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Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
{T 0/2} 
4P.12/2006 /fzc 
 
Arrêt du 30 mars 2006 
Ire Cour civile 
 
Composition 
MM et Mme les juges Corboz, président, Rottenberg 
Liatowitsch et Favre. 
Greffier: M. Thélin. 
 
Parties 
X.________, 
recourante, représentée par Me Monica Bertholet, avocate, 
 
contre 
 
banque A.________, 
intimée, représentée par Me Laurent Strawson, avocat, 
Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève, case postale 3108, 1211 Genève 3. 
 
Objet 
procédure civile; demande de révision 
 
recours de droit public contre l'arrêt rendu le 18 novembre 2005 par la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève. 
 
Faits: 
A. 
X.________, actuellement âgée de soixante-huit ans, est propriétaire d'un immeuble sis à Vandoeuvres. En 1993, alors qu'elle était soucieuse de se garantir un revenu suffisant pour ses vieux jours, une amie l'a mise en contact avec Y.________, directeur d'une fiduciaire. Tous deux convinrent que Y.________ se procurerait un crédit hypothécaire garanti par l'immeuble et qu'il en investirait le montant dans une société anonyme exploitant divers restaurants. La propriétaire aurait droit à des intérêts sur la somme investie; elle percevrait de plus 40% des bénéfices de la société. 
Par acte authentique du 16 mars 1994, X.________, Y.________ et la banque A.________ ont convenu qu'une cédule hypothécaire au montant de 800'000 fr. serait constituée sur l'immeuble de Vandoeuvres et remise à l'établissement bancaire en garantie d'un crédit que celle-ci ouvrait à Y.________. Un contrat de prêt hypothécaire fut par ailleurs conclu entre ce dernier et la banque. Y.________ souscrivit encore un acte de nantissement qui autorisait la banque à exercer tous les droits appartenant au propriétaire de la cédule, tels que, en particulier, la dénoncer en vue d'en obtenir le paiement. Afin que la propriétaire de l'immeuble fût consciente du risque encouru par elle, la banque exigea qu'elle contresignât ces documents. 
Le montant du crédit fut mis à la disposition de Y.________. Le 31 mars 1994, celui-ci adressa à la banque un ordre de transfert en faveur d'un compte ouvert à son nom auprès de la banque B.________, au montant de 670'000 fr. Cet ordre fut exécuté. 
Y.________ n'ayant pas satisfait à ses obligations envers la banque A.________, celle-ci dénonça le prêt et la cédule avec effet au 28 février 1998; elle entreprit ensuite une poursuite par voie de réalisation du gage immobilier. En qualité de tierce propriétaire, X.________ reçut un exemplaire du commandement de payer et elle fit opposition. La banque obtint la mainlevée provisoire de cette opposition. Contestant que la poursuivante eût le droit de faire réaliser l'immeuble, la propriétaire ouvrit action en libération de dette devant les tribunaux genevois; selon son argumentation, Y.________ l'avait trompée en lui dissimulant une situation financière obérée et la banque n'avait pas suffisamment contrôlé sa solvabilité avant de lui ouvrir un crédit. Elle fut déboutée par le Tribunal de première instance d'abord, le 31 mai 2001, puis par la Cour de justice, le 11 octobre 2002. Interrogé en qualité de témoin le 24 novembre 2000, Y.________ avait confirmé que le montant emprunté à la banque - hormis 50'000 fr. utilisés autrement, conformément à son accord avec X.________ - avait été investi dans une société exploitant deux restaurants à Genève; il a expliqué que cette même société avait fait faillite moins d'un an après. 
B. 
X.________ ayant déposé plainte pénale contre Y.________, celui-ci fut entendu le 4 février 2004 par le Juge d'instruction. Il déclara alors que le montant prêté par la banque A.________ avait été affecté au remboursement d'un prêt antérieur de la banque B.________. La suite de l'enquête confirma cette nouvelle version des faits. 
Le 24 janvier 2005, X.________ a déposé une plainte pénale pour faux témoignages et fausses déclarations en justice qu'elle dirigeait contre Y.________ et contre le responsable du service des crédits de la banque A.________. Parmi les pièces produites à l'appui de cette plainte, il y avait l'ordre de transférer 670'000 fr. à un compte de la banque B.________, avec l'avis de débit correspondant. La plaignante exposait aussi, avec pièces à l'appui, que Y.________ avait approché la banque A.________ dès septembre 1993 en vue d'obtenir un crédit destiné à ses restaurants. 
C. 
Devant la Cour de justice, le 23 mai 2005, X.________ a introduit une demande tendant à la révision de l'arrêt qui l'avait déboutée de son action en libération de dette, rendu le 11 octobre 2002. Elle soutenait que ce prononcé avait été influencé par un faux témoignage de Y.________, le 24 novembre 2000, par un faux témoignage du responsable du service des crédits de la banque A.________, qui avait déposé le même jour devant le Tribunal de première instance, et par de fausses déclarations de cette partie, qui avait, dans ses écritures, fait siennes les affirmations de Y.________ concernant l'affectation de la somme prêtée. 
La banque A.________ a conclu au rejet de la demande. 
Les conseils des deux parties plaidèrent la cause à l'audience du 4 octobre 2005. Immédiatement après, interpellés par la Cour, ils acquiescèrent à une mesure d'instruction tendant à l'apport des actes de la procédure pénale en cours contre Y.________. 
Par lettre du même jour, également par son conseil, la banque A.________ demanda de pouvoir d'abord prendre connaissance de cette procédure pénale à laquelle elle n'était pas partie, puis d'être autorisée à plaider ou à prendre position par écrit sur les éléments dont elle aurait nouvellement connaissance. 
Le lendemain, X.________ adressa elle aussi une lettre à la Cour de justice. Elle s'opposait à ce que son adverse partie pût prendre connaissance de la procédure pénale et elle demandait de pouvoir elle aussi prendre position par écrit. 
La Cour a statué le 18 novembre 2005 sans avoir ordonné l'apport du dossier pénal. Elle a jugé que la demande de révision était irrecevable parce que son auteur l'avait introduite plus de deux mois après qu'elle avait connu les faits invoqués à l'appui de cette même demande. De plus, ces faits étaient impropres à influencer le jugement rendu sur l'action en libération de dette; celui-ci pouvait au contraire subsister avec la même motivation. La demande de révision était donc irrecevable en raison de ce fait également. 
D. 
Agissant par la voie du recours de droit public, X.________ requiert le Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt de la Cour de justice. Invoquant les art. 9 et 29 Cst., elle se plaint d'une application arbitraire des dispositions de droit cantonal concernant la révision; elle dénonce également une violation de son droit d'être entendue par le fait que la Cour de justice n'a pas ordonné l'apport du dossier pénal. 
Invitée à répondre, la banque A.________ conclut principalement à l'irrecevabilité du recours, qu'elle tient pour insuffisamment motivé, et subsidiairement à son rejet. La Cour de justice a présenté des observations succinctes d'où il ressort qu'à l'audience du 4 octobre 2005, cette autorité s'est simplement réservée la possibilité d'ordonner l'apport du dossier pénal, pour le cas où cette mesure paraîtrait utile. 
 
Le Tribunal fédéral considère en droit: 
1. 
Le recours de droit public au Tribunal fédéral peut être exercé contre une décision cantonale pour violation des droits constitutionnels des citoyens (art. 84 al. 1 let. a OJ). En règle générale, la décision attaquée doit avoir mis fin à la procédure antérieure (art. 87 OJ) et n'être susceptible d'aucun autre recours cantonal ou fédéral apte à redresser l'inconstitutionnalité que l'on dénonce (art. 84 al. 2, 86 al. 1 OJ). Ces exigences sont satisfaites en l'espèce; en particulier, le recours en réforme au Tribunal fédéral n'est pas recevable pour violation des droits constitutionnels (art. 43 al. 1 OJ). L'exigence d'un intérêt actuel, pratique et juridiquement protégé à l'annulation de la décision attaquée (art. 88 OJ) est également satisfaite; les conditions légales concernant la forme et le délai du recours (art. 30, 89 et 90 OJ) sont aussi observées. 
Saisi d'un recours de droit public, le Tribunal fédéral n'examine que les griefs fondés sur les droits constitutionnels, invoqués et motivés de façon suffisamment détaillée dans l'acte de recours (art. 90 al. 1 let. b OJ; ATF 130 I 258 consid. 1.3 p. 261/262; 129 I 113 consid. 2.1; 128 III 50 consid. 1c p. 53). Il statue sur la base des faits constatés dans la décision attaquée, à moins que la partie recourante ne démontre que la juridiction cantonale a retenu ou, au contraire, ignoré de manière arbitraire certains faits déterminants (ATF 118 Ia 20 consid. 5a). 
2. 
Une décision est arbitraire, donc contraire à l'art. 9 Cst., lorsqu'elle viole gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou contredit d'une manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité. Le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution retenue par l'autorité cantonale de dernière instance que si sa décision apparaît insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation effective, adoptée sans motifs objectifs ou en violation d'un droit certain. En outre, il ne suffit pas que les motifs de la décision soient insoutenables; encore faut-il que celle-ci soit arbitraire dans son résultat. A cet égard, il ne suffit pas non plus qu'une solution différente de celle retenue par l'autorité cantonale puisse être tenue pour également concevable, ou apparaisse même préférable (ATF 131 I 467 consid. 3.1 p. 473/474; 129 I 8 consid. 2.1 p. 9; 128 II 259 consid. 5 p. 280/281). 
Le droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 Cst. confère à toute personne le droit de s'expliquer avant qu'une décision ne soit prise à son détriment, d'avoir accès au dossier, d'offrir des preuves quant aux faits de nature à influer sur la décision, de participer à l'administration des preuves et de se déterminer à leur propos (ATF 129 II 497 consid. 2.2 p. 504; 127 I 54 consid. 2b p. 56; 126 I 97 consid. 2b p. 102). Cette garantie inclut le droit à l'administration des preuves valablement offertes, à moins que le fait à prouver ne soit dépourvu de pertinence ou que la preuve apparaisse manifestement inapte à la révélation de la vérité. Par ailleurs, le juge est autorisé à effectuer une appréciation anticipée des preuves déjà disponibles et, s'il peut admettre de façon exempte d'arbitraire qu'une preuve supplémentaire offerte par une partie serait impropre à ébranler sa conviction, refuser d'administrer cette preuve (ATF 131 I 153 consid. 3 p. 157; 130 II 425 consid. 2.1 p. 428; 125 I 417 consid. 7b p. 430). 
3. 
Selon les art. 157 et 163 LPC gen., un jugement est susceptible de révision s'il se révèle que des pièces décisives n'ont pas pu être produites dans le procès (art. 157 let. a), que des pièces effectivement produites étaient des faux (ibidem, let. b), qu'un témoin a été condamné pour faux témoignage à raison de la déposition qu'il a faite (let. c), ou, enfin, s'il apparaît que le jugement a été obtenu « par toute autre surprise ou machination frauduleuse » (let. d). La partie qui veut provoquer la révision doit agir dans le délai de deux mois dès la découverte des pièces nouvelles, de la falsification ou de la fraude (art. 163). 
Par son argumentation, la recourante cherche à établir que la banque intimée n'a pas acquis de droit de gage sur l'immeuble concerné, ou que si elle l'a acquis, elle en est déchue, parce qu'elle a manqué à un devoir de diligence lors de l'ouverture du crédit hypothécaire, qu'elle n'a pas surveillé l'affectation du montant prêté et qu'elle se trouvait dans un conflit d'intérêts en raison du fait que Y.________ était déjà débiteur de la banque B.________, alors que depuis 1993, les deux établissements bancaires appartiennent au même groupe de sociétés. 
La Cour de justice retient que dans la mesure où la recourante détenait des éléments de preuve utiles à cette thèse, nouveaux et propres à entraîner la révision de l'arrêt du 11 octobre 2002, elle les détenait déjà le 24 janvier 2005, date du dépôt de sa deuxième plainte pénale, et que le délai de deux mois prévu par l'art. 163 LPC gen. n'a donc pas été observé. La recourante conteste ce jugement. Elle prétend n'avoir disposé que plus tard d'éléments suffisant à une demande de révision, soit le 9 mars 2005, lorsque le Juge d'instruction lui a communiqué des documents concernant le crédit accordé par la banque B.________. A son avis, par l'effet de l'art. 30 al. 1 let. a LPC gen. relatif à la suspension des délais durant quinze jours à Pâques, la demande de révision a été introduite en temps utile. 
A lire l'exposé de la recourante relatif aux documents reçus le 9 mars 2005, on ne discerne pas en quoi ils pourraient être utiles à la thèse précitée. L'intimée, hormis le transfert exécuté le 31 mars 1994, semble absolument étrangère à l'ouverture d'un crédit par la banque B.________ - en juillet 1992 - et aux opérations intervenues en rapport avec celui-ci; selon ledit exposé, seuls Y.________ et diverses autres banques ou sociétés commerciales sont impliqués. Certaines des pièces révèlent seulement que dès le 19 janvier 1996, l'intimée a garanti « d'ordre d'un de [ses] clients » le remboursement du crédit et qu'elle a honoré cette garantie au mois de juin suivant. Sur ce point, elle n'apporte aucune explication dans sa réponse au recours de droit public. Néanmoins, la recourante affirme vainement que le lot de documents reçu le 9 mars 2005 « prouve » ce qu'elle reproche à la banque A.________. Par ailleurs, il est incontestable que les autres éléments dont elle se prévaut lui étaient déjà connus le 24 janvier 2005, de sorte que la Cour de justice ne viole pas l'art. 9 Cst. en jugeant que le délai de deux mois n'a pas été observé. Il n'est pas nécessaire de contrôler, au regard de cette disposition, la motivation additionnelle de l'arrêt attaqué. 
4. 
L'art. 197 al. 3 LPC gen. autorise expressément la révocation d'un prononcé par lequel le juge ordonne une mesure probatoire telle que l'apport d'une autre procédure, si cette mesure semble dorénavant inutile (Bernard Bertossa, Louis Gaillard et al., Commentaire de la loi de procédure civile du canton de Genève du 10 avril 1987, ch. 7 et 8 ad art. 197). La recourante ne prétend pas avoir expliqué, devant la Cour de justice, en quoi les actes de la procédure pénale en cours contre Y.________ devaient prouver certains faits allégués par elle; c'est inutilement qu'elle développe un exposé, à ce sujet, seulement à l'appui du recours de droit public. L'apport de ces actes ne constituait donc pas une preuve offerte par elle selon la jurisprudence relative à la garantie constitutionnelle du droit d'être entendu; cette mesure était au contraire proposée d'office par la Cour. Enfin, la recourante s'opposait à ce que l'adverse partie fût autorisée à prendre connaissance de la procédure apportée, puis à s'exprimer, alors que cela lui était dû tant selon le droit cantonal (Bertossa/Gaillard et al., ibidem, ch. 7) qu'en vertu de cette même garantie constitutionnelle. Dans ces conditions, la Cour de justice n'a pas non plus violé l'art. 29 al. 2 Cst. en statuant sans avoir pris connaissance du dossier pénal. 
5. 
Le recours de droit public se révèle privé de fondement, ce qui entraîne son rejet. A titre de partie qui succombe, son auteur doit acquitter l'émolument judiciaire et les dépens à allouer à la partie qui obtient gain de cause. 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: 
1. 
Le recours est rejeté. 
2. 
La recourante acquittera un émolument judiciaire de 10'000 fr. 
3. 
La recourante acquittera une indemnité de 12'000 fr. à verser à l'intimée à titre de dépens. 
4. 
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la Cour de justice du canton de Genève. 
Lausanne, le 30 mars 2006 
Au nom de la Ire Cour civile 
du Tribunal fédéral suisse 
Le président: Le greffier: