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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
                 
 
 
4A_390/2018  
 
 
Arrêt du 27 mars 2019  
 
Ire Cour de droit civil  
 
Composition 
Mmes les Juges fédérales 
Kiss, Présidente, Hohl et Niquille. 
Greffière : Mme Schmidt. 
 
Participants à la procédure 
X.________, 
représentée par Me Pierre Bayenet, 
recourante, 
 
contre  
 
U.________, représenté par Me Thierry F. Ador, 
intimé. 
 
Objet 
contrat de travail; heures supplémentaires, 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice du canton de Genève, Chambre des prud'hommes, du 28 mai 2018 (C/27881/2013-5, CAPH/73/2018). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. Le 23 octobre 2002, X.________ (ci-après: l'employée ou la demanderesse) est entrée au service de A.________, ambassadeur de U.________ (ci-après: l'employeur ou le défendeur) à Genève. Elle était engagée en qualité d'employée de maison dans la résidence de fonction du précité, propriété de l'employeur, où elle logeait et prenait ses repas. Avant cela, l'employée travaillait déjà pour la famille A.________ en qualité de gouvernante dans différents pays, d'octobre 1990 à septembre 2002. Le 27 décembre 2007, la famille A.________ a quitté Genève, le mandat de A.________ ayant pris fin. Lorsqu'elle était au service de A.________, le salaire mensuel de l'employée oscillait entre 1'745 fr. et 2'214 fr. (avec, dans ce dernier cas, une prime annuelle de 1'400 fr. en sus).  
Pour la période du 23 octobre 2002 au 30 décembre 2007, l'employée allègue avoir accompli les tâches suivantes: elle assurait la prise en charge des quatre enfants de la famille A.________ (toilette, habillement, coiffure, assistance aux repas, assistance aux devoirs, etc.), qui en 2002 étaient âgés de 19, 17, 15 et 8 ans, nettoyait le second étage de la résidence (quatre chambres à coucher, deux salles de bain et trois WC pour une durée de 5 heures), servait à table les membres de la famille et aidait à la préparation des repas. 
D'octobre 2002 à avril 2003, l'employée soutient avoir travaillé 13 heures par jour (de 6h à 22h, avec une pause de 2h30), à raison de sept jours par semaine, soit 91 heures par semaine. Dès avril 2013, elle allègue avoir travaillé 78 heures par semaine et avoir eu congé le mercredi. Elle dit avoir connu chaque année une période de trois semaines où la charge de travail était réduite en raison des vacances de la famille A.________, à l'exception de l'hiver 2006-2007 (elle avait accompagné la famille A.________ à U.________) et de l'hiver 2007-2008 (où elle avait préparé la résidence pour l'arrivée du nouvel ambassadeur). 
 
A.b. A compter du 1er janvier 2008, l'employée a travaillé pour B.________, le nouvel ambassadeur de U.________. Entre 2008 et 2012, son salaire mensuel oscillait entre 3'300 fr. (avec une prime annuelle de 2'800 fr. en sus) et 4'026 fr. (avec une prime annuelle de 3'500 fr. en sus).  
Du 31 décembre 2007 à février 2012, l'employée allègue avoir été cuisinière pour la famille B.________, qui comprenait en 2008 quatre enfants âgés de 12, 11, 8 et 6 ans, tout en contribuant aux autres tâches ménagères. Elle soutient avoir travaillé pendant cette période 15 heures par jour, sauf le mercredi, soit 90 heures par semaine, sous réserve d'une période annuelle de trois semaines durant laquelle la charge était moindre en raison des vacances de la famille. L'équipe de travail était toutefois de quatre personnes de juillet 2008 à l'été 2009. L'employée allègue que la femme et les enfants de B.________ sont rentrés dans leur pays d'origine en septembre 2009, sans que son cahier des charges ou son horaire de travail ne s'en soient trouvés réduits, dès lors que l'équipe de travail s'était à ce moment-là réduite de quatre à deux personnes. Elle a précisé que B.________ recevait presque quotidiennement des visiteurs et qu'elle devait fréquemment se mettre à disposition pour les réceptions organisées à la résidence, qui avaient en moyenne lieu une à deux fois par mois et l'occupaient jusqu'à 1h30 ou 2h du matin. 
De février à novembre 2012, l'horaire contractuel de l'employée n'était pas dépassé, puisque la résidence faisait l'objet de travaux de rénovation et l'ambassadeur ne faisait qu'y prendre ses repas, demeurant pour le reste à l'hôtel. 
B.________ a quitté la Suisse le 16 juillet 2012 et son successeur est arrivé à la fin du mois d'août 2012. 
 
A.c. Par courrier recommandé du 20 septembre 2012, l'employeur a résilié le contrat de travail de l'employée, avec effet au 1er décembre 2012. L'employée a contesté les conditions de son licenciement dans un courrier du 3 décembre 2012.  
 
B.  
 
B.a. Par demande du 23 décembre 2013 devant le Tribunal des prud'hommes, X.________ a conclu à ce que U.________, A.________ et B.________ soient condamnés conjointement et solidairement au paiement d'une somme totale brute de 621'584 fr. Elle a ensuite réduit ses conclusions à la somme totale brute de 366'211 fr. 88, plus intérêts à 5% l'an dès le 1er novembre 2007 (date moyenne). Ladite somme se décomposait comme suit: 33'642 fr. 50 à titre de différence de salaire de 2002 à 2007; 278'818 fr. 26 à titre d'indemnité pour heures supplémentaires; 26'852 fr. 67 à titre d'indemnité pour jours fériés travaillés et 26'898 fr. 45 à titre d'indemnité de vacances.  
U.________ a en substance conclu au déboutement de l'employée de toutes ses conclusions, se prévalant notamment de ce qu'il n'a été l'employeur de la demanderesse que d'avril à novembre 2012, les employeurs précédents étant A.________ et B.________ personnellement. Requis par le tribunal de communiquer les adresses de A.________ et B.________, il a répondu que celles-ci lui étaient inconnues. 
A.________ et B.________ ne se sont pas présentés aux audiences et n'ont pas déposé d'écritures. 
 
B.b. Par jugement du 13 juin 2017, le Tribunal des prud'hommes a condamné U.________ à verser les sommes brutes suivantes à l'employée: 154'440 fr. avec intérêts à 5% l'an dès le 1er novembre 2007, sous déduction de la somme nette de 125'897 fr. 40 à titre de salaire (ch. 2 du dispositif); 240'871 fr. 20 avec intérêts à 5% l'an dès le 1er novembre 2007 à titre d'indemnité pour heures supplémentaires et pour jours fériés travaillés (ch. 3); 17'359 fr. 90 avec intérêts à 5% l'an dès le 30 novembre 2012 à titre d'indemnité pour vacances non prises (ch. 4).  
 
B.c. Par arrêt du 28 mai 2018 rendu sur l'appel interjeté par l'employeur, la Chambre des prud'hommes de la Cour de justice a notamment annulé les chiffres 3 et 4 du dispositif du jugement précité et statué à nouveau sur ceux-ci, en ce sens que l'employeur est condamné à payer à l'employée les sommes brutes de 2'145 fr. 60 plus intérêts à 5% l'an dès le 30 novembre 2012 à titre d'indemnité pour jours fériés travaillés et de 13'341 fr. 40 plus intérêts à 5% l'an dès le 30 novembre 2012 à titre d'indemnité pour vacances non prises. Aucune indemnité n'a donc été accordée à l'employée pour les heures supplémentaires qu'elle a allégué avoir effectuées. Le raisonnement de la cour cantonale sur ce point, seul encore litigieux, sera repris en tant que de besoin dans la partie en droit.  
 
C.   
Contre cet arrêt, l'employée saisit le Tribunal fédéral d'un recours en matière civile. Elle conclut en substance à ce que l'employeur soit condamné à lui verser la somme de 240'871 fr. 20 plus intérêts moratoires à 5% l'an dès le 1er novembre 2007 à titre d'indemnité pour heures supplémentaires. Elle requiert le bénéfice de l'assistance judiciaire. 
La partie adverse et l'autorité précédente n'ont pas été invitées à se déterminer. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
Interjeté en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) par l'employée qui a succombé partiellement dans ses conclusions en paiement (art. 76 al. 1 LTF), contre une décision finale (art. 90 LTF) rendue sur appel par le tribunal supérieur du canton (art. 75 LTF) dans une affaire de contrat de travail (art. 72 al. 1 LTF), dont la valeur litigieuse est supérieure à 15'000 fr. (art. 74 al. 1 let. a LTF), le recours en matière civile est recevable au regard de ces dispositions. 
 
2.  
 
2.1. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en écarter que si ces faits ont été établis de façon manifestement inexacte - ce qui correspond à la notion d'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 137 I 58 consid. 4.1.2; 137 II 353 consid. 5.1) - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF), et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF).  
Concernant l'appréciation des preuves, le Tribunal fédéral n'intervient, du chef de l'art. 9 Cst., que si le juge du fait n'a manifestement pas compris le sens et la portée d'un moyen de preuve, a omis sans raisons objectives de tenir compte des preuves pertinentes ou a effectué, sur la base des éléments recueillis, des déductions insoutenables (ATF 137 III 226 consid. 4.2; 136 III 552 consid. 4.2; 134 V 53 consid. 4.3; 133 II 249 consid. 1.4.3; 129 I 8 consid. 2.1). 
 
2.2. Saisi d'un recours en matière civile, le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il n'est toutefois lié ni par les motifs invoqués par les parties, ni par l'argumentation juridique retenue par l'autorité cantonale; il peut donc admettre le recours pour d'autres motifs que ceux invoqués par le recourant, comme il peut le rejeter en opérant une substitution de motifs (ATF 135 III 397 consid. 1.4 et l'arrêt cité).  
 
3.   
Il incombe au travailleur de prouver qu'il a effectué les heures supplémentaires au sens de l'art. 321c CO et de prouver la quotité des heures dont il demande la rétribution (art. 8 CC; ATF 129 III 171 consid. 2.4 p. 176; arrêts 4A_28/2018 du 12 septembre 2018 consid. 3; arrêt 4A_482/2017 du 17 juillet 2018 consid. 2.1). S'il n'est pas possible d'établir le nombre exact d'heures effectuées, le juge peut, par application analogique de l'art. 42 al. 2 CO, en estimer la quotité. L'évaluation se fonde sur le pouvoir d'appréciation des preuves et relève donc de la constatation des faits, que le Tribunal fédéral revoit uniquement sous l'angle de l'arbitraire (ATF 128 III 271 consid. 2b/aa p. 276; arrêt 4A_338/2011 du 14 décembre 2011 consid. 2.2, in PJA 2012 282). Si l'art. 42 al. 2 CO allège le fardeau de la preuve, il ne dispense pas le travailleur de fournir au juge, dans la mesure raisonnablement exigible, tous les éléments constituant des indices du nombre d'heures supplémentaires accomplies (ATF 133 III 462 consid. 4.4.2 p. 471; 122 III 219 consid. 3a p. 221; arrêt 4A_482/2017 précité consid. 2.1). 
Lorsque l'employeur n'a mis sur pied aucun système de contrôle des horaires et n'exige pas des travailleurs qu'ils établissent des décomptes, il est plus difficile d'apporter la preuve requise (arrêts 4A_611/2012 du 19 février 2013 consid. 2.2; 4P.35/2004 du 20 avril 2004 consid. 3.2, in JAR 2005 p. 180); l'employé qui, dans une telle situation, recourt aux témoignages pour établir son horaire effectif utilise un moyen de preuve adéquat (arrêts 4A_28/2018 précité consid: 3; 4A_543/2011 du 17 octobre 2011 consid. 3.1.3). 
 
4.  
 
4.1. Selon la cour cantonale, il est établi, sur la base de deux témoignages (M.________ et N.________), que l'employée débutait sa journée de bonne heure, soit avant 7h. L'on ne pouvait cependant tenir pour acquis qu'elle effectuait quotidiennement les heures supplémentaires retenues par les premiers juges, soit 12 heures par jour durant toutes les années passées au service de l'employeur, en qualité de gouvernante de la famille A.________ ou de cuisinière de la famille B.________. D'après ses explications, le témoin M.________ effectuait en moyenne entre 8 et 9h de travail par jour et travaillait en cuisine, de sorte qu'il n'avait pas pu fournir d'explications précises sur les activités de l'employée. Il n'avait en outre pas travaillé au service de la famille B.________. Le témoignage de N.________, qui travaillait en qualité de jardinier pour les familles A.________ et B.________ à raison de 7 heures par jour, ne permettait pas plus de déterminer l'horaire de travail de l'employée. Il avait d'ailleurs déclaré ignorer si l'employée travaillait en continu ou faisait des pauses et l'heure à laquelle elle terminait son travail. La cour cantonale en a déduit que les témoignages recueillis et les autres éléments du dossier ne permettaient pas d'établir, ni même de rendre vraisemblable, la réalité et la quotité des heures supplémentaires alléguées par l'employée, de sorte qu'il ne se justifiait pas d'appliquer l'art. 42 al. 2 CO.  
 
4.2. A l'encontre de ce raisonnement, la recourante se plaint d'arbitraire dans la constatation des faits et l'appréciation des preuves, ainsi que de violation de l'art. 42 al. 2 CO. Elle affirme que la cour cantonale n'a sans motifs pas tenu compte, ni même mentionné, le témoignage de Z.________, qui selon elle confirme l'existence et la quotité des heures supplémentaires alléguées. Outre qu'elle n'en déduit aucune violation de son droit d'être entendue (art. 29 al. 2 Cst.), l'absence de mention de ce témoignage ne veut pas encore dire que les faits qui y sont rapportés doivent être tenus pour établis. Au demeurant, lorsqu'elle affirme que les déclarations en procédure de M.________ et N.________ sont entièrement cohérentes avec le témoignage de Z.________ et doivent être lues parallèlement à ce dernier, la recourante ne conteste pas que ces témoignages sont en tant que tels insuffisants pour prouver la réalité des heures supplémentaires alléguées. Enfin, le fait que les ambassadeurs et leur famille n'ont pas pu être entendus, faute pour leurs adresses d'avoir été communiquées, ne saurait conduire à un renversement du fardeau de la preuve au profit de la recourante. Partant, il n'apparaît ni que la cour cantonale ait constaté les faits ou apprécié les preuves de manière insoutenable, ni qu'elle ait violé l'art. 42 al. 2 CO en soumettant la preuve du travail supplémentaire à un degré de preuve indûment élevé.  
 
4.3.   
Il s'ensuit qu'il est superflu de traiter du grief relatif à une prétendue violation de l'art. 321c CO, puisqu'il suppose l'accomplissement d'heures supplémentaires par la recourante, en l'espèce non établi. 
 
5.   
Au vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté. 
Concernant la demande d'assistance judiciaire, celle-ci est subordonnée à la double condition que la partie requérante ne dispose pas de ressources suffisantes et que ses conclusions ne paraissent pas vouées à l'échec (art. 64 al. 1 LTF). En l'occurrence, l'on ne saurait retenir qu'au moment du dépôt de la requête, les chances de succès du recours n'étaient que légèrement inférieures aux risques de rejet (cf. ATF 139 III 396 consid. 1.2; 138 III 217 consid. 2.2.4). La seconde exigence cumulative n'étant pas réalisée, la recourante ne peut prétendre à l'octroi de l'assistance judiciaire gratuite, quelle que soit sa situation financière (arrêts 4A_558/2017 du 29 mai 2018 consid. 6; 4A_618/2017 du 11 janvier 2018 consid. 6). Néanmoins, à titre très exceptionnel, le Tribunal fédéral renonce à percevoir des frais judiciaires (art. 66 al. 1 i.f. LTF). 
L'intimé n'ayant pas été invité à se déterminer, il n'y a pas lieu de lui allouer des dépens. 
 
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.   
La demande d'assistance judiciaire est rejetée. 
 
3.   
Il n'est pas perçu de frais judiciaires ni alloué de dépens. 
 
4.   
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice du canton de Genève, Chambre des prud'hommes. 
 
 
Lausanne, le 27 mars 2019 
 
Au nom de la Ire Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Kiss 
 
La Greffière : Schmidt