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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
1B_297/2009 
 
Arrêt du 26 novembre 2009 
Ire Cour de droit public 
 
Composition 
MM. les Juges Féraud, Président, Raselli et Fonjallaz. 
Greffière: Mme Tornay Schaller. 
 
Parties 
A.________, représentée par Me Alain Macaluso, avocat, 
recourante, 
 
contre 
 
B.________, représenté par Me Isabel von Fliedner, avocate, 
intimé, 
Procureur général du canton de Genève, 1211 Genève, 
 
C.________, représentée par Me Olivier Wehrli, avocat, 
partie intéressée. 
 
Objet 
saisie pénale conservatoire, 
 
recours contre l'ordonnance de la Chambre d'accusation de la Cour de justice du canton de Genève du 30 septembre 2009. 
 
Faits: 
 
A. 
Le 13 février 2007, B.________ a déposé une plainte pénale pour abus de confiance et blanchiment d'argent contre C.________, dont il était divorcé depuis 2006. Celle-ci se serait approprié à son insu des fonds qu'il détenait sur un compte bancaire, en les transférant successivement sur d'autres comptes bancaires qu'elle maîtrisait. 
Le 11 mars 2008, le Juge d'instruction genevois, chargé de la cause, a ordonné l'identification et la saisie pénale conservatoire d'un compte de la société A.________, auprès de la banque X.________, à concurrence de 1'200'000 de francs. Cette mesure était assortie d'une interdiction d'informer le client. Entre septembre 2004 et décembre 2006, la société A.________ avait reçu quatre transferts de fonds, d'un montant total de 154'400 euros, en provenance d'un compte auprès de la banque Y.________, dont C.________ était l'ayant droit économique. 
En date du 2 octobre 2008, le Juge d'instruction a inculpé C.________ d'abus de confiance. 
 
B. 
Suite à la levée de l'interdiction d'informer le client, datée du 26 mai 2009, la banque X.________ a averti A.________ de la saisie. Contestant tout manquement permettant de saisir ses avoirs, A.________ a demandé au Juge d'instruction, le 18 juin 2009, la levée immédiate de la saisie du compte auprès de la banque X.________ SA. Par courrier daté du 10 juillet 2009 et reçu le 14 juillet 2009, le Juge d'instruction a répondu maintenir "en l'état" la saisie des fonds. 
Par acte du 24 juillet 2009, A.________ a recouru auprès de la Chambre d'accusation de la Cour de justice du canton de Genève (ci-après: la Chambre d'accusation). Sur le plan formel, elle a fait valoir que la lettre du 10 juillet 2009 était bien une décision, dès lors que le magistrat instructeur rejetait la requête de levée de saisie. Elle a développé par ailleurs ses arguments au fond. 
 
C. 
Par ordonnance du 30 septembre 2009, la Chambre d'accusation a déclaré le recours irrecevable. Elle a considéré en substance que la lettre du 10 juillet 2009 avait la portée d'un accusé de réception, ou d'une simple confirmation de la mesure, ou encore d'une seconde notification de la décision de saisie du 11 mars 2008. Le recours déposé le 24 juillet 2009 serait donc d'une part, dirigé contre un acte non sujet à recours et d'autre part, tardif en tant qu'il viserait la décision de saisie initiale du 11 mars 2008. 
 
D. 
Agissant par la voie du recours en matière pénale, A.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler l'ordonnance du 30 septembre 2009 et de retourner le dossier à l'autorité cantonale pour examen du fond du litige et nouvelle décision au sens des considérants. Elle se plaint d'une violation de l'interdiction du déni de justice formel (art. 29 al. 1 Cst.), d'une application arbitraire des art. 22, 190 al. 1 et 192 du code de procédure pénale genevoise du 27 septembre 1977 (CPP/GE; RSG E 4 20) et d'une violation des règles de la bonne foi (art. 5 al. 3 et 9 Cst.). 
La Chambre d'accusation renonce à se déterminer et se réfère aux considérants de son ordonnance. Le Ministère public du canton de Genève et B.________ concluent au rejet du recours. Bien qu'elle y ait été invitée, C.________ ne s'est pas déterminée. 
 
Considérant en droit: 
 
1. 
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 135 III 1 consid. 1.1 p. 3). 
 
1.1 Le recours est dirigé contre une décision d'irrecevabilité prise en dernière instance cantonale; sur le fond, la contestation porte sur le maintien d'une saisie pénale conservatoire. Le recours est dès lors recevable comme recours en matière pénale selon les art. 78 ss LTF
 
1.2 La décision par laquelle le juge refuse d'entrer en matière sur une demande de levée du séquestre pénal constitue une décision incidente, qui ne met pas fin à la procédure (cf. ATF 128 I 129 consid. 1 p. 131; 126 I 97 consid. 1b p. 100 et les références). Conformément à l'art. 93 al. 1 let. a LTF, une telle décision ne peut faire l'objet d'un recours devant le Tribunal fédéral que si elle peut causer un préjudice irréparable. En matière pénale, un préjudice ne peut être qualifié d'irréparable au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF que s'il cause un inconvénient de nature juridique (ATF 133 IV 139 consid. 4 p. 141 et les références citées). Il en va ainsi du refus d'entrer en matière sur la demande de levée du séquestre du 18 juin 2009, qui prive la recourante de tout contrôle judiciaire à cet égard. 
Les autres conditions de recevabilité sont réunies, si bien qu'il y a lieu d'entrer en matière. 
 
2. 
Invoquant l'art. 29 al. 2 Cst., la recourante fait grief à la Chambre d'accusation d'avoir fait preuve de formalisme excessif en déclarant son recours irrecevable. Elle reprend cette critique sous l'angle d'une prétendue violation des règles de la bonne foi (art. 5 al. 3 et 9 Cst.). Ces moyens se confondent et doivent dès lors être examinés ensemble. 
 
2.1 Le formalisme excessif est un aspect particulier du déni de justice prohibé par l'art. 29 al. 2 Cst. Il est réalisé lorsque la stricte application des règles de procédure ne se justifie par aucun intérêt digne de protection, devient une fin en soi, complique de manière insoutenable la réalisation du droit matériel ou entrave de manière inadmissible l'accès aux tribunaux. L'excès de formalisme peut résider soit dans la règle de comportement imposée au justiciable par le droit cantonal, soit dans la sanction qui lui est attachée (ATF 130 V 177 consid. 5.4.1 p. 183; 128 II 139 consid. 2a p. 142; 127 I 31 consid. 2a/bb p. 34 et les arrêts cités). 
En tant qu'elle sanctionne un comportement répréhensible de l'autorité dans ses relations avec le justiciable, l'interdiction du formalisme excessif poursuit le même but que le principe de la bonne foi (art. 5 al. 3 Cst.), érigé en droit fondamental à l'art. 9 Cst. A cet égard, elle commande à l'autorité d'éviter de sanctionner par l'irrecevabilité les vices de procédure aisément reconnaissables qui auraient pu être redressés à temps, lorsque celle-ci pouvait s'en rendre compte assez tôt et les signaler utilement au plaideur (ATF 125 I 166 consid. 3a p. 170; 124 II 265 consid. 4a p. 270 et les références). 
 
2.2 En l'espèce, la Chambre d'accusation a fondé son raisonnement sur le fait que la décision litigieuse ne constituerait en réalité qu'un accusé de réception de la requête de levée de la saisie du 18 juin 2009, voire une "simple confirmation de la mesure" ou encore la "seconde notification d'une décision rigoureusement identique à celle déjà signifiée", laquelle ne serait pas susceptible de déclencher le délai de recours. Tout en considérant que l'acte attaqué ne constitue pas une décision de refus de levée du séquestre, la Chambre d'accusation précise que la recourante est légitimée "à renouveler sa demande", auquel cas le Juge d'instruction devra "statuer sur celle-ci par une décision en bonne et due forme", laquelle sera alors susceptible de recours. 
Ce faisant, la Chambre d'accusation ne prétend pas que la requête en levée de saisie formée par la recourante le 18 juin 2009 serait défectueuse ou insuffisamment motivée. Elle ne soutient pas non plus que la recourante devrait présenter une requête différente de celle déposée le 18 juin 2009, ni que le Juge d'instruction pourrait refuser d'y répondre ou se limiter à affirmer que sa décision du 11 mars 2008 serait entrée en force. En somme, suivant le raisonnement de l'instance précédente, il aurait suffi que le Juge d'instruction réponde à la requête du 18 juin 2009 par une décision motivée, discutant les arguments de la recourante, pour que le recours ait été ouvert. Partant, la Chambre d'accusation fait supporter à la recourante les défauts formels et le manque de motivation qu'elle constate dans la décision du Juge d'instruction. 
S'ajoute à cela le fait qu'en intitulant ses observations "Observations du Juge d'instruction sur le recours formé par [la recourante], tiers saisi, contre la décision du Juge d'instruction du 10 juillet 2009 refusant de lever la saisie pénale conservatoire des avoirs [...] placés sur compte auprès de la banque X.________", le magistrat instructeur a lui-même considéré son courrier du 10 juillet 2009 comme une décision comportant le refus de la levée de saisie. 
Par ailleurs, quinze mois après la décision de saisie, la requête de la recourante, se fondant sur des pièces et des arguments que le Juge d'instruction ignorait lorsqu'il a rendu sa décision de saisie initiale le 11 mars 2008, s'inscrit dans le contexte de l'obligation qui est faite au magistrat instructeur d'examiner régulièrement si les conditions de la saisie sont ou non toujours réalisées et d'y porter une attention renouvelée au fur et à mesure de l'avancement de l'enquête (ATF 122 IV 91 consid. 4 p. 95 s.). 
Dans ces conditions, en refusant de reconnaître à la lettre du 10 juillet 2009 la qualité de décision sujette à recours, et en en déduisant l'irrecevabilité du recours, la Chambre d'accusation a fait preuve de formalisme excessif et a violé le principe de la bonne foi. Pour ce motif déjà, le recours doit être admis, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres griefs avancés par la recourante. Il convient donc de renvoyer la cause à la Chambre d'accusation pour qu'elle statue sur le fond du litige. 
 
3. 
Vu ce qui précède, le recours est admis. L'intimé, qui succombe, supportera la moitié des frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). Il n'y a pas lieu de mettre le solde de ces frais à la charge du canton de Genève, représenté par son Ministère public (art. 66 al. 4 LTF). L'intimé et le canton de Genève verseront des dépens à la recourante qui obtient gain de cause avec l'assistance d'un avocat (art. 68 al. 1 et 2 LTF). 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
 
1. 
Le recours est admis. L'arrêt attaqué est annulé et la cause renvoyée à la Chambre d'accusation de la Cour de justice du canton de Genève. 
 
2. 
Les frais judiciaires sont mis à la charge de l'intimé, B.________, à concurrence de 1'000 francs. 
 
3. 
Le canton de Genève ainsi que l'intimé, B.________, verseront chacun à A.________ la somme de 1'000 francs à titre de dépens. 
 
4. 
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires de la recourante, de l'intimé et de la partie intéressée, au Procureur général et à la Chambre d'accusation de la Cour de justice du canton de Genève. 
 
Lausanne, le 26 novembre 2009 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
Le Président: La Greffière: 
 
Féraud Tornay Schaller