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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
1B_497/2021  
 
 
Arrêt du 24 février 2022  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Kneubühler, Président, 
Chaix et Jametti. 
Greffière : Mme Nasel. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par Me Patrick Michod, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
C.________, Police cantonale vaudoise, représenté par Me Nicolas Blanc, avocat, 
intimé. 
 
Objet 
Procédure pénale; récusation d'un inspecteur de police, 
 
recours contre la décision du Ministère public de l'arrondissement de l'Est vaudois du 16 juillet 2021 (PE20.011746-CCE). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Une enquête a été ouverte à l'encontre de B.________ à la suite d'escroqueries de grande ampleur commises dans l'Est vaudois. Dans ce cadre, A.________ a été entendu par la police en qualité de personne appelée à donner des renseignements le 11 novembre 2020. En cours d'audition, un contact a été pris avec la Procureure du Ministère public de l'arrondissement de l'Est vaudois (Procureure), qui a décidé de faire poursuivre l'interrogatoire du prénommé en qualité de prévenu. Une perquisition de son véhicule a également été ordonnée, afin d'y récupérer un téléphone portable. Parallèlement, A.________ a été placé en box de maintien et a été fouillé de manière complète. 
Le 18 décembre 2020, le prévenu a demandé la récusation de l'inspecteur C.________ de la Police cantonale de sûreté ayant procédé à son audition le 11 novembre 2020. Il a réitéré sa requête les 10 février et 12 mars 2021, demandant en outre que le Ministère public statue sur l'illicéité de la fouille qu'il a subie. 
Par décision du 16 juillet 2021, la Procureure a rejeté la demande de récusation (I) et constaté que la fouille corporelle dont le prévenu avait fait l'objet le 11 novembre 2020 était licite (II). 
 
B.  
Agissant par la voie du recours en matière pénale, A.________ requiert du Tribunal fédéral qu'il admette sa demande de récusation. Subsidiairement, il sollicite l'annulation du chiffre I du dispositif de la décision précitée et le renvoi du dossier à l'autorité précédente pour nouvelle décision dans le sens des considérants. 
Invitée à se déterminer, la Procureure y a renoncé, se référant à la décision attaquée. C.________ a personnellement formulé des déterminations. Celles-ci ont suscité une réplique du recourant, annexée de l'arrêt rendu le 26 août 2021 par la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal vaudois (Tribunal cantonal) constatant notamment l'illicéité de la fouille corporelle dont il a été l'objet le 11 novembre 2020. Dans sa duplique, à laquelle la Procureure s'est ralliée, l'inspecteur intimé, par l'intermédiaire de son avocat, a conclu au rejet du recours; il a en outre produit une directive de police judiciaire du 8 juin 2011 ainsi qu'un ordre de service du 28 juillet 2017. Le recourant et l'inspecteur intimé ont encore procédé à un ultime échange d'écritures. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Conformément aux art. 78 et 92 al. 1 LTF, une décision incidente relative à la récusation dans le cadre d'une procédure pénale peut faire immédiatement l'objet d'un recours en matière pénale. Les décisions rendues par le Ministère public relatives à la récusation de policiers sont susceptibles d'un recours direct auprès du Tribunal fédéral (art. 59 al. 1 let. a, 380 CPP et 80 al. 2 in fine LTF; ATF 138 IV 222 consid. 1). L'auteur de la demande de récusation a qualité pour recourir (art. 81 al. 1 LTF). Le recours a en outre été déposé en temps utile (art. 46 al. 1 et 100 al. 1 LTF) et les conclusions qui y sont prises sont recevables (art. 107 al. 2 LTF). Il y a donc lieu d'entrer en matière. 
 
2.  
Les parties produisent diverses pièces à l'appui de leurs écritures, sans indiquer si elles sont nouvelles, respectivement sans démontrer que les conditions de l'art. 99 al. 1 LTF sont réalisées. S'agissant en particulier de l'arrêt rendu le 26 août 2021 par le Tribunal cantonal, il est irrecevable dans la mesure où il est postérieur à la décision faisant l'objet du présent recours (cf. ATF 143 V 19 consid. 1.2). Ces documents n'ont de toute façon aucune incidence sur l'issue du litige. 
 
3.  
Le recourant reproche au Ministère public d'avoir jugé que les mesures de contrainte dont il a fait l'objet le 11 novembre 2020 - pourtant illicites - ne constituaient pas un motif de récusation, en violation de l'art. 56 let. f CPP. 
 
3.1. Toute personne exerçant une fonction au sein d'une autorité pénale est récusable pour l'un des motifs prévus aux art. 56 let. a à e CPP. Elle l'est également, selon l'art. 56 let. f CPP, lorsque d'autres motifs, notamment un rapport d'amitié étroit ou d'inimitié avec une partie ou son conseil juridique, sont de nature à la rendre suspect de prévention.  
 
 
3.1.1. L'art. 56 let. f CPP a la portée d'une clause générale recouvrant tous les motifs de récusation non expressément prévus aux lettres précédentes de l'art. 56 CPP. Cette clause correspond à la garantie d'un tribunal indépendant et impartial instituée par les art. 30 al. 1 Cst. et 6 par. 1 CEDH (ATF 143 IV 69 consid 3.2). Elle concrétise aussi les droits déduits de l'art. 29 al. 1 Cst. garantissant l'équité du procès et assure au justiciable cette protection lorsque d'autres autorités ou organes que des tribunaux sont concernés (ATF 141 IV 178 consid. 3.2.2). Une demande de récusation peut donc être déposée à l'encontre d'un fonctionnaire de police dès lors qu'il est un membre des autorités de poursuite pénale (art. 12 let. a CPP; arrêts 1B_316/2021 du 29 septembre 2021 consid. 2.2; 1B_139/2021 du 11 juin 2021 consid. 2.1).  
Si les art. 56 let. b à e CPP s'appliquent de manière similaire aux membres des autorités judiciaires, une appréciation différenciée peut s'imposer s'agissant de l'application de la clause générale posée à l'art. 56 let. f CPP. En effet, la différence de fonction existant entre une autorité judiciaire (art. 13 CPP) et un membre d'une autorité de poursuite pénale (art. 12 CPP) ne peut pas être ignorée. Les exigences de réserve, d'impartialité et d'indépendance prévalant pour la première catégorie peuvent donc ne pas être les mêmes s'agissant de la seconde (arrêts 1B_316/2021 du 29 septembre 2021 consid. 2.2; 1B_95/2021 du 12 avril 2021 consid. 2.1). La jurisprudence a ainsi reconnu que, durant la phase d'instruction, le ministère public peut être amené, provisoirement du moins, à adopter une attitude plus orientée à l'égard du prévenu ou à faire état de ses convictions à un moment donné de l'enquête (ATF 141 IV 178 consid. 3.2.2; 138 IV 142 consid. 2.2.1). Les mêmes considérations doivent prévaloir, a fortiori, à l'égard de policiers qui ne sont pas investis de la direction de la procédure et ne sont pas soumis aux obligations qui en découlent (cf. art. 61 let. a CPP; arrêts 1B_139/2021 du 11 juin 2021 consid. 2.2; 1B_95/2021 du 12 avril 2021 consid. 2.1; 1B_398/2019 du 26 novembre 2019 consid. 2.1.1). 
 
3.1.2. Selon la jurisprudence, des décisions ou des actes de procédure qui se révèlent par la suite erronés ne fondent pas en soi une apparence objective de prévention; seules des erreurs particulièrement lourdes ou répétées, constitutives de violations graves des devoirs de la personne en cause, peuvent fonder une suspicion de partialité, pour autant que les circonstances dénotent que cette dernière est prévenue ou justifient à tout le moins objectivement l'apparence de prévention. Il appartient en outre aux juridictions de recours normalement compétentes de constater et de redresser les erreurs éventuellement commises dans ce cadre. La procédure de récusation n'a donc pas pour objet de permettre aux parties de contester la manière dont est menée l'instruction et de remettre en cause les différentes décisions incidentes prises par la direction de la procédure (ATF 143 IV 69 consid. 3.2; arrêt 1B_430/2021 du 22 octobre 2021 consid. 2.1).  
Enfin, conformément à l'art. 58 al. 1 CPP, la récusation doit être demandée sans délai, dès que la partie a connaissance du motif de récusation, c'est-à-dire dans les jours qui suivent la connaissance de la cause de récusation, sous peine de déchéance (ATF 140 I 271 consid. 8.4.3; arrêt 1B_536/2021 du 28 janvier 2022 consid. 3). 
 
3.2.  
 
3.2.1. En l'espèce, si la Procureure est parvenue à la conclusion qu'aucun élément ne permettait de douter de l'impartialité de l'inspecteur intimé, on cherche en vain dans la décision attaquée tout développement en lien avec la recevabilité de la demande de récusation sous l'angle de l'art. 58 al. 1 CPP.  
Or, la demande de récusation a été déposée le 18 décembre 2020, soit plus de cinq semaines après la fouille dont le recourant a fait l'objet le 11 novembre 2020. En matière pénale, la demande de récusation déposée vingt jours après avoir pris connaissance du motif de récusation est irrecevable pour cause de tardiveté (cf. arrêts 1B_430/2021 du 22 octobre 2021 consid. 2.3.1; 1B_128/2021 du 10 mai 2021 consid. 3.1; 1B_95/2021 du 12 avril 2021 consid. 2.1). Ainsi, en attendant plus d'un mois pour invoquer ses motifs de récusation à l'encontre de l'inspecteur intimé, le recourant paraît avoir agi tardivement. Il n'y a cependant pas lieu d'approfondir cette question au vu des considérations qui suivent. 
 
3.2.2. Conformément à la jurisprudence précitée (cf. supra consid. 3.1.2), la procédure de récusation n'a pas pour objet de permettre aux parties de remettre en cause la manière dont les actes de procédure sont menés; en effet des voies de droit sont ouvertes contre de tels actes (cf. art. 393 al. 1 let. a CPP), moyen que le recourant a d'ailleurs su utiliser à bon escient. Seules le peuvent des erreurs particulièrement lourdes ou répétées, constitutives de violations graves des devoirs de la personne concernée, et pour autant que les circonstances dénotent que cette dernière est prévenue ou justifient à tout le moins objectivement l'apparence de prévention.  
En l'occurrence, au vu des précisions données par l'inspecteur intimé, il apparaît que ce dernier a apprécié les circonstances de l'espèce, considérant qu'elles nécessitaient un placement du recourant en box de maintien. L'inspecteur intimé a ainsi indiqué qu'une telle mesure se justifiait au regard de la perquisition ordonnée et du risque de fuite présenté par le recourant, relevant par ailleurs qu'aucun collègue n'était disponible pour contrôler le comportement de l'intéressé; quant à la fouille, il l'avait effectuée avant de le placer en box de maintien en application des directives internes, afin d'assurer la sécurité du prévenu ainsi que celle des inspecteurs de police. 
Pour sa part, le recourant se limite à soutenir que l'inspecteur intimé aurait agi de la sorte dans le but de l'intimider avant son audition; ainsi, dès lors que les mesures de contrainte auxquelles ce dernier a eu recours étaient disproportionnées, respectivement illicites, sa récusation serait justifiée. Ce faisant, il ne remet toutefois pas valablement en cause l'impartialité de l'inspecteur intimé, dans la mesure où il n'établit aucune autre circonstance susceptible de concrétiser une prévention de sa part. En effet, même si l'on devait voir dans les moyens de contrainte auxquels a recouru l'inspecteur intimé une erreur de procédure ou d'appréciation des circonstances, respectivement des directives en vigueur au moment des faits, cette erreur ne revêtirait pas, en l'absence d'autres éléments concrets propres à étayer objectivement un parti pris négatif de l'inspecteur intimé à l'endroit du recourant, la gravité requise pour fonder un soupçon de prévention. 
 
3.3. Partant, le Ministère public pouvait, sans violer le droit fédéral, rejeter la demande de récusation formée contre l'inspecteur intimé, sans qu'il soit nécessaire d'examiner plus avant les autres griefs soulevés par le recourant en lien avec le bien-fondé des mesures de contrainte litigieuses.  
 
4.  
Il s'ensuit que le recours est rejeté aux frais de son auteur qui succombe (art. 66 al. 1 LTF). Il n'est pas alloué de dépens à l'inspecteur intimé, quand bien même celui-ci a procédé par l'entremise d'un avocat (art. 68 al. 3 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
3.  
Il n'est pas alloué de dépens. 
 
4.  
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et au Ministère public de l'arrondissement de l'Est vaudois. 
 
 
Lausanne, le 24 février 2022 
 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
Président : La Greffière : 
 
Kneubühler Nasel