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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
4A_456/2022  
 
 
Arrêt du 23 février 2023  
 
Ire Cour de droit civil  
 
Composition 
Mmes les Juge fédérales 
Kiss, juge présidant, Hohl et May Canellas. 
Greffier: M. O. Carruzzo. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par Me Jean-Jacques Martin, avocat, 
recourant, 
 
contre 
 
B.________ Limited, 
représentée par Me Aba Neeman, avocat, 
intimée, 
 
C.________, 
représenté par Me Laurent Hirsch, avocat, 
partie intéressée. 
Objet 
arbitrage international, 
 
recours en matière civile contre la sentence rendue le 16 septembre 2022 par un Tribunal arbitral avec siège à Genève. 
 
 
Faits :  
 
A.  
Le 21 juin 2019, B.________ Limited, société sise aux Iles Vierges britanniques, se fondant sur la clause d'arbitrage insérée dans un contrat daté du 31 août 2004, a initié une procédure arbitrale à l'encontre des défendeurs C.________ et A.________ en vue d'obtenir le paiement de divers montants. 
Un Tribunal arbitral de trois membres a été constitué, son siège fixé à Genève et l'anglais désigné comme langue de l'arbitrage. 
C.________ a conclu au déboutement de la demanderesse et a formé une demande croisée ( crossclaim) à l'encontre de A.________.  
A.________ a soulevé l'exception de prescription et conclu, sur le fond, au rejet des prétentions élevées à son encontre. 
 
B.  
Statuant par sentence finale du 16 septembre 2022, le Tribunal arbitral a condamné A.________ à payer à la demanderesse un million de dollars américains, intérêts en sus. Pour aboutir à la solution retenue par lui, il a considéré que l'action de la demanderesse n'était pas prescrite. Appliquant les règles du droit suisse, il a estimé que le délai de prescription était de dix ans (art. 127 du Code des obligations du 30 mars 1911 [CO; RS 220]) et a fixé le dies a quo au 18 mars 2005. Conformément à l'art. 135 ch. 2 CO, il a jugé que la prescription avait été valablement interrompue le 20 mai 2014, date à laquelle la demanderesse avait saisi une autorité judiciaire israélienne aux fins de faire valoir ses prétentions, laquelle avait ordonné par la suite la suspension de la procédure, ce qui avait entraîné la suspension du cours du délai de prescription en vertu de l'art. 138 al. 1 CO. Le Tribunal arbitral a dès lors retenu que la requête d'arbitrage du 21 juin 2019 avait été introduite en temps utile.  
 
C.  
Le 17 octobre 2022, A.________ (ci-après: le recourant) a formé un recours en matière civile, assorti d'une requête d'effet suspensif, aux fins d'obtenir l'annulation de la sentence précitée. 
La demande d'effet suspensif a été rejetée par ordonnance du 18 octobre 2022. 
Au pied de sa réponse, B.________ Limited (ci-après: l'intimée) a conclu au rejet du recours dans la mesure de sa recevabilité. 
Invité à se déterminer sur le recours, C.________ (ci-après: la partie intéressée) a souligné que l'unique moyen soulevé dans le mémoire de recours ne le concernait pas, puisque le sort de l'exception de prescription n'affectait aucunement sa propre situation juridique. Il a relevé que le recours tendait à l'annulation de la sentence arbitrale mais que, matériellement, le recourant s'en prenait exclusivement aux chiffres du dispositif de la sentence attaquée qui ne le concernaient pas personnellement. Formellement, il a ainsi conclu au rejet du recours, dans la mesure où celui-ci viserait les chiffres 3 et 9 du dispositif de la sentence querellée (" 3. Claimant's claims against Respondent 1 [C.________] are dismissed "; " Claimant shall pay Respondent 1 CHF 65,000 as party costs "), tout en précisant n'être pas concerné pour le surplus par la procédure fédérale. 
Le Tribunal arbitral a proposé le rejet du recours dans la mesure de sa recevabilité. 
Le recourant a répliqué spontanément, déclarant persister dans ses conclusions, sans susciter le dépôt d'une duplique. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
D'après l'art. 54 al. 1 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le Tribunal fédéral rédige son arrêt dans une langue officielle, en règle générale dans la langue de la décision attaquée. Lorsque cette décision a été rendue dans une autre langue (ici l'anglais), il utilise la langue officielle choisie par les parties. Devant le Tribunal arbitral, celles-ci se sont servies de l'anglais, tandis que, dans les mémoires qu'elles ont adressés au Tribunal fédéral, elles ont employé le français respectant ainsi l'art. 42 al. 1 LTF en liaison avec l'art. 70 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse (Cst.; RS 101; ATF 142 III 521 consid. 1). Conformément à sa pratique, le Tribunal fédéral rendra, par conséquent, son arrêt en français. 
 
2.  
Dans le domaine de l'arbitrage international, le recours en matière civile est recevable contre les décisions de tribunaux arbitraux aux conditions prévues par les art. 190 à 192 de la loi fédérale sur le droit international privé du 18 décembre 1987 (LDIP; RS 291), conformément à l'art. 77 al. 1 LTF
En l'espèce, le siège de l'arbitrage a été fixé à Genève. L'une des parties au moins n'avait pas son siège en Suisse au moment déterminant. Les dispositions du chapitre 12 de la LDIP sont donc applicables (art. 176 al. 1 LDIP). 
 
3.  
Qu'il s'agisse de l'objet du recours, de la qualité pour recourir, du délai de recours, des conclusions prises par le recourant ou encore de l'unique moyen soulevé dans le mémoire de recours, aucune de ces conditions de recevabilité ne fait problème en l'espèce. Rien ne s'oppose donc à l'entrée en matière. Demeure réservé l'examen, sous l'angle de sa motivation, du grief invoqué par le recourant. 
 
4.  
Un mémoire de recours visant une sentence arbitrale doit satisfaire à l'exigence de motivation telle qu'elle découle de l'art. 77 al. 3 LTF en liaison avec l'art. 42 al. 2 LTF et la jurisprudence relative à cette dernière disposition (ATF 140 III 86 consid. 2 et les références citées). Cela suppose que le recourant discute les motifs de la sentence entreprise et indique précisément en quoi il estime que l'auteur de celle-ci a méconnu le droit. Il ne pourra le faire que dans les limites des moyens admissibles contre ladite sentence, à savoir au regard des seuls griefs énumérés à l'art. 190 al. 2 LDIP lorsque l'arbitrage revêt un caractère international (arrêt 4A_464/2021 du 31 janvier 2022 consid. 4.1). 
 
5.  
Dans un unique moyen, le recourant, invoquant l'art. 190 al. 2 let. e LDIP, soutient que la sentence attaquée est incompatible avec l'ordre public dans la mesure où le Tribunal arbitral aurait considéré manifestement à tort que l'action formée le 21 juin 2019 par la demanderesse n'était pas prescrite. 
 
5.1. Une sentence est incompatible avec l'ordre public si elle méconnaît les valeurs essentielles et largement reconnues qui, selon les conceptions prévalant en Suisse, devraient constituer le fondement de tout ordre juridique (ATF 144 III 120 consid. 5.1; 132 III 389 consid. 2.2.3). Tel est le cas lorsqu'elle viole des principes fondamentaux du droit de fond au point de ne plus être conciliable avec l'ordre juridique et le système de valeurs déterminants (ATF 144 III 120 consid. 5.1). Qu'un motif retenu par un tribunal arbitral heurte l'ordre public n'est pas suffisant; c'est le résultat auquel la sentence aboutit qui doit être incompatible avec l'ordre public (ATF 144 III 120 consid. 5.1). Pour qu'il y ait incompatibilité avec l'ordre public, il ne suffit pas que les preuves aient été mal appréciées, qu'une constatation de fait soit manifestement fausse ou encore qu'une règle de droit ait été clairement violée (arrêts 4A_116/2016 du 13 décembre 2016 consid. 4.1; 4A_304/2013 du 3 mars 2014 consid. 5.1.1; 4A_458/2009 du 10 juin 2010 consid. 4.1). L'annulation d'une sentence arbitrale internationale pour ce motif de recours est chose rarissime (ATF 132 III 389 consid. 2.1).  
Pour juger si la sentence est compatible avec l'ordre public, le Tribunal fédéral ne revoit pas à sa guise l'appréciation juridique à laquelle le tribunal arbitral s'est livré sur la base des faits constatés dans sa sentence. Seul importe, en effet, pour la décision à rendre sous l'angle de l'art. 190 al. 2 let. e LDIP, le point de savoir si le résultat de cette appréciation juridique faite souverainement par le tribunal arbitral est compatible ou non avec la définition jurisprudentielle de l'ordre public matériel (arrêt 4A_157/2017 du 14 décembre 2017 consid. 3.3.3). 
 
5.2. L'argumentation développée par le recourant méconnaît la jurisprudence du Tribunal fédéral. Ce dernier a, en effet, considéré, à plusieurs reprises, que la prescription en droit privé ne saurait être tenue pour un principe fondamental faisant partie de l'ordre public visé par l'art. 190 al. 2 let. e LDIP (arrêts 4P.146/2005 du 10 octobre 2005 consid. 7.2.2; 4P.221/1991 du 13 mars 1992 consid. 2b). Les explications avancées par le recourant ne commandent pas de revenir sur cette jurisprudence, étant précisé que le fait qu'un principe juridique relève par hypothèse de l'ordre public suisse n'implique pas nécessairement que la violation dudit principe contreviendrait à l'ordre public de l'art. 190 al. 2 let. e LDIP (arrêt 4A_492/2021 du 24 août 2022 consid. 10.3 et la référence citée). La prescription sert certes des intérêts publics, soit la sécurité et la clarté du droit, ainsi que la paix juridique (ATF 137 III 16 consid. 2.1; Message du Conseil fédéral du 29 novembre 2013 relatif à la modification du code des obligations, FF 2014 p. 225). Cela ne permet toutefois pas d'en conclure que cette institution rentrerait dans la notion d'ordre public visée par l'art. 190 al. 2 let. e LDIP. Le considérant 2.1 de l'arrêt publié aux ATF 137 III 16, invoqué par le recourant à l'appui de l'opinion contraire, n'apparaît nullement décisif à cet égard, quand bien même on peut y lire que " Das Gesetz sieht die Verjährung in erster Linie um der öffentlichen Ordnung willen vor ". Pareille expression est en effet inadéquate, car c'est de l'intérêt - et non de l'ordre - public qu'il est question dans le passage cité (cf. aussi arrêt 4P.221/1991, précité, consid. 2b). Au demeurant, cet intérêt public n'est de toute manière pas absolu. En effet, la prescription libératoire ne supprime pas la créance: si le débiteur ne l'invoque pas, le juge ne peut le faire à sa place (art. 142 CO); s'il s'exécute, il ne peut répéter sa prestation car il ne s'agit pas d'un indu (art. 63 al. 2 CO). De surcroît, la prescription n'empêche pas la compensation (art. 120 al. 3 CO; arrêt 4P.221/1991, précité, consid. 2b).  
Indépendamment de ce qui précède, on relèvera, à titre superfétatoire, que la motivation du grief laisse fortement à désirer, de sorte que l'on peut sérieusement douter de sa recevabilité. Force est en effet de souligner que le moyen pris de l'incompatibilité avec l'ordre public matériel n'est pas recevable dans la mesure où il tend uniquement à établir la contrariété entre la sentence attaquée et une norme du droit suisse. Or, le recourant, par une critique au ton appellatoire marqué, se borne à tenter de démontrer que le Tribunal arbitral aurait appliqué de manière erronée les règles du droit suisse en matière de prescription, en retenant que la procédure introduite devant l'autorité étatique israélienne, toujours suspendue, aurait interrompu le délai de prescription selon l'art. 135 ch. 2 CO et entraîné la suspension dudit délai. Pour le reste, il affirme, sans la moindre démonstration à cet égard, que la partie demanderesse aurait commis un abus de droit. Il suit de là que le grief examiné, s'il avait été recevable, n'aurait de toute manière pu qu'être rejeté. 
Au vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté dans la mesure de sa recevabilité. 
 
6.  
Le recourant, qui succombe, supportera les frais de la présente procédure (art. 66 al. 1 LTF) et versera des dépens à l'intimée (art. 68 al. 1 et 2 LTF). La partie intéressée, qui a été invitée à se déterminer sur le recours, a droit à des dépens dans la mesure où elle a conclu au rejet du recours pour le cas où le recourant ne limiterait pas ses conclusions. Les dépens alloués à cette partie seront toutefois réduits, dans la mesure où celle-ci a elle-même renoncé à se prononcer sur le grief invoqué par le recourant. 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 15'000 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
3.  
Le recourant versera un montant de 17'000 fr. à l'intimée et un montant de 3'000 fr. à la partie intéressée à titre de dépens. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et au Tribunal arbitral avec siège à Genève. 
 
 
Lausanne, le 23 février 2023 
 
Au nom de la Ire Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Juge présidant : Kiss 
 
Le Greffier : O. Carruzzo