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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
6B_907/2021  
 
 
Arrêt du 24 novembre 2021  
 
Cour de droit pénal  
 
Composition 
Mmes et M. les Juges fédéraux 
Jacquemoud-Rossari, Présidente, Denys et Koch. 
Greffière : Mme Paris. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par Me Guillaume Grand, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
1. Ministère public central du canton du Valais, rue des Vergers 9, case postale, 1950 Sion 2, 
2. B.________, 
représentée par Me Didier Elsig, avocat, 
intimés. 
 
Objet 
Lésions corporelles graves par négligence, 
 
recours contre le jugement du Tribunal cantonal du canton du Valais, Le Juge de la Cour pénale II, 
du 14 juin 2021 (P1 19 8). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Par décision du 14 décembre 2018, le juge du district de Sion a reconnu A.________ coupable de lésions corporelles graves par négligence (art. 125 al. 2 CP), l'a condamné à une peine pécuniaire de 90 jours-amende à 150 fr. le jour, avec sursis durant deux ans et au versement de 20'000 fr. à titre de réparation morale à B.________. 
 
B.  
Par jugement du 14 juin 2021, la Cour pénale II du Tribunal cantonal du canton du Valais a rejeté l'appel formé par A.________ contre cette décision. 
En substance, elle a retenu les faits suivants. 
 
B.a. Au mois de mai 2013, B.________, née en 1980, souffrait d'un kyste au poignet. Son médecin généraliste l'a orientée vers le docteur A.________, lequel a pratiqué une opération qui s'est déroulée sans heurt, le 17 mai 2013. Lorsque B.________ est retournée au cabinet médical, le 20 mai 2013, afin de contrôler l'évolution de son poignet, l'assistante du docteur A.________ lui a fait savoir qu'elle trouvait disgracieux le grain de beauté que la prénommée avait sur le nez. Après que le docteur A.________ a demandé pour quelle raison elle ne se le faisait pas retirer, il l'a informée du fait que la caisse-maladie prenait en charge ce genre d'opération. B.________ a alors accepté de se faire opérer. Le docteur A.________ a fixé l'intervention au 28 mai 2013 afin que sa patiente puisse mettre à profit l'arrêt maladie découlant de son opération du poignet. L'intervention a duré un peu plus d'une heure. Partant de la prémisse erronée que la lésion pigmentée, qui avait été traitée au laser en 1999 par la docteure C.________, présentait un risque cancérigène, le docteur A.________ a procédé à son ablation en utilisant la technique dite du " Lambeau de Rieger Marchac ". Une analyse du grain de beauté subséquente a révélé que celui-ci ne présentait aucun caractère malin.  
 
B.b. A la suite de l'opération, B.________ présentait une asymétrie de la pyramide nasale dans sa partie cartilagineuse avec asymétrie de la pointe, celle-ci étant déplacée vers la droite provoquant une hypertrophie relative au dôme droit avec aplatissement du gauche. Elle présentait également une importante cicatrice démarrant de la glabelle et barrant la partie latérale gauche avec excès cutané et rétractation sous-cutanée finissant au niveau de la pointe avec création d'une petite marche d'escalier de rétractation cutanée au niveau du dôme gauche.  
Au mois d'octobre 2013, B.________ a pris contact avec le docteur D.________, spécialiste en chirurgie plastique, reconstructive et esthétique, lequel, après avoir constaté des séquelles cicatricielles très importantes, a pratiqué une première opération le 5 décembre 2013 consistant en une rhinoseptoplastie en vue notamment d'atténuer les séquelles cicatricielles de la pyramide nasale. Il a ensuite procédé à deux opérations subséquentes les 15 septembre 2014 et 26 janvier 2015 dans l'optique de réduire les cicatrices se trouvant sur la gauche du nez et entre les deux sourcils. Selon ce médecin, l'aspect dysmorphique du nez allait rester et les cicatrices étaient encore visibles. 
Les séquelles de l'intervention du 28 mai 2013 ont par ailleurs affecté B.________ sur le plan psychologique, son image d'elle-même ayant été considérablement endommagée. Dès le mois de janvier 2015, afin de regagner une autonomie sociale, elle a suivi une psychothérapie hebdomadaire qu'elle a interrompue après quatre mois pour des questions financières. 
 
B.c. En 1999, B.________ s'était rendue auprès de la Dre C.________. Une biopsie de la lésion pigmentée avait alors été effectuée mais n'avait rien révélé de particulier.  
 
B.d. Le 14 mai 2014, B.________ a déposé plainte contre A.________. Les experts judiciaires, les docteurs E.________ et F.________, spécialistes en chirurgie plastique, reconstructive et esthétique ont déposé leur rapport le 7 décembre 2015, suivi d'un premier complément d'expertise, le 28 juin 2017. En substance, ils ont retenu que, bien que fine, la cicatrice était longue et très visible en particulier dans la région du front. Par ailleurs, une légère déviation persistait. En outre, selon eux, du moment que le docteur A.________ suspectait une lésion maligne et en particulier un mélanome, il aurait dû pratiquer une intervention en deux temps. Il aurait tout d'abord dû s'assurer du diagnostic en effectuant un examen histopathologique afin de vérifier la nature (maligne ou non) de la lésion ainsi que (en cas de malignité) de l'éventuelle infiltration de marges de résection. Seulement après cette vérification, il aurait dû procéder à la reconstruction. Ils ont par ailleurs indiqué que A.________ aurait dû laisser plus de temps de réflexion à la patiente et obtenir le résultat effectué sur ce même grain de beauté en 1999 par la Dre C.________. Dans un second complément d'expertise du 26 mars 2021, les experts ont retenu que les trois interventions pratiquées par le docteur D.________ n'avaient pas pu exercer d'influence sur les cicatrices préexistantes.  
 
C.  
A.________ forme un recours en matière pénale contre le jugement du 14 juin 2021 en concluant, sous suite de frais et dépens, à sa réforme en ce sens qu'il est constaté que la poursuite pénale est périmée s'agissant des lésions corporelles simples par négligence, qu'il est libéré du chef d'accusation de lésions corporelles graves par négligence et qu'une indemnité de 18'000 fr. lui est allouée au sens de l'art. 499 (recte: 429) CPP. Subsidiairement, il conclut à l'annulation du jugement et au renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Invoquant une constatation manifestement inexacte des faits et une violation de l'art. 125 al. 2 CP, le recourant reproche à la cour cantonale d'avoir retenu que les cicatrices de l'intimée étaient graves et permanentes. 
 
1.1. Le Tribunal fédéral n'est pas une autorité d'appel, auprès de laquelle les faits pourraient être rediscutés librement. Il est lié par les constatations de fait de la décision entreprise (art. 105 al. 1 LTF), à moins que celles-ci n'aient été établies en violation du droit ou de manière manifestement inexacte au sens des art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF, à savoir pour l'essentiel de façon arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. Une décision n'est pas arbitraire du seul fait qu'elle apparaît discutable ou même critiquable; il faut qu'elle soit manifestement insoutenable et cela non seulement dans sa motivation, mais aussi dans son résultat (ATF 146 IV 88 consid. 1.3.1 p. 91 s.; 145 IV 154 consid. 1.1 p. 155 s.; 143 IV 241 consid. 2.3.1 p. 244). En matière d'appréciation des preuves et d'établissement des faits, il n'y a arbitraire que lorsque l'autorité ne prend pas en compte, sans aucune raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'elle se trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou encore lorsque, en se fondant sur les éléments recueillis, elle en tire des constatations insoutenables. Le Tribunal fédéral n'entre ainsi pas en matière sur les critiques de nature appellatoire (ATF 145 IV 154 consid. 1.1 p. 156; 142 III 364 consid. 2.4 p. 368 et les références citées).  
 
1.2. Celui qui, par négligence, aura fait subir à une personne une atteinte à l'intégrité corporelle ou à la santé sera, sur plainte, puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire (art. 125 al. 1 CP). Si la lésion est grave, le délinquant sera poursuivi d'office (art. 125 al. 2 CP).  
L'infraction de lésions corporelles par négligence, sanctionnée par l'art. 125 CP, suppose la réalisation de trois conditions: une négligence, une atteinte à l'intégrité physique et un lien de causalité naturelle et adéquate entre ces deux éléments. Les interventions médicales réalisent les éléments constitutifs objectifs d'une lésion corporelle en tout cas si elles touchent à une partie du corps (par exemple lors d'une amputation) ou si elles lèsent ou diminuent, de manière non négligeable et au moins temporairement, les aptitudes ou le bien-être physiques du patient. Cela vaut même si ces interventions étaient médicalement indiquées et ont été pratiquées dans les règles de l'art (ATF 124 IV 258 consid. 2 p. 260 s.; arrêt 6B_390/2018 du 25 juillet 2018 consid. 5.1). 
Des lésions corporelles sont graves si l'auteur a notamment défiguré une personne de façon grave et permanente (art. 122 al. 2 CP) ou aura fait subir à une personne toute autre atteinte grave à l'intégrité corporelle ou à la santé physique ou mentale (al. 3). Dans tous ces cas, la loi vise une diminution ou une perte d'une faculté humaine subie par la victime, liée à des atteintes d'ordre physique ou psychique. L'atteinte doit être permanente, c'est-à-dire durable et non limitée dans le temps; il n'est en revanche pas nécessaire que l'état soit définitivement incurable et que la victime n'ait aucun espoir de récupération (arrêts 6B_422/2019 du 5 juin 2019 consid. 5.1; 6B_675/2013 du 9 janvier 2014 consid. 3.2.1). Les atteintes énumérées par les al. 1 et 2 de l'art. 122 CP ont un caractère exemplatif. L'al. 3 définit pour sa part une clause générale destinée à englober les lésions du corps humain ou les maladies qui ne sont pas prévues par les al. 1 et 2, mais qui revêtent une importance comparable et qui doivent être qualifiées de graves dans la mesure où elles impliquent plusieurs mois d'hospitalisation, de longues et graves souffrances ou de nombreux mois d'arrêt de travail (ATF 124 IV 53 consid. 2 p. 57; arrêt 6B_514/2019 du 8 août 2019 consid. 2). 
La notion de lésions corporelles graves au sens de l'art. 122 CP constitue une notion juridique indéterminée soumise à interprétation. La jurisprudence reconnaît à l'autorité précédente un certain pouvoir d'appréciation, dont elle ne revoit l'exercice qu'avec retenue (ATF 129 IV 1 consid. 3.2 p. 3; 115 IV 17 consid. 2a et b p. 19 s.; plus récemment: arrêt 6B_922/2018 du 9 janvier 2020 consid. 4.1.2). 
 
Selon la jurisprudence, une cicatrice qui a bien cicatrisé mais qui reste encore visible, résultant d'une coupure s'étendant de la commissure des lèvres à la base de l'oreille avec une légère altération de l'expression du visage lors du rire, constitue une défiguration grave et durable au sens de l'art. 122 al. 2 CP (ATF 115 IV 17 consid. 2b). Tel est également le cas d'une longue cicatrice qui s'étend du coin gauche de la bouche jusqu'à la région du cou, sous l'oreille gauche, cicatrisée mais toujours visible après 5 ans, une fois les traitements de chirurgie esthétique terminés (arrêt 6B_71/2012 du 21 juin 2012 consid. 3.3). Peuvent également être assimilées à une défiguration des lésions manifestes de la peau du visage et du cou qui subsistent plus de six ans après une intervention de chirurgie esthétique (arrêt 6B_115/2009 du 13 août 2009 consid. 5.3). 
 
1.3. La cour cantonale a tenu pour établi, en particulier sur la base de l'expertise judiciaire jugée concluante, que depuis l'intervention du 28 mai 2013, l'intimée présentait une asymétrie nasale et une importante cicatrice qui, bien que fine, demeurait visible en particulier dans la région du front. Elle a retenu que, quand bien même il existait un potentiel d'amélioration, ces atteintes devaient être considérées comme durables dès lors qu'elles avaient été constatées par les experts judiciaires plus d'un an et demi après l'opération litigieuse, que l'intimée avait subi dans l'intervalle trois autres interventions réparatrices et que le juge de district avait encore constaté lesdites cicatrices lors des débats de première instance du 12 décembre 2018, soit près de quatre ans et demi après l'intervention litigieuse. Elle a considéré que le fait que la cicatrice longue et fine puisse être - malgré le maquillage - immédiatement perceptible par un interlocuteur situé à une distance sociale habituelle de l'ordre de 1m20, commandait de retenir l'existence d'une défiguration au sens de l'art. 122 al. 2 CP; le fait qu'elle ne soit en revanche pas manifestement ostensible pour un interlocuteur moyennement attentif situé plus loin, ne permettait pas d'en déduire qu'elle ne portait que peu atteinte à l'esthétique. Selon la juridiction précédente, les atteintes étaient également graves au regard de l'art. 122 al. 3 CP, l'intimée ayant été durablement affectée par les séquelles de l'intervention du 28 mai 2013. Cela étant, elle a considéré que la poursuite d'office des faits dénoncés était justifiée et s'est ainsi dispensée d'examiner le caractère tardif ou non, au regard de l'art. 31 CP, de la plainte déposée par l'intimée le 14 mai 2014.  
 
1.4. En l'espèce, il n'est pas contesté que, quatre ans et demi après l'opération, une cicatrice restait visible du front au bout du nez en passant par les sourcils, sur le visage de l'intimée, jeune femme âgée de 32 ans au moment des faits. Le recourant prétend à tort que l'appréciation de la cour cantonale sur le caractère durable de la cicatrice ne reposerait sur aucun élément factuel dès lors qu'elle a relevé qu'après la période de douze mois évoquée par le recourant lui-même pour attendre la stabilisation des cicatrices, tant les experts que le juge de première instance ont constaté la cicatrice. Les premiers ont d'ailleurs constaté, un an et demi après l'opération, qu'elle restait visible en particulier dans la région du front. Quant au constat du premier juge, en tant que le recourant se borne à affirmer que dans la mesure où celui-ci avait dû faire approcher l'intimée " se trouvant à une distance minime " pour déceler les cicatrices, celles-ci étaient de peu de gravité, il procède de façon purement appellatoire et ne démontre pas en quoi l'appréciation de la cour cantonale sur ce point serait arbitraire, se contentant de trouver son raisonnement " incompréhensible " et " choquant ". Pour le surplus, le recourant se limite à affirmer péremptoirement que les futures opérations évoquées par l'intimée auront indubitablement pour but d'améliorer l'aspect esthétique impliquant que les cicatrices pourront être éliminées ou à tout le moins réduites. Ce faisant, il ne démontre pas en quoi la cour cantonale aurait violé le droit en se fondant sur la jurisprudence du Tribunal fédéral (arrêts 6B_922/2018 du 9 janvier 2020 consid. 4.1.2; 6B_422/2019 du 5 juin 2019 consid. 5.1) pour retenir qu'un potentiel d'amélioration ne changeait rien au caractère durable des atteintes.  
Dans ces circonstances, au vu de la jurisprudence du Tribunal fédéral (cf. ATF 115 IV 17 consid. 2b et arrêt 6B_71/2012 du 21 juin 2012 consid. 3.3, précité consid. 1.2) la cour cantonale n'a pas outrepassé le pouvoir d'appréciation dont elle dispose dans l'interprétation de la notion de lésions corporelles graves en retenant que l'intimée avait été défigurée d'une façon grave et permanente au sens de l'art. 125 al. 2 CP (par analogie de l'art. 122 al. 2 CP), quand bien même les cicatrices ne provoquent en l'espèce pas d'altération de l'expression du visage (cf. arrêt 6B_71/2012 du 21 juin 2012 consid. 3.3). Au surplus, le recourant ne conteste pas, à juste titre, la réalisation des autres conditions de l'art. 125 al. 2 CP (une négligence, une atteinte à l'intégrité physique et un lien de causalité naturelle et adéquate entre ces deux éléments; cf. ATF 124 IV 258 consid. 2 p. 260 s.). Il s'ensuit que la condamnation pour lésions corporelles graves par négligence doit être confirmée. Il n'y a donc pas lieu d'examiner plus avant la question de la tardiveté de la plainte pénale déposée par l'intimée, l'infraction étant poursuivie d'office. 
 
2.  
Le recourant conclut à l'octroi d'une indemnité fondée sur l'art. 429 CPP en lien avec l'acquittement qu'il réclame. Comme il n'obtient pas celui-ci, sa conclusion est sans objet. 
 
3.  
Au vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. Le recourant, qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). Il n'y a pas lieu d'allouer des dépens à l'intimée qui n'a pas été invitée à procéder (art. 68 al. 1 LTF). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge du recourant. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal cantonal du canton du Valais, Le Juge de la Cour pénale II. 
 
 
Lausanne, le 24 novembre 2021 
 
Au nom de la Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Jacquemoud-Rossari 
 
La Greffière : Paris