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[AZA 0/2] 
 
4C.257/2000 
 
Ie COUR CIVILE 
**************************** 
 
22 novembre 2000 
 
Composition de la Cour: MM. Walter, président, Leu et Corboz, 
juges. Greffier: M. Carruzzo. 
 
___________ 
 
Dans la cause civile pendante 
entre 
X.________, demanderesse et recourante, représentée par Me Bernard Katz, avocat à Lausanne, 
 
et 
Z.________ S.A., défenderesse et intimée, représentée par Me Nicolas Saviaux, avocat à Lausanne; 
 
(dol) 
 
Vu les pièces du dossier d'où ressortent 
les faits suivants: 
 
A.- La société Z.________ S.A., qui fait le commerce de vins et d'alcools de toute nature, est entrée en contact avec Y.________ - aujourd'hui inscrite au registre du commerce sous la raison X.________ -, une association regroupant des hôtels de classe moyenne et de qualité supérieure. 
 
Il est établi que Z.________ S.A. souhaitait vendre ses vins auprès des établissements membres de X.________. 
Plus précisément, il a été prévu que le champagne Pol Roger, distribué par Z.________ S.A., pourrait remplacer, auprès de la Centrale d'achats de X.________, le champagne Moët et Chandon. 
 
Dans ce contexte, il a été retenu que le représentant de X.________ avait affirmé à Z.________ S.A. que le chiffre d'affaires annuel réalisé avec le champagne Moët et Chandon était de 300 000 fr. En réalité, une expertise effectuée beaucoup plus tard - en cours de procédure - a révélé que ce chiffre d'affaires n'avait pas dépassé, la meilleure année (en 1992), le montant de 141 097 fr. 
 
Le 2 juillet 1993, Z.________ S.A. et X.________ ont signé un contrat "de collaboration" par lequel Z.________ S.A. est devenue "partenaire référencé" de la Centrale d'achats de X.________ pour le champagne Pol Roger, de même que pour la gamme des vins distribués par Z.________ S.A. 
Diverses prestations étaient prévues et, en cas de différend, le for a été fixé à Lausanne. 
 
Le 13 juillet 1993, X.________ a écrit à la société Moët et Chandon (Suisse) S.A. pour mettre fin à la collaboration avec cette maison. 
 
Par lettre du 13 juillet 1994, Z.________ S.A. 
s'est plainte auprès de X.________ des résultats de la collaboration, jugés peu brillants. Elle a rappelé que la base du projet reposait sur deux données, à savoir que la Centrale d'achats de X.________ réalisait un chiffre d'affaires annuel de 20 millions de francs et que, dans son chiffre d'affaires, celui de Moët et Chandon (fournisseur à remplacer) s'élevait à 250 000 fr. environ. 
 
Dans une lettre du 6 septembre 1994, Z.________ S.A. demandait à X.________ de confirmer que son "chiffre d'affaires avec les champagnes Moët et Chandon s'élevait annuellement à 300 000 fr.". 
 
La réponse n'ayant pas porté sur ce point, Z.________ S.A. écrivit à X.________ une lettre recommandée le 23 septembre 1994; elle y dénonçait, avec effet immédiat, la convention signée le 2 juillet 1993, se réservant le droit de déposer plainte pénale pour tentative d'escroquerie. 
 
B.- Le contrat signé par les parties le 2 juillet 1993 prévoyait, entre autres clauses, que Z.________ S.A. 
participait chaque année aux efforts de promotion de la chaîne en publiant une page publicitaire dans le guide X.________ annuel; le tarif de cette insertion était fixé à 9000 fr. pour 1994, avec la précision qu'il suivrait ensuite le cours de l'inflation. 
 
X.________ a inséré l'annonce publicitaire en question dans son guide annuel en 1994, 1995, 1996 et 1997. Elle a adressé pour cela des factures à Z.________ S.A., respectivement de 9000 fr., de 9776 fr.70, de 9957 fr.75 et de 9957 fr.75. 
 
Ces factures sont restées impayées. Pour les deux premières, X.________ a fait notifier à Z.________ S.A. un commandement de payer qui a été frappé d'opposition. 
 
C.- Le 7 juillet 1995, X.________ a déposé devant la Cour civile du Tribunal cantonal vaudois une demande en paiement dirigée contre Z.________ S.A., concluant en dernier lieu à ce que cette dernière soit condamnée à lui payer la somme de 38 692 fr.20 avec intérêts et à ce que l'opposition au commandement de payer soit définitivement levée. 
 
La défenderesse s'est opposée à la demande, en faisant valoir qu'elle avait invalidé le contrat pour cause de dol. 
 
Par jugement du 15 octobre 1999, la Cour civile a rejeté les conclusions de X.________ et annulé la poursuite pour dette. En substance, elle a retenu que le contrat litigieux devait être qualifié de mandat, que la demanderesse avait trompé la défenderesse sur le chiffre d'affaires qu'elle réalisait avec Moët et Chandon et que la convention avait été valablement invalidée pour cause de dol. 
 
D.- La demanderesse interjette un recours en réforme au Tribunal fédéral. Contestant la qualification de mandat et l'existence d'un dol, elle conclut à la réforme du jugement attaqué, reprenant ses conclusions sur le fond. 
 
L'intimée propose le rejet du recours. 
 
Considérant en droit : 
 
1.- a) Interjeté par la partie qui a succombé dans ses conclusions en paiement et dirigé contre un jugement final rendu en dernière instance cantonale par un tribunal supérieur (art. 48 al. 1 OJ) sur une contestation civile dont la valeur litigieuse atteint le seuil de 8000 fr. (art. 46 OJ), le recours en réforme est en principe recevable, puisqu'il a été déposé en temps utile (art. 54 al. 1 et 34 al. 1 let. b OJ) dans les formes requises (art. 55 OJ). 
 
b) Le recours en réforme est recevable pour violation du droit fédéral (art. 43 al. 1 OJ). Il ne permet en revanche pas d'invoquer la violation directe d'un droit de rang constitutionnel (art. 43 al. 1 2ème phrase OJ) ou la violation du droit cantonal (ATF 126 III 189 consid. 2a, 125 III 305 consid. 2e, 123 III 337 consid. 3b, 395 consid. 1b, 414 consid. 3c). 
 
Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral doit conduire son raisonnement sur la base des faits contenus dans la décision attaquée, à moins que des dispositions fédérales en matière de preuve n'aient été violées, qu'il y ait lieu à rectification de constatations reposant sur une inadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il faille compléter les constatations de l'autorité cantonale parce que celle-ci n'a pas tenu compte de faits pertinents et régulièrement allégués (art. 64 OJ; ATF 126 III 59 consid. 2a et les arrêts cités). Dans la mesure où un recourant fonde son argumentation sur un état de fait qui s'écarte de celui contenu dans la décision attaquée sans se prévaloir avec précision de l'une des exceptions qui viennent d'être rappelées, il n'est pas possible d'en tenir compte. Il ne peut être présenté de griefs contre les constatations de fait, ni de faits ou de moyens de preuve nouveaux (art. 55 al. 1 let. c OJ). 
Le Tribunal fédéral ne peut aller au-delà des conclusions des parties, mais il n'est pas lié par les motifs qu'elles invoquent (art. 63 al. 1 OJ), ni par l'argumentation juridique retenue par la cour cantonale (art. 63 al. 3 OJ; ATF 126 III 59 consid. 2a, 123 III 246 consid. 3, 122 III 150 consid. 3). 
 
2.- a) La recourante conteste que le contrat conclu entre les parties doive être considéré dans son ensemble comme un mandat (cf. art. 394 CO); elle soutient que la publication de l'annonce dans le guide - laquelle fonde sa créance - donne lieu à un contrat d'entreprise distinct (cf. 
art. 363 CO). 
 
Il ressort cependant clairement du contrat que celui-ci n'avait pas pour but de permettre à l'intimée de publier une annonce dans le guide de la recourante; l'intimée s'est engagée à publier une page publicitaire à titre de participation aux efforts de promotion de la chaîne. Il était d'ailleurs prévu un prix de 9000 fr., alors qu'un expert a estimé la valeur de l'annonce à 1500 fr. L'intimée s'est donc engagée à publier une annonce à ses frais en contrepartie de l'ensemble des prestations promises par la recourante. Celle-ci n'aurait pas accepté de faire connaître les produits de l'intimée à ses membres si cette dernière ne s'était pas engagée à prendre, au prix fixé, une page publicitaire dans le guide. Ainsi, cette prestation ne peut pas être séparée des autres et la convention forme un tout par la volonté des parties. 
 
Dès lors, la question de sa qualification est sans pertinence. Il faut examiner si la convention est ou non affectée d'un dol. 
 
b) Le dol est une tromperie intentionnelle qui détermine la dupe, dans l'erreur, à accomplir un acte juridique (cf. von Tuhr/Peter, Allgemeiner Teil des Schweizerischen Obligationenrechts, vol. I, p. 320; Engel, Traité des obligations en droit suisse, 2e éd., p. 349; Schmidlin, Commentaire bernois, n. 16 ad art. 28 CO). Le plus souvent, la tromperie résulte d'un comportement actif: l'auteur affirme un fait faux, présente une vision tronquée de la réalité ou conforte la dupe dans son erreur préexistante; la tromperie peut aussi résulter d'une simple abstention (dissimulation de la réalité), lorsque l'auteur avait l'obligation juridique de renseigner (cf. ATF 117 II 218 consid. 6a p. 228, 116 II 431 consid. 3a p. 434). Il faut imputer à une personne morale la tromperie commise par son organe (art. 55 al. 2 CC) ou par ses auxiliaires (art. 101 al. 1 CO; ATF 108 II 419 consid. 5 p. 422). 
 
 
Il n'est pas nécessaire que la tromperie provoque une erreur essentielle (art. 28 al. 1 CO). Il suffit que l'on doive admettre que la dupe, sans l'erreur, n'aurait pas passé l'acte juridique ou ne l'aurait pas passé aux mêmes conditions (arrêt non publié du 17 décembre 1991, dans la cause 4C.281/1990, consid. 2a). 
 
Le contrat n'oblige pas la partie qui a été induite à contracter par le dol de l'autre (art. 28 al. 1 CO); le contrat entaché d'un dol est toutefois tenu pour ratifié lorsque la partie qu'il n'oblige point a laissé s'écouler une année, dès la découverte du dol, sans déclarer à l'autre sa résolution de ne pas le maintenir ou sans répéter ce qu'elle a payé (art. 31 al. 1 et 2 CO; pour plus de détails, cf. ATF 108 II 102 consid. 2a p. 104 s.). 
 
Si le contrat est valablement invalidé pour cause de dol, les parties sont libérées des obligations qu'il prévoyait et les prestations faites doivent être restituées conformément aux règles sur l'enrichissement illégitime (ATF 87 II 137 consid. 7a p. 139, 83 II 18 consid. 7 p.25), le droit de la victime de réclamer des dommages-intérêts étant réservé (cf. Engel, op. cit. , p. 357 s.). 
 
c) Procédant à une appréciation des preuves réunies en l'espèce, la cour cantonale est parvenue à la conviction que la recourante, par son représentant autorisé, avait déclaré à l'intimée, lors des pourparlers, qu'elle réalisait avec la société Moët et Chandon un chiffre d'affaires annuel de 300 000 fr. 
 
Le droit fédéral ne dicte pas comment et sur quelles bases le juge peut forger sa conviction (ATF 122 III 219 consid. 3c p. 223, 119 III 60 consid. 2c p. 63, 118 II 142 consid. 3a p. 147, 365 consid. 1). En conséquence, le recours en réforme n'est pas ouvert pour critiquer l'appréciation des preuves et les constatations de fait qui en découlent (ATF 126 III 189 consid. 2a, 125 III 78 consid. 3a, 122 III 26 consid. 4a/aa, 61 consid. 2c/cc p. 66, 73 consid. 6b/bb p. 80). 
 
 
Savoir ce qui a été ou non déclaré relève de l'établissement des faits (Corboz, Le recours en réforme au Tribunal fédéral, in SJ 2000 II p. 62). Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral est donc lié sur ce point par la constatation cantonale (art. 63 al. 2 OJ). Retenir le chiffre de 250 000 fr., d'ailleurs, ne changerait rien. 
 
Se fondant sur une expertise, la cour cantonale a constaté que le montant des achats effectués par les membres de l'association recourante auprès de société Moët et Chandon (Suisse) S.A. (sans l'entremise d'un tiers) s'était élevé, dans le meilleur des cas (en 1992), à 141 097 fr. Savoir quel est le chiffre d'affaires réalisé par la Centrale d'achats avec le champagne Moët et Chandon est également une question de fait, de sorte que le Tribunal fédéral est lié, sur ce point également, par la constatation cantonale (art. 63 al. 2 OJ). Il n'est pas possible d'entrer en matière sur l'argumentation de la recourante qui revient à critiquer l'appréciation des preuves (cf. ATF 126 III 189 consid. 2a). 
 
En rappelant que le dol doit être intentionnel, la cour cantonale a clairement montré qu'elle retenait que la recourante avait sciemment fourni une information fausse. Déterminer ce que la recourante savait relève également des constatations de fait qui lient le Tribunal fédéral (cf. ATF 124 III 182 consid. 3 p. 184). Il ressort d'ailleurs du chiffre 1b du contrat de collaboration et de la lettre du 5 avril 1995 que la recourante se tenait informée du chiffre d'affaires réalisé par ses partenaires avec les hôtels membres de la chaîne. 
 
Il faut donc en conclure que l'intimée a bien été victime d'une tromperie intentionnelle de la part de la recourante, portant sur l'affirmation d'un chiffre d'affaires qui ne correspondait pas à la réalité. 
 
La cour cantonale a constaté que l'intimée avait été induite en erreur et amenée ainsi à conclure le contrat de collaboration. Le constat de l'erreur (ATF 118 II 58 consid. 3a, 113 II 25 consid. 1a p. 27, 108 II 410 consid. 1b) et de la causalité naturelle (ATF 123 III 110 consid. 2, 116 II 305 consid. 2c/ee, 115 II 440 consid. 5b p. 448) relève également du fait. Ces points ne peuvent donc être remis en question ici. 
 
 
La cour cantonale a retenu que l'intimée avait obtenu, lors de la négociation du contrat, que son champagne Pol Roger remplace, auprès de la Centrale d'achats, le champagne Moët et Chandon. Déterminer ce que les cocontractants savaient et voulaient au moment de conclure relève également des constatations de fait (ATF 126 III 25 consid. 3c, 375 consid. 2e/aa p. 379; cf. également: ATF 118 II 58 consid. 3a, 113 II 25 consid. 1a p. 27). 
 
 
Dans ces circonstances, il apparaît que l'intérêt à conclure de l'intimée résidait dans l'assurance qui lui avait été donnée que son champagne Pol Roger remplacerait le champagne Moët et Chandon. Il était donc très important pour l'intimée de savoir quel était le chiffre d'affaires que la recourante réalisait avec le champagne Moët et Chandon. Sans doute n'avait-elle aucune certitude de réaliser le même chiffre d'affaires, mais le montant indiqué lui donnait l'ordre de grandeur de ce qu'elle pouvait espérer. En indiquant sciemment un chiffre nettement supérieur à la réalité, la recourante a trompé l'intimée sur un point très important pour celle-ci. En admettant que l'intimée n'aurait pas accepté, sans cette erreur, de conclure ou de conclure aux mêmes conditions, la cour cantonale a fait une déduction qui ne viole en rien le droit fédéral. 
 
Comme il a été retenu que l'intimée ignorait encore la situation réelle le 6 septembre 1994, il est évident qu'en exprimant sa volonté de ne pas maintenir le contrat, par lettre du 23 septembre 1994, elle n'a pas laissé s'écouler plus d'une année depuis la dissipation du dol. 
 
Le contrat ayant été valablement invalidé, la recourante ne peut exiger l'exécution des prestations qu'il prévoyait. Le rejet de sa demande ne viole donc pas le droit fédéral. 
 
3.- Les frais et dépens doivent être mis à la charge de la recourante qui succombe (art. 156 al. 1 et 159 al. 1 OJ). 
 
Par ces motifs, 
 
le Tribunal fédéral : 
 
1. Rejette le recours et confirme le jugement attaqué; 
 
2. Met un émolument judiciaire de 3000 fr. à la charge de la recourante; 
 
3. Dit que la recourante versera à l'intimée une indemnité de 3500 fr. à titre de dépens; 
 
4. Communique le présent arrêt en copie aux mandataires des parties et à la Cour civile du Tribunal cantonal vaudois. 
 
___________ 
Lausanne, le 22 novembre 2000 ECH 
 
Au nom de la Ie Cour civile 
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE: 
Le Président, 
 
Le Greffier,