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«AZA 7» 
U 37/99 Sm 
 
 
IIe Chambre 
composée des Juges fédéraux Lustenberger, Président et Ferrari, Jaeger, suppléant; Berset, Greffière 
 
 
Arrêt du 28 février 2001 
 
dans la cause 
La Suisse Société d'assurance contre les accidents, avenue de Rumine 13, Lausanne, recourante, 
 
contre 
M.________, intimé, représenté par CARITAS Genève, rue de Carouge 53, Genève, 
 
et 
Tribunal administratif du canton de Genève, Genève 
 
 
 
A.- M.________ a travaillé comme garçon d'office au restaurant «B.________» à X.________. A ce titre, il était assuré contre les accidents professionnels et non professionnels par La Suisse, Assurances (ci-après : La Suisse). 
Le 13 septembre 1991, M.________ a fait une chute sur son épaule droite entraînant une rupture traumatique de la coiffe des rotateurs. Il a subi un accident (de voiture) le 26 juillet 1993 qui lui a occasionné des fractures du bassin, du cotyle droit, des côtes à droite et de la clavicule gauche (cf. rapport du 12 octobre 1993 des docteurs K.________, chef de clinique, et J.________, médecin-assistant de l'Hôpital cantonal universitaire de X.________). 
Dans un rapport d'expertise du 12 décembre 1994, le docteur H.________, spécialiste FMH en chirurgie, a estimé que la capacité de travail théorique de l'assuré était nulle dans son emploi de garçon d'office, mais totale dans une activité adéquate, en majeure partie sédentaire et sans port de charge. 
Chargé d'une mission d'expertise par La Suisse, le docteur C.________, privat-docent à la Faculté de médecine de l'Université de X.________ et médecin consultant à la Clinique universitaire d'orthopédie, a constaté que le traitement suivi n'était plus en relation avec les suites de l'accident mais avec les conséquences d'une spondylarthrite ankylosante, maladie de Bechterew, découverte fortuitement en cours de traitement en février 1994. Bien que stabilisée, cette affection aurait été décompensée par l'accident (rapport du 2 février 1996). 
Par décision du 14 mars 1996, La Suisse a mis fin, rétroactivement au 31 janvier 1995, au versement des indemnités journalières et à la prise en charge des frais de traitement et a nié tout droit de l'assuré à une rente d'invalidité, tout en lui accordant une indemnité pour atteinte à l'intégrité de 10 % pour l'accident de 1991 (épaule) et de 20 % pour l'accident de 1993 (hanche). 
M.________ ayant formé opposition à cette décision, La Suisse a confirmé son point de vue dans une décision sur opposition du 27 septembre 1996. 
 
B.- Le prénommé a interjeté recours contre cette décision sur opposition devant le Tribunal administratif de la République et canton de Genève, en concluant à l'octroi d'une rente entière d'invalidité de l'assurance-accidents. 
 
Dans le cadre de l'instruction, la cour cantonale a confié une mission d'expertise au docteur R.________, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique, consultant à la Clinique d'orthopédie de l'HCUG, qui a rendu son rapport le 20 juillet 1998. 
Par jugement du 8 décembre 1998, la cour cantonale a admis le recours de M.________, en ce sens qu'elle a renvoyé la cause à l'assureur afin qu'il alloue au prénommé une rente d'invalidité fondée sur un taux d'invalidité de 100 %, ainsi qu'une indemnité pour atteinte à l'intégrité tenant compte d'une atteinte de 30 % pour l'épaule, de 20 % pour la hanche et de 10 % pour la colonne vertébrale. 
 
C.- La Suisse interjette recours de droit administratif contre ce jugement, dont elle demande l'annulation, en concluant à la confirmation de sa décision sur opposition. M.________ conclut au rejet du recours. L'Office fédéral des assurances sociales ne s'est pas déterminé. 
 
D.- Dès le 1er mai 1995, M.________ a bénéficié d'une rente entière de l'assurance-invalidité (taux d'invalidité 100 %). 
 
 
Considérant en droit : 
 
1.- a) Le litige porte sur le droit de l'intimé à une rente d'invalidité de l'assurance-accidents et sur l'évaluation de l'atteinte à l'intégrité qu'il subit. 
 
b) Aux termes de l'art. 18 al. 1 LAA, l'assuré qui devient invalide à la suite d'un accident a droit à une rente d'invalidité. Si, par suite de l'accident, l'assuré souffre d'une atteinte importante et durable à son intégrité physique ou mentale, il a droit à une indemnité équitable pour atteinte à l'intégrité (art. 24 al. 1 LAA). 
 
c) Le droit à des prestations découlant d'un accident assuré suppose entre l'événement dommageable de caractère accidentel et l'atteinte à la santé un lien de causalité naturelle (ATF 119 V 337 consid. 1, 118 V 289 consid. 1b et les références). 
 
d) En vertu de l'art. 36 al. 1 LAA, les prestations pour soins, les remboursements de frais ainsi que les indemnités journalières et les allocations pour impotent ne sont pas réduits lorsque l'atteinte à la santé n'est que partiellement imputable à l'accident. La jurisprudence a souligné a à cet égard que lorsqu'un état maladif préexistant est aggravé ou, de manière générale, apparaît consécutivement à un accident, le devoir de l'assurance accidents d'allouer des prestations cesse si l'accident ne constitue pas la cause naturelle (et adéquate) du dommage, soit lorsque ce dernier résulte exclusivement de causes étrangères à l'accident. Tel est le cas lorsque l'état de santé de l'intéressé est similaire à celui qui existait immédiatement avant l'accident (statu quo ante) ou à celui qui serait survenu tôt ou tard même sans l'accident par suite d'un développement ordinaire (statu quo sine) (cf. RAMA 1992 no U 142 p. 75 sv. consid. 4b). A contrario, aussi longtemps que le statu quo sine vel ante n'est pas rétabli, l'assureur-accidents doit prendre à sa charge le traitement de l'état maladif préexistant, dans la mesure où il a été causé ou aggravé par l'accident. 
 
2.- a) Sur le plan formel, La Suisse reproche aux premiers juges de n'avoir pas considéré que les taux retenus dans sa décision du 14 mars 1996 en ce qui concerne l'atteinte à l'intégrité étaient entrés en force de chose jugée, dès lors qu'ils n'ont pas été contestés et qu'un montant de 29 160 fr. a été versé à ce titre à l'assuré en octobre 1996. 
 
b) Selon la jurisprudence, le juge n'examine les questions qui - bien qu'elles soient visées par la décision administrative, et fassent partie de l'objet de la contestation - ne sont plus litigieuses, d'après le conclusions du recours, et qui ne sont pas comprises dans l'objet du litige, que s'il existe un rapport de connexité étroit entre les points non contestés et l'objet du litige (ATF 125 V 415 sv. consid. 1b). Par ailleurs, l'autorité de recours n'examine les questions formant l'objet du litige, mais qui ne sont pas contestées, que s'il existe des motifs suffisants de le faire au regard des allégations des parties ou d'indices ressortant du dossier (ATF 125 V 417 sv. consid. 2c). 
 
c) En l'espèce, la question de la causalité - qui est litigieuse - est déterminante aussi bien pour le droit à la rente que pour le droit à l'indemnité pour atteinte à l'intégrité, de sorte que c'est à juste titre que les premiers juges ont élargi l'objet du litige à ce point (RAMA 1999 N° U 323 p. 98 sv. et les références). 
 
3.- a) Sur le plan matériel, la recourante fait grief à la cour cantonale, d'avoir fait siennes purement et simplement les conclusions de l'expert judiciaire, le docteur R.________, ceci sans égard aux divers avis médicaux divergents. 
 
b) Le juge des assurances sociales doit, quelle que soit la provenance, examiner l'ensemble des moyens de preuve de manière objective et décider s'ils permettent de trancher la question des droits litigieux de manière sûre. En particulier, le juge ne saurait statuer, en présence de rapports médicaux contradictoires, sans avoir examiné l'ensemble des preuves disponibles et sans indiquer les motifs qui le conduisent à retenir un avis médical plutôt qu'un autre (ATF 125 V 352 consid. 3a). 
 
c) En l'espèce, les experts R.________ et C.________ ont constaté, de manière concordante, que l'intimé a subi des lésions somatiques d'origine traumatique. L'un et l'autre ont diagnostiqué une épaule droite traumatique due à l'accident du 13 septembre 1991 (rupture de la coiffe des rotateurs) et différentes fractures dues à l'accident du 26 juillet 1993 (bassin/anneau pelvien, cotyle droit, côtes à droite). De surcroît les deux experts font état d'une maladie de Bechterew, susceptible d'avoir été décompensée temporairement par l'accident. 
Il résulte de ces constatations que les douleurs à 
l'épaule, au bassin et au dos dont se plaignait l'intimé étaient imputables pour une part à l'accident et pour une autre part à la maladie de Bechterew. 
 
d) Les experts divergent sur le point de savoir si ce lien de causalité (partiel) était encore présent ou avait disparu, à la date à laquelle La Suisse a mis fin à ses prestations de courte durée (31 janvier 1995). 
Selon le docteur C.________, l'accident de 1993 a décompensé la maladie de Bechterew, le statu quo sine (recte: statu quo ante) ne sera jamais retrouvé et l'état de santé de l'assuré était stabilisé et stationnaire. Quant à l'accident de 1991, il était responsable d'une diminution fonctionnelle (permanente) de l'épaule et une diminution (permanente) de la force musculaire du membre supérieur droit. 
De l'avis du docteur R.________, il était vraisemblable qu'une maladie de Bechterew ait pu être décompensée momentanément par un traumatisme; cette maladie évoluait cependant pour son propre compte secondairement, après consolidation du traumatisme osseux. Selon lui, les troubles à l'épaule étaient dus de façon certaine, à l'accident de 1991, alors que la relation de causalité naturelle entre l'accident de 1993 et les affections à la ceinture scapulaire était de «probable à seulement possible». Quant à la relation de l'accident de 1993 avec les troubles de la ceinture pelvienne, elle était probable. Ce praticien ne s'est cependant pas prononcé sur le statu quo sine. 
 
e) Les experts divergent également sur la taux de capacité de travail et sur les activités exigibles de la part de l'intimé. 
Selon le docteur C.________, l'intimé est capable de travailler à raison de 50 %, à condition qu'il s'agisse d'un travail léger, ne nécessitant ni une position assise, ni une station debout prolongée, avec la possibilité de changer de position souvent. Ce praticien n'indique toutefois pas si les limitations de l'épaule et du bras droits sont prises en compte dans cette appréciation, alors que le docteur R.________ a déclaré que l'intimé était inapte à se servir de son membre supérieur droit. Par ailleurs, de manière apparemment contradictoire par rapport à ses propres conclusions, le docteur C.________ se réfère dans ce contexte au rapport du docteur H.________ du 12 décembre 1994 - établi avant que le diagnostic de la maladie de Bechterew soit posé - où ce médecin admettait une capacité de travail de 100 % dans une activité adaptée. 
Le docteur R.________, pour sa part, fait état d'une incapacité de travail totale, car, il lui paraît difficile d'imaginer une activité professionnelle qui prenne en compte toutes les limitations imposées par son handicap. Ce praticien ne motive toutefois pas ses conclusions sur ce point. De plus, il ne distingue pas les activités que l'assuré ne pourraient plus exercer en raison des suites de l'accident de celles que rendraient impossibles la maladie de Bechterew. 
 
f) Le dossier fait aussi ressortir une divergence d'appréciation en matière d'atteinte à l'intégrité. Alors que le docteur C.________ a fait état d'une atteinte à l'intégrité de 20 % pour la hanche droite, que La Suisse a admis ce taux de 20 % pour la hanche et fixé en outre à 10 % l'atteinte à l'épaule, le docteur R.________ retient une atteinte à l'intégrité de 30 % pour l'épaule, 20 % pour la hanche et 10 % pour la colonne. 
 
g) Les conclusions de l'expert judiciaire ne permettent pas de statuer en fait, dès lors qu'il ne s'est pas prononcé sur le statu quo sine de la maladie de Betcherew et, le cas échéant, des affections post-traumatiques dont souffre l'intimé. Par ailleurs, si, contrairement au docteur C.________, l'expert judiciaire a tenté d'établir une distinction entre les atteintes respectives attribuables aux accidents, et à la maladie de Bechterew (cf. ch. 11 p. 10), son rapport ne permet pas de tirer des conclusions claires sur cette question délicate. La conclusion du docteur R.________ selon laquelle l'intimé présenterait une incapacité totale de travail n'apparaît pas fondée. En particulier, ce médecin n'explique pas en quoi les activités de gardien de parking ou de veilleur de nuit, considérées comme exigibles par La Suisse, ne pourraient pas être retenues. En outre, l'expert judiciaire n'indique pas non plus pour quels motifs ses conclusions diffèrent de celles des docteurs C.________ et H.________ sur la question de la causalité naturelle, sur le taux de capacité de travail de l'intimé, sur les activités exigibles de la part de ce dernier, et sur le degré des atteintes à l'intégrité des affections post-traumatiques diagnostiquées. Sur ce dernier point, sa proposition de fixer à 10 % l'atteinte à l'intégrité pour la colonne vertébrale, sans avoir diagnostiqué une atteinte à cette partie du corps, n'apparaît pas justifiée. 
Dans ces circonstances, les premiers juges ne pouvaient pas, comme ils l'ont fait, se fonder exclusivement sur les conclusions du docteur R.________, pour le seul motif que ce praticien avait la qualité d'expert judiciaire (ATF 125 V 352 consid. 3a). 
 
h) Au vu de ce qui précède, il n'est pas possible en l'état de trancher le litige, en particulier de se prononcer sur la question de la causalité naturelle entre les affections dont souffre l'intimé et les accidents qu'il a subis en 1991 et 1993. Il se justifie par conséquent d'annuler le jugement entrepris et de renvoyer la cause aux premiers juges afin qu'ils ordonnent une expertise orthopédique. Celle-ci devra notamment poser un diagnostic précis sur la nature des troubles dont souffre l'intimé, dire si ceux-ci sont en rapport de causalité naturelle avec les accidents assurés - en tenant compte du fait qu'une maladie de Bechterew a été décompensée par l'accident de 1993 - et indiquer si et, dans l'affirmative, quand le statu quo sine a été atteint par rapport à cette maladie. Enfin, elle devra déterminer la capacité de travail de l'intimé et les activités exigibles de sa part et fixer le degré d'atteinte à l'intégrité des affections post-traumatiques diagnostiquées. 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances 
 
p r o n o n c e : 
 
I. Le recours est admis, en ce sens que le jugement du 
8 décembre 1998 du Tribunal administratif de la Répu- 
blique et canton de Genève, ainsi la décision sur 
opposition de La Suisse du 27 septembre 1996 sont 
annulés. 
 
II. La cause est renvoyée au Tribunal administratif de la 
République et canton de Genève pour complément d'ins- 
truction au sens des motifs et nouveau jugement. III. Il n'est pas perçu de frais de justice ni accordé de 
dépens. 
 
IV. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tri- 
bunal administratif de la République et canton de 
Genève et à l'Office fédéral des assurances sociales. 
Lucerne, le 28 février 2001 
 
Au nom du 
Tribunal fédéral des assurances 
Le Président de la IIe Chambre : 
 
 
 
 
La Greffière :