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Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
1P.120/2007 /fzc 
 
Arrêt du 25 septembre 2007 
Ire Cour de droit public 
 
Composition 
MM. les Juges Féraud, Président, Aeschlimann et Fonjallaz. 
Greffier: M. Rittener. 
 
Parties 
AX.________ et BX.________, 
recourants, représentés par Me Gilles Monnier, avocat, 
 
contre 
 
CY.________, 
intimée, représentée par Me Eric Ramel, avocat, 
Procureur général du canton de Vaud, 
rue de l'Université 24, case postale, 1014 Lausanne, 
Tribunal cantonal du canton de Vaud, 
Cour de cassation pénale, rte du Signal 8, 
1014 Lausanne. 
 
Objet 
procédure pénale; appréciation des preuves, 
 
recours de droit public contre l'arrêt de la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud, du 28 décembre 2006. 
 
Faits : 
A. 
Par jugement du 17 octobre 2006, le Tribunal de police de l'arrondissement de La Côte (VD; ci-après: le Tribunal de police) a condamné les époux AX.________ et BX.________ à six mois d'emprisonnement avec sursis pendant cinq ans pour dommages à la propriété et mauvais traitements envers les animaux. Le Tribunal de police a retenu en substance les faits suivants: 
 
Depuis 2001, un conflit opposait AX.________ et BX.________ à leur voisine CY.________, notamment en raison du fait que les chiens de celle-ci venaient régulièrement errer et faire leurs besoins sur leur propriété. Au début du mois d'août 2003, les chiens en question ont été empoisonnés par les époux X.________ avec un produit à base de métaldéhyde, ce qui a provoqué la mort de l'un d'eux. L'animal ayant survécu a été victime d'un nouvel empoisonnement à la même substance quelques jours plus tard, sans toutefois succomber. Selon le premier juge, il est probable que les époux X.________ aient laissé des appâts de viande crue contenant du poison sur un lieu de passage habituel des chiens. 
 
La conviction du Tribunal de police repose notamment sur divers rapports des vétérinaires ayant examiné le chien qui a succombé, lesquels confirmaient l'empoisonnement au métaldéhyde. Elle se fonde en outre sur des témoignages rapportant les menaces proférées par AX.________ à l'encontre des chiens de CY.________. Le premier juge mentionnait également le témoignage de DY.________, époux de la prénommée, qui affirme avoir vu BX.________ faire une « danse de la victoire » juste après la mort du chien en disant « on les a eus ». Ces déclarations rejoignent le témoignage du vétérinaire Z._________, qui avait observé les époux X.________ manifester leur joie et narguer les époux Y.________. 
B. 
AX.________ et BX.________ ont recouru contre ce jugement devant la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud (ci-après: le Tribunal cantonal), qui a partiellement admis le recours par arrêt du 28 décembre 2006, notifié aux parties le 10 mai 2007. Le Tribunal cantonal a réduit la peine d'emprisonnement à quatre mois et la durée du délai d'épreuve à trois ans. Il a en outre condamné AX.________ au paiement d'une amende de 1500 fr. et infligé une amende de 500 fr. à BX.________. Le jugement attaqué a été confirmé pour le surplus. Le Tribunal cantonal a notamment considéré que l'état de fait retenu par le Tribunal de police ne présentait ni contradiction, ni lacune, ni insuffisance et qu'il n'existait pas de doutes sérieux et irréductibles de la culpabilité des époux X.________, de sorte que le principe de la présomption d'innocence avait été respecté. 
C. 
Agissant par la voie du recours de droit public, AX.________ et BX.________ demandent au Tribunal fédéral d'annuler cet arrêt. Ils se plaignent en substance d'arbitraire dans l'établissement des faits (art. 9 Cst.) et ils invoquent la présomption d'innocence (art. 32 al. 1 Cst. et 6 par. 2 CEDH). Ils requièrent en outre l'assistance judiciaire gratuite, dans le sens d'une dispense du paiement de l'émolument judiciaire. CY.________ s'est déterminée; elle conclut au rejet du recours. Le Tribunal cantonal et le Procureur général du canton de Vaud ont renoncé à présenter des observations. 
 
Le Tribunal fédéral considère en droit: 
1. 
La décision attaquée ayant été rendue avant le 1er janvier 2007, la loi fédérale d'organisation judiciaire (OJ) demeure applicable à la présente procédure de recours (art. 132 al. 1 LTF). 
2. 
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 132 I 140 consid. 1.1 p. 142; 131 II 571 consid. 1 p. 573; 130 I 312 consid. 1 p. 317 et les arrêts cités). 
2.1 Le pourvoi en nullité au Tribunal fédéral n'étant pas ouvert pour se plaindre d'une appréciation arbitraire des preuves et des constatations de fait qui en découlent (ATF 124 IV 81 consid. 2a p. 83) ni pour invoquer une violation directe d'un droit constitutionnel ou conventionnel, tel que la maxime "in dubio pro reo" consacrée aux art. 32 al. 1 Cst. et 6 par. 2 CEDH (ATF 121 IV 104 consid. 2b p. 107; 120 Ia 31 consid. 2b p. 35 s.), la voie du recours de droit public est ouverte à cet égard (art. 84 al. 2 OJ). Dans la mesure où l'arrêt attaqué confirme leur condamnation à une peine d'emprisonnement et leur inflige une amende, les recourants ont qualité pour contester ce prononcé (art. 88 OJ). 
2.2 Pour être recevable, un recours de droit public doit contenir un exposé succinct des droits constitutionnels ou des principes juridiques violés et préciser en quoi consiste la violation (art. 90 al. 1 let. b OJ). Lorsqu'il est saisi d'un tel recours, le Tribunal fédéral n'a donc pas à vérifier de lui-même si l'arrêt entrepris est en tous points conforme à la Constitution. Il n'examine que les griefs d'ordre constitutionnel invoqués et suffisamment motivés dans l'acte de recours. Le recourant ne saurait se contenter de soulever de vagues griefs ou de renvoyer aux actes cantonaux (ATF 130 I 258 consid. 1.3 p. 261, 26 consid. 2.1 p. 31; 125 I 71 consid. 1c p. 76). 
 
En l'espèce, les recourants invoquent notamment les art. 5, 10, 29, 31 et 36 Cst. ainsi que l'art. 5 CEDH, sans consacrer le moindre développement à ces dispositions. Ces moyens ne répondent donc pas aux exigences susmentionnées, de sorte qu'ils doivent être déclarés irrecevables (art. 90 al. 1 let. b OJ). Il en va différemment des art. 9 et 32 Cst. ainsi que de l'art. 6 CEDH, dans la mesure où les arguments présentés par les recourants ont trait à la constatation arbitraire des faits et à la présomption d'innocence. Les autres conditions formelles de recevabilité étant remplies, il y a lieu d'entrer en matière à cet égard. 
3. 
Les recourants reprochent en substance à l'autorité intimée d'avoir confirmé un jugement de première instance qui reposait sur des faits établis en contradiction avec les éléments ressortant du dossier ou qui n'avaient pas été prouvés. Ils invoquent également le principe de la présomption d'innocence. 
3.1 Selon la jurisprudence, l'arbitraire, prohibé par l'art. 9 Cst., ne résulte pas du seul fait qu'une autre solution pourrait entrer en considération ou même qu'elle serait préférable; le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution retenue en dernière instance cantonale que si elle est manifestement insoutenable, méconnaît gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté ou si elle heurte de manière choquante le sentiment de la justice ou de l'équité. Il ne suffit pas que la motivation de la décision soit insoutenable; encore faut-il qu'elle soit arbitraire dans son résultat (ATF 132 I 13 consid. 5.1 p. 17; 131 I 217 consid. 2.1 p. 219, 57 consid. 2 p. 61; 129 I 173 consid. 3.1 p. 178). 
L'appréciation des preuves est en particulier arbitraire lorsque le juge de répression n'a manifestement pas compris le sens et la portée d'un moyen de preuve, s'il a omis, sans raison sérieuse, de tenir compte d'un moyen important propre à modifier la décision attaquée ou encore si, sur la base des éléments recueillis, il a fait des déductions insoutenables (ATF 129 I 8 consid. 2.1 p. 9). Il en va de même lorsqu'il retient unilatéralement certaines preuves ou lorsqu'il rejette des conclusions pour défaut de preuves, alors même que l'existence du fait à prouver résulte des allégations et du comportement des parties (ATF 118 Ia 28 consid. 1b p. 30). Il ne suffit pas qu'une interprétation différente des preuves et des faits qui en découlent paraisse également concevable pour que le Tribunal fédéral substitue sa propre appréciation des preuves à celle effectuée par l'autorité de condamnation, qui dispose en cette matière d'une grande latitude. En serait-il autrement, que le principe de la libre appréciation des preuves par le juge du fond serait violé (ATF 120 Ia 31 consid. 2d p. 37 s.). Lorsque, comme en l'espèce, l'autorité cantonale de recours avait, sur les questions posées dans le recours de droit public, une cognition semblable à celle du Tribunal fédéral, ce dernier porte concrètement son examen sur l'arbitraire du jugement de l'autorité inférieure, à la lumière des griefs soulevés dans l'acte de recours. Le Tribunal fédéral se prononce librement sur cette question (ATF 125 I 492 consid. 1a/cc et 1b p. 495 et les arrêts cités). 
3.2 La présomption d'innocence est garantie par l'art. 6 par. 2 CEDH et par l'art. 32 al. 1 Cst., qui ont la même portée. Elle a pour corollaire le principe "in dubio pro reo", qui concerne tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves. En tant que règle de l'appréciation des preuves, ce principe, dont la violation n'est invoquée que sous cet angle par les recourants, signifie que le juge ne peut se déclarer convaincu d'un état de fait défavorable à l'accusé, lorsqu'une appréciation objective de l'ensemble des éléments de preuve laisse subsister un doute sérieux et insurmontable quant à l'existence de cet état de fait (ATF 127 I 38 consid. 2a p. 41; 124 IV 86 consid. 2a p. 88; 120 Ia 31 consid. 2c p. 37). Le Tribunal fédéral ne revoit les constatations de fait et l'appréciation des preuves que sous l'angle de l'arbitraire (ATF 127 I 38 consid. 2a p. 41; 124 I 208 consid. 4 p. 211; 120 Ia 31 consid. 2d p. 37 s.). Il examine en revanche librement la question de savoir si, sur la base du résultat d'une appréciation non arbitraire des preuves, le juge aurait dû éprouver un doute sérieux et insurmontable quant à la culpabilité de l'accusé; dans cet examen, il s'impose toutefois une certaine retenue, le juge du fait, en vertu du principe de l'immédiateté, étant mieux à même de résoudre la question (cf. arrêts non publiés 1P.454/2005 du 9 novembre 2005, consid. 2.1; 1P.428/2003 du 8 avril 2004, consid. 4.2 et 1P.587/2003 du 29 janvier 2004, consid. 7.2). 
4. 
Les recourants énumèrent divers faits que le Tribunal de police aurait constatés en contradiction avec les éléments du dossier et ils font grief au Tribunal cantonal d'avoir confirmé ces constatations. Ils estiment également que l'hypothèse de l'empoisonnement volontaire n'est pas établie par les preuves recueillies. Ils allèguent enfin que leur condamnation ne repose sur aucun élément probant, en violation de la présomption d'innocence. 
4.1 S'agissant d'abord de la constatation des faits, le Tribunal cantonal n'a pas remis en cause l'appréciation du premier juge selon laquelle il était « probable » que les accusés aient laissé des appâts de viande crue contenant du poison sur un lieu de passage habituel des chiens de l'intimée. Le seul élément du dossier permettant de fonder une telle hypothèse est un courrier du 19 août 2003 de la vétérinaire W.________, qui dit avoir reçu dans la journée le rapport d'autopsie du chien, révélant « des éléments dans l'intestin rappelant de la viande crue ». Or, le rapport d'autopsie figurant au dossier - qui date du 31 octobre 2003 et qui « remplace » un précédent rapport du 5 septembre 2003 - ne mentionne pas la présence dans l'intestin d'éléments rappelant de la viande crue. Ce document mentionne tout au plus la présence de « peu de liquide noirâtre à l'aspect de sang digéré dans l'estomac ». Dans ces conditions, on pouvait difficilement retenir que des appâts à base de viande crue avaient été utilisés. Vu l'issue du recours, la question de savoir si cette constatation des faits est arbitraire peut cependant rester indécise. 
 
Quant à la « danse de la victoire » à laquelle la recourante se serait livrée lorsqu'elle a appris la mort du chien de l'intimée - épisode paraissant déterminant aux yeux du premier juge - elle a été relatée uniquement par l'époux de l'intimée, qui était également en conflit avec les recourants depuis plusieurs années. Ce témoignage a d'ailleurs été mis en doute dans un autre passage du jugement de première instance, car son auteur était trop proche de l'intimée. En ce qui concerne le témoignage du vétérinaire attitré de l'époux de l'intimée depuis une vingtaine d'années, qui dit avoir observé les recourants manifester leur joie, il ne peut être pris en considération qu'avec retenue, dans la mesure où il s'agit d'un témoignage écrit, recueilli par l'intimée plus de trois ans après les faits. Cela étant, sur ce point, il n'y a pas lieu non plus de trancher la question d'une éventuelle violation de l'interdiction d'arbitraire. 
4.2 En effet, même si l'on admet que les constatations de fait susmentionnées échappent à la critique, elles ne suffisent pas, associées aux autres éléments de preuve recueillis, à dissiper tout doute sérieux et insurmontable quant à la culpabilité des recourants. Ces autres éléments se limitent aux faits suivants: un conflit de voisinage opposait les recourants à l'intimée et son époux depuis plusieurs années, notamment en raison du fait que les chiens de celle-ci se promenaient librement sur les propriétés voisines; le recourant a manifesté sa haine des chiens en question en proférant des menaces à leur encontre et, enfin, les chiens de l'intimée ont été intoxiqués au métaldéhyde, substance que l'on retrouve dans des produits d'usage courant tel que l'anti-limace. Or, si l'on peut comprendre que ces circonstances aient conduit l'intimée à soupçonner les recourants, les faits prouvés ne sont manifestement pas suffisants pour établir leur culpabilité et pour fonder un jugement de condamnation. En effet, l'instruction n'a pas permis de démontrer qu'il s'agissait d'un empoisonnement volontaire et encore moins que les recourants seraient les auteurs de ce méfait. 
Il y a d'abord lieu de relever que l'on ne peut pas déduire des faits susmentionnés que les chiens ont été victimes d'un acte de malveillance, quand bien même on aurait retrouvé des « éléments rappelant de la viande crue » dans l'intestin du chien qui a succombé. Focalisé sur cette thèse, le Tribunal de police a écarté l'hypothèse, tout aussi vraisemblable, d'un empoisonnement accidentel. Le fait que l'on ait retrouvé dans l'intestin de l'animal mort un morceau d'emballage plastique portant la mention « m2 » pouvait en effet laisser supposer que le chien avait mordu dans l'emballage d'un produit d'usage courant à épandre contenant du métaldéhyde. Le premier juge a écarté cette probabilité au motif que « de mémoire, aucun chien vivant dans le même hameau que les parties ne s'est accidentellement empoisonné », ce qui n'est guère convainquant. On ne distingue en tout cas pas de motifs suffisants qui permettraient de privilégier le scénario de l'empoisonnement volontaire. 
 
Quant aux témoignages selon lesquels les recourants auraient manifesté leur joie lorsqu'ils ont constaté l'intoxication des chiens, ils ne sont pas déterminants. En effet, même s'il était avéré que les recourants ont eu ce comportement détestable, cela ne suffirait pas encore à démontrer qu'ils sont à l'origine d'un empoisonnement. Une telle manifestation de joie pourrait en effet s'expliquer par les relations particulièrement conflictuelles qu'ils entretenaient avec l'intimée et par le fait qu'ils considéraient ses chiens comme une nuisance. 
Pour le surplus, on ne voit pas quels éléments permettraient de leur imputer un éventuel empoisonnement volontaire des chiens de l'intimée. En effet, même si l'on devait considérer que toutes les constatations de fait du premier juge échappent au grief d'arbitraire et même si le juge peut se laisser convaincre par un faisceau d'indices, les faits sur lesquels l'autorité intimée a fondé la condamnation des recourants ne sont clairement pas suffisants pour parvenir à cette conclusion. En définitive, une appréciation objective de l'ensemble des éléments de preuve ne pouvait pas conduire le juge à retenir la version la moins favorable aux accusés et les faits établis ne permettent aucunement de conclure à leur culpabilité sans qu'un doute sérieux et insurmontable ne subsiste. Le principe de la présomption d'innocence a donc été violé. 
5. 
Il s'ensuit que le recours de droit public doit être admis dans la mesure où il est recevable et que l'arrêt attaqué doit être annulé. L'intimée, qui succombe, doit supporter les frais de la procédure de recours de droit public (art. 153, 153a et 156 al. 1 OJ). Les recourants ayant obtenu gain de cause avec l'assistance d'un avocat, ils ont droit à des dépens, à la charge de l'intimée (art. 159 al. 1 OJ). Dans ces conditions, la requête d'assistance judiciaire devient sans objet. 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
1. 
Le recours de droit public est admis dans la mesure où il est recevable et l'arrêt attaqué est annulé. 
2. 
Les frais judiciaires, arrêtés à 2000 fr., sont mis à la charge de l'intimée. 
3. 
Une indemnité globale de 2000 fr. est allouée aux recourants à titre de dépens, à la charge de l'intimée. 
4. 
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties, au Procureur général et au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de cassation pénale. 
Lausanne, le 25 septembre 2007 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
Le président: Le greffier: