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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 1/2} 
5A_60/2008 / frs 
 
Arrêt du 26 juin 2008 
IIe Cour de droit civil 
 
Composition 
MM. et Mmes les Juges Raselli, Président, Meyer, Hohl, Marazzi et Jacquemoud-Rossari. 
Greffier: M. Fellay. 
 
Parties 
Sergio Witzig, 
recourant, représenté par Me Christophe Tafelmacher, avocat, 
 
contre 
 
Pierre Keller, 
intimé, représenté par Me Cyrille Piguet, avocat, 
 
Objet 
protection de la personnalité, 
 
recours contre l'arrêt de la Chambre des recours du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 6 décembre 2007. 
 
Faits: 
 
A. 
A.a Pierre Keller est le directeur de l'Ecole cantonale d'art de Lausanne (ci-après: ECAL) depuis 1995. Il est également artiste et a exposé ses oeuvres dans le monde entier. Il est constant qu'il est un personnage public qui s'exprime volontiers sur des sujets en relation avec l'ECAL ou l'art en général. 
A.b Les organisateurs du Marché-Concours de Saignelégier ont, à l'occasion de son 100ème anniversaire, proposé à chaque canton d'acquérir un étalon grandeur nature en polyester et de le transformer en oeuvre originale. 
 
Le canton de Vaud a choisi de présenter l'oeuvre créée par un étudiant de l'ECAL, Victor de Castro. Le cheval présenté se singularisait par le fait qu'il était vêtu d'un masque en cuir, de lanières hérissées de pics et de chaînettes en métal reliant ses pattes. 
A.c Le 20 juillet 2003, un article intitulé "Le sulfureux étalon vaudois" est paru dans "Le Matin dimanche". Son auteur y tenait notamment les propos suivants: 
«Des petits, des grands, des frêles, en cent ans d'existence, le Marché-Concours de Saignelégier en a vu défiler, des chevaux. Mais un comme celui-là, avec masque en cuir, lanières hérissées de pics et chaînettes reliant ses pattes, la parfaite panoplie sado-maso, jamais! (...). 
Des septante projets de l'ECAL, c'est en tout cas le sien qui a été retenu par un jury de professeurs, présidé par Pierre Keller, le fameux directeur de l'école... 
Militant de la cause gay 
D'où cette question: comment, dans ce choix, ne pas voir la patte de ce personnage charismatique, extraverti, libertin, ouvertement militant de la cause gay? (...)». 
 
Dans le même article, il est relevé que Pierre Keller, joint au téléphone sur son lieu de vacances a déclaré:«...Un cheval comme outil de plaisir et de désir avec son côté provocant, oui, ça m'a plu.». 
A.d Cet article a suscité des réactions de la part des lecteurs du journal susmentionné, qui a publié dans le courrier des lecteurs de l'édition du dimanche 27 juillet 2003, sous l'intitulé «A propos de l'article "Le sulfureux étalon vaudois" paru le 20 juillet», deux lettres dont celle de Sergio Witzig, courtier en art. 
 
La lettre de ce dernier, intitulée "Une mocheté", a la teneur suivante: 
«Cela m'étonnerait que le cheval "vaudois" genre sado-maso, qui sera présenté au Marché-Concours de Saignelégier prochainement, fasse scandale, la banalisation des pratiques sexuelles, y compris les plus déviantes, ne faisant plus guère recette depuis déjà pas mal de temps parmi le grand public. 
Il n'y a plus que ce plouc de directeur de l'ECAL, Pierre Keller, pour y croire encore, la preuve. 
Car, si le jeune homme brésilien qui a créé cette mocheté a choisi ce thème du sadomasochisme, c'est bien parce qu'il est étudiant dans cette école, où, c'est désormais bien connu, pour s'y faire bien voir du directeur, il faut créer de préférence dans le genre "sex" tendance déviant (sic), crade, pervers, etc., à l'image de la boîte de jouets sexe et du botte-cul sexe, précédemment également produits (...). 
Ce cheval ne fera donc qu'apporter une lourde pierre de plus au jardin du mauvais goût du susnommé, mais ne devrait susciter que de l'indifférence dans le public.». 
 
B. 
B.a Le 29 août 2003, Pierre Keller a saisi le Président du Tribunal civil de l'arrondissement de l'Est vaudois d'une action en protection de la personnalité dirigée contre Sergio Witzig. 
 
Par jugement du 29 septembre 2006, le Président du tribunal d'arrondissement a, en substance, constaté que le courrier des lecteurs rédigé par le défendeur portait une atteinte illicite aux droits de la personnalité du demandeur, condamné le défendeur à payer au demandeur le montant de 1'000 fr., à verser en mains de l'association « l'elac », et fait interdiction au défendeur de tenir quelque propos que ce soit, en particulier par voie de presse, susceptible de porter une atteinte illicite à la personnalité du demandeur. 
B.b Par arrêt du 17 octobre 2007, le Tribunal cantonal vaudois a partiellement admis le recours du défendeur contre le jugement du Président du tribunal d'arrondissement et réformé ce jugement en annulant la condamnation à une indemnité ainsi que l'interdiction faite de tenir tout propos de nature à porter atteinte à la personnalité du demandeur. Le Tribunal cantonal a confirmé le jugement attaqué pour le surplus. 
 
En bref, selon l'arrêt cantonal, la lettre de lecteur incriminée échappait à toute critique dans la mesure où elle avait émis des pronostics ou jugements de valeur et utilisé le terme de « plouc »; en revanche, elle avait porté une atteinte illicite à la personnalité du demandeur en mettant en doute sa probité intellectuelle et son honnêteté artistique dans sa fonction de directeur de l'ECAL et en énonçant un fait objectivement faux au sujet de la manière dont celui-ci assumait cette direction. 
 
C. 
Contre l'arrêt du Tribunal cantonal, dont l'expédition complète lui a été notifiée le 10 décembre 2007, le défendeur a interjeté, le 25 janvier 2008, un recours en matière civile au Tribunal fédéral. Il conteste avoir porté une atteinte illicite aux droits de la personnalité de l'intimé (demandeur) et invoque la violation des art. 28 et 28a al. 1 ch. 3 CC. Il conclut principalement à la réforme de la décision attaquée en ce sens que les conclusions du demandeur sont intégralement rejetées, subsidiairement au renvoi de la cause à l'autorité cantonale pour nouvel arrêt. 
 
Il sollicite également le bénéfice de l'assistance judiciaire. 
 
L'intimé conclut au rejet du recours dans la mesure de sa recevabilité. 
 
Considérant en droit: 
 
1. 
1.1 L'action en protection de la personnalité est une contestation civile portant sur un droit de nature non pécuniaire, qui peut faire l'objet d'un recours en matière civile en vertu de l'art. 72 al. 1 LTF (5A_78/2007 du 24 août 2007 consid. 1; cf., sous l'empire de l'art. 44 OJ, ATF 110 II 411 consid. 1 et 127 III 481 consid. 1a). Le recours est dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) rendue par l'autorité cantonale de dernière instance (art. 75 al. 1 LTF); il émane de la partie qui a succombé partiellement dans ses conclusions en instance cantonale (art. 76 al. 1 LTF) et il a été déposé en temps utile, compte tenu de la suspension des délais durant les féries du 18 décembre au 2 janvier (art. 46 al. 1 let. c et 100 al. 1 LTF); partant, il est recevable. 
 
1.2 Le recours en matière civile peut être formé pour violation du droit, tel qu'il est délimité par les art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF), sans être lié ni par les motifs de l'autorité précédente, ni par les moyens des parties. Compte tenu des exigences de motivation posées à l'art. 42 al. 2 LTF, sous peine d'irrecevabilité (art. 108 al. 1 let. b LTF), le Tribunal fédéral n'examine en principe que les griefs soulevés; il n'est pas tenu de traiter, à l'instar d'une juridiction de première instance, toutes les questions juridiques pouvant se poser lorsqu'elles ne sont plus discutées devant lui (ATF 133 IV 150 consid. 1.2). Il ne connaît de la violation de droits fondamentaux ou du droit cantonal que si ce grief a été soulevé et motivé par le recourant (art. 106 al. 2 LTF), les exigences de motivation correspondant à celles de l'ancien art. 90 al. 1 let. b OJ (ATF 133 II 249 consid. 1.4.2; 133 III 393 consid. 6). 
 
1.3 Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF); il ne peut s'en écarter que si ces faits ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF), et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF). Le recourant qui entend s'écarter des constatations de la juridiction cantonale doit exposer de manière circonstanciée en quoi les exceptions prévues par l'art. 105 al. 2 LTF seraient réalisées (ATF 133 IV 150 consid. 1.3). Les faits nouveaux et les preuves nouvelles sont prohibés, à moins de résulter de la décision de l'autorité précédente (art. 99 al. 1 LTF). 
 
En ce qui concerne l'établissement des faits et l'appréciation des preuves, le Tribunal fédéral se montre réservé, vu le large pouvoir qu'il reconnaît en ce domaine aux autorités cantonales. Il n'intervient, du chef de l'art. 9 Cst., que si le juge n'a manifestement pas compris le sens et la portée d'un moyen de preuve, s'il a omis, sans raison sérieuse, de tenir compte de preuves pertinentes ou encore s'il a effectué, sur la base des éléments recueillis, des déductions insoutenables; encore faut-il que la décision attaquée en soit viciée dans son résultat (ATF 129 I 8 consid. 2.1; 127 I 38 consid. 2a et les arrêts cités). 
 
2. 
Aux termes de l'art. 28 CC, celui qui subit une atteinte illicite à sa personnalité peut agir en justice pour sa protection contre toute personne qui y participe (al. 1). Une atteinte est illicite, à moins qu'elle ne soit justifiée par le consentement de la victime, par un intérêt prépondérant privé ou public, ou par la loi (al. 2). 
 
2.1 Il résulte de cette dernière disposition que l'atteinte est en principe illicite, ce qui découle du caractère absolu des droits de la personnalité, l'atteinte devenant cependant licite si son auteur peut invoquer un motif justificatif. L'illicéité est une notion objective, de sorte qu'il n'est pas décisif que l'auteur soit de bonne foi ou ignore qu'il participe à une atteinte à la personnalité (ATF 134 III 193 consid. 4.6). 
 
2.2 Il y a atteinte à la personnalité au sens de l'art. 28 CC non seulement lorsque la bonne réputation d'une personne ou son sentiment d'honorabilité sont lésés, mais aussi lorsque sa considération professionnelle ou sociale est touchée. L'honneur, comme partie intégrante de la personnalité en droit civil, est une notion clairement plus large que l'honneur protégé pénalement par l'art. 173 CP. Pour juger objectivement si une déclaration, dans un article de presse par exemple, porte atteinte à la considération d'une personne, il faut se placer du point de vue d'un lecteur moyen et tenir compte des circonstances concrètes qui entourent la publication, soit le contexte ou le cadre dans lequel l'article a paru (arrêt 5A_78/2007 du 24 août 2007 consid. 4 publié in: sic! 12/2007 p. 895; ATF 129 III 49 consid. 2.2; 127 III 481 consid. 2b/aa; 126 III 209 consid. 3a in fine et les arrêts cités). 
 
2.3 La presse peut atteindre quelqu'un dans sa personnalité de deux manières: d'une part en relatant des faits, d'autre part en les appréciant (ATF 129 III 49 consid. 2.2; 126 III 305 consid. 4b et les arrêts cités). 
2.3.1 La diffusion de faits vrais n'est inadmissible que si les faits en question font partie de la sphère secrète ou privée ou si la personne concernée est rabaissée de manière inadmissible parce que la forme de la description est inutilement blessante. 
 
La publication de faits inexacts est illicite en elle-même; ce n'est que dans des cas exceptionnels très rares et particuliers que la diffusion de faits faux est justifiée par un intérêt suffisant. Mais chaque inexactitude, imprécision, raccourci ou généralisation ne fait pas à elle seule d'un compte-rendu une fausseté dans son ensemble. Un article de presse inexact dans ce sens n'est globalement faux et ne viole les droits de la personnalité que s'il ne correspond pas à la réalité sur des points essentiels et montre la personne concernée sous un angle si erroné ou en présente une image si faussée qu'elle s'en trouve rabaissée de manière sensible dans la considération de ses semblables (ATF 129 III 49 consid. 2.2, 529 consid. 3.1; 126 III 305 consid. 4b/aa et les arrêts cités). 
 
Les faits justificatifs prouvés par l'auteur de la violation peuvent en supprimer le caractère illicite. 
2.3.2 Les opinions, commentaires et jugements de valeur sont admissibles pour autant qu'ils apparaissent soutenables en fonction de l'état de fait auquel ils se réfèrent. Ils ne peuvent être soumis à la preuve de la vérité. Dans la mesure où ils constituent dans le même temps aussi des affirmations de fait, par exemple les jugements de valeur mixtes, le noyau de fait de l'opinion est soumis aux mêmes principes que les affirmations de fait. En outre, les jugements de valeur et les opinions personnelles, même lorsqu'ils reposent sur des faits vrais, peuvent constituer une atteinte à l'honneur lorsqu'ils consacrent, en raison de leur forme, un rabaissement inutile. Puisque la publication d'un jugement de valeur bénéficie de la liberté d'expression, il faut cependant faire preuve d'une certaine retenue lorsque le public était en mesure de reconnaître les faits sur lesquels le jugement se fondait. Une opinion caustique doit être acceptée. Un jugement de valeur n'est attentatoire à l'honneur que lorsqu'il rompt le cadre de ce qui est admis et laisse entendre un état de fait qui ne correspond pas à la réalité ou conteste à la personne concernée tout honneur d'être humain ou personnel (ATF 126 III 305 consid. 4b/bb et les références). 
 
2.4 Le Tribunal fédéral revoit avec retenue l'appréciation de l'instance cantonale dans la pondération entre l'intérêt de la victime à la protection de sa personnalité et celui de l'intérêt invoqué par l'auteur comme motif justificatif; l'autorité cantonale dispose à cet égard d'un certain pouvoir d'appréciation (art. 4 CC; ATF 129 III 531 consid. 3.1; 126 III 209 consid. 3a p. 212 et la jurisprudence citée). Le Tribunal fédéral n'intervient que si la décision s'écarte sans raison sérieuse des règles établies par la jurisprudence ou s'appuie sur des faits qui, en l'occurrence, ne devaient jouer aucun rôle ou encore ne tient, au contraire, pas compte d'éléments qui auraient absolument dû être pris en considération (ATF 126 III 305 consid. 4a p. 306 et les références). 
 
3. 
L'arrêt attaqué considère que dans la mesure où elle se contentait de faire des pronostics ou des évaluations sur des événements futurs (doutes quant à un scandale possible, manque d'impact sur le public des pratiques sexuelles même les plus déviantes, vu leur banalisation) ou d'émettre des jugements de valeur (« mocheté » du cheval présenté), la lettre de lecteur incriminée ne contenait que des jugements de valeur subjectifs, ne relevant que de la liberté d'opinion de leur auteur et appelant la plus grande retenue puisque le public était en mesure de reconnaître en l'espèce le contexte dans lequel ces jugements étaient émis. 
 
En revanche, dans la mesure où la lettre laissait entendre au lecteur moyen que, d'une manière générale, il était de notoriété publique («c'est désormais bien connu») que les étudiants de l'ECAL devaient exécuter des objets à connotation sexuelle («... il est étudiant dans cette école où ... il faut créer de préférence dans le genre sexe...») pour voir leurs oeuvres favorisées ou tout au moins appréciées du directeur («s'y faire bien voir») et qu'elle faisait ainsi comprendre que le choix du cheval présenté par l'ECAL au Marché-Concours de Saignelégier résultait d'une politique artistique délibérée poursuivie par l'intimé au sein de l'école qu'il dirigeait, elle mettait en doute, selon l'autorité cantonale, la probité intellectuelle et l'honnêteté artistique de l'intimé dans sa fonction de directeur de l'ECAL. 
 
L'autorité cantonale a dès lors examiné si les allégations du recourant relatives aux préférences artistiques et professionnelles de l'intimé au sein de l'ECAL pouvaient être considérées comme établies. Elle est arrivée, au terme d'une analyse approfondie des témoignages et pièces versées au dossier, au constat suivant: l'intimé était un provocateur qui le revendiquait publiquement et qui multipliait les déclarations fracassantes; il avait fait connaître l'ECAL par des opérations «coup de poing»; il était certes établi que l'école, dans sa section design graphique, avait produit des objets à connotation sexuelle (botte-culs; boîtes à godemichés), mais il était aussi prouvé que l'ECAL, sous l'impulsion de l'intimé, menait également des projets dans le domaine du design industriel et du design de produit et avait montré, à sa troisième apparition à la Foire de l'Ameublement de Milan en 2003, des objets sérieux tels des cuisines ou des chaises; il ressortait encore d'un article de l'AGEFI du 7 juillet 2003 et d'un article publié en allemand et en anglais dans le numéro de juillet/août 2003 dans la revue « design report » que ces projets étaient en cours de réalisation ou étaient déjà réalisés au moment de la publication de la lettre du recourant le 27 juillet 2003. L'autorité cantonale en a déduit qu'il était insoutenable de prétendre qu'un étudiant devait créer dans le domaine du sexe pour plaire au directeur de l'ECAL; par ailleurs, d'autres éléments postérieurs à la parution de la lettre de lecteur, dont il fallait tenir compte, démontraient que l'ECAL avait des activités dans diverses branches de l'art entièrement étrangères aux choses du sexe, ne présentant aucun caractère de provocation. En conséquence, a conclu l'autorité cantonale, les propos du recourant selon lesquels l'intimé avait un intérêt exclusif pour les choses du sexe et pour la provocation gratuite qui déteignaient sur l'enseignement prodigué dans cette école, étaient faux et, partant, un tel mensonge ou une telle insinuation avaient porté une atteinte illicite à sa personnalité. 
 
Enfin, l'autorité cantonale a retenu qu'aucun motif justificatif, en particulier, la légitime défense, ne pouvait être admis. Le recourant pouvait être aussi provocateur que l'intimé dans le domaine des goûts et des opinions au sujet de l'expression artistique, ainsi que de la manière de faire connaître ceux-ci, mais il ne pouvait pas déborder de ce domaine sans violer le principe de la proportionnalité. Or, il était sorti du débat en énonçant un fait objectivement faux au sujet de la manière dont l'intimé dirigeait l'ECAL. 
 
4. 
Le recourant reproche à la juridiction cantonale de n'avoir pas suffisamment tenu compte de sa liberté d'expression garantie par l'art. 10 CEDH et d'avoir violé l'art. 28 CC en considérant que ses propos étaient attentatoires à l'honneur de l'intimé. Elle aurait, selon lui, interprété faussement ceux-ci, omis de prendre en considération des critères déterminants pour apprécier le caractère illicite ou non de l'atteinte et mal apprécié la perception du lecteur moyen. C'est également de manière arbitraire, parce que contraire aux faits établis, que l'autorité cantonale aurait contesté la véracité de son affirmation et considéré que ses propos étaient mensongers. 
 
4.1 Dans sa lettre de lecteur, le recourant ne s'est guère attardé sur le sujet même de l'article « Le sulfureux étalon vaudois » paru le 20 juillet et les critères ayant conduit le jury, sous la présidence de l'intimé, à choisir le cheval vaudois genre « sadomaso ». Sur ce point, il ne s'est pas livré, comme on aurait pu en attendre d'un courtier en art, à une véritable critique artistique, mais il s'est contenté de quelques pronostics, évaluations et jugements de valeur, qu'il était certes en droit d'émettre en vertu de sa liberté d'opinion, comme l'a retenu à juste titre l'autorité cantonale, même si ses propos pouvaient apparaître sévères, voire dévalorisants (« mocheté », « ce plouc de directeur de l'ECAL », « mauvais goût » de l'intimé). Un lecteur moyen était en mesure de reconnaître, par la référence au Marché-Concours de Saignelégier et les photographies illustrant le texte litigieux, le contexte dans lequel les propos en question avaient été proférés. 
 
Le recourant est toutefois sorti volontairement du cadre de l'oeuvre en question, qui ne lui a servi, semble-t-il, que de prétexte, pour faire carrément comprendre au lecteur que si le lauréat avait choisi le thème du sadomasochisme pour décorer son cheval, c'était pour se faire bien voir de l'intimé, non pas en tant que président du jury connu pour apprécier et encourager la création d'oeuvres sur ce thème, mais en sa qualité de directeur de l'ECAL favorisant les étudiants qui font dans le genre « sexe, tendance déviant, crade, pervers », à l'image de produits précédemment créés (« boîte de jouets sexe », « botte-cul sexe »). Le recourant a clairement laissé entendre par là au lecteur moyen que, d'une manière générale, le directeur de l'école favorisait la création d'oeuvres à connotation sexuelle et « sadomaso » au détriment d'autres genres de création, et que si l'on voulait réussir dans son école, il fallait faire dans le genre. Le fait que le recourant a ajouté « de préférence » ne change rien à cela. Ainsi que l'a retenu l'autorité cantonale, le recourant a, dans sa lettre de lecteur, bel et bien mis en doute la probité intellectuelle et l'honnêteté artistique de l'intimé dans sa fonction de directeur de l'ECAL. 
 
4.2 Il appartenait au recourant d'établir la véracité des faits attentatoires aux droits de la personnalité de l'intimé pour échapper au reproche d'illicéité (art. 8 et 28 al. 2 CC, cf., supra, consid. 2.3.1). Or, au terme de son examen fouillé des éléments du dossier, l'autorité cantonale est arrivée non seulement à la conclusion que le recourant n'avait pas réussi à prouver ce qu'il avançait, à savoir qu'il fallait créer dans le domaine du sexe pour plaire au directeur de l'ECAL, mais encore que l'intimé avait lui-même apporté la preuve du contraire, soit que l'ECAL avait des activités dans diverses branches de l'art entièrement étrangères aux choses du sexe et ne présentant aucun caractère de provocation particulier. 
 
Le recourant ne démontre pas que l'autorité cantonale a conclu arbitrairement à la fausseté des faits en question. Il se trompe lorsqu'il croit qu'il suffisait de prouver que le fait que l'étudiant (« jeune homme brésilien ») s'était bien fait voir de son directeur en créant son oeuvre « sadomaso » et que celle-ci avait plu à celui-ci, était conforme à la vérité. Ce qu'il lui appartenait en effet de prouver - et qu'il n'a pas réussi à faire -, c'était son assertion selon laquelle pour plaire au directeur de l'ECAL et implicitement réussir dans cette école, un étudiant devait créer dans le domaine du sexe et du « sadomaso ». 
 
5. 
Il résulte de ce qui précède que le recours doit être rejeté dans la mesure de sa recevabilité. 
 
Le recourant, qui invoque son indigence, a bénéficié de l'assistance judiciaire en instance cantonale. Son recours au Tribunal fédéral n'étant pas apparu d'emblée manifestement dépourvu de chances de succès au sens de l'art. 64 al. 1 LTF, il y a lieu de le mettre au bénéfice de la même mesure pour la procédure fédérale. 
 
L'intimé, qui obtient gain de cause, a droit à des dépens (art. 68 al. 1 et 2 LTF). 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
 
1. 
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2. 
La demande d'assistance judiciaire du recourant est admise, Me Christophe Tafelmacher lui étant désigné comme avocat pour la procédure fédérale. 
 
3. 
Un émolument judiciaire, arrêté à 3'000 fr., est mis à la charge du recourant, mais il est supporté provisoirement par la Caisse du Tribunal fédéral. 
 
4. 
Le recourant versera à l'intimé une indemnité de 3'000 fr. à titre de dépens pour la procédure fédérale. 
 
5. 
La Caisse du Tribunal fédéral versera à Me Christophe Tafelmacher une indemnité de 3'000 fr. à titre d'honoraires. 
 
6. 
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Chambre des recours du Tribunal cantonal du canton de Vaud. 
 
Lausanne, le 26 juin 2008 
Au nom de la IIe Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
Le Président: Le Greffier: 
 
Raselli Fellay