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Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
4C.73/2003 /ech 
 
Arrêt du 27 mai 2003 
Ire Cour civile 
 
Composition 
MM. les Juges Corboz, Président, Walter et Favre. 
Greffier: M. Carruzzo. 
 
Parties 
A.________ SA, 
demanderesse et recourante, représentée par Me Olivier Couchepin, avocat, place Centrale 9, case postale 244, 1920 Martigny, 
 
contre 
 
Commune de Y.________, 
défenderesse et intimée, représentée par Me André-François Derivaz, avocat, avenue du Crochetan 2, case postale 1406, 1870 Monthey 2. 
 
Objet 
vente immobilière, détermination du prix, 
 
recours en réforme contre le jugement de la Cour civile II du Tribunal cantonal du canton du Valais du 31 janvier 2003. 
 
Faits: 
A. 
A.a Le 30 septembre 1988, D.________ SA a vendu à A.________ SA une parcelle portant le no. 75 pour le prix de 1'200'000 fr. Cette parcelle, de 6'878 m2, comportait notamment une fabrique et des bâtiments. 
 
Le 12 septembre 1991, X.________, administrateur de A.________ SA, a proposé à la commune de Y.________ (ci-après: la commune), qui était intéressée, de lui vendre le bien-fonds susmentionné au prix de 6'500'000 fr., "moyennant prise en charge par la commune de Y.________ de tout impôt occasionné par la transaction". La municipalité n'a pas accepté un tel prix. En 1991, la valeur fiscale de la parcelle était fixée à 3'998'724 fr. et sa valeur au bilan à 2'098'610 fr. 
 
Le 7 octobre 1991, le Conseil municipal de Y.________ a décidé de conclure avec A.________ SA un contrat de bail de 5 ans, pour un loyer annuel de 240'000 fr. indexé, ainsi qu'un pacte d'emption. La décision du Conseil municipal incluait la clause spéciale suivante: 
"La commune doit acquérir l'immeuble à l'échéance d'un délai de 5 ans, au prix de 4'500'000 fr., augmenté du 70 % de l'indexation du coût de la vie, plus la prise en charge de la totalité des impôts découlant de cette opération en prenant en considération la situation financière de la société A.________ SA au 31 décembre 1991. (...)." 
Le 19 octobre 1991, la commune et A.________ SA ont passé, devant notaire, une promesse de vente et d'achat et pacte d'emption, dont le chiffre II/4, consacré au prix d'achat, correspond presque textuellement aux clauses spéciales de l'arrêté municipal du 7 octobre 1991. Approuvé le 9 décembre 1991 par le Conseil général de Y.________, l'acte notarié a été enregistré le 19 décembre 1991 et annoté au registre foncier de Y.________ le même jour. 
A.b En 1993, les autorités de la commune ont suivi la procédure visant à la souscription d'un emprunt de 5'000'000 fr. pour l'acquisition du terrain no. 75, cette somme étant nécessaire "vu les conditions mentionnées dans l'acte du 19 octobre 1991". 
 
Le 13 janvier 1994, la commune a fait valoir son droit d'emption en précisant avoir versé 4'687'290 fr. (4'500'000 fr. plus l'indexation selon la promesse de vente et d'achat) et en rappelant son engagement de prendre en charge "les impôts découlant de l'opération relative à l'acquisition de la parcelle no. 75". Le 13 avril 1994, X.________ a admis l'exercice du droit d'emption et consenti au transfert de propriété en rappelant que "la clause relative à la prise en charge par la commune à raison de 100 % des impôts découlant de cette transaction (...) [était] confirmée et réservée". 
A.c Le 5 juin 1996, X.________ a eu un entretien avec les autorités de la commune, dans le but de réclamer à celle-ci le montant d'impôt calculé par le contrôleur des comptes, C.________, soit une projection d'impôts au 31 décembre 1991 d'un montant de 1'875'437 fr. 50. 
 
Le 19 juin 1996, la commune a réclamé à A.________ SA les quittances de paiement des impôts fédéral et cantonal, à savoir 189'291 fr., respectivement 271'666 fr. 50 
 
Par acte du 22 juin 1996, A.________ SA et B.________ AG ont fusionné, l'ensemble des activités de la première étant reprises par la seconde. 
 
Le 4 juillet 1996, l'avocat de A.________ SA a réclamé à la commune le paiement des impôts susmentionnés, soit 189'347 fr. pour l'impôt fédéral direct et 256'928 fr. 25 pour l'impôt cantonal. L'avocat s'est référé expressément à la situation financière de A.________ SA au 31 décembre 1991. Le 5 juillet 1996, la commune a versé 435'992 fr. 05 à ce titre (186'582 fr. 20 et 249'409 fr. 85) sur un compte bancaire de A.________ SA. 
 
Le 12 novembre 1996, l'avocat de A.________ SA a réclamé à la commune la somme de 1'439'445 fr. 45, comme solde des impôts à prendre en charge par celle-ci, par référence à la charge fiscale potentielle ou théorique calculée par C.________ à 1'875'437 fr. 50 et fixée par l'expert judiciaire à 1'185'276 fr. 50 ou 1'185'199 fr. 20. Quant à la charge fiscale réelle touchant A.________ SA et incluant les impôts fédéral, cantonal et communaux (Y.________, y compris les impôts non notifiés, et Z.________), elle s'élevait à 700'935 fr. 40 au moment de la taxation en 1994. 
B. 
Le 19 octobre 1998, A.________ a ouvert action contre la commune en vue d'obtenir le paiement de 1'439'445 fr. 45 avec intérêts à 5% dès le 31 décembre 1991. La défenderesse a conclu au rejet de la demande dans un premier temps, puis à l'admission partielle de celle-ci à concurrence de 15'533 fr. 45 avec intérêts à 5% dès le 4 juillet 1996. 
 
Statuant le 31 janvier 2003, la Cour civile II du Tribunal cantonal valaisan a rejeté l'action principale et condamné la défenderesse à verser à la demanderesse la somme et les intérêts que la première avait reconnu devoir à la seconde. A l'appui de son jugement, la cour cantonale a retenu que le prix de vente se composait du prix de base de 4'500'000 fr. et du 70 % de l'augmentation de l'indice du coût de la vie. En revanche, la prise en charge des impôts portant sur cette transaction ne constituait pas une partie du prix de vente; elle ne concernait que les impôts réellement décidés par les autorités fiscales compétentes et facturés. L'action tendant au paiement d'un éventuel solde de ce prix devait dès lors être rejetée. Pour le reste, les juges cantonaux ont pris acte d'une déclaration de la défenderesse par laquelle cette dernière admettait devoir encore 15'533 fr. 45, avec intérêts à 5 % dès le 4 juillet 1996, à la venderesse. 
C. 
Agissant par la voie du recours en réforme, la demanderesse conclut à l'annulation du jugement entrepris et au paiement, par la défenderesse, de la somme de 1'446'774 fr. 70 avec intérêts à 5 % dès le 31 décembre 1991. Elle reproche à la cour cantonale d'avoir violé l'art. 184 CO en refusant de considérer comme élément du prix les impôts dus sur la vente de l'immeuble à la commune. La demanderesse invoque aussi la violation des art. 1er et 18 CO du fait que les premiers juges n'ont pas considéré que les parties avaient déterminé de manière claire la façon de fixer le montant des impôts dus, même si, par la suite, ceux-ci ont été calculés différemment. Au demeurant, l'appréciation de la cour cantonale quant à la disparité entre le prix d'achat (1'200'000 fr.), en septembre 1988, et le prix de vente, en 1991, ne tiendrait pas compte, selon la demanderesse, de la détermination de l'assiette fiscale par l'expert judiciaire, et la réduction du prix, décidée par la cour cantonale en dehors des règles strictes de l'art. 21 CO, violerait le droit fédéral. Ce dernier (art. 18 CO) aurait également été méconnu par l'interprétation de la clause spéciale, alors que la volonté subjective des parties était "clairement et précisément définie". La demanderesse invoque aussi une violation de l'art. 120 CO, dont les conditions ne seraient pas réalisées en l'espèce, dès lors que la créance d'impôts invoquée par la commune en compensation de sa dette serait soit prescrite, soit non exigible. 
 
La défenderesse propose le rejet du recours. Elle souligne que la demanderesse n'a que très tardivement fait valoir sa demande de remboursement de l'impôt théorique, calculé par C.________ à 1'875'437 fr. 50. 
 
Le Tribunal fédéral considère en droit: 
1. 
Interjeté par la partie qui a succombé dans ses conclusions condamnatoires et dirigé contre un jugement final rendu en dernière instance cantonale par un tribunal supérieur (art. 48 al. 1 OJ) sur une contestation civile dont la valeur litigieuse atteint le seuil de 8'000 fr. (art. 46 OJ), le présent recours est en principe recevable; en outre, il a été déposé en temps utile (art. 54 al. 1 OJ) et dans les formes requises (art. 55 OJ). 
 
Le recours en réforme est ouvert pour violation du droit fédéral (art. 43 al. 1 OJ). En revanche, il ne permet pas d'invoquer la violation directe d'un droit de rang constitutionnel (art. 43 al. 1, 2e phrase OJ) ou la violation du droit cantonal (ATF 127 III 248 consid. 2c). 
 
Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des faits contenus dans la décision attaquée, à moins que des dispositions fédérales en matière de preuve n'aient été violées, qu'il faille rectifier des constatations reposant sur une inadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou compléter les constatations de l'autorité cantonale parce que celle-ci n'a pas tenu compte de faits pertinents et régulièrement allégués (art. 64 OJ). 
 
Dans la mesure où la partie demanderesse présente un état de fait qui s'écarte de celui contenu dans la décision attaquée, sans se prévaloir avec précision de l'une des exceptions qui viennent d'être rappelées, il n'est pas possible d'en tenir compte. Il ne peut être présenté de griefs contre les constatations de fait, ni de faits ou de moyens de preuve nouveaux (art. 55 al. 1 let. c OJ). Le recours en réforme n'est donc pas ouvert pour critiquer l'appréciation des preuves et les constatations de fait qui en découlent. La demanderesse ne peut ainsi pas rediscuter les faits retenus par la Cour civile II, notamment en ce qui concerne l'appréciation du témoignage de l'ancien président de la commune. Au demeurant, le grief, soulevé à cet égard, de violation de l'art. 8 CC est irrecevable, puisque cette disposition ne permet pas de corriger l'appréciation des preuves à laquelle a procédé la juridiction cantonale (ATF 128 III 22 consid. 2d et les arrêts cités). 
 
Dans son examen du recours, le Tribunal fédéral ne peut aller au-delà des conclusions des parties, lesquelles ne peuvent en prendre de nouvelles (art. 55 al. 1 let. b OJ); en revanche, il n'est lié ni par les motifs que les parties invoquent (art. 63 al. 1 OJ), ni par l'argumentation juridique de la cour cantonale (art. 63 al. 3 OJ; ATF 128 III 22 consid. 2e/cc in fine). Il peut donc admettre un recours pour d'autres motifs que ceux invoqués par la partie demanderesse et peut également rejeter un recours en adoptant une autre argumentation juridique que celle retenue par la cour cantonale (ATF 127 III 248 consid. 2c et les arrêts cités). 
2. 
La question litigieuse est celle de l'interprétation de l'art. II/4 de la promesse de vente et d'achat et pacte d'emption, du 19 octobre 1991, afin de connaître les éléments du prix de vente et de savoir plus particulièrement si la prise en charge des "impôts découlant de cette opération" faisait partie de ce prix. 
2.1 Face à un litige sur l'interprétation de clauses contractuelles, le juge doit tout d'abord s'efforcer de déterminer la commune et réelle intention des parties, en procédant à l'interprétation dite subjective, dont le résultat relève des constatations de fait qui lient le Tribunal fédéral. 
 
Si la volonté réelle des parties ne peut pas être établie ou si elle est divergente, le juge doit recourir à l'interprétation objective, fondée sur la théorie de la confiance. L'application du principe de la confiance est une question de droit que le Tribunal fédéral peut examiner librement dans le cadre du recours en réforme. Toutefois, pour trancher cette question, il faut s'appuyer sur le contenu des manifestations de volonté et sur les circonstances, qui relèvent du fait (ATF 129 III 118 consid. 2.5 et les arrêts cités). L'interprétation subjective a la priorité sur l'interprétation objective (ATF 125 III 305 consid. 2b p. 308; 121 III 118 consid. 4b/aa p. 123 et les références). 
2.2 Dans le cas particulier, la cour cantonale, procédant à l'appréciation des preuves, a acquis la conviction que la prise en charge des impôts, selon la volonté réelle des cocontractants, ne faisait pas partie du prix de vente. Il s'agit là d'une constatation de fait qui lie la juridiction fédérale de réforme. 
 
Les juges cantonaux en ont déduit que cette prise en charge ne pouvait dès lors porter que sur "les impôts réellement décidés par les autorités fiscales compétentes et effectivement facturés". A considérer la systématique du jugement, cette déduction semble devoir être rattachée à l'interprétation subjective du contrat, auquel cas elle serait soustraite à l'examen du Tribunal fédéral dans la procédure du recours en réforme. Cependant, à supposer que l'on soit en présence d'une conclusion tirée de l'interprétation objective du contrat, on ne voit pas en quoi cette conclusion violerait les principes susmentionnés relatifs à l'interprétation des manifestations de volonté. En effet, l'interprétation qui sous-tend pareille conclusion est conforme au sens des mots ordinaires utilisés dans la clause litigieuse et l'on ne peut inférer de celle-ci que la défenderesse se serait engagée à payer immédiatement un impôt théorique. 
 
Dès lors que la demanderesse ne prétend pas que le jugement attaqué aurait pour conséquence que la défenderesse ne lui rembourse pas la totalité des impôts réellement décidés et effectivement facturés, le rejet de sa prétention supplémentaire ne viole pas le droit fédéral. 
 
Dans la mesure où la demanderesse reproche à la cour cantonale d'avoir retenu un prix d'achat initial de 1'200'000 fr., d'avoir fait des déductions sur la base des prix et de ne pas avoir donné à certaines déclarations la portée qu'elle-même leur prête, elle remet en cause l'appréciation des preuves et l'établissement des faits, ce qui n'est pas admissible dans un recours en réforme. Il ne suffit pas de parler d'"appréciation juridique" pour changer la nature de tels griefs. Comme les premiers juges sont parvenus à une conviction, à la suite de leur appréciation des preuves, l'art. 8 CC n'a pas été violé puisqu'il ne dicte pas sur quelles bases le juge peut forger sa conviction (ATF 128 III 22 consid. 2d p. 25; 127 III 248 consid. 3a, 519 consid. 2a). 
 
Par une interprétation subjective soustraite à l'examen de la juridiction fédérale de réforme, la cour cantonale est arrivée à la conclusion que la prise en charge des impôts constituait un engagement accessoire ne faisant pas partie de l'accord touchant le prix de vente. Par une interprétation de même nature ou par une interprétation objective conforme au droit fédéral, elle a jugé que cette prise en charge ne portait que sur les impôts réellement décidés et effectivement facturés. Dans ces conditions, il ne saurait être question d'une violation de sa part des art. 1er, 18 et 184 CO
3. 
La demanderesse soutient que l'éventuelle disproportion entre le prix stipulé et la valeur de la chose vendue n'aurait pu être prise en considération que dans le cadre clairement circonscrit de la lésion (art. 21 CO). Aussi la solution adoptée par les premiers juges reviendrait-elle à réduire le prix de vente en dehors des conditions strictes d'application de cette disposition. 
 
Le moyen est dénué de fondement. L'argument tiré de la lésion n'aurait eu de sens que si la cour cantonale avait admis que les parties étaient convenues d'un impôt théorique et qu'elle avait corrigé le déséquilibre des prestations échangées en diminuant le prix de vente sans que les conditions d'application de l'art. 21 CO fussent réunies. 
4. 
Il en va de même, enfin, s'agissant du moyen pris de la compensation (art. 120 CO). Ce n'est que dans l'hypothèse - écartée plus haut - où la défenderesse aurait dû prendre en charge un impôt théorique que l'on pourrait se demander si elle pouvait exciper de la compensation avant d'avoir invoqué valablement sa prétention (notification fiscale). Le moyen en question est en conséquence voué à l'échec. 
5. 
La demanderesse, qui succombe, devra payer les frais de la procédure fédérale (art. 156 al. 1 OJ) et verser des dépens à la défenderesse (art. 159 al. 1 OJ). 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
1. 
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
2. 
Un émolument judiciaire de 10'000 fr. est mis à la charge de la recourante. 
3. 
La recourante versera à l'intimée une indemnité de 12'000 fr. à titre de dépens. 
4. 
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la Cour civile II du Tribunal cantonal du canton du Valais. 
Lausanne, le 27 mai 2003 
Au nom de la Ire Cour civile 
du Tribunal fédéral suisse 
Le président: Le greffier: