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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
4A_88/2017  
   
   
 
 
 
Arrêt du 29 novembre 2017  
 
Ire Cour de droit civil  
 
Composition 
Mmes les Juges fédérales 
Kiss, Présidente, Klett et Hohl. 
Greffier : M. Piaget. 
 
Participants à la procédure 
X.________ SA, représentée par Me Fabio Spirgi, 
recourante, 
 
contre  
 
A.________ SA, représentée par Me Pierluca Degni, 
intimée. 
 
Objet 
Protection des données, communication transfrontière, motifs justificatifs, 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice du canton 
de Genève, Chambre civile, du 21 décembre 2016 (C/26915/2014, ACJC/1733/2016). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. X.________ SA (ci-après: X.________) a chargé A.________ SA (ci-après: A.________), société active dans la gestion de fortune, de gérer, en tant que gérant externe trois comptes de clients ouverts auprès d'elle: le premier appartenait à une ressortissante américaine, domiciliée aux Etats-Unis, le second et le troisième avaient pour titulaire une société... et pour ayants droit économiques un frère et une soeur de nationalité américaine.  
 
A.b. En 2008, les autorités américaines se sont intéressées aux établissements bancaires suisses, suspectant certains d'entre eux d'avoir aidé des clients américains à éluder l'impôt américain.  
En 2010, les autorités américaines (soit le Ministère de la justice des Etats-Unis,  U.S. Department of Justice [DoJ]) ont ouvert des enquêtes contre onze banques suisses qu'elles soupçonnaient d'avoir aidé des clients américains à se soustraire à leurs obligations fiscales ainsi que d'avoir contrevenu à la réglementation applicable lors des contacts intervenus avec ces clients. Elles ont requis l'entraide administrative de la Suisse en vue d'obtenir des renseignements sur les activités des banques visées aux Etats-Unis.  
Les autorités américaines ont ensuite demandé aux banques concernées de leur transmettre un certain nombre de documents complémentaires (en particulier sur les employés s'étant rendus aux Etats-Unis pour communiquer avec des clients américains) si elles voulaient éviter une inculpation. 
Le 4 avril 2012, le Conseil fédéral a autorisé les banques concernées à transmettre directement aux autorités américaines des données non anonymisées, à l'exception de celles concernant les clients. Cette décision valait autorisation, au sens de l'art. 271 CP, à procéder sur le territoire suisse pour le compte d'un Etat étranger à des actes relevant des pouvoirs publics. Il appartenait cependant toujours aux banques d'effectuer une appréciation de leur responsabilité civile. 
Le 11 avril 2012, la FINMA a recommandé aux banques concernées de coopérer avec les autorités américaines dans le cadre prévu par le Conseil fédéral, en précisant que la procédure d'entraide administrative était, de ce fait, suspendue. 
 
A.c. Le 14 février 2013, les autorités suisses et américaines ont signé un accord visant à faciliter la mise en oeuvre par les établissements financiers suisses de la loi fiscale américaine (  Foreign Account Tax Compliance Act [FATCA]). Le Conseil fédéral a ensuite soumis au Parlement fédéral un projet de loi fédérale sur les mesures visant à faciliter le règlement du différend fiscal entre les banques suisses et les Etats-Unis. Le 19 juin 2013, le Parlement suisse a refusé d'entrer en matière sur ce projet, considérant qu'il appartenait au Conseil fédéral de trouver des solutions dans le cadre du droit en vigueur.  
Le 3 juillet 2013, le Conseil fédéral a mis sur pied une nouvelle procédure d'autorisation individuelle au sens de l'art. 271 CP (autorisation modèle). 
 
A.d. Le 29 août 2013, le Conseil fédéral et le DoJ ont trouvé un accord visant à mettre un terme au différend fiscal entre les banques suisses et les Etats-Unis. Trois documents servent à concrétiser cet accord: la déclaration commune (  Joint Statement) du Conseil fédéral (Département fédéral des finances) et du DoJ, le programme volontaire américain (  Program for Swiss banks), ainsi que l'autorisation modèle du Conseil fédéral du 3 juillet 2013.  
En vertu du  Joint Statement, le DoJ entend fournir aux banques suisses non impliquées dans une procédure pénale (autorisée par le DoJ) un moyen adapté pour clarifier leur situation (  status) en lien avec l'ensemble des enquêtes menées par le DoJ (complètement d'office selon l'art. 105 al. 2 LTF). Le Conseil fédéral (dans le texte: "  Switzerland "), de son côté, manifeste son intention d'attirer l'attention des banques suisses sur les dispositions du programme américain et de les encourager à envisager une participation. Il relève que le droit suisse en vigueur permettra aux banques suisses une participation effective selon les termes fixés dans le programme.  
Le programme volontaire (  Program for Swiss banks) classe les banques suisses en quatre catégories: la première catégorie, exclue du programme, s'adresse aux banques faisant l'objet d'une enquête pénale du DoJ; la deuxième catégorie, destinée aux banques qui estiment avoir violé le droit fiscal américain, permet à celles-ci de se mettre à l'abri d'une poursuite pénale en échange de leur participation, en concluant un  Non-Prosecution Agreement (NPA); les catégories 3 et 4 visent les banques qui estiment ne pas avoir violé le droit fiscal américain.  
Selon le programme volontaire américain, les banques appartenant à la catégorie 2 doivent communiquer au DoJ le nom et la fonction des personnes ayant " structuré, géré ou supervisé les actions transfrontalières de la banque en lien avec les Etats-Unis " et le nom et la fonction de " toute personne, dont le gestionnaire de la relation client, le conseiller à la clientèle et gestionnaire d'actifs, ayant été en relation avec un  Closed US Related Account ".  
Le 30 août 2013, la FINMA a rappelé aux banques qu'il appartenait à chacune d'elles d'évaluer de manière appropriée les potentiels risques juridiques et de réputation qu'entraînerait une non-participation au programme américain et d'en tenir compte dans leur processus de décision qui devra être documenté. 
 
A.e. X.________ a décidé de participer au programme et elle s'est annoncée comme banque de catégorie 2 auprès du DoJ le 19 décembre 2013.  
Par décision du 24 janvier 2014, le Département fédéral des finances (DFF) a autorisé X.________ à coopérer avec les autorités américaines. 
Par courrier du 4 août 2014, X.________ a informé A.________ qu'elle avait l'intention de communiquer aux autorités américaines une liste comportant son nom et sa fonction en lien avec les trois comptes qui, selon X.________, remplissaient les conditions des  Closed US Related Accounts.  
Par courrier de son conseil du 6 août 2014, A.________ a communiqué son opposition " ferme et définitive " à la transmission de ses données. 
 
A.f. Il est notoire qu'au début du mois de janvier 2016, en cours de procédure (cf. infra let. B), X.________ a conclu un accord de non-poursuite (  Non-Prosecution Agreement [NPA]) avec le DoJ (  Tax Division) contre le versement d'une amende de USD 187'767'000.-, dont elle s'est acquittée (cf. arrêt 4A_390/2017 du 23 novembre 2017 let. A.f).  
Dans cet accord, qui reprend les obligations du programme américain, X.________ s'engage en outre à continuer à collaborer et à fournir des données aux autorités américaines pendant une période de quatre ans, à compter de la date de l'exécution complète de l'accord (  "...from the date this Agreement is fully executed "). Le DoJ se réserve le droit d'engager des poursuites pénales contre la banque en cas de violation des termes de l'accord. Si une telle violation est constatée, le DoJ s'engage toutefois à le communiquer à X.________, par une notification écrite, avant d'entamer une quelconque procédure. La banque peut alors, dans le délai de trente jours, expliquer par écrit la nature et les circonstances de la violation, ainsi que les actions prises pour y remédier. Ces explications doivent être prises en considération par le DoJ pour déterminer l'opportunité d'engager une procédure contre X.________ (cf. arrêt 4A_390/2017 déjà cité let. A.f).  
 
B.  
 
B.a. Sur requêtes de A.________, le Président du Tribunal de première instance de Genève, statuant le 2 septembre 2014 sur mesures superprovisionnelles et le 24 novembre 2014 sur mesures provisionnelles, a fait interdiction à X.________ de transmettre à des tiers ou à des Etats tiers des données ou des informations concernant A.________, sous la menace de la peine prévue à l'art. 292 CP.  
 
B.b. Le 29 décembre 2014, A.________ a ouvert action devant le Tribunal de première instance de Genève, concluant à ce qu'il soit interdit à X.________, sous menace de la peine prévue à l'art. 292 CP, de transmettre, de communiquer ou porter à la connaissance de tiers ou d'Etats tiers, de quelque manière que ce soit et sur quelque support que ce soit, des données, des informations ou des documents comportant son nom et/ou des données ou des informations relatives à A.________ et/ou pouvant l'identifier.  
La banque défenderesse s'est opposée à la demande, soutenant que la demanderesse n'encourait aucun risque concret d'atteinte à sa personnalité, qu'il existait par ailleurs un intérêt public prépondérant à la transmission des données et que celle-ci était au demeurant indispensable à la défense de la banque qui entendait éviter une inculpation par les autorités américaines. Elle a pris une conclusion subsidiaire tendant à ce que le Tribunal de première instance dise que l'interdiction faite à X.________ de communiquer ou de porter à la connaissance de tiers ou d'Etats tiers des données concernant A.________ ou ses organes, ne déploie des effets qu'en relation avec le programme du DoJ et non en lien avec une éventuelle requête judiciaire ou administrative suisse. 
Par jugement du 18 mars 2016, le Tribunal de première instance a déclaré irrecevable la conclusion " subsidiaire " de la défenderesse (dispositif ch. 1), a dit que " le fait pour X.________ de transmettre, de communiquer ou de porter à la connaissance de tiers ou d'Etats tiers, de quelque manière que ce soit et sur quelque support que ce soit, des données, informations ou documents comportant le nom et/ou des données ou informations relatives à A.________ SA et/ou pouvant l'identifier, constitue une atteinte illicite aux droits de la personnalité de A.________ SA " (ch. 2), dans ce cadre, il a interdit à X.________ toute transmission de données (ch. 3), et prononcé cette interdiction sous la menace de la peine prévue à l'art. 292 CP (ch. 4). 
 
B.c. Par arrêt du 21 décembre 2016, la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève, sur appel de la défenderesse, a confirmé les ch. 2 à 4 du dispositif du jugement attaqué sur le principe de la constatation et de l'interdiction, ainsi que sur la menace de la peine de l'art. 292 CP; elle a toutefois réformé le ch. 1 du dispositif, en ce sens qu'elle a admis que le constat de l'illicéité (ch. 2 du dispositif) et le prononcé de l'interdiction (ch. 3) ne visaient que les autorités américaines (dans le cadre du programme auquel la défenderesse participe en catégorie 2) et que cela n'avait aucun effet sur l'issue d'une éventuelle requête judiciaire ou administrative suisse.  
 
C.   
La banque défenderesse exerce un recours en matière civile au Tribunal fédéral contre l'arrêt cantonal du 21 décembre 2016. Elle conclut, principalement, à son annulation et à ce que la demanderesse soit déboutée de toutes ses conclusions et, subsidiairement, à son annulation et au renvoi de la procédure à l'instance inférieure. La recourante invoque la violation de l'art. 59 CPC, ainsi que des art. 6 et 13 LPD
L'intimée (société demanderesse) conclut à la confirmation de l'arrêt entrepris. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.   
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement sa compétence, respectivement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 134 III 115 consid. 1, 235 consid. 1, 379 consid. 1). 
 
1.1. Le litige concerne principalement l'application de la loi fédérale sur la protection des données (LPD; RS 235.1). Il s'agit en l'occurrence d'une action civile menée, sur la base des art. 6 et 13 LPD, par une banque de gestion contre une autre banque; la cause divise deux banques (en tant que sujets de droit privé) et il s'agit donc d'une contestation civile (art. 72 LTF). S'agissant de la nature du litige, la cour cantonale considère qu'il s'agit d'une contestation de nature non pécuniaire (arrêt entrepris consid. 1 p. 13), ce que les parties ne discutent pas. On ne saurait toutefois les suivre puisqu'en l'espèce la partie (demanderesse) refusant la remise de ses données aux autorités américaines est une personne morale (SA), ayant pour but de générer des bénéfices et qui redoute (notamment) de ne plus pouvoir exercer son activité de gestion en lien avec les Etats-Unis (sur la constatation cantonale, cf. infra consid. 2); la société demanderesse veille avant tout à protéger ses intérêts économiques et le litige est dès lors de nature pécuniaire (ATF 142 III 145 consid. 6.1 et 6.2; arrêts 4A_83/2016 du 22 septembre 2016 consid. 4.3; 4A_239/2014 du 2 juillet 2014 consid. 2.3 et 2.4). La recevabilité du recours en matière civile (sous l'angle de la valeur litigieuse) n'est toutefois pas remise en cause, puisque les intérêts économiques potentiellement en jeu correspondent de toute évidence à des montants supérieurs à la valeur-seuil de 30'000 fr. fixée à l'art. 74 al. 1 let. b LTF.  
Pour le reste, le recours vise un arrêt cantonal qui met fin à la procédure et doit être qualifié de décision finale (art. 90 LTF). Il est interjeté par la partie qui a succombé dans ses conclusions prises devant l'autorité précédente et qui a donc qualité pour recourir (art. 76 al. 1 LTF), et il est dirigé contre une décision rendue par un tribunal supérieur statuant sur recours (art. 75 al. 1 et 2 LTF), si bien que le recours en matière civile est en principe recevable puisqu'il a été déposé dans le délai (art. 45 al. 1, 48 al. 1 et 100 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi. 
 
1.2. Le recours en matière civile peut être interjeté pour violation du droit, tel qu'il est délimité par les art. 95 et 96 LTF. Il peut donc également être formé pour violation d'un droit constitutionnel (ATF 136 I 241 consid. 2.1 p. 247; 136 II 304 consid. 2.4 p. 313).  
Le Tribunal fédéral n'est pas lié par l'argumentation des parties (ATF 138 II 331 consid. 1.3 p. 336) et apprécie librement la portée juridique des faits; il s'en tient cependant d'ordinaire aux questions juridiques que la partie recourante soulève dans la motivation de son recours (art. 42 al. 2 LTF; ATF 137 III 580 consid. 1.3 p. 584). 
 
1.3. Le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en écarter que si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte - ce qui correspond à la notion d'arbitraire (ATF 136 II 304 consid. 2.4 p. 314; 135 III 127 consid. 1.5 p. 130) - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). Encore faut-il que la correction du vice soit susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF).  
La critique de l'état de fait retenu est soumise au principe strict de l'allégation énoncé par l'art. 106 al. 2 LTF (ATF 140 III 264 consid. 2.3 p. 266 et les références). La partie qui entend attaquer les faits constatés par l'autorité précédente doit expliquer clairement et de manière circonstanciée en quoi ces conditions seraient réalisées (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1 p. 18 et les références). 
 
2.   
Examinant la question de l'intérêt pour agir de la demanderesse (art. 59 al. 2 let. a CPC), la cour cantonale rappelle que des données similaires ont été remises aux autorités fiscales américaines au cours de procédures (antérieures) d'auto-dénonciation (  Voluntary disclosure) destinées aux sujets fiscaux américains. Ceux-ci pouvaient alors régulariser leur situation en répondant à des questionnaires officiels qui exigeaient la mention des gestionnaires (internes ou externes) et de toute autre personne ou entité ayant aidé à ouvrir et gérer le compte concerné de quelque manière que ce soit (acte de recours p. 7). Les magistrats cantonaux retiennent cependant qu'en l'espèce les données effectivement transmises aux autorités américaines par ce biais ne sont pas connues et, partant, ils reconnaissent que la demanderesse dispose d'un intérêt digne de protection à ce qu'il soit constaté que la transmission des données envisagées par la banque constitue une atteinte à sa personnalité et à ce que celle-ci soit en conséquence interdite (arrêt entrepris consid. 3.2 p. 14).  
Sur le fond, la cour cantonale retient que les Etats-Unis n'offrent pas un niveau de protection des données adéquat au sens de l'art. 6 al. 1 LPD (arrêt entrepris consid. 4.2 p. 16). Elle examine ensuite si la défenderesse peut se prévaloir d'un motif justificatif - en l'occurrence l'intérêt public prépondérant prévu à l'art. 6 al. 2 let. d, première alternative, LPD (seul motif entrant ici en ligne de compte). Elle rappelle que l'intérêt public à ce que les banques suisses participent au programme volontaire américain existe de manière générale, mais qu'il ne prévaut pas automatiquement et nécessairement sur l'intérêt privé qu'un tiers peut avoir, dans un cas concret, à empêcher la communication de ses données personnelles aux autorités américaines. 
Procédant à une pesée des intérêts  in concreto (cf. arrêt 4A_83/2016 du 22 septembre 2016 consid. 3.3.4), la cour cantonale considère que la défenderesse n'a pas établi la prépondérance de l'intérêt public (à transmettre les données) sur l'intérêt privé de la demanderesse (à refuser leur communication). Dans ce cadre, elle retient qu'il est peu probable que la conclusion de l'accord de non-poursuite échoue en cas de non-transmission du nom de la demanderesse, ce que la défenderesse ne conteste d'ailleurs pas. Elle souligne encore que la défenderesse, en appel, n'allègue pas qu'elle serait une banque d'importance systémique pour toute la Suisse, ni que sa disparition entraînerait de graves répercussions sur l'économie cantonale (arrêt entrepris consid. 3.2.3 p. 17 s.).  
Enfin, pour la cour cantonale, l'importance de l'intérêt privé résulte du fait que les autorités américaines ont clairement affiché leur intention de poursuivre les personnes ayant participé et/ou facilité la mise en place de comptes offshore et qu'en cas de transmission des données aux autorités américaines, il existe un risque que la demanderesse et ses représentants soient interrogés, voire inculpés s'ils se rendent aux Etats-Unis et qu'ils soient empêchés d'y exercer leurs activités de gestion (arrêt entrepris consid. 3.2.3 p. 17). 
 
3.   
Avant d'examiner les griefs soulevés par la recourante, on peut observer, sur la base des constatations cantonales, que, le 29 décembre 2014, la demanderesse a ouvert une action condamnatoire (action en interdiction de trouble) devant le Tribunal de première instance (arrêt entrepris let. C p. 10). Dans son jugement du 18 mars 2016, cette autorité a, de manière curieuse, considéré qu'elle avait affaire à une action visant la constatation du caractère illicite de la communication des données, l'interdiction d'une telle communication et la publication du jugement (jugement de première instance let. B p. 14). Dans son dispositif, elle a constaté le caractère illicite de l'atteinte (ch. 2), " interdit en conséquence " à la défenderesse de communiquer les données concernées, sous la menace de la peine prévue à l'art. 292 CP, sans toutefois mentionner la question de la publication du jugement (jugement de première instance p. 26 s.). Dans l'arrêt attaqué, la cour cantonale a repris la même constatation et " interdit en conséquence " la transmission des données de la demanderesse (arrêt entrepris p. 21). 
Il n'y a pas lieu d'examiner plus avant si les instances précédentes sont allées au-delà des conclusions prises par la demanderesse en procédant à une constatation qui, à tout le moins selon les constatations cantonales, ne leur était pas demandée. En effet, comme la demanderesse a pris une conclusion condamnatoire, il était quoi qu'il soit exclu pour les instances précédentes de faire une constatation, étant donné le caractère subsidiaire de l'action en constatation de droit par rapport à l'action condamnatoire (arrêt 4A_257/2014 du 29 septembre 2014 consid. 6.8.2 publié in sic! 2015 p. 37). 
L'arrêt attaqué devra être modifié sur ce point. 
 
4.   
Il convient également de relever, pour éviter tout malentendu, que l'éventuelle transmission des données litigieuses aux autorités américaines dans le cadre de la procédure antérieure d'auto-dénonciation (  Voluntary Disclosure) n'est en soi pas déterminante lorsqu'il s'agit de trancher la question de l'intérêt de la demanderesse à former une action tendant à obtenir l'interdiction de la transmission des données la concernant au cours d'une procédure américaine différente (programme du DoJ). Dans l'application de l'art. 59 al. 2 let. a CPC, il faut en effet constater que si la demanderesse était empêchée de former une telle action, ses données seraient alors directement transmises au DoJ, par la banque qui a l'intention de le faire, dans le cadre d'un programme impliquant des acteurs reconnaissant avoir transgressé le droit américain. Il est dès lors patent qu'elle dispose d'un intérêt digne de protection à agir.  
Savoir si la remise de données aux autorités américaines au cours de la procédure d'auto-dénonciation influence la pesée des intérêts qu'il s'agit d'entreprendre en application de l'art. 6 al. 2 LPD en lien avec le programme du DoJ, est une question différente, qui a trait au fond (et non à la recevabilité de la demande). 
Le résultat auquel l'instance précédente est arrivée peut donc être confirmé, par substitution de motifs. 
 
5.   
Sur le fond, la recourante (défenderesse) considère que la cour cantonale a violé les art. 6 et 13 LPD en ne retenant pas que les données litigieuses ont déjà été remises aux autorités américaines au cours d'une procédure de  Voluntary Disclosure (ce qui permettrait, selon la recourante, de nier tout intérêt privé de la demanderesse à refuser la communication de ses données aux USA) et (comme conséquence logique du constat qui précède) en n'admettant pas l'existence d'un intérêt public prépondérant (acte de recours p. 5).  
Plus précisément, la question litigieuse principale est ici de savoir si l'autorité cantonale a violé l'art. 6 al. 2 LPD en considérant que la transmission des données litigieuses n'était pas indispensable à la sauvegarde d'un intérêt public prépondérant. Quant aux allégations de la banque en rapport avec la procédure de  Voluntary Disclosure, qui doivent être distinguées de la question principale, il en sera tenu compte lors de la subsomption.  
 
5.1. Selon l'art. 6 al. 1 LPD, aucune donnée personnelle (cf. art. 3 LPD) ne peut être communiquée à l'étranger si la personnalité des personnes concernées devait s'en trouver gravement menacée, notamment du fait de l'absence d'une législation assurant un niveau de protection adéquat.  
L'art. 6 al. 2 LPD contient une liste exhaustive de motifs (alternatifs) permettant la communication à l'étranger des données, en dépit de l'absence de législation assurant un niveau de protection adéquat (arrêt 4A_86/2016 précité consid. 3.4.3 et les références). 
 
5.2. Selon l'art. 6 al. 2 let. d première partie LPD (seul motif entrant en l'occurrence en ligne de compte), des données personnelles peuvent être communiquées à l'étranger uniquement si la communication est, en l'espèce, indispensable notamment à la sauvegarde d'un intérêt public prépondérant.  
Cette disposition pose trois conditions: (1) un intérêt public, (2) un intérêt public qui soit prépondérant et (3) une communication qui soit indispensable à la sauvegarde de celui-ci. Dans un arrêt récent en rapport avec le programme américain, le Tribunal fédéral a déjà précisé ce qu'il y a lieu d'entendre par là. 
 
5.2.1. Il existe un intérêt public si la préservation de la stabilité juridique et économique de la place financière suisse est en jeu. L'intérêt de la banque à sa survie ne suffit en soi pas, dès lors qu'il s'agit d'un intérêt privé, et non d'un intérêt public (arrêt 4A_83/2016 déjà cité consid. 3.4.3).  
 
5.2.2. L'intérêt public doit être prépondérant par rapport à l'intérêt privé du tiers à ce que ses données personnelles ne soient pas communiquées aux autorités américaines.  
Le juge doit procéder à une pesée des intérêts (art. 4 CCin concreto, en tenant compte de toutes les circonstances du cas particulier à la date du jugement (cf. arrêt 4A_83/2016 précité consid. 3.5.1; HRUBESCH-MILLAUER/BÜRKI, Rechtsprechungs-panorama Personenrecht und Einleitungsartikel, PJA 2017 p. 392).  
 
5.2.3. La communication des données doit être indispensable à la sauvegarde de l'intérêt public prépondérant. Elle est indispensable (  unerlässlich) si elle est absolument nécessaire (  unbedingt notwendig) en ce sens que, sans la livraison de ces données, le litige fiscal avec les Etats-Unis s'intensifierait à nouveau, que la place financière suisse dans son ensemble en serait affectée et que cela porterait préjudice à la réputation de la Suisse en tant que partenaire de négociation fiable (arrêt 4A_83/2016 déjà cité consid. 3.3; cf. arrêt 4A_73/2017 du 26 juillet 2017 consid. 3.1).  
En signant le  Joint Statement, le Conseil fédéral a garanti au DoJ que le droit suisse en vigueur permet la participation effective des banques au programme américain. Autrement dit, vu le  Joint Statement conclu par le Conseil fédéral, il doit être admis que, matériellement, le droit suisse autorise la participation effective des banques suisses et donc la communication des données de tiers (employés, gestionnaires) conformément aux conditions posées par le programme américain.  
Il ne s'agit toutefois pas d'admettre de manière abstraite que toutes les banques doivent communiquer les données concernant des tiers, même en l'absence de toute menace d'une atteinte à l'intérêt public de la Suisse. Il faut bien plutôt examiner si la modification de la situation de fait doit être prise en considération sous l'angle matériel et si elle conduit à admettre ou nier le caractère indispensable de la communication des données. La LPD vise en effet à protéger la personnalité et les droits fondamentaux des personnes qui font l'objet d'un traitement de données. Au centre de ses préoccupations figure donc la protection de la personnalité de l'intéressé (employé, gestionnaire). Ne pas tenir compte par principe des modifications de la situation et admettre systématiquement la communication des données aurait pour conséquence de laisser la personnalité sans protection, alors même que dans le cas particulier, la communication n'est plus indispensable à la sauvegarde de l'intérêt public (arrêt 4A_86/2016 déjà cité consid. 3.3.4). 
Il appartient à la banque de démontrer que, à la date du jugement, la non-communication des données litigieuses aurait pour conséquence nécessaire une nouvelle escalade du litige fiscal avec les USA et, de ce fait, constituerait une menace pour la place financière suisse et la réputation de la Suisse en tant que partenaire de négociation fiable (arrêt 4A_83/2016 déjà cité consid. 3.3.4  in fine; cf. arrêt 4A_73/2017 déjà cité consid. 3.2 qui fait explicitement référence à l'ampleur des éventuelles répercussions d'une poursuite pénale qui serait menée contre la banque).  
 
5.3. Invoquant la violation de l'art. 6 al. 1 LPD, la recourante, qui se réfère à un communiqué du Préposé fédéral à la protection des données postérieur à la date de l'arrêt cantonal, est d'avis que les Etats-Unis offrent désormais une protection adéquate au sens de cette disposition et qu'il faut examiner la licéité de la transmission des données non pas à la lumière de l'art. 6 al. 2 LPD, mais à celle de l'art. 13 LPD (acte de recours p. 6 in fine).  
Il n'est toutefois pas nécessaire d'examiner si le communiqué du Préposé fédéral peut en l'occurrence être pris en compte. A la suite de l'intimée, on observe que, selon ce communiqué, le niveau de protection est adéquat si certaines conditions sont réalisées, notamment le fait pour l'entreprise américaine concernée d'adhérer au  Privacy Shield; l'entreprise apparaît alors sur une liste établie par le Département américain du commerce (sur l'ensemble de la question, cf. www.edoeb.admin.ch / Protection des données / Transmission à l'étranger / Etats-Unis).  
En l'occurrence, le DoJ, qui n'est d'ailleurs pas une entreprise privée, ne figure pas sur la liste en question. 
Le moyen tiré de la violation de l'art. 6 al. 1 LPD est, pour autant qu'il soit recevable, infondé. L'art. 13 LPD ne trouve pas application et il convient d'examiner la prétendue violation de l'art. 6 al. 2 LPD (cf. infra consid. 5.4). 
 
5.4. S'agissant du moyen tiré de la violation de l'art. 6 al. 2 LPD, force est de constater que, sous couvert d'absence d'intérêt public prépondérant (deuxième condition, cf. supra consid. 5.2.2), la cour cantonale a en réalité examiné la troisième condition, celle du caractère indispensable de la communication en l'état de la situation au moment du jugement (cf. supra consid. 5.2.3), retenant à cet égard l'élément suivant: la banque défenderesse n'a apporté aucun élément qui permettrait d'établir que la non-communication des données litigieuses au DoJ serait de nature à remettre en cause l'accord (cf. arrêt entrepris p. 17 s.).  
En l'occurrence, la banque recourante ne fournit aucune motivation permettant d'établir que le constat de la cour cantonale serait arbitraire. Par ailleurs, et cela est déterminant, elle ne démontre pas en quoi la cour cantonale aurait violé le droit en jugeant que la livraison des données n'était pas nécessaire pour éviter une (nouvelle) intensification du litige fiscal avec les USA qui, de ce fait, affecterait la place financière suisse et porterait préjudice à la réputation de la Suisse en tant que partenaire de négociation fiable. 
A cela s'ajoute que si l'on en croit les allégations de la banque (acte de recours p. 7), toutes ces données ont déjà été remises aux autorités américaines au cours de la procédure de  Voluntary disclosure. On ne voit donc pas ce qui aurait empêché le DoJ d'en prendre connaissance, le cas échéant, en sollicitant leur transmission au sein de l'administration américaine.  
Cela étant, la livraison de ces données par la banque dans le cadre du programme américain ne peut, en l'état actuel, être considérée comme indispensable au sens de l'art. 6 al. 2 let. d LPD. 
 
5.5. Enfin, les allégations de la banque, selon lesquelles les données litigieuses seraient déjà en mains des autorités américaines (la remise ayant eu lieu au cours de la procédure de  Voluntary Disclosure), sont impropres à soutenir sa thèse. Au contraire, à l'heure actuelle et en l'espèce, elles contribuent - comme on l'a vu - à démontrer que les données sont déjà en mains de l'administration américaine, et donc, l'absence de nécessité de leur communication au DoJ.  
Le grief se révèle dès lors mal fondé. 
 
6.   
Il résulte des considérations qui précèdent que l'arrêt attaqué doit être modifié en ce sens que le ch. 2 de son dispositif (constatation) doit être annulé. Quant au ch. 3 (interdiction), il convient de comprendre la notion " Programme précité " qui y figure dans le sens de " Programme américain auquel elle participe en catégorie 2 ("  Program for Non-Prosecution Agreements or non Target Letters for Swiss Banks ").  
Le recours en matière civile doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. Les frais et les dépens sont mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 66 al. 1 et 68 al. 1 et 2 LTF). 
 
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
L'arrêt attaqué est modifié en ce sens que le ch. 2 de son dispositif est annulé. 
 
2.   
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
3.   
Les frais judiciaires, arrêtés à 8'000 fr., sont mis à la charge de la recourante. 
 
4.   
La recourante versera à l'intimée une indemnité de 9'000 fr. à titre de dépens. 
 
5.   
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice du canton de Genève, Chambre civile. 
 
 
Lausanne, le 29 novembre 2017 
 
Au nom de la Ire Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Kiss 
 
Le Greffier : Piaget