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Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
1B_283/2022  
 
 
Arrêt du 29 novembre 2022  
 
Ire Cour de droit public  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Kneubühler, Président, Chaix, Jametti, Haag et Merz. 
Greffière : Mme Kropf. 
 
Participants à la procédure 
1. A.A.________, 
agissant par Me Robert Assaël, avocat, 
2. B.A.________, 
agissant par Me Marc Oederlin, avocat, 
3. C.A.________, 
agissant par Me Yaël Hayat, avocate, 
4. D.A.________, 
agissant par Me Romain Jordan, avocat, 
tous les quatre représentés par Me Romain Jordan, avocat, 
recourants, 
 
contre  
 
Gaëlle Van Hove, anciennement Procureure auprès du Ministère public de la République et canton de Genève, pour adresse à la Cour de justice de la République et canton de Genève, place du Bourg-de-Four 1, 1204 Genève 
intimée, 
 
Ministère public de la République et canton de Genève, 
route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy. 
 
Objet 
Procédure pénale; récusation, 
 
recours contre l'arrêt de la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et canton de Genève du 3 mai 2022 (ACPR/304/2022 - PS/3/2022). 
 
 
Faits :  
 
A.  
A la suite de renseignements fournis par la police à fin 2017 - dont un rapport du 23 octobre 2017 faisant état d'une "source confidentielle et sûre" -, ainsi que de plaintes pénales déposées au printemps 2018, le Ministère public de la République et canton de Genève (ci-après : le Ministère public) - agissant alors par la Première Procureure Gaëlle Van Hove - conduit une instruction contre B.A.________, A.A.________, C.A.________ et D.A.________ notamment pour traite d'êtres humains (art. 182 CP; cause P1_2017). Dans ce cadre, il leur est reproché d'avoir, de concert, à tout le moins depuis 1997, dans leur villa de X., organisé la venue à Genève et employé, ainsi que "rémunéré ladrement" plusieurs domestiques d'un pays d'Asie dépourvus d'autorisation de travail ou de séjour, ainsi que de les avoir confinés dans la propriété, en les faisant travailler tous les jours sans congé et avec des vacances imposées, non payées - voire sans vacances - et en leur soustrayant leurs passeports. 
Le 13 avril 2018, après la perquisition de leur domicile sur mandat émis par la Procureure Gaëlle Van Hove, B.A.________, A.A.________, C.A.________ et D.A.________ ont été entendus par la précitée en qualité de prévenus, puis mis en liberté moyennant le prononcé de mesures de substitution. Par la suite, la Procureure a également entendu les parties plaignantes et des témoins, décerné des ordres de dépôts et des commissions rogatoires internationales, ordonné des séquestres bancaires et procédé à d'autres auditions des prévenus. 
Deux requêtes de récusation formées à son encontre ont été rejetées le 11 mars 2019 (causes ACPR1_2019 et ACPR2_2019). 
Au 31 décembre 2018, la Procureure Gaëlle Van Hove a quitté ses fonctions au sein du Ministère public genevois. 
Sur requête d'un des prévenus, une audience d'instruction afin notamment d'interroger les parties plaignantes, s'est déroulée le 4 mars 2021. Ce même jour, le Procureur ayant repris la cause a refusé de fixer d'autres séances; le recours formé contre ce prononcé a été déclaré irrecevable par la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et canton de Genève (ci-après : la Chambre pénale de recours) le 21 décembre 2021 (cause ACPR3_2021), décision confirmée le 30 juin 2022 par le Tribunal fédéral (cause 1B_682/2021). 
Par courrier du 22 décembre 2021 - notifié le 23 suivant -, le Ministère public a informé les prévenus qu'ils avaient fait l'objet, entre le 20 novembre 2017 et le 14 novembre 2018, d'une surveillance secrète - ordonnée par la Procureur Gaëlle Van Hove, respectivement autorisée par le Tribunal des mesures de contrainte (ci-après : Tmc) - par le biais de caméras placées à l'extérieur de leur villa; ce même jour, une copie des pièces de cette procédure - référence P2_2017 - leur a été transmise. Le lundi 3 janvier 2022, les quatre prévenus ont formé recours contre les décisions d'approbation de cette mesure secrète. Ce moyen a été partiellement admis le 3 mai 2022 par la Chambre pénale de recours; celle-ci a constaté l'illicéité de la surveillance secrète opérée au domicile de la famille A.________ entre le 13 avril et le 14 novembre 2018 et ordonné la destruction immédiate des supports images portant sur cette période (cause ACPR4_2022). Par arrêt de ce jour, le Tribunal fédéral a partiellement admis le recours en matière pénale formé contre cette décision, constatant l'illicéité de la mesure de surveillance effectuée le 21 février 2018 (cause 1B_282/2022). 
 
B.  
Le jeudi 6 janvier 2022, B.A.________, A.A.________, C.A.________ et D.A.________ ont demandé la récusation de la Procureure Gaëlle Van Hove, en raison en substance de l'absence de documentation au dossier des contacts que celle-ci aurait eus avec leurs anciens employés en octobre 2017; ces échanges seraient établis par le rapport de police daté du 23 octobre 2017 et la demande, ce même jour, de suivi LAVI formée par deux de leurs employés. 
Le 3 mai 2022, la Chambre pénale de recours a déclaré cette requête irrecevable, en raison de la tardiveté de son dépôt (cause ACPR/304/2022). 
 
C.  
Par acte du 3 juin 2022, A.A.________, B.A.________, C.A.________ et D.A.________ (ci-après : les recourants) - agissant tous, selon les procurations produites, par l'intermédiaire de l'avocat Romain Jordan - forment un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre cet arrêt, concluant à la récusation de la Procureure Gaëlle Van Hove et à l'annulation de tous les actes de procédure diligentés par celle-ci entre 2017 et le 31 décembre 2018. 
L'ancienne Procureure Gaëlle Van Hove (ci-après : la Procureure intimée) a conclu au rejet du recours. Le Ministère public a conclu au rejet du recours sans formuler d'observations. Quant à l'autorité précédente, elle s'est référée à ses considérants. Le conseil d'une partie plaignante a spontanément transmis une copie de ses échanges des 2 et 3 août 2022 avec le Ministère public. Dans le délai prolongé au 30 août 2022, les recourants ont persisté dans leurs conclusions. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Conformément aux art. 78 et 92 al. 1 LTF, une décision relative à la récusation d'un procureur peut faire immédiatement l'objet d'un recours en matière pénale auprès du Tribunal fédéral. Les recourants, prévenus dont la demande de récusation a été déclarée irrecevable, ont qualité pour recourir en vertu de l'art. 81 al. 1 LTF (arrêt 1B_348/2022 du 11 août 2022 consid. 2). 
En tant que le recours est dirigé contre un prononcé d'irrecevabilité, seules des conclusions tendant à l'annulation de la décision attaquée et au renvoi de la cause à l'autorité précédente sont recevables (arrêt 1B_367/2021 du 29 novembre 2021 consid. 1 et l'arrêt cité). Il ne saurait donc être donné droit à la conclusion en réforme prise par les recourants. Assistés en outre de mandataires professionnels, ils ne demandent pas formellement le renvoi de la cause. Cela étant, cette question de recevabilité peut rester indécise vu l'issue du litige. 
 
2.  
Les pièces produites par le mandataire d'une des parties plaignantes -lesquelles n'ont pas été invitées à se déterminer devant le Tribunal fédéral - sont en tout état de cause ultérieures à l'arrêt attaqué et, par conséquent, irrecevables (cf. art. 99 al. 1 LTF). 
 
3.  
Les recourants se plaignent d'un déni de justice et de violations de leur droit d'être entendus. Selon les recourants, la cour cantonale ne se serait pas prononcée sur leur demande de suspension de la procédure de récusation jusqu'à droit connu sur leur recours cantonal contre la mesure de surveillance; une telle suspension aurait permis de connaître l'identité de la source des policiers à l'origine de la mesure de surveillance effectuée à leur encontre. Ils soutiennent également que le dossier serait incomplet, n'y étant pas fait état des contacts intervenus entre les autorités pénales et les parties plaignantes en date du 23 octobre 2017; la cour cantonale aurait dès lors dû effectuer des démarches afin d'établir les faits en lien avec les événements du 23 octobre 2017. 
Ces problématiques relèvent manifestement du fond. Dès lors que l'autorité précédente a déclaré la demande de récusation irrecevable pour des motifs d'ordre formel (tardiveté), il ne saurait lui être reproché de ne pas avoir examiné ces questions et statué sur les conclusions y relatives. Partant, ces griefs peuvent être écartés. 
 
4.  
Invoquant une violation de l'art. 58 CPP, les recourants reprochent à la juridiction précédente d'avoir considéré que leur demande de récusation du 6 janvier 2022 avait été déposée tardivement. Ils soutiennent notamment à cet égard qu'ils n'avaient pu consulter le dossier de la cause P2_2017 que le 23 décembre 2021, respectivement le 30 suivant s'agissant de celui de la procédure P1_2017; le dépôt de leur demande le 6 janvier 2022 serait donc intervenu en temps utile. Les recourants se plaignent également d'arbitraire dans l'établissement des faits; la cour cantonale n'aurait ainsi pas tenu compte du courrier du 24 décembre 2021 du Ministère public leur refusant l'accès au dossier de la procédure P1_2017 en raison notamment de la fermeture des services administratifs du Ministère public jusqu'au 3 janvier 2022. 
 
4.1. Conformément à l'art. 58 al. 1 CPP, la récusation doit être demandée sans délai, dès que la partie a connaissance du motif de récusation, c'est-à-dire dans les jours qui suivent la connaissance de la cause de récusation, sous peine de déchéance (ATF 140 I 271 consid. 8.4.3 p. 275). Il est en effet contraire aux règles de la bonne foi de garder ce moyen en réserve pour ne l'invoquer qu'en cas d'issue défavorable ou lorsque l'intéressé se serait rendu compte que l'instruction ne suivait pas le cours désiré (ATF 143 V 66 consid. 4.3 p. 69; arrêt 1B_253/2022 du 16 août 2022 consid. 2.2).  
De jurisprudence constante, les réquisits temporels de l'art. 58 al. 1 CPP sont satisfaits lorsque la demande de récusation est déposée dans les six et sept jours qui suivent la connaissance de la cause de récusation, tandis qu'ils ne le sont pas lorsqu'elle est formée trois mois, deux mois, deux à trois semaines ou vingt jours après que son auteur a pris connaissance du motif de récusation. Dans l'examen du respect des exigences de l'art. 58 al. 1 CPP, il convient notamment de prendre en compte les circonstances d'espèce, ainsi que le stade de la procédure; considérer que le droit de demander la récusation est perdu doit être apprécié avec retenue (arrêt 1B_348/2022 du 11 août 2022 consid. 3 et les arrêts cités). 
Il incombe à la partie qui se prévaut d'un motif de récusation de rendre vraisemblable qu'elle a agi en temps utile, en particulier eu égard au moment de la découverte de ce motif (arrêts 1B_348/2022 du 11 août 2022 consid. 3; 1B_305/2019 du 26 novembre 2019 consid. 3.2.1 et l'arrêt cité). A cet égard, le fait qu'il y ait des samedis, dimanches et/ou des jours fériés entre le moment de la découverte du motif de récusation et le dépôt de la demande ne constitue en principe pas une circonstance permettant de démontrer le dépôt en temps utile; en effet, les jours fériés n'entraînent pas la suspension des délais, permettant uniquement de reporter l'échéance de ceux-ci au premier jour ouvrable qui suit si le dernier jour du délai est un samedi, un dimanche ou un jour férié selon le droit fédéral ou cantonal (cf. art. 90 al. 2 CPP; arrêt 1B_367/2021 du 29 novembre 2021 consid. 2.2 et les références citées). 
 
4.2. La cour cantonale a tout d'abord rappelé en substance que les jours fériés selon l'art. 1 let. a (1 er janvier) et h (Noël) de la loi cantonale du 3 novembre 1951 sur les jours fériés (LJF; RS/GE J 1 45) - tombant au demeurant sur des samedis en décembre 2021 et janvier 2022 - n'entraînaient aucune conséquence en matière de computation et de suspension des délais; les 24, 26 décembre et 2 janvier - fussent-ils des jours chômés - ne figuraient pas dans la LJF (cf. consid. 2.2 p. 5 s. de l'arrêt attaqué).  
Elle a ensuite retenu que, le jeudi 23 décembre 2021, les recourants avaient reçu une copie du dossier P2_2017 (mesure secrète), respectivement avaient pu consulter le dossier P1_2017 (cause principale) le jeudi 30 décembre 2021 (cf. consid. 2.2 et 2.3 p. 6 de l'arrêt attaqué). Elle a ensuite relevé que le rapport de police du 23 octobre 2017 - invoqué pour démontrer un motif de récusation dans la requête du jeudi 6 janvier 2022 - était versé au dossier de la cause principale P1_2017 (pièce B-20'000); il en allait de même des demandes de suivi LAVI formées par les deux parties plaignantes (cf. pièces A-10'031 et A-13'013), lesquelles figuraient à la suite des auditions de police du 23 mars et 12 avril 2018. Selon l'autorité précédente, ce n'était donc pas la communication au sens de l'art. 279 al. 3 CPP du 22 décembre 2021 qui avait pu conduire les recourants à opérer un rapprochement entre le contenu du rapport de police précité et les demandes de suivi LAVI; les recourants ne pouvaient ainsi prétendre de bonne foi avoir découvert ces documents du fait de la divulgation de la mesure secrète le 23 décembre 2021; ils ne soutenaient d'ailleurs pas que l'accès accordé le jeudi 30 décembre 2021 au dossier P1_2017 aurait été le premier (cf. notamment les consultations du 12 avril 2018 [pièce I-210'000] et du 19 juillet 2018 [pièce I-210'014]; voir également l'index des pièces versées à la procédure transmis aux avocats le 3 décembre 2018 [pièce I-210'034]); peu importe donc que les recourants ne se soient rendus compte que le jeudi 30 décembre 2021 de la présence au dossier P1_2017 du rapport du 23 octobre 2017 et des demandes de suivi LAVI. Selon la Chambre pénale de recours, les recourants avaient agi tardivement en déposant leur requête de récusation le jeudi 6 janvier 2022 (cf. consid. 2.3 p. 6 s. de l'arrêt attaqué). 
 
4.3. Ce raisonnement - certes sévère - ne prête pas le flanc à la critique. Les recourants ne développent d'ailleurs aucune argumentation propre à le remettre en cause.  
En particulier, ils ne soutiennent pas que les deux pièces dont ils se prévalent afin de démontrer la prévention de la Procureure intimée n'auraient pas déjà figuré au dossier de la cause principale P1_2017 lors des consultations précédentes, notamment celles antérieures à celle du 30 décembre 2021 (cf. notamment les références citées dans l'arrêt attaqué et rappelées ci-dessus); peu importe donc que le Ministère public leur ait refusé un tel accès le vendredi 24 décembre 2021 ou que celui-ci n'ait eu lieu que le jeudi 30 décembre 2021. Le rapport de police et les demandes de suivis LAVI - éléments du dossier P1_2017 fondant en substance la demande de récusation - étaient donc déjà en mains des recourants antérieurement au jeudi 30 décembre 2021, a fortiori au jeudi 6 janvier 2022. Il est ensuite incontesté que les recourants disposaient du dossier P2_2017 relatif à la surveillance secrète dès le jeudi 23 décembre 2021 pour consultation. Au vu du recours cantonal déposé le lundi 3 janvier 2022 contre cette mesure (cf. cause ACPR4_2022), les recourants ne sauraient donc pas non plus soutenir qu'eux-mêmes et/ou leur avocat n'auraient pas pris - antérieurement et donc indépendamment de la période des fêtes de fin d'année - connaissance du dossier P2_2017. 
Dans la mesure où le dossier P2_2017 permettait d'avoir une nouvelle appréciation des pièces d'octobre 2017 et de mars/avril 2018 figurant au dossier principal P1_2017 - notamment quant à de prétendus contacts informels de la Procureure intimée -, les recourants disposaient donc dès le jeudi 23 décembre 2021 de tous les éléments leur permettant, le cas échéant, de faire valoir un éventuel motif de récusation, notamment au plus tard le lundi 3 janvier 2022. Or, de manière contraire aux obligations de célérité et de bonne foi qui prévalent en matière de récusation, ils ont attendu pour agir le jeudi 6 janvier 2022. Au regard des considérations précédentes - dont la consultation du dossier P2_2017 obtenue le 23 décembre 2021 -, le dépôt de la requête formée uniquement le jeudi 6 janvier 2022 pouvait ainsi être considéré, sans violer le droit fédéral, comme étant tardif. 
 
5.  
Il s'ensuit que le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
Les recourants, qui succombent, supportent les frais de procédure (art. 66 al. 1 LTF). Il n'est pas alloué de dépens (art. 68 al. 3 LTF). La partie plaignante n'ayant pas été invitée à se déterminer, il n'y pas lieu de lui allouer de dépens ou de mettre des frais judiciaires à sa charge. 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
Les frais judiciaires, fixés à 4'000 fr., sont mis à la charge des recourants. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Ministère public de la République et canton de Genève, à la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et canton de Genève et, pour information, à l'avocat E.________. 
 
 
Lausanne, le 29 novembre 2022 
 
Au nom de la Ire Cour de droit public 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Kneubühler 
 
La Greffière : Kropf