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Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
4C.343/2004 /ech 
 
Arrêt du 22 décembre 2004 
Ire Cour civile 
 
Composition 
MM. et Mme les Juges Corboz, Président, Favre et Kiss. 
Greffière: Mme Godat Zimmermann. 
 
Parties 
X.________ SA, 
défenderesse et recourante, représentée par Me Jacques Micheli, 
contre 
 
1. A.________, 
2. B.________, 
demandeurs et intimés, 
représentés par Me Bernard Geller. 
 
Objet 
bail à loyer; annulabilité du congé; prolongation du bail, 
 
recours en réforme contre l'arrêt de la Chambre des recours du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 18 août 2004. 
 
Faits: 
A. 
Par contrat du 13 décembre 1983, la SI Y.________ SA a remis à bail à X.________ SA (magasin de confection) des locaux commerciaux dans un immeuble, à Lausanne; répartis sur quatre étages, les locaux représentent une surface totale de 618 m2. Conclu pour dix ans dès le 1er janvier 1984, le bail se renouvelait ensuite de cinq ans en cinq ans, sauf résiliation signifiée au moins une année à l'avance. En dernier lieu, le loyer mensuel net a été fixé à 9277 fr. à partir du 1er février 2000. 
 
Ce contrat succédait à plusieurs baux conclus pour les mêmes locaux dès 1950 par la société Z.________ SA, devenue X.________ SA en 1979. 
 
Depuis le 1er novembre 1994, C.________ détenait la totalité du capital actions de la SI Y.________ SA; il a acquis en son nom la propriété de l'immeuble en septembre 1998. A son décès, ses fils, A.________ et B.________, sont devenus propriétaires en main commune de l'immeuble, qui était géré par W.________ (ci-après: la gérance). 
 
Par formule officielle du 30 juin 2000, la gérance a résilié le bail de X.________ SA pour le 1er janvier 2004. Dans une lettre d'accompagnement, elle invoquait des motifs d'ordre économique. En effet, les nouveaux bailleurs avaient demandé à la gérance d'effectuer un calcul de rendement de l'immeuble, qui avait abouti à un résultat insuffisant; ils ont alors décidé de résilier le bail de X.________ SA afin de pouvoir relouer les locaux à un loyer supérieur. 
B. 
X.________ SA a saisi la Commission de conciliation en matière de baux à loyer immobiliers du district de Lausanne. Elle concluait à l'annulation de la résiliation et, subsidiairement, à la prolongation du bail pour six ans à partir du 1er janvier 2004. 
 
A la suite de l'échec de la conciliation, la commission a prononcé l'annulation de la résiliation notifiée le 30 juin 2000. 
 
Par requête du 10 septembre 2001 adressée au Tribunal des baux du canton de Vaud, A.________ et B.________ ont conclu, à titre principal, à la confirmation de la résiliation du bail et, subsidiairement, à la fixation du loyer mensuel net à 20 000 fr. en cas de prolongation du bail au-delà du 1er janvier 2004. X.________ SA a demandé le maintien de la décision de la commission et, pour le cas où la validité du congé serait admise, la prolongation du bail pour six ans à compter du 1er janvier 2004. 
 
Par jugement du 13 décembre 2002, le Tribunal des baux a admis la validité de la résiliation et accordé une prolongation unique du bail jusqu'au 30 juin 2006; il a rejeté la conclusion des demandeurs tendant à la fixation d'un loyer mensuel de 20 000 fr. en cas de prolongation du bail. 
 
Statuant le 18 août 2004 sur recours de X.________ SA, la Chambre des recours du Tribunal cantonal du canton de Vaud a rejeté le recours et confirmé le jugement attaqué. 
C. 
X.________ SA (la défenderesse) interjette un recours en réforme. A titre principal, elle demande au Tribunal fédéral de réformer l'arrêt attaqué en ce sens que la résiliation du 30 juin 2000 est annulée. A titre subsidiaire, elle conclut à l'annulation de la décision cantonale et au renvoi de la cause aux autorités judiciaires vaudoises pour complément d'instruction. Plus subsidiairement, elle demande la réforme de l'arrêt attaqué en ce sens que le bail est prolongé une seule fois jusqu'au 31 décembre 2009, voire pour la première fois jusqu'au 30 juin 2006. 
 
A.________ et B.________ (les demandeurs) proposent le rejet du recours. 
 
Le Tribunal fédéral considère en droit: 
1. 
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 130 II 302 consid. 3 p. 303, 306 consid. 1.1 p. 308, 321 consid. 1 p. 324; 129 III 415 consid. 2.1). 
 
1.1 Interjeté par la partie qui a succombé dans ses conclusions tendant à l'annulation de la résiliation du bail et, subsidiairement, à la prolongation maximale du bail, le recours en réforme, qui est dirigé contre un jugement final rendu en dernière instance cantonale par un tribunal supérieur (art. 48 al. 1 OJ) sur une contestation civile dont la valeur litigieuse dépasse le seuil de 8000 fr. (art. 46 OJ; cf. ATF 119 II 147 consid. 1; 111 II 384 consid. 1), est en principe recevable, puisqu'il a été déposé en temps utile (art. 54 al. 1 OJ) et dans les formes requises (art. 55 OJ). 
1.2 Saisi d'un tel recours, le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des faits contenus dans la décision attaquée, à moins que des dispositions fédérales en matière de preuve n'aient été violées, qu'il faille rectifier des constatations reposant sur une inadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou compléter les constatations de l'autorité cantonale parce que celle-ci n'a pas tenu compte de faits pertinents, régulièrement allégués et clairement établis (art. 64 OJ; ATF 130 III 102 consid. 2.2. p. 106, 136 consid. 1.4. p. 140; 127 III 248 consid. 2c). 
 
Dans la mesure où la partie recourante présente un état de fait qui s'écarte de celui contenu dans la décision attaquée, sans se prévaloir avec précision de l'une des exceptions qui viennent d'être rappelées, il n'est pas possible d'en tenir compte (ATF 127 III 248 consid. 2c). Il ne peut être présenté de griefs contre les constatations de fait, ni de faits ou de moyens de preuve nouveaux (art. 55 al. 1 let. c OJ). Le recours en réforme n'est donc pas ouvert pour remettre en cause l'appréciation des preuves et les constatations de fait qui en découlent (ATF 130 III 136 consid. 1.4 p. 140 128 III 271 consid. 2b/aa p. 277; 127 III 247 consid. 2c p. 252; 126 III 189 consid. 2a). 
2. 
Dans un premier moyen, la défenderesse fait valoir que la cour cantonale aurait dû annuler la résiliation du 30 juin 2000 en application de l'art. 271a al. 1 let. b CO. A son avis, le but des bailleurs était d'imposer à la locataire une augmentation substantielle du loyer. Contrairement à ce que la Chambre des recours a admis, le fait que les demandeurs n'aient pas pris contact avec la défenderesse avant de notifier la résiliation n'exclurait pas le congé-pression. Ce dernier résulterait en l'espèce de différents indices; la défenderesse note à cet égard qu'une grande vraisemblance suffit. Ainsi, dans le cas d'un autre locataire, D.________, les bailleurs ont bel et bien accepté de retirer le congé moyennant une augmentation échelonnée du loyer. Par ailleurs, la défenderesse estime que si elle avait accepté de payer le loyer mensuel de 20 000 fr. souhaité par les bailleurs, ces derniers n'auraient certainement pas maintenu la résiliation. Elle invoque à ce sujet les propositions et contre-propositions transactionnelles échangées devant l'autorité de conciliation, que la cour cantonale aurait omis de mentionner par inadvertance manifeste. 
2.1 Aux termes de l'art. 271a al. 1 let. b CO, le congé est annulable lorsqu'il est donné par le bailleur dans le but d'imposer une modification unilatérale du bail défavorable au locataire ou une adaptation de loyer («Änderungskündigung»). Cette disposition prohibe le congé-pression, qui consiste en particulier à placer le locataire devant l'alternative de payer un loyer majoré ou de quitter les locaux (arrêt 4C.36/1992 du 15 septembre 1992, consid. 4a; déjà sous l'ancien droit: ATF 115 II 83 consid. 4c p. 86, 484 consid. 3c p. 487). L'adaptation de loyer doit être unilatérale (Lachat, Le bail à loyer, n. 5.2.2, p. 476); il importe peu que le bailleur fasse usage de la formule officielle ou communique son intention au locataire par simple lettre ou même oralement (SVIT-Kommentar Mietrecht, 2e éd., n. 15 ad art. 271a CO, p. 826; Higi, Zürcher Kommentar, n. 74 et n. 77 ad art. 271a CO). Si l'initiative de modifier le contrat émane du locataire et que la déclaration du bailleur consiste en une acceptation, il n'y a pas d'adaptation du loyer unilatérale au sens de l'art. 271a al. 1 let. b CO (cf. arrêt 4C.496/1994 du 28 mars 1995, consid. 2 et 3a; SVIT-Kommentar Mietrecht, 2e éd., n. 16 ad art. 271a CO, p. 827; Lachat, op. cit., n. 5.2.6, p. 477; Higi, op. cit., n. 79 ad art. 271a CO; Christian Calamo, Die missbräuchliche Kündigung der Miete von Wohnräumen, thèse St-Gall 1993, p. 219/220). Le congé-pression suppose par ailleurs l'existence d'un lien de causalité entre la résiliation et la volonté du bailleur d'imposer sa prétention en augmentation de loyer ou en modification du contrat. La preuve de ce lien, qui doit être rapportée par le locataire, peut résulter d'indices (Tercier, Les contrats spéciaux, n. 2464, p. 356; Lachat, op. cit., n. 5.2.3, p. 477; Higi, op. cit., n. 86 ad art. 271a CO; Calamo, op. cit., p. 219). L'ordre dans lequel ont lieu la résiliation et la manifestation de volonté du bailleur d'augmenter le loyer n'est pas déterminant à cet égard (ATF 115 II 83 consid. 4c p. 86). 
2.2 En l'espèce, la cour cantonale a repris une constatation du Tribunal des baux, selon laquelle «l'objectif des demandeurs est bien de relouer les locaux à une autre personne, pour un prix supérieur, et non pas d'obliger la défenderesse à demeurer dans les locaux à des conditions qu'elle ne saurait accepter». Le motif pour lequel un congé est donné relève du fait (ATF 127 III 86 consid. 2a p. 88; 115 II 484 consid. 2b p. 486) et ne peut donc être revu par la juridiction de réforme. Si tant est que la défenderesse entende critiquer les constatations souveraines de la cour cantonale à ce sujet, son grief est irrecevable (art. 55 al. 1 let. c et art. 63 al. 2 OJ). 
 
Dans la mesure où il est établi que la volonté des demandeurs, en résiliant le bail, n'était pas d'obtenir un loyer supérieur de la part de la défenderesse, l'application de l'art. 271a al. 1 let. b CO n'entre pas en considération. Il est du reste conforme au droit fédéral (art. 8 CC) que la locataire se voie opposer l'absence de preuve de l'intention prêtée par elle aux bailleurs. 
 
Au surplus, la défenderesse se méprend sur la portée de l'inadvertance manifeste au sens de l'art. 63 al. 2 OJ lorsqu'elle reproche à la cour cantonale de n'avoir pas mentionné le contenu des discussions menées entre les parties devant la Commission de conciliation. L'existence d'une inadvertance manifeste suppose que l'autorité cantonale a omis de prendre en considération une pièce déterminée, versée au dossier, ou l'a mal lue, s'écartant par mégarde de sa teneur exacte, en particulier de son vrai sens littéral (ATF 115 II 399 consid. 2a; 109 II 159 consid. 2b; cf. également ATF 121 IV 104 consid. 2b). Tel est notamment le cas lorsque l'examen d'une pièce du dossier, qui n'a pas été prise en considération, révèle une erreur de fait évidente, qui ne peut s'expliquer que par l'inattention (Bernard Corboz, Le recours en réforme au Tribunal fédéral, in SJ 2000 II, p. 66). Cependant, dès l'instant où une constatation de fait repose sur l'appréciation, même insoutenable, d'une preuve, d'un ensemble de preuves ou d'indices, une inadvertance est exclue (Poudret, COJ II, n. 5.4 ad art. 63 OJ). Il ne peut en effet être remédié à une mauvaise appréciation des preuves par la voie prévue à l'art. 55 al. 1 let. d OJ (ATF 96 I 193 consid. 2; Poudret, op. cit., n. 1.6.3 ad art. 55). En l'espèce, le Tribunal des baux, suivi par la Chambre des recours, a établi le but visé par les bailleurs en se fondant notamment sur le témoignage de E.________, actionnaire majoritaire de V.________ SA, qui s'était déclaré prêt à louer pour sa société les locaux actuellement occupés par la défenderesse. La détermination de la volonté réelle des demandeurs repose ainsi sur l'appréciation des preuves par les instances cantonales, de sorte que le moyen tiré d'une inadvertance manifeste est mal fondé. 
 
Au demeurant, la défenderesse elle-même ne prétend pas que l'initiative de négocier une majoration de loyer devant l'autorité de conciliation émanait des demandeurs; elle n'invoque donc pas le caractère unilatéral de l'augmentation de loyer envisagée, élément indispensable pour qu'un congé-pression puisse entrer en ligne de compte. 
 
En conclusion, le grief fondé sur une violation de l'art. 271a al. 1 let. b CO doit être écarté. 
3. 
La défenderesse reproche également à la cour cantonale de n'avoir pas admis que le congé du 30 juin 2000 était contraire à la bonne foi au sens de l'art. 271 al. 1 CO. A son avis, pour déterminer si le congé poursuivait ou non un but illicite, la Chambre des recours ne pouvait se contenter de constater qu'une augmentation du loyer payé actuellement par la locataire était admissible dans son principe, mais devait rechercher si la majoration souhaitée était abusive dans sa quotité. Or, selon la défenderesse, un loyer mensuel de 20 000 fr., tel que voulu par les demandeurs, est abusif au regard de la méthode absolue, que l'on prenne en considération les loyers usuels ou le rendement de la chose louée. 
3.1 A côté d'une liste d'exemples où une résiliation émanant du bailleur est annulable (art. 271a al. 1 CO), la loi prévoit, de manière générale, que le congé, donné par l'une ou l'autre partie, est annulable lorsqu'il contrevient aux règles de la bonne foi (art. 271 al. 1 CO). 
 
Selon la jurisprudence, la protection accordée par l'art. 271 al. 1 CO procède à la fois du principe de la bonne foi (art. 2 al. 1 CC) et de l'interdiction de l'abus de droit (art. 2 al. 2 CC), tant il est vrai qu'une distinction rigoureuse ne se justifie pas en cette matière (cf. ATF 120 II 31 consid. 4a, 105 consid. 3 p. 108). 
 
Les cas typiques d'abus de droit (absence d'intérêt à l'exercice d'un droit, utilisation d'une institution juridique contrairement à son but, disproportion grossière des intérêts en présence, exercice d'un droit sans ménagement, attitude contradictoire) justifient l'annulation du congé; à cet égard, il n'est toutefois pas nécessaire que l'attitude de l'auteur du congé puisse être qualifiée d'abus de droit « manifeste » au sens de l'art. 2 al. 2 CC (ATF 120 II 105 consid. 3 p. 108). 
 
Ainsi, le congé doit être considéré comme abusif s'il ne répond à aucun intérêt objectif, sérieux et digne de protection (arrêt 4C.65/2003 du 23 septembre 2003, consid. 4.2.1; arrêt 4C.267/2002 du 18 novembre 2002, consid. 2.2, reproduit in SJ 2003 I, p. 261 ss). Est abusif le congé purement chicanier dont le motif n'est manifestement qu'un prétexte (ATF 120 II 31 consid. 4a p. 32). En revanche, le congé donné pour l'échéance en vue de vendre un domaine dans de meilleures conditions ne contrevient pas aux règles de la bonne foi au sens de l'art. 271 al. 1 CO (arrêt précité du 18 novembre 2002, consid. 2.3). De même, le congé donné par le bailleur en vue d'obtenir d'un nouveau locataire un loyer plus élevé, mais non abusif, ne saurait, en règle générale, constituer un abus de droit (ATF 120 II 105 consid. 3b/aa p. 109; arrêt précité du 18 novembre 2002, consid. 2.2). 
3.2 Selon la jurisprudence précitée, la résiliation signifiée, comme en l'espèce, dans le but de relouer l'objet à un tiers pour un loyer plus cher n'est en principe pas annulable en application de l'art. 271 al. 1 CO. Par ailleurs, aucune des exceptions mentionnées par la jurisprudence (cf. ATF 120 II 105 consid. 3b/aa p. 109 et consid. 3b/bb p. 110) n'est réalisée dans le cas présent. 
 
En revanche, la question se pose de savoir si le juge cantonal pouvait se limiter à rechercher si une augmentation du loyer actuel était admissible au regard de la méthode absolue ou si, comme la défenderesse le prétend, il devait examiner le caractère abusif ou non du nouveau loyer que les bailleurs entendaient obtenir. Lors d'une audience tenue le 23 août 2001 devant la Commission de conciliation, les demandeurs ont déclaré en effet qu'ils avaient la possibilité de relouer les locaux litigieux à V.________ SA pour un loyer mensuel de 20 000 fr. Commentant l'arrêt publié aux ATF 120 II 105, Lachat soutient la seconde proposition, estimant que la validité du congé dépend de l'admissibilité de la majoration souhaitée (op. cit., n. 4.5, p. 472). 
 
Il convient de revenir sur la jurisprudence en question. Le Tribunal fédéral a commencé par poser que le congé donné par le bailleur en vue d'obtenir d'un nouveau locataire un loyer plus élevé, mais non abusif, ne saurait, en règle générale, constituer un abus de droit (ATF 120 II 105 consid. 3b/aa p. 109). Dans la suite de l'arrêt, il a précisé que, pour être admissible, un congé dicté par des considérations d'ordre économique suppose que le bailleur soit en mesure d'exiger du nouveau locataire un loyer supérieur au loyer payé alors par le preneur dont le bail est résilié; en d'autres termes, le congé est annulable si l'application de la méthode de calcul absolue permet d'exclure l'hypothèse que le bailleur puisse majorer légalement le loyer, parce que celui-ci est déjà conforme aux prix du marché et lui procure un rendement suffisant (même arrêt, consid. 3b/bb p. 110). C'est donc à juste titre qu'en l'occurrence, la cour cantonale s'est bornée à examiner si les demandeurs pouvaient relouer plus cher les locaux pris à bail par la défenderesse, sans se prononcer sur le loyer mensuel de 20 000 fr. évoqué par les bailleurs. Du reste, comme Lachat le souligne, l'exercice consistant à juger de l'admissibilité de la majoration envisagée relève de la «haute voltige», puisque le loyer indiqué par le bailleur est hypothétique et que rien ne garantit qu'il puisse être appliqué dans la réalité (op. cit., note de pied 75, p. 472). Tel est le cas même en l'espèce, où un amateur, actionnaire majoritaire de V.________ SA, s'était déclaré prêt, devant la Commission de conciliation, à payer le loyer proposé par les bailleurs. En effet, aucun contrat n'avait été conclu, ce qui est facilement explicable si l'on songe que les parties au procès étaient alors au stade de la conciliation et que la procédure pouvait encore durer plusieurs années. Cela étant, rien ne permet d'affirmer que les bailleurs pourront à coup sûr relouer les locaux litigieux pour 20 000 fr. par mois le moment venu. Les facteurs d'incertitude sont ainsi beaucoup trop importants pour qu'un montant précis puisse être retenu à titre de loyer à payer par le nouveau locataire. La seule solution praticable consiste, comme la jurisprudence susmentionnée le préconise, à déterminer si le loyer actuel peut être augmenté en application de la méthode absolue (loyers usuels du quartier; calcul de rendement). Si une hausse de loyer est possible selon ces critères, le congé ne saurait contrevenir aux règles de la bonne foi. 
 
En l'occurrence, dans une analyse fouillée reprise par la cour cantonale, le Tribunal des baux arrive à la conclusion que le loyer actuel de 166 fr. le m2, voire de 187 fr. le m2, est nettement inférieur aux loyers des locaux proposés en comparaison, qui varient entre 383 fr. et 951 fr. le m2. Même si les exemples ne répondent pas tous strictement aux exigences de comparaison posées par la jurisprudence en matière de hausse de loyer, il n'en demeure pas moins que la différence est tellement flagrante qu'il peut être admis sans autre que le loyer actuellement payé par la défenderesse est inférieur à la moyenne des loyers usuels du quartier. La locataire ne le conteste d'ailleurs pas et ce point est confirmé par l'expert qu'elle a mandaté à titre privé. Par ailleurs, le Tribunal des baux, suivi par la Chambre des recours, a procédé à un calcul de rendement approximatif sur l'ensemble de l'immeuble; en prenant l'état locatif calculé par le propre expert commis par la locataire, le tribunal parvient à un rendement admissible supérieur de 13% en tout cas au rendement actuel. Ce chiffre n'est pas non plus remis en cause par la défenderesse. Il apparaît ainsi que, sur la base des critères de calcul propres à la méthode absolue, les demandeurs sont en mesure de louer à un tiers les locaux litigieux à un loyer supérieur au loyer payé par la défenderesse, sans poursuivre un but illicite pour autant. Dans ces conditions, la cour cantonale a admis à bon droit la validité du congé signifié le 30 juin 2000. Le moyen tiré d'une violation de l'art. 271 al. 1 CO est mal fondé. 
4. 
En dernier lieu, la défenderesse juge insuffisante la durée de la prolongation unique du bail accordée par la Chambre des recours. Elle estime que les conséquences pénibles de la résiliation pour la locataire, l'absence de motifs prépondérants des bailleurs et la longue durée du bail justifient la prolongation maximale de six ans ou, à tout le moins, l'octroi d'une première prolongation de deux ans et demi. 
4.1 Selon l'art. 272 al. 1 CO, le locataire peut demander la prolongation d'un bail lorsque la fin du contrat aurait pour lui ou sa famille des conséquences pénibles sans que les intérêts du bailleur le justifient. L'alinéa 2 de cette disposition prévoit que, dans la pesée des intérêts, l'autorité compétente se fondera notamment sur les circonstances de la conclusion du bail et le contenu du contrat (a), la durée du bail (b), la situation personnelle, familiale et financière des parties ainsi que leur comportement (c), le besoin que le bailleur ou ses proches parents ou alliés peuvent avoir d'utiliser eux-mêmes les locaux ainsi que l'urgence de ce besoin (d) et la situation sur le marché local du logement ou des locaux commerciaux (e). 
 
Le bail de locaux commerciaux peut être prolongé de six ans au maximum; dans cette limite, une ou deux prolongations peuvent être accordées (art. 272b al. 1 CO). Pour fixer la durée de la prolongation, le juge doit procéder à une pesée des intérêts en présence, en se fondant en particulier sur les mêmes critères que ceux énumérés à l'art. 272 al. 1 et 2 CO pour décider de l'octroi ou non de la prolongation (arrêt 4C.139/2000 du 10 juillet 2000, consid. 2a). Il gardera à l'esprit que la prolongation a pour but de donner du temps au locataire pour trouver une solution de remplacement (ATF 125 III 226 consid. 4b) ou, à tout le moins, tend à adoucir les conséquences pénibles résultant d'une extinction du contrat selon les règles ordinaires (ATF 116 II 446 consid. 3b). Le juge dispose d'un large pouvoir d'appréciation pour déterminer la durée de la prolongation. Il ne violera le droit fédéral que s'il sort des limites fixées par la loi, s'il se laisse guider par des considérations étrangères à la disposition applicable, s'il ne prend pas en compte les éléments d'appréciation pertinents ou s'il tire des déductions à ce point injustifiables que l'on doive parler d'un abus du pouvoir d'appréciation (ATF 125 III 226 consid. 4b p. 230; 118 II 50 consid. 4 p. 55). 
4.2 En l'espèce, la cour cantonale a accordé à la défenderesse une prolongation unique de deux ans et demi, soit jusqu'au 30 juin 2006. Elle a adopté les motifs du Tribunal des baux. Ce dernier a considéré que l'intérêt économique des propriétaires à optimiser le rendement de leur immeuble devait céder le pas à l'intérêt de la défenderesse au maintien de son commerce qui emploie treize personnes, de sorte qu'une longue prolongation de bail devait être accordée à la locataire. Le tribunal a toutefois limité la durée de la prolongation à deux ans et demi pour tenir compte du fait que le congé avait été signifié trois ans et demi avant l'échéance du contrat et que la défenderesse n'avait pas mis à profit ce délai pour chercher des locaux de remplacement. 
 
Dans son appréciation globale des circonstances, le Tribunal des baux, suivi par la Chambre des recours, tient compte à juste titre du long délai qui s'est écoulé entre la notification de la résiliation, le 30 juin 2000, et l'échéance du bail, le 1er janvier 2004, ainsi que de l'absence de recherches de la défenderesse durant cette période. En effet, il est admis par la jurisprudence et la doctrine que le locataire ne doit pas rester inactif à la réception du congé et que le temps séparant la résiliation de l'échéance du contrat est un élément à prendre en considération dans une certaine mesure pour fixer la durée de la prolongation (ATF 125 III 226 consid. 4c p. 230/231; 102 II 254 p. 256; Lachat, op. cit., n. 3.11, p. 505 et n. 4.5, p. 507; Higi, op. cit., n. 40 ad art. 272b CO). En l'espèce, à la décharge de la locataire, il convient toutefois de tenir compte du fait que la Commission de conciliation avait annulé la résiliation du 30 juin 2000, ce qui était de nature à dissuader la défenderesse d'entreprendre sans délai des recherches en vue de trouver d'autres locaux (cf. arrêt précité du 18 novembre 2002, consid. 3). 
 
Tout en reconnaissant, en principe, que la prolongation à accorder à la défenderesse devait être longue, le Tribunal des baux n'a pas repris, lors de la fixation de la durée de la prolongation de bail, plusieurs éléments qu'elle avait pourtant mentionnés pour justifier l'octroi d'une telle mesure. Ainsi, le bail liant les parties durait depuis vingt ans au moment de l'échéance du contrat, le 31 décembre 2003 (cf. art. 272 al. 2 let. b CO). De plus, il faisait suite à d'autres baux, de sorte que le magasin de mode exploité par la défenderesse occupait les locaux litigieux depuis cinquante ans. Durant toutes ces années, la défenderesse a pu se créer une clientèle fidèle, comme le Tribunal des baux le constate lui-même. Il s'agit là d'un facteur propre à renforcer l'intérêt de la locataire à voir son bail prolongé (cf. Lachat, op. cit., n. 3.5, p. 500 et n. 3.6, p. 501). Mais surtout, le Tribunal des baux relève qu'il sera difficile pour la défenderesse de trouver des locaux de remplacement équivalents, le marché des locaux commerciaux à Lausanne étant assez restreint, en particulier au centre ville. C'est dire que la situation sur le marché local n'est pas favorable à la défenderesse (cf. art. 272 al. 2 let. e CO), ce qui plaide également pour une longue prolongation du bail. 
 
Sur le vu de ce qui précède, il apparaît que le Tribunal des baux, et à sa suite, la cour cantonale, tout en admettant le principe d'une longue prolongation du bail, n'ont finalement accordé qu'une prolongation réduite de deux ans et demi, soit un peu plus d'un tiers de la prolongation maximale, afin de tenir compte de l'absence d'efforts de la défenderesse dans sa recherche de locaux depuis la notification de la résiliation, trois ans et demi avant l'échéance du contrat. Ce facteur a donc pesé lourdement dans la fixation de la durée de la prolongation, alors qu'à l'inverse, des éléments d'appréciation pertinents, comme la longue durée du bail et la situation défavorable du marché des locaux commerciaux au centre ville, n'ont pas été pris en considération. Dans ces conditions, l'appréciation cantonale ne saurait être cautionnée par la juridiction de réforme et doit être revue. 
4.3 Par rapport à l'intérêt purement économique des bailleurs à mieux rentabiliser leur bien, l'intérêt à la prolongation du bail de la défenderesse, qui emploie treize personnes, occupe les locaux depuis de très nombreuses années et éprouvera des difficultés à louer des locaux équivalents, n'est pas loin de justifier une prolongation maximale du contrat. D'un autre côté, il y a lieu de réduire la durée de la prolongation pour tenir compte de l'absence de démarches de la défenderesse en vue de trouver des locaux de remplacement; cette réduction n'a toutefois pas à s'aligner de manière linéaire sur le délai écoulé entre l'avis de résiliation et l'échéance du contrat. Tout bien considéré, il convient de prolonger de quatre ans le bail liant les parties, soit jusqu'au 31 décembre 2007. Le recours est dès lors bien fondé en partie, ce qui conduit à la réforme de l'arrêt attaqué dans la mesure où la durée de la prolongation de bail est portée de deux ans et demi à quatre ans. 
 
La défenderesse obtient partiellement gain de cause sur la durée de la prolongation unique, ce qui dispense la cour de céans d'examiner la conclusion très subsidiaire du recours tendant à l'octroi d'une première prolongation du bail de deux ans et demi. 
5. 
La défenderesse succombe dans sa conclusion principale tendant à l'annulation du congé. En revanche, elle obtient partiellement gain de cause sur la durée de la prolongation du bail. Il se justifie dès lors de répartir les frais judiciaires par 2/3 à la charge de la défenderesse et 1/3 à la charge des demandeurs (art. 156 al. 3 OJ). En outre, celle-là versera à ceux-ci des dépens réduits (art. 159 al. 3 OJ). 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
1. 
Le recours est admis partiellement et l'arrêt attaqué est annulé dans la mesure où il confirme les chiffres I, III et IV du jugement du Tribunal des baux du 13 décembre 2002 et où il arrête les frais de deuxième instance. 
 
Le contrat de bail liant A.________ et B.________ à X.________ SA est valablement résilié pour le 1er janvier 2004. Il est accordé à X.________ SA une unique prolongation du bail jusqu'au 31 décembre 2007. 
2. 
Un émolument judiciaire de 5000 fr. est mis à raison de 2/3 à la charge de la défenderesse et à raison de 1/3 à la charge des demandeurs, débiteurs solidaires. 
3. 
La défenderesse versera aux demandeurs, créanciers solidaires, une indemnité de 2000 fr. à titre de dépens réduits. 
4. 
La cause est renvoyée à la cour cantonale pour nouvelle décision sur les frais et dépens de la procédure cantonale. 
 
5. 
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la Chambre des recours du Tribunal cantonal du canton de Vaud. 
Lausanne, le 22 décembre 2004 
Au nom de la Ire Cour civile 
du Tribunal fédéral suisse 
Le Président: La Greffière: