A teneur de l'art. 29 al. 3 Cst., toute personne qui ne dispose pas de ressources suffisantes a droit, à moins que sa cause paraisse dépourvue de toute chance de succès, à l'assistance gratuite d'un défenseur, dans la mesure où la sauvegarde de ses droits le requiert.  
L'art. 136 CPP concrétise les conditions d'octroi de l'assistance judiciaire pour la partie plaignante dans un procès pénal. Selon l'art. 136 al. 1 CPP, la direction de la procédure accorde entièrement ou partiellement l'assistance judiciaire à la partie plaignante indigente pour lui permettre de faire valoir ses prétentions civiles si l'action civile ne paraît pas vouée à l'échec. L'assistance judiciaire comprend l'exonération d'avances de frais et de sûretés (art. 136 al. 2 let. a CPP), l'exonération des frais de procédure (art. 136 al. 2 let. b CPP) et/ou la désignation d'un conseil juridique gratuit, lorsque la défense des intérêts de la partie plaignante l'exige (art. 136 al. 2 let. c CPP). Cette norme reprend ainsi les trois conditions cumulatives découlant de l'art. 29 al. 3 Cst., à savoir l'indigence, les chances de succès et le besoin d'être assisté. 
Au regard de la teneur de l'art. 136 CPP, le législateur fédéral a sciemment limité l'octroi de l'assistance judiciaire aux cas où le plaignant peut faire valoir des prétentions civiles (cf. Message du Conseil fédéral du 21 décembre 2005 relatif à l'unification du droit de la procédure pénale, FF 2006 p. 1160 ch. 2.3.4.3 [ci-après: Message du Conseil fédéral]; arrêts 1B_561/2019 du 12 février 2020 consid. 2.1; 6B_122/2013 du 11 juillet 2013 consid. 4.1). 
Par ailleurs, selon les critères déduits de l'art. 29 al. 3 Cst. par la jurisprudence pour juger de la nécessité de la désignation d'un conseil juridique au lésé, il est considéré en principe que la procédure pénale ne nécessite que des connaissances juridiques modestes pour la sauvegarde des droits du lésé; il s'agit essentiellement d'annoncer ses éventuelles prétentions en réparation de son dommage et de son tort moral ainsi que de participer aux auditions des prévenus, des témoins et de poser, cas échéant, des questions complémentaires; un citoyen ordinaire devrait ainsi être en mesure de défendre lui-même ses intérêts de lésé dans une enquête pénale (ATF 123 I 145 consid. 2b/bb, repris dans le Message du Conseil fédéral, FF 2006 p. 1160; cf. également arrêts 1B_23/2020 du 17 mars 2020 consid. 2.2.1; 1B_39/2019 du 20 mars 2019 consid. 2.4; 1B_450/2015 du 22 avril 2016 consid. 2.3 et les réf. cit.). 
Pour évaluer si l'affaire présente des difficultés que la partie plaignante ne pourrait pas surmonter sans l'aide d'un avocat, il y a lieu d'apprécier l'ensemble des circonstances concrètes. Il faut tenir compte notamment des intérêts en jeu, de la complexité de la cause en fait et en droit, des circonstances personnelles du demandeur, de ses connaissances linguistiques, de son âge, de sa situation sociale et de son état de santé (ATF 123 I 145 consid. 2b/cc et 3a/bb; arrêt 1B_23/2020 du 17 mars 2020 consid. 2.2.1 et les réf. cit.). 
 
2.2. Dans son arrêt du 17 février 2021, l'instance précédente a constaté que le Juge délégué de la Cour d'appel civile avait, dans son arrêt du 9 octobre 2020, fixé la contribution d'entretien due par le prévenu à la recourante à partir du 1er août 2019, tout en statuant sur les montants déjà réglés par celui-ci et devant être déduits des pensions allouées. Il avait ainsi statué intégralement sur les montants dus à la recourante par le prévenu à titre de contribution d'entretien dès le 1er août 2019 en tenant compte de l'arriéré et des montants déjà versés. La décision du Juge délégué bénéficiait de l'autorité de la chose jugée et constituait un titre de mainlevée définitive. L'instance précédente a précisé que les mesures provisionnelles de réglementation, telles que les mesures provisoires durant la procédure de divorce, jouissaient d'une autorité de la chose jugée relative et ne pouvaient en principe pas être remises en cause par une décision ultérieure. En particulier, l'instance précédente a considéré que la cause ne présentait aucune difficulté en fait et en droit justifiant la désignation d'un avocat d'office. Selon l'instance précédente, les conditions cumulatives de l'art. 136 CPP n'étaient pas réalisées, de sorte que la recourante n'avait pas droit à l'assistance judiciaire.  
 
2.3. La recourante conteste cette appréciation et affirme avoir droit à l'assistance judiciaire en vertu de l'art. 136 CPP. Elle soutient que ses prétentions civiles découleraient du fait que son époux ne s'acquitterait pas de l'entier des contributions d'entretien qui lui sont dues conformément au jugement rendu le 9 octobre 2020 par la Cour d'appel civil. Les prétentions civiles résulteraient de la différence entre le montant fixé par ce jugement et le montant effectivement payé par son époux. La recourante se réfère à un arrêt du Tribunal fédéral du 15 novembre 2017 (1B_357/2017) à teneur duquel, même en présence d'une décision civile préalable portant sur des contributions d'entretien, la partie plaignante conserverait des prétentions civiles à faire valoir par adhésion à la procédure pénale. Enfin, la recourante affirme que la condition de devoir faire valoir des prétentions civiles dans le cadre de la procédure pénale contreviendrait au principe d'égalité de traitement, se référant à un avis de doctrine (HARARI/CORMINBOEUF HARARI, in Commentaire Romand CPP, 2e éd. 2019, n. 21 ss ad art. 136 CPP).  
En lien avec la condition de la nécessité de la désignation d'un conseil juridique, la recourante affirme que la complexité de la cause résiderait dans le fait que les montants payés par son époux ne cesseraient de varier depuis le mois de mars 2020 et que son époux persisterait à cacher ses revenus et tairait volontairement sa situation financière. Elle se prévaut également, sans autre explication, de son état de santé et de l'importance que revêt pour elle l'issue du litige. 
 
2.4. L'appréciation de l'instance précédente résiste à l'examen.  
A l'instar des instances précédentes, il y a lieu de constater que les faits de la cause sont simples et ne présentent pas de difficultés quant à leur qualification juridique. En effet, la recourante bénéficie d'un jugement civil définitif et exécutoire fixant le montant de la contribution d'entretien dû à la recourante, montant qui lie le juge pénal (cf. arrêt 6B_540/2020 du 22 octobre 2020 consid. 2.3 et les réf. cit.). La recourante a pu en outre facilement chiffrer, dans sa plainte pénale du 7 janvier 2021, le montant de l'arriéré dû par son époux sur la base des versements bancaires effectués par celui-ci. On ne saurait dès lors voir une difficulté particulière dans le fait que les montants payés par son époux auraient fluctué. Enfin, la question de la capacité économique de l'époux de verser les contributions d'entretien - question examinée par le juge pénal - ne paraît pas particulièrement délicate à résoudre dès lors que le jugement civil récent du 9 octobre 2020 expose de manière détaillée la situation personnelle et financière de l'époux. La recourante se prévaut enfin de son état de santé; cependant, outre le fait qu'elle ne donne aucune explication à ce sujet, il sied de constater, avec l'instance précédente, que la recourante a personnellement été en mesure, dans sa plainte du 7 janvier 2021, tout comme dans celle du 18 mai 2020 (cause 1B_119/2021), de formuler de manière détaillée les faits reprochés à son époux et d'affirmer qu'ils constituaient, selon elle, une violation de l'obligation d'entretien au sens de l'art. 217 al. 1 CP. L'instance précédente pouvait dès lors à juste titre admettre que la cause ne présentait pas de complexité en fait ou en droit nécessitant l'assistance d'un avocat. 
 
2.5. L'instance précédente n'a donc pas violé le droit fédéral en confirmant le rejet de la demande d'assistance judiciaire déposée par la recourante.  
 
3.  
Le recours est rejeté. 
La recourante a demandé l'octroi de l'assistance judiciaire pour la procédure fédérale. Les conditions posées à l'art. 64 al. 1 LTF étant réunies, il convient de mettre la recourante au bénéfice de l'assistance judiciaire, de lui désigner Me Pierre Gabus comme avocat d'office et d'allouer à celui-ci une indemnité à titre d'honoraires, qui seront supportés par la caisse du tribunal. Il n'est pas perçu de frais judiciaires (art. 64 al. 1 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté. 
 
2.  
La requête d'assistance judiciaire est admise. Me Pierre Gabus est désigné comme avocat d'office de la recourante et une indemnité de 1'500 fr. lui est allouée à titre d'honoraires, à payer par la caisse du Tribunal fédéral. Il n'est pas perçu de frais judiciaires. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué au mandataire de la recourante, au Ministère public de l'arrondissement de La Côte et au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Chambre des recours pénale. 
 
 
Lausanne, le 22 juillet 2021 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Juge présidant : Chaix 
 
La Greffière : Arn