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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
8C_1003/2010 
 
Arrêt du 22 novembre 2011 
Ire Cour de droit social 
 
Composition 
MM. et Mme les Juges Ursprung, Président, Frésard et Niquille. 
Greffière: Mme Fretz Perrin. 
 
Participants à la procédure 
Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents, Division juridique, Fluhmattstrasse 1, 6002 Lucerne, 
recourante, 
 
contre 
 
N.________, représenté par Me Carole Aubert, avocate, 
intimé. 
 
Objet 
Assurance-accidents (lien de causalité naturelle), 
 
recours contre le jugement du Tribunal administratif de la République et canton de Neuchâtel, Cour des assurances sociales, du 3 novembre 2010. 
 
Faits: 
 
A. 
N.________, né en 1959, était assuré contre les accidents professionnels et non professionnels auprès de la Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA). Le 19 février 2008, le véhicule dans lequel il avait pris place comme passager avant a été violemment percuté à l'arrière par un camion alors qu'il était arrêté devant un passage pour piétons. L'assuré a été transporté à l'hôpital X.________ où une contusion lombaire sans lésion osseuse du rachis a été diagnostiquée. L'intéressé a pu quitter l'établissement le même jour. Souffrant de cervicalgies et de douleurs dorsales, N.________ a consulté le 29 février 2008 le docteur G.________, neurochirurgien au Centre hospitalier Y.________, lequel lui a prescrit des séances de physiothérapie. Un scanner cervical réalisé le 25 avril 2008 a révélé des lésions uncodiscarthrosiques en C5-C6 réduisant nettement le foramen gauche et une hernie discale foraminale droite en C6-C7, laquelle a été sanctionnée par une discectomie (avec pose d'une prothèse discale) le 12 juin 2008. Dans un rapport du 30 juin 2008, le docteur G.________ a indiqué que la hernie pouvait raisonnablement être attribuée à l'accident subi par l'assuré et à son coup du lapin. 
Le 14 octobre 2008, la CNA a rendu une décision par laquelle elle informait l'assuré qu'elle ne lui allouerait pas de prestations pour ses troubles cervicaux, considérant qu'il n'existait pas de lien de causalité avéré ou probable entre cette atteinte et l'accident du 19 février 2008. 
L'assuré a formé une opposition contre cette décision, à l'appui de laquelle il a produit un rapport d'expertise du docteur O.________, de la faculté de médecine de Z.________ et spécialiste FMH en orthopédie et chirurgie, du 31 décembre 2008. Ce praticien a estimé qu'au vu de la violence de l'accident, des douleurs apparues immédiatement après celui-ci, de l'absence d'intervalle libre entre l'accident, le scanner et l'intervention du 12 juin 2008 et de l'apparition progressive de troubles neurologiques sensitifs dans le membre supérieur droit sans qu'aucune plainte du rachis cervical n'ai été signalée antérieurement, il y avait lieu d'admettre que la hernie discale avait été provoquée et non pas seulement révélée par l'accident du 19 février 2008. 
De son côté, Axa Winterthur, assurance-maladie collective de N.________, a confié la mise en oeuvre d'une expertise au docteur U.________, spécialiste FMH en neurologie. Dans son rapport du 27 mars 2009, ce praticien a relevé que les cervico-dorso-lombalgies apparues dans les suites immédiates de l'accident devaient être mises en relation de causalité certaine avec l'événement accidentel. 
La CNA a soumis l'ensemble de ces documents médicaux au docteur I.________, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et rattaché à la division de médecine des assurances de la CNA. Dans son rapport du 18 juin 2009, ce dernier est arrivé à la conclusion que la hernie discale présentée par l'assuré n'était pas traumatique, les critères permettant de retenir un lien de causalité entre cette atteinte et l'accident n'étant pas tous remplis en l'occurrence. 
Faisant siennes les conclusions du docteur I.________, la CNA a rejeté l'opposition de l'assuré par une nouvelle décision du 3 juillet 2009. 
 
B. 
Saisi d'un recours, le Tribunal administratif de la République et canton de Neuchâtel (aujourd'hui: Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel, Cour de droit public) a annulé la décision sur opposition du 3 juillet 2009, ainsi que la décision du 14 octobre 2008 et renvoyé la cause à la CNA pour nouvelle décision au sens des considérants (jugement du 3 novembre 2010). 
 
C. 
La CNA interjette un recours en matière de droit public contre ce jugement dont elle demande l'annulation, en concluant à ce que la cause soit renvoyée à l'autorité de première instance, respectivement à elle-même, pour instruction complémentaire. 
N.________ conclut au rejet du recours, tandis que l'Office fédéral de la santé publique a renoncé à se déterminer. 
 
Considérant en droit: 
 
1. 
1.1 Le droit à des prestations découlant d'un accident assuré suppose, entre l'événement dommageable de caractère accidentel et l'atteinte à la santé, un lien de causalité naturelle (et adéquate). Cette exigence est remplie lorsqu'il y a lieu d'admettre que, sans cet événement accidentel, le dommage ne se serait pas produit du tout, ou qu'il ne serait pas survenu de la même manière. Il n'est pas nécessaire que l'accident soit la cause unique ou immédiate de l'atteinte : il suffit qu'associé éventuellement à d'autres facteurs, il ait provoqué l'atteinte à la santé, c'est-à-dire qu'il se présente comme la condition sine qua non de cette atteinte. Savoir s'il existe un lien de causalité naturelle est une question de fait, généralement d'ordre médical, qui doit être résolue selon la règle du degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit pas que l'existence d'un rapport de cause à effet soit simplement possible; elle doit pouvoir être qualifiée de probable dans le cas particulier (ATF 129 V 177 consid. 3.1 p. 181, 402 consid. 4.3.1 p. 406). 
 
1.2 En vertu de l'art. 36 al. 1 LAA, les prestations pour soins, les remboursements de frais ainsi que les indemnités journalières et les allocations pour impotent ne sont pas réduits lorsque l'atteinte à la santé n'est que partiellement imputable à l'accident. Lorsqu'un état maladif préexistant est aggravé ou, de manière générale, apparaît consécutivement à un accident, le devoir de l'assurance-accidents d'allouer des prestations cesse si l'accident ne constitue pas la cause naturelle (et adéquate) du dommage, soit lorsque ce dernier résulte exclusivement de causes étrangères à l'accident. Tel est le cas lorsque l'état de santé de l'intéressé est similaire à celui qui existait immédiatement avant l'accident (statu quo ante) ou à celui qui serait survenu même sans l'accident par suite d'un développement ordinaire (statu quo sine) (cf. RAMA 1994 n° U 206 p. 326 consid. 3b, 1992 n° U 142 p. 75; arrêt 8C_552/2007 du 19 février 2008 consid. 2). A contrario, aussi longtemps que le statu quo sine vel ante n'est pas rétabli, l'assureur-accidents doit prendre à sa charge le traitement de l'état maladif préexistant, dans la mesure où il a été causé ou aggravé par l'accident. 
 
1.3 Selon l'expérience médicale, pratiquement toutes les hernies discales s'insèrent dans un contexte d'altération des disques intervertébraux d'origine dégénérative, un événement accidentel n'apparaissant qu'exceptionnellement, et pour autant que certaines conditions particulières soient réalisées, comme la cause proprement dite d'une telle atteinte. Une hernie discale peut être considérée comme étant due principalement à un accident, lorsque celui-ci revêt une importance particulière, qu'il est de nature à entraîner une lésion du disque intervertébral et que les symptômes de la hernie discale (syndrome vertébral ou radiculaire) apparaissent immédiatement, entraînant aussitôt une incapacité de travail. Si la hernie discale est seulement déclenchée, mais pas provoquée par l'accident, l'assurance-accidents prend en charge le syndrome douloureux lié à l'événement accidentel. En revanche, les conséquences de rechutes éventuelles doivent être prises en charge seulement s'il existe des symptômes évidents attestant d'une relation de continuité entre l'événement accidentel et les rechutes (RAMA 2000 no U 378 p. 190 consid. 3, no U 379 p. 192 consid. 2a). 
 
2. 
Selon la juridiction cantonale, la hernie discale cervicale n'avait pas à proprement parler été provoquée par l'accident. En revanche, celui-ci avait déclenché le syndrome douloureux, de sorte qu'il incombait à la CNA de prendre en charge le traitement des troubles cervicaux présentés par l'assuré, y compris l'intervention chirurgicale du 12 juin 2008. 
 
3. 
La recourante reproche à la juridiction cantonale d'avoir écarté l'avis du docteur I.________ au motif que l'intimé ne ressentait aucune douleur cervicale avant l'accident. Selon elle, l'argumentation des premiers juges procéderait uniquement d'un raisonnement «post hoc ergo propter hoc», lequel ne revêt aucun caractère déterminant en matière de preuve. Il eût incombé à la juridiction cantonale, en présence d'avis médicaux contradictoires laissant subsister un doute, d'ordonner la mise en oeuvre d'une expertise judiciaire ou de compléter l'instruction en sollicitant l'avis d'un expert indépendant. 
 
4. 
En l'espèce, la question est de savoir si la hernie discale cervicale a été déclenchée par l'accident du 19 février 2008. 
 
4.1 Pour le docteur G.________, la présence d'une nette hernie discale exclue dans le foramen explique parfaitement la symptomatologie douloureuse de l'assuré et cette exclusion du disque dans le canal rachidien ne peut être expliquée que par un traumatisme important. Le docteur O.________ estime quant à lui que le lien de causalité entre la hernie discale et l'accident est, sinon sûre, du moins très fortement probable. Il avance plusieurs arguments. Juste après l'accident, l'intimé a été transporté à l'hôpital en ambulance dans une coque et a été appareillé d'une collerette rigide. Il a souffert immédiatement de douleurs à la nuque et au dos. Depuis lors, il n'y a eu aucun intervalle libre. Des paresthésies au membre supérieur droit sont apparues par la suite. Selon le docteur U.________, l'apparition des brachialgies et des troubles sensitifs lors de la reprise de l'activité professionnelle doit être attribuée aux conséquences de l'événement accidentel péjorées par la présence d'une hernie discale C6-C7 clairement objectivée à l'inspection préopératoire et bien documentée par le docteur G.________ dans son protocole opératoire. Cette hernie discale explique parfaitement les plaintes au niveau du membre supérieur droit. L'expert est par ailleurs d'avis qu'un événement accidentel, comme celui survenu le 19 février 2008, n'est pas de nature à entraîner en soi une herniation discale, sauf en cas de présence préalable d'un disque dégénéré. Dans ce cas, l'événement accidentel produit soit un étirement radiculaire sur une hernie discale préexistante, soit l'extrusion de matériel discal d'un disque préalablement dégénéré. Or, l'assuré avait certainement été victime d'un tel mécanisme. L'expert a conclu que les troubles dégénératifs cervicaux représentaient très certainement un facteur préexistant à l'accident et ayant joué un rôle important dans l'apparition des troubles. Néanmoins, l'événement accidentel était le facteur déclenchant - au moins à titre partiel - des troubles et la relation de causalité naturelle devait être admise entre ceux-ci et l'accident, pour autant que l'assuré ne présentât pas préalablement à celui-ci des cervicalgies et/ou de plaintes au niveau des membres supérieurs. 
De son côté, le docteur I.________ conclut que la hernie discale C6-C7 n'est pas d'origine traumatique. A l'appui de sa thèse, il rappelle que pour admettre une relation de causalité pour le moins partielle (dans la mesure où généralement le disque est déjà porteur d'une altération dégénérative) entre un accident et le développement d'une hernie discale, il faut que trois critères soient remplis, à savoir: 
- il doit s'agir d'un mécanisme accidentel «adéquat», ayant induit une hyperflexion ou une hyperextension forcée du rachis; 
- les symptômes caractéristiques (radiculaires ou médullaires) doivent apparaître immédiatement après le traumatisme; 
- le patient doit être asymptomatique avant l'accident. 
Alors qu'il a admis la réalisation du premier et du troisième critères, le docteur I.________ a nié que le deuxième fût réalisé car il ressortait du dossier que les troubles neurologiques ne s'étaient développés qu'après une certaine latence (probablement de plusieurs semaines) et qu'ils s'étaient tout d'abord exprimés sous forme de paresthésies et non pas d'un syndrome radiculaire. Le diagnostic de névralgie cervico-brachiale n'avait en effet été posé qu'au mois de mai 2008, soit trois bons mois après la collision accidentelle. En conclusion, le docteur I.________ a précisé qu'il aurait pu souscrire à la thèse développée par le docteur U.________, selon laquelle l'accident du 19 février 2008 avait décompensé l'état antérieur sous forme d'une hernie discale C6/C7 asymptomatique, si la cervicobrachialgie droite avait été de développement précoce chez l'intimé, ce qui n'avait pas été le cas. 
 
4.2 A la lumière des rapports médicaux précités, il convient d'examiner si les symptômes caractéristiques de la hernie discale sont apparus immédiatement après l'accident ou si ceux-ci ne se sont développés qu'après une certaine latence. 
4.2.1 Du rapport des gendarmes dépêchés sur les lieux de l'accident, il ressort que l'assuré souffrait, à la suite de la collision qu'il n'a pas vu venir, de la nuque et du dos. A l'hôpital où il a été emmené juste après l'événement accidentel, l'intimé a fait l'objet de radiographies de la colonne lombaire mais non pas du rachis cervical. Le 29 février 2008, le docteur G.________ a prescrit dix séances de rééducation cervico-dorsale à visée antalgique, sans qu'aucun examen clinique du rachis cervical n'ait été fait, en dépit des douleurs de l'assuré. Le 27 mars 2008, l'intimé a consulté son médecin traitant, le docteur D.________, lequel a rempli une fiche documentaire pour première consultation après un traumatisme d'accélération cranio-cervical. Comme symptômes survenus immédiatement après l'accident, l'intimé a fait état de douleurs à la nuque, avec une intensité de sept sur dix, ainsi que de douleurs aux membres inférieurs et des dorsolombalgies. A l'examen neurologique, l'intimé souffrait de paresthésies à la main droite. Finalement, le docteur D.________ a retenu le diagnostic de douleurs de nuque et troubles neurologiques. La capacité de travail était nulle. Dans un rapport du 30 juin 2008, le docteur G.________ explique avoir revu l'assuré qui souffrait de cervicalgies et de douleurs dorsales le 29 février 2008. Il reconnaît n'avoir fait aucun courrier mais prescrit des séances de rééducation. Il a également préconisé un scanner cervical en cas de persistance des douleurs, ce qui a été fait le 25 avril 2008. Il a par ailleurs indiqué que l'intimé était revenu le voir le 16 mai 2008 du fait d'une névralgie cervico-brachiale droite apparue progressivement après son accident et persistante. 
4.2.2 Pour affirmer que les symptômes de la hernie discale cervicale ne sont pas apparus immédiatement après l'accident mais se sont développés après une certaine latence (probablement de plusieurs semaines), le docteur I.________ a déduit des certificats médicaux précités qu'il y avait eu apparition retardée des paresthésies de la main droite. Or, s'il est vrai que l'évolution initiale des symptômes de l'intimé est peu documentée, il ressort toutefois de la fiche documentaire remplie par le docteur D.________ le 27 mars 2008, que l'intimé a ressenti des douleurs importantes à la nuque immédiatement après l'accident et qu'il a également présenté des paresthésies. Du reste, la hernie discale découverte le 25 avril 2008 expliquait parfaitement, selon les autres médecins, les symptômes que présentait l'intimé immédiatement après l'accident. Que certains médecins aient fait état de douleurs apparues progressivement s'explique par le fait que les investigations au niveau du rachis cervical ont été entreprises assez tardivement. 
4.2.3 Par ailleurs, on a vu que selon le docteur U.________, l'accident survenu le 19 février 2008 n'était pas de nature à entraîner en soi une hernie discale, sauf si le disque atteint était préalablement dégénéré. Dans ce cas, l'événement accidentel produit soit un étirement radiculaire sur une hernie discale préexistante, soit l'extrusion de matériel discal d'un disque préalablement dégénéré. Or, il ressort du rapport du docteur I.________ que l'intimé présentait au plan radiologique une ancienne atteinte dégénérative du disque C6-C7. En outre, le docteur G.________, qui a opéré l'assuré, a constaté la présence d'une nette hernie discale, avec exclusion du disque dans le canal rachidien. Ces constatations corroborent en tous points l'analyse du docteur U.________, selon laquelle l'événement accidentel a entraîné l'extrusion de matériel discal d'un disque préalablement dégénéré. Compte tenu de ce qui précède, on peut retenir, sans qu'il soit nécessaire d'ordonner une nouvelle expertise médicale, que la hernie discale a bien été déclenchée par l'accident. Il suit de là que le recours est mal fondé. 
 
5. 
Vu le sort du litige, les frais de justice seront mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 66 al. 1 LTF). Par ailleurs, l'intimé a droit à des dépens (art. 68 al. 2 LTF). 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
 
1. 
Le recours est rejeté. 
 
2. 
Les frais judiciaires, arrêtés à 750 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
3. 
La recourante versera à l'intimé la somme de 2'800 fr. à titre de dépens pour la dernière instance. 
 
4. 
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel, Cour de droit public, et à l'Office fédéral de la santé publique. 
 
Lucerne, le 22 novembre 2011 
Au nom de la Ire Cour de droit social 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président: Ursprung 
 
La Greffière: Fretz Perrin