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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
{T 0/2} 
 
1B_158/2015  
   
   
 
 
 
Arrêt du 26 mai 2015  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Merkli, Juge présidant, 
Karlen et Chaix. 
Greffière : Mme Sidi-Ali. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par Maîtres François Canonica et 
Xavier-Marcel Copt, avocats, 
recourant, 
 
contre  
 
Ministère public de la République et canton de Genève. 
 
Objet 
détention provisoire, 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale 
de recours, du 29 avril 2015. 
 
 
Faits :  
 
A.   
Après avoir été interpellé le 12 avril 2015, A.________ a été mis en prévention pour menaces (art. 180 CP), tentative d'actes d'ordre sexuel sur des enfants (art. 198 ch. 2 CP), pornographie aggravée (art. 197 ch. 3bis aCP et art. 197 ch. 5 CP) et utilisation abusive d'une installation de télécommunication (art. 179septies CP). Il lui est en substance reproché d'être l'auteur d'appels téléphoniques anonymes à des jeunes filles dont il avait trouvé les identités et photographies sur des sites de course pédestre, lors desquels il formulait des menaces et tenait des propos obscènes à caractère sexuel. Invoquant les risques de collusion et réitération, le Ministère public a requis la mise en détention provisoire de l'intéressé pour une durée de trois mois. Non astreint à y participer, le Ministère public n'était pas présent à l'audience que le Tribunal des mesures de contrainte de la République et canton de Genève (Tmc) a tenue le 15 avril 2015. 
 
B.   
A l'issue de son audience, le Tmc a rejeté la demande de mise en détention provisoire du Ministère public et ordonné la libération du prévenu à la condition expresse qu'il respecte des mesures de substitution détaillées, fixées pour une durée de six mois. 
 
Cette ordonnance a été rendue par le Tmc à 11h41 et notifiée immédiatement au prévenu. En réponse à un e-mail que le greffe de la prison lui a adressé à 12h14, le Ministère public a informé celui-ci de son intention de faire recours contre cette ordonnance par un e-mail envoyé à 12h31. Le Ministère public a ensuite expédié son acte de recours au greffe de la Chambre pénale de recours de la Cour cantonale de justice à 13h46 par messagerie sécurisée et l'a déposé au guichet de cette instance à 14h00 le même jour. Par arrêt du 29 avril 2015, la cour cantonale a admis le recours du Ministère public, annulé l'ordonnance entreprise et ordonné la mise en détention provisoire du prévenu jusqu'au 15 juillet 2015. 
 
C.   
Agissant par la voie du recours en matière pénale, A.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler cet arrêt, d'ordonner sa mise en liberté immédiate, à charge pour le Ministère public d'en organiser sans délai les modalités, et de confirmer l'ordonnance de mise en liberté avec mesures de substitution rendue le 15 avril 2015 par le Tmc. Il conclut subsidiairement à l'annulation de l'arrêt et au renvoi de l'affaire devant l'instance précédente pour nouvelle décision au sens des considérants. Il produit deux nouvelles pièces qui ne figuraient pas au dossier lorsque la cour cantonale a statué. 
 
Dans ses observations, la cour cantonale indique maintenir les termes de son arrêt et, vu les nouvelles pièces, précise s'en remettre à l'appréciation du Tribunal fédéral quant au sort de la cause. Le Ministère public conclut au rejet du recours. Le recourant réplique et persiste dans ses conclusions. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
Le recours en matière pénale (art. 78 al. 1 LTF) est en principe ouvert contre une décision de mise en détention provisoire au sens des art. 212 ss CPP. Dès lors que l'acte de procédure litigieux ne met pas un terme à la procédure pénale (art. 90 s. LTF), il s'agit d'une décision incidente prise séparément au sens de l'art. 93 al. 1 LTF. La décision ordonnant le maintien en détention provisoire du prévenu étant susceptible de lui causer un préjudice irréparable au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF, elle peut faire l'objet d'un recours au Tribunal fédéral. Selon l'art. 81 al. 1 let. a et let. b ch. 1 LTF, l'accusé a qualité pour agir. Pour le surplus, le recours est formé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) contre une décision rendue en dernière instance cantonale (art. 80 LTF) et les conclusions présentées sont recevables au regard de l'art. 107 al. 2 LTF. Il y a donc lieu d'entrer en matière. 
 
2.   
A teneur de l'art. 99 al. 1 LTF, aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut être présenté à moins de résulter de la décision de l'autorité précédente. Conformément à l'art. 105 al. 1 LTF, le Tribunal fédéral statue en principe sur la base des faits établis par l'autorité précédente. Selon l'art. 105 al. 2 LTF, il peut rectifier ou compléter d'office les constatations de l'autorité précédente si les faits ont été établis en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF ou de façon manifestement inexacte, c'est-à-dire arbitraire (ATF 137 I 58 consid. 4.1.2 p. 62; 137 III 226 consid. 4.2 p. 234; 136 II 304 consid. 2.4 p. 314). Le recourant peut critiquer les constatations de fait aux mêmes conditions, si la correction du vice soulevé est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF). 
 
En l'espèce, le recourant se prévaut de deux pièces qui ne figuraient pas au dossier pour faire compléter l'état de fait par l'indication que le Ministère public a été averti de l'ordonnance de mise en liberté par deux e-mails que le Tmc lui a adressés à 11h53 et 11h57. Conformément à l'art. 99 al. 1 LTF, ces pièces sont en principe irrecevables. Dans la mesure où tant le Ministère public que la cour cantonale adhèrent à cette version des faits, rien ne s'oppose à ce qu'ils soient pris en considération en application des art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF. Ainsi qu'on le verra ci-dessous, ces faits sont toutefois sans incidence pour le sort de la cause. 
 
3.   
Le recourant se plaint d'une violation des art. 226 al. 5 CPP et 10 al. 2 Cst. 
 
3.1. Selon l'art. 226 al. 5 CPP, si le Tmc n'ordonne pas la détention provisoire, le prévenu est immédiatement mis en liberté. A cette fin, il n'est pas nécessaire d'attendre la communication de la décision par écrit et l'exposé des motifs, le prévenu devant être libéré dès la lecture du dispositif (Message du Conseil fédéral du 21 décembre 2005 relatif à l'unification du droit de la procédure pénale, FF 2006 1057, p. 1214).  
 
Afin cependant de garantir le droit de recours du ministère public contre une décision de libération prononcée par le Tmc (ATF 137 IV 22 consid. 1 p. 23 ss), tout en respectant le droit du prévenu à une libération immédiate au sens de l'art. 226 al. 5 CPP, la jurisprudence a statué que le procureur doit annoncer son intention de recourir au Tmc dès qu'il a connaissance de la décision de libération, puis déposer dans les trois heures suivantes son mémoire de recours. II découle de ces exigences que le ministère public ne peut se limiter à déposer des conclusions écrites et doit en principe comparaître personnellement à l'audience du Tmc (ATF 139 IV 314 consid. 2.2.1 p. 317; 138 IV 92 consid. 3.3 p. 97 s.). 
 
L'annonce de recours du ministère public a pour effet de prolonger la détention après la décision de mise en liberté jusqu'au dépôt du recours. Elle doit donc intervenir immédiatement (ATF 138 IV 92 consid. 3.3 p. 98), soit à l'issue de l'audience du Tmc ou, si le ministère public n'y comparaît pas, à la suite d'une information téléphonique relative à la décision de remise en liberté. Les cantons disposent en effet d'une marge de manoeuvre pour organiser les modalités de la procédure de recours cantonal. Le procureur ne peut cependant se prévaloir d'un droit à une communication par téléphone du prononcé rendu par le Tmc (ATF 138 IV 148 consid. 3.3 p. 151 s.). S'il entend éviter impérativement que le prévenu soit remis en liberté, il lui appartient, cas échéant, de comparaître en personne (arrêt 1B_390/2014 du 22 décembre 2014 consid. 2.1 et les références citées). Le dépôt du mémoire de recours par le Ministère public en respect du délai de trois heures ne suffit pas à pallier le défaut de manifestation de son intention de recourir au moment de la communication de la décision du Tmc (  ibidem consid. 2.2).  
 
3.2. En l'espèce, le Ministère public n'a pas participé à l'audience du Tmc, qui a rendu sa décision à 11h41. Il a bien déposé son recours dans les trois heures prescrites par la jurisprudence. En revanche, il n'a pas annoncé immédiatement son intention de recourir au Tmc. Il a fait part de cette intention à la prison, par un e-mail envoyé à 12h31. Selon la cour cantonale - qui avait retenu que le Ministère public n'avait été informé de la décision de libération que par l'e-mail adressé par la prison à 12h14 -, ce mode opératoire pouvait valablement valoir annonce de recours, l'essentiel étant que le prévenu soit concrètement informé, but qui avait été atteint en l'occurrence.  
 
Le Ministère public a annoncé son intention de recourir 50 minutes après que le Tmc avait rendu son ordonnance. Dans la mesure où le Ministère public ne peut se prévaloir d'une information de la décision par voie téléphonique et, par extension, électronique, l'heure à laquelle la décision du Tmc lui parvient ne devrait pas être décisive. Conformément à la jurisprudence exposée ci-dessus, si une organisation particulière est prévue entre les autorités concernées pour la transmission des décisions prises par le Tmc, il appartient tout de même au Ministère public - dont la participation à l'audience du Tmc est la règle sauf "motifs valables" (art. 225 al. 1 et 3 CPP) - de prendre les précautions nécessaires pour qu'il puisse avoir connaissance immédiatement de la décision afin, cas échéant, de manifester immédiatement aussi son intention de recourir. Vu la restriction à la liberté personnelle que cette procédure implique, le déroulement de la mise en détention ou de la prolongation de la détention est empreint d'un grand formalisme. Il ne revient ainsi pas au prévenu de pâtir d'un manque éventuel de communication entre autorités de poursuite pénale. L'impératif d'une annonce immédiate de l'intention de recourir n'a en conséquence ici pas été respecté. 
 
L'obligation faite au Ministère public d'annoncer son intention de recourir est justifiée par la précarité du prolongement de la détention en présence d'une décision de libération. C'est en effet en vertu du droit du prévenu à une libération immédiate au sens de l'art. 226 al. 5 CPP que la jurisprudence a constaté qu'une telle annonce s'imposait (ATF 138 IV 92 consid. 3.3 p. 97). Aussi, avec la cour cantonale, y a-t-il lieu d'admettre que le principal intéressé par cette annonce est le prévenu, respectivement l'institution au sein de laquelle il est incarcéré. Cela étant, il est essentiel que le Tmc soit également informé de l'intention de recourir du Ministère public, pour qu'il puisse utilement avertir l'instance de recours (qui doit elle-même s'organiser en vue des mesures provisionnelles à prendre) et lui transmettre le dossier. Il n'est donc pas admissible de cautionner un canal d'information informel et incomplet de l'annonce de recours. 
 
3.3. Compte tenu de ce qui précède, le recours du Ministère public aurait dû être déclaré irrecevable, faute pour celui-ci d'avoir fait immédiatement part au Tmc de son intention de recourir.  
 
4.   
Il s'ensuit que le recours doit être admis, l'arrêt attaqué annulé et l'ordonnance du Tmc du 15 avril 2015 confirmée. Dans ces circonstances, la jurisprudence dont se prévaut le Ministère public selon laquelle la violation des règles de procédure relatives à la détention avant jugement peut être réparée par une constatation de l'irrégularité (ATF 139 IV 94 consid. 2.4 p. 97 et les arrêts cités) ne suffit pas à maintenir le recourant en détention. Encore faut-il que cette détention repose désormais sur un titre de détention valable, à savoir autre que l'arrêt cantonal entrepris et annulé. Sous réserve de l'existence d'un autre titre de détention, la libération immédiate du recourant est ordonnée, à charge pour le Ministère public d'en organiser sans délai les modalités. 
 
Le recourant obtenant gain de cause, une indemnité à titre de dépens à ses conseils est mise à la charge de la République et canton de Genève pour les procédures fédérale et cantonale (art. 68 al. 1 et 5 LTF). Il n'est pas perçu de frais judiciaires pour la présente procédure (art. 66 al. 4 LTF). 
 
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est admis; l'arrêt attaqué est annulé. 
 
2.   
La libération immédiate du recourant est ordonnée, à charge pour le Ministère public d'en organiser sans délai les modalités. 
 
3.   
Une indemnité de dépens de 2'500 fr. est allouée aux mandataires du recourant pour les procédures fédérale et cantonale à la charge de la République et canton de Genève. 
 
4.   
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires du recourant, au Ministère public de la République et canton de Genève et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale de recours. 
 
 
Lausanne, le 26 mai 2015 
 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Juge présidant : Merkli 
 
La Greffière : Sidi-Ali